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La riposte des Brics contre la Fed, une guerre économique entre les nouveaux impérialismes et les anciens

jeudi 5 septembre 2013

Guerre des monnaies : les Brics préparent la riposte

L’annonce de la Fed d’un durcissement prochain de sa politique monétaire a sonné comme une menace pour les pays émergents, dont les devises, affolées, se sont effondrées cet été. Pour Daniel Gravier, les émergents ne se laisseront pas faire... Réponse au G20 ?

Le 19 juin, le Président de la Réserve Fédérale américaine (ou « Fed ») Ben Bernanke annonça à l’issue de la traditionnelle réunion du Comité de politique monétaire le ralentissement des achats massifs d’actifs de la Fed d’ici 2014. Jusqu’à présent, quelque 85 milliards de dollars étaient injectés chaque mois sous la forme de rachats d’obligations et de titres hypothécaires afin de soutenir la reprise économique américaine.

Cette annonce fit l’effet d’une bombe sur les marchés financiers et pesa fortement à la baisse sur les principaux indices boursiers mondiaux. Un petit vent de panique naquit et fut partiellement stoppé par les déclarations de différents responsables de la Fed. Mais le mal était fait.

Il est certain que ces injections massives de liquidités ne pourraient durer ad vitam aeternam mais les opérateurs boursiers en avaient fait leur principal levier d’action, légitimant en grande partie les niveaux historiques atteints par les indices mondiaux.

Conséquences mondiales

Compte tenu des bons indicateurs économiques américains enregistrés ces dernières semaines par, les marchés s’attendent à ce que le ralentissement de ce « Quantitative Easing 3 » ait lieu ce mois-ci, fin septembre. Or, les conséquences d’une telle action dépassent largement les frontières américaines et ne se cantonnent pas à de simples craintes des opérateurs boursiers, vite balayées.

L’un des impacts mondiaux les plus visibles est sans aucun doute le financement des puissances émergentes. En effet, plusieurs banques centrales de puissances émergentes viennent de dénoncer l’impact du calendrier de la Fed (rappelons que le ralentissement n’est pas encore effectif !) suite aux attaques spéculatives massives subies par leurs devises locales. Les marchés des changes (ou « NDF ») sont pointés du doigt comme instruments de terreur sur les devises émergentes.

Inde dans le rouge

Les exemples les plus parlants sont ceux de l’Inde et du Brésil. La valeur de la roupie a perdu depuis mai près d’un quart de sa valeur avec notamment, mercredi 28 août, sa plus forte baisse journalière en dix-huit ans. L’annonce de Bernanke n’est bien entendu pas la seule cause à cette spectaculaire dévaluation non-maitrisée mais elle n’y est pas étrangère.

Sur le seul mois d’août, la devise a perdu 8,1% de sa valeur, du jamais vu depuis au moins 1995 (année initiale de la collecte de ces données). Côté brésilien, le scénario ne semble pas aussi catastrophique mais la Présidente Dilma Rousseff a assuré ces derniers jours que le Brésil avait des « munitions » en réserve pour soutenir le Réal et affronter les forces spéculatives.

Le Brésil en sursis

« Vous connaissez la vieille histoire de l’argent qu’on garde sous son matelas ? Le Brésil n’en a pas mais il détient entre 378 milliards et 372 milliards de dollars de réserves de change. […] Nous avons ce qu’on peut appeler des munitions pour faire face à la situation mondiale. » assure la Présidente. La récente chute du Réal s’explique en très grande partie par les anticipations sur le futur montant de la politique de soutien de la Fed, post ralentissement.

Rien ne saurait plus agiter les marchés dans les prochaines semaines que ce dossier pour le moins explosif. Rien, si ce n’est les possibles débouchées de l’intervention occidentale en Syrie … mais c’est un autre sujet. Le Réal a vu sa valeur chuter de 15% face au dollar américain depuis mai dernier. A l’instar de l’Inde, la résurgence de l’inflation et de la possible hausse du coût du crédit accentue les craintes des investisseurs.

Une réponse collective se dessine

Ne nous y trompons pas. L’actuelle situation peut être perçue comme une réelle aubaine pour les puissances émergentes (appelées « BRICS ») si elles arrivent à coordonner leur action. Leur actuel projet de banque de développement commune semble tomber à l’eau, au même titre qu’un possible fonds de réserve de 100 milliards de dollars, longtemps évoqué.

Une réussite sur ce nouveau dossier confirmerait un retour de confiance et affirmerait d’autant plus le déplacement de pouvoir Nord-Sud. Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) avaient mentionné à l’occasion du précédent sommet du G20 à Moscou le risque majeur pour la stabilité mondiale que faisaient encourir les turbulences sur les marchés financiers internationaux.

G20 sous tension

Ce jeudi, un nouveau sommet du G20 se tiendra à Saint-Pétersbourg. L’Inde semble pour le moment occuper la place de porte-parole de l’action collective qui se dessine et ne manquera pas de le signaler lors de ce sommet. Le principal conseiller économique du ministère indien des Finances, Dipak Dasgupta vient en effet d’affirmer « Il est temps d’arrêter. Ce sera une question de jours plutôt que de semaines » avant une intervention collective.

