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Brexit : un article de WSWS
mardi 2 avril 2019
La lutte de classe et le socialisme sont la seule réponse à la crise du Brexit
Par Chris Marsden
La perspective de quitter l’Union européenne a provoqué la crise de pouvoir la plus profonde de l’histoire de l’impérialisme britannique d’après-guerre. Mais le grand danger est que la classe ouvrière ne soit pas seulement empêchée d’intervenir dans ses propres intérêts, elle est également divisée contre elle-même et subordonnée politiquement à l’une ou l’autre des deux factions pro-capitalistes de droite.
Alors que la première ministre Theresa May a échoué à trois reprises pour obtenir un accord au parlement sur l’accord conclu avec l’UE sur les relations commerciales après le Brexit, toute discussion au sujet de remplacer May à la tête du parti conservateur est maintenant éclipsé par la spéculation sur la possibilité d’une seconde élection générale anticipée à la suite de celle tenue en 2017.
Si de nouvelles élections sont déclenchées, les conservateurs devraient les perdre au profit du parti travailliste, qui a cinq points d’avance dans les sondages et qui pourrait former un gouvernement minoritaire. Les députés conservateurs pro-Brexit et pro-UE sont unis pour s’opposer à une telle initiative, craignant qu’elle ne conduise à des revendications imparables de mettre fin à l’austérité par la classe ouvrière, malgré le but déclaré du chef du parti travailliste Jeremy Corbyn de défendre « l’intérêt national ».
Corbyn a indiqué qu’une motion de censure sera présentée cette semaine si l’accord de May est à nouveau rejeté. Cela pose franchement devant la classe ouvrière des questions critiques de perspective politique et de leadership.
La possibilité pour la classe dirigeante de résoudre son conflit interne qui fait rage n’est que grâce au refus de Corbyn d’honorer le mandat qui lui avait été confié lors des deux élections à la chefferie du parti : mettre un terme aux décennies d’austérité, de militarisme et de guerres coloniales en chassant pour commencer la droite blairiste du Parti travailliste.
Les membres de la base qui l’ont élu ont plutôt subi trois années de régression politique - y compris en ce qui concerne l’adhésion à l’OTAN, le maintien de l’utilisation des armes nucléaires et l’insistance de Corbyn pour dire que les municipalités travaillistes doivent se plier aux réductions des dépenses sociales imposées par le gouvernement conservateur - ainsi que son acquiescement à la chasse aux sorcières contre la « gauche » accusée faussement d’antisémitisme, des accusations montées de toutes pièces.
Dans l’intervalle, le chef adjoint du parti travailliste Tom Watson a clairement indiqué que les blairistes feront tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher tout défi politique lancé à l’encontre du capitalisme britannique. Il a déclaré au groupe de réflexion Prospect qu’il était prêt à collaborer avec les conservateurs pro-européens dans un gouvernement « d’union nationale » composé de plusieurs partis. Watson dirige un groupe de 80 députés travaillistes appelé « Future Britain », composé de plus d’un tiers des députés parlementaires du Parti travailliste.
De même, les syndicats ne proposent aucune alternative aux travailleurs. La secrétaire générale de la Confédération des syndicats, Frances O’Grady, et la directrice générale de la Confédération des industries britanniques, Carolyn Fairbairn, ont adressé une lettre commune à May pour déclarer que « notre pays est face à une urgence nationale », qui exige un « Plan B ».
Il y a des raisons réelles et valables pour lesquelles les travailleurs soutiennent le Brexit sans pour autant que cela reflète le racisme et le nationalisme fomentés par la faction pro-Brexit de la bourgeoisie, notamment l’hostilité envers l’imposition de l’austérité imposée par l’UE et l’espoir que le fait de quitter l’UE puisse mettre fin à la dévastation sociale imposée par les gouvernements travaillistes et conservateurs successifs. Il en va de même pour beaucoup de ceux qui soutiennent l’UE, dont l’opposition au Brexit ne signifie pas un soutien sans réserve à l’UE, mais plutôt une peur des conséquences économiques du Brexit, et de la répugnance envers l’encouragement délibéré du nationalisme et les exigences de mettre fin à l’immigration et la libre circulation des travailleurs, dont dépendent beaucoup de jeunes.
