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Macron interdit la liberté de la presse concernant les ventes d’armes françaises pour massacrer le peuple du Yemen

samedi 1er juin 2019

Macron menace des journalistes qui ont révélé des ventes d’armes de guerre au Yémen de violation de la « sécurité nationale »

Par Will Morrow -WSWS

Le gouvernement Macron menace de porter des accusations avec une peine potentielle de cinq ans de prison contre des journalistes qui ont dénoncé sa fourniture secrète d’armes pour la guerre illégale de l’Arabie saoudite au Yémen. Les Saoudiens et leurs alliés ont tué des dizaines de milliers de civils au cours de cette guerre.

Le 15 avril, l’organisation journalistique Disclose a publié un document classifié de 15 pages préparé en octobre dernier par la direction de la sécurité de l’armée pour le président et les principaux ministres. Il fournissait des informations précises sur l’utilisation d’armes françaises par l’Arabie saoudite au Yémen, notamment des chars, des missiles et des systèmes de guidage laser. Le document prouve également que de nombreux responsables français, dont la ministre des Forces armées Florence Parly, ont menti à plusieurs reprises en niant que les Saoudiens ont utilisé des armes françaises dans ces crimes de guerre.

Peu après la publication du rapport, le gouvernement Macron a convoqué trois journalistes impliqués dans l’exposition pour un interrogatoire par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Il s’agissait de Geoffrey Livolsi et de Mathias Destal, cofondateur de Disclose, ainsi de Benoit Collombat de Radio France.

Le 14 mai, Disclose a twitté une déclaration relatant l’interrogatoire qui a eu lieu cet après-midi-là dans le nord-ouest de Paris, protestant contre l’attaque de l’administration Macron contre la liberté de la presse.

Selon la déclaration, le DGSI a informé les journalistes au début de leur interrogatoire que l’enquête était ouverte en vertu des lois sur le « terrorisme et les attaques contre la sécurité nationale ». « Ceci, écrit Disclose, prive les journalistes de Disclose des protections garanties par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. La police a cherché à les contraindre à identifier leur source ».

« La formulation des questions avait pour seul objectif de violer les protections fondamentales du droit de la presse au secret des sources, élément essentiel de la liberté de la presse ». Le DGSI les a interrogés sur leurs messages personnels sur Twitter et Facebook, « y compris ceux qui n’avaient aucun rapport avec le sujet de l’interview. Une autre tentative d’intimidation ».

« Avant d’exercer leur droit au silence, Mathias Destal et Geoffrey Livolsi ont donc déclaré aux enquêteurs qu’ils agissaient dans leur mission d’information du public ». Le 28 mai, Le DGSI a interrogé un troisième journaliste de Disclose, Michel Dispratz.

L’administration Macron portera probablement plainte contre les journalistes en vertu d’une loi antidémocratique extraordinaire adoptée en juillet 2009, sur la « sécurité des secrets de la défense ». Elle interdit à quiconque d’entrer en possession, de « détruire » ou de « porter à la connaissance du public » tout document jugé important par le gouvernement pour la « sécurité nationale ». Il est passible d’une peine d’emprisonnement maximale de 5 ans en cas de condamnation et d’une amende de 75.000 euros.

Les actions du gouvernement Macron s’inscrivent dans le cadre d’une campagne menée par les gouvernements capitalistes du monde entier – avec l’aide des sténographes d’État dans les grands médias corrompus – pour criminaliser l’acte d’alerter la population et détruire la liberté de la presse.

Son expression la plus vive se trouve dans la persécution du journaliste de WikiLeaks Julian Assange et de la lanceuse d’alerte, Chelsea Manning.

L’administration Trump, avec le soutien des gouvernements australien et britannique, cherche à extrader Assange du Royaume-Uni pour avoir dénoncé des crimes de guerre américains en Irak et en Afghanistan. L’administration veut le juger en vertu de la loi sur l’espionnage, pour laquelle il risque une peine de 170 ans ou la peine capitale. Dans le même temps, Manning, la source de WikiLeaks, est détenue indéfiniment en prison aux États-Unis pour outrage au tribunal, après avoir refusé de témoigner devant un grand jury ayant pour tâche de porter de nouvelles accusations frauduleuses contre Assange.