Aucune date fixe ni aucun détail précis n’ont été avancés sur le projet qui se dessine mais à y regarder de près, plusieurs informations centrales sont déjà connues. Premier point, les actuelles tractations pour stopper les attaques spéculatives sur les devises des puissances émergentes ne se limitent pas aux BRICS. Deuxième point, la banque centrale brésilienne exclut pour le moment de faire partie d’une telle intervention collective. Troisième point, l’Inde est la partie prenante la plus belliqueuse, du moins verbalement, de ce dossier.

Réponse collective

Les marchés NDF sont principalement concentrés sur les places internationales de New-York, Londres, Hong Kong et Singapour. Ces marchés ont été le fer de lance des récentes dévaluations des devises émergentes. Les NDF permettent notamment de spéculer sur plusieurs devises asiatiques. Jusqu’à présent, la roupie semblait protégée car elle n’est que partiellement convertible. Mais sa chute spectaculaire devrait faire réagir New Delhi dans les prochaines semaines.

En juillet dernier, Duvvuri Subbarao, le gouverneur de la banque centrale indienne avait publiquement dénoncé l’existence-même de ces marchés NDF. La rancœur est vive mais compréhensible compte tenu du fort ralentissement de la croissance indienne (à son plus bas niveau de ces quatre dernières années). Tirer sur l’ambulance n’est jamais souhaitable et c’est la raison qui pousse l’Inde à lancer cette réponse collective.

L’enjeu chinois

Selon New Delhi, si quatre ou cinq des puissances émergentes récemment attaquées réunissaient leurs forces de frappe via leurs réserves de change, alors l’impact de l’action commune serait sans commune mesure. Quelques 1.200 milliards de dollars (soit 900 milliards d’euros) pourraient ainsi être réunis pour une intervention massive sur les marchés financiers.

La Chine, à mesure de son poids économique, pourrait faire toute la différence en participant à une telle réponse : les réserves totales atteindraient alors 6.000 milliards de dollars. Donc, doit-on s’attendre à des injections massives sur les marchés financiers dans les prochains jours ? Il est encore trop tôt pour le dire. Mais, confiant, Dipak Dasgupta vient de lancer à la presse indienne : « Une fois qu’ils auront décidé d’intervenir mutuellement en s’entendant sur un plancher, il n’y aura aucune force susceptible d’arrêter notre impact ».

Néanmoins, on peut aisément reprocher aux puissances émergentes de ne pas avoir la maturité politique nécessaire pour coordonner leurs forces comme ont pu le faire les grands pays développés au sein du G7. Le proche avenir dira si les BRICS auront transformé l’essai mais à ce stade, le consensus autour du projet de riposte commune ne semble toujours pas formé et un nouvel échec décrédibiliserait les parties prenantes compte tenu des récentes déclarations, pour le moins belliqueuses mais légitimes.

source

Messages

  • Selon Brzezinski, une alliance eurasienne pourrait naître d’une « coalition sino-russo-iranienne » avec Beijing pour centre :

    « Pour les stratèges chinois, face à la coalition trilatérale de l’Amérique, de l’Europe et du Japon, la riposte géopolitique la plus efficace pourrait bien être de tenter et de façonner une triple alliance qui leur soit propre, liant la Chine à l’Iran dans la région golfe Persique/Moyen-Orient et avec la Russie dans la région de l’ancienne Union soviétique. »

    Les Brics se sont opposé aux sanctions contre l’Iran et le dernier accord des USA avec l’Iran est certainement une tentative d’empêcher l’Iran d’adhérer aux BRICS. L’Iran veut faire partie du groupe des BRICS et de ses mécanismes financiers, déclarait le vice-ministre de l’Economie et des Finances de la République islamique, Behrouz Alisherí en 2013 :
    "L’Iran qui soutient le groupe des BRICS, est appelé à devenir l’un de ses membres dans le cadre de son fonds de réserve.

    Un accord pratiquement historique a été signé en janvier 2015 entre la Russie et l’Iran. L’accord intergouvernemental en question prévoit notamment l’élargissement des échanges de délégations, la coopération entre les états-majors des deux nations, la participation commune à des exercices militaires et à la formation du personnel, ainsi que l’échange d’expérience dans les activités visant l’instauration de la paix et la lutte contre le terrorisme. En effet, l’Iran partage avec la Russie et la Chine des positions communes sur le conflit syrien, en opposition totale avec les élites occidentales, qui ont parrainé et soutenu les barbares terroristes massacrant et martyrisant la population civile syrienne, et commis les pires crimes de guerre contre les représentants de l’Armée arabe syrienne. L’Iran a d’ailleurs exprimé il y a déjà un certain temps sa volonté de rejoindre les BRICS, ainsi que les mécanismes financiers de l’alliance. La nation perse est également observatrice auprès de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), dont la Russie et la Chine sont membres fondateurs avec des pays ex-membres de l’URSS d’Asie centrale (Kazakhstan, Ouzbékistan, Kirghizistan, Tadjikistan).

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