En l’absence d’alternative socialiste, même si des élections générales avaient lieu, rien ne serait résolu. Elles seraient engagées presque exclusivement pour ou contre le Brexit, en divisant la classe ouvrière et en empêchant toute lutte unie contre l’offensive en cours qui vise les emplois, les salaires et les conditions sociales. Quel que serait le parti qui l’emporterait, les divisions politiques se poursuivraient et des couches de la classe dirigeante utiliseraient la désaffection croissante de la population pour défendre un État fort et un régime autoritaire.
L’histoire nous fournit un avertissement.
Le soutien de Watson à un gouvernement national rappelle la décision prise en 1931 par le leader travailliste Ramsay MacDonald de rejoindre les conservateurs au sein d’un gouvernement national. La classe ouvrière a payé le prix de millions de chômeurs et de la sévère austérité imposée au cours des années trente de la grande misère, ainsi que l’émergence de l’Union britannique des fascistes dirigée par Oswald Mosley, un écho de l’émergence de régimes fascistes en Allemagne et Italie.
Les travailleurs paieront aujourd’hui le même prix amer pour la traîtrise combinée des deux ailes du Parti travailliste, droite et gauche.
Quelle que soit la forme que prend la lutte pour la compétitivité mondiale, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’UE, elle exige une nouvelle attaque brutale contre les moyens de subsistance des travailleurs. C’est pourquoi le plan de mobilisation nationale de 50.000 soldats britanniques en cas d’un Brexit « sans accord » est repris dans l’UE par la déclaration de l’état d’urgence et le déploiement de l’armée par le président français Macron contre les manifestations des Gilets jaunes en France.
Le SEP (Parti de l’égalité socialiste) a avancé une perspective lors du référendum de 2016 sur le Brexit, qui énonçait les intérêts des travailleurs et des jeunes non seulement en Grande-Bretagne, mais également en Europe et dans le monde, et qui propose aujourd’hui le seul moyen d’éviter le piège politique qui se résume à un choix « pour ou contre le Brexit ».
Appelant à un boycott actif du référendum, le SEP a rejeté la perspective réactionnaire du développement économique national qui était au cœur de l’agenda du Brexit, ainsi que tout soutien à l’UE. Nous avons expliqué que les camps pro-UE et les pro-Brexit représentaient des forces capitalistes de droite unies dans leur hostilité à l’égard de la classe ouvrière, qui ont pour seul différend, si oui ou non les intérêts stratégiques de l’impérialisme britannique seront mieux servis à l’intérieur ou à l’extérieur du bloc de commerce européen.
Le SEP a écrit :
« Un boycott prépare le terrain pour le développement d’une lutte politique indépendante de la classe ouvrière britannique contre ces forces. Un tel mouvement doit se développer dans le cadre d’une contre-offensive de la classe ouvrière à l’échelle du continent, qui fera apparaître le référendum comme seulement un épisode de l’aggravation de la crise existentielle de la bourgeoisie britannique et européenne. »
Le Brexit est le résultat de l’éruption d’antagonismes inter-impérialistes, qui a trouvé son expression la plus aiguë dans l’arrivée au pouvoir de Donald Trump aux États-Unis et son invocation fascisante de « l’Amérique d’abord ». C’est la manifestation la plus développée de l’effondrement de l’UE, qui fait face à une guerre commerciale rampante, au militarisme et à l’aggravation des antagonismes de classe provoqués par des niveaux sans précédent d’inégalités sociales entre une oligarchie super-riche et la masse des travailleurs.
Partout en Europe, les gouvernements réagissent à la crise croissante du capitalisme mondial en renforçant l’austérité, en attisant le nationalisme et la xénophobie anti-immigrés et en cultivant la droite fasciste. Mais la classe ouvrière commence à se rebiffer dans une vague de grèves et de manifestations sociales en Europe, en Algérie et au Soudan, au Mexique, aux États-Unis, en Chine et ailleurs dans le monde. C’est vers ce mouvement émergent de la classe ouvrière européenne et internationale que la classe ouvrière britannique doit maintenant se tourner.
La réponse à la crise du Brexit n’est pas l’unité avec l’UE, mais l’unité de classe avec les millions de travailleurs qui se battent maintenant contre les gouvernements de l’Europe. Les travailleurs doivent constituer des organisations de lutte de classe de base, indépendantes du parti travailliste et de la bureaucratie syndicale, pour faire tomber le gouvernement conservateur et former un gouvernement des travailleurs dans le cadre d’une lutte à l’échelle continentale pour les États socialistes unis d’Europe.