Les forces politiques et les publications, dont Le Monde en France, ont promu les calomnies utilisées pour justifier la persécution d’Assange. Donc, ils portent la responsabilité d’avoir créé l’environnement politique dans lequel Macron est en mesure de mener ces actions.

Le rapport de Disclose indique clairement que le gouvernement français a violé le droit international. Cela comprend un traité européen de 2014 sur les ventes d’armes. Le gouvernement français a vendu des armes tout en sachant qu’elles allaient être utilisées dans des crimes de guerre. Pourtant, comme dans le cas d’Assange et de Manning, ceux qui font face à des accusations criminelles ne sont pas les auteurs du crime. Ils sont des journalistes et des lanceurs d’alerte qui l’ont exposé à la population.

Livolsi a déclaré au site web Intercept le 17 mai qu’« ils veulent faire de nous un exemple parce que c’est la première fois en France qu’il y a des fuites comme celle-ci. Ils veulent effrayer les journalistes et leurs sources pour qu’ils ne dévoilent pas des secrets d’État ».

Le gouvernement Macron se sert de cette affaire pour montrer clairement qu’il n’a aucun compte à rendre à la population. Le gouvernement dit qu’il ne commentera pas le contenu des fuites, qui ont été lues par des centaines de milliers de personnes, parce qu’elles sont « classifiées ». La ministre des Forces armées, Florence Parly, a accordé une entrevue à Jean-Jacques Bourdin, animateur de BFM-TV, le 8 mai, au cours de laquelle l’échange suivant a eu lieu :

Bourdin : Florence Parly, avez-vous entre les mains le rapport de 15 pages rédigé par la direction de renseignement militaire sur la situation sécuritaire au Yémen ?

Parly : J’ai beaucoup de rapports entre les mains.

Bourdin : Avez-vous eu ce rapport entre les mains ? Oui ou non ?

Parly : C’est un rapport que j’ai eu entre les mains. Je suis destinataire de ces dossiers. J’en suis même une destinataire autorisée, contrairement à d’autres, qui se procurent ces documents, qui n’ont pas à avoir entre les mains parce que ce sont des documents classifiés.

Bourdin : Mais ce sont des journalistes qui se sont procuré ces documents.

Parly : En infraction de toutes les règles et lois de notre pays.

Bourdin : Bon, que dit cette note ?

Parly : Je n’ai pas du tout l’habitude de commenter les notes qui sont classifiées.

Bourdin : Ces journalistes, Florence Parly, ont révélé la teneur de cette note, de ce rapport confidentiel.

Parly : Je n’ai pas de commentaire à faire puisque, comme c’est classifié, on peut révéler des choses, qui ne s’y trouvent pas.

Bourdin : Ce qu’ils ont révélé n’est pas vraiment dans la note ?

Parly : Je n’ai rien à dire. J’ai dit que lorsqu’on divulgue des documents classifies, on s’expose à des sanctions, et que ce n’est pas le ministre des armées, que je suis, qui va commenter en affirmant ou confirmant ce qui se trouve dans cette note.

Parly a pris la parole devant l’Assemblée nationale le 7 mai, lors d’une audience de la commission des services armés et de la défense nationale. Non seulement elle a défendu les ventes d’armes à l’Arabie saoudite, mais aussi a déclaré que l’État français devait en général pouvoir vendre des armes aux pays qui commettent des crimes de guerre.

« Une fois la guerre déclenchée, quand nos partenaires utilisent la force d’une manière qui ne nous paraît pas compatible avec le droit international humanitaire, nous ne manquons pas de le leur dire. Devrions-nous pour autant cesser toute vente d’armement à ces pays et interrompre le service des équipements déjà fournis ? Je crois plutôt que dans cette situation, il nous faut exercer notre discernement ».

Elle a ajouté : « Par ailleurs, ce serait porter un coup sérieux à la réputation de la France auprès de ses clients, en donnant l’impression qu’elle peut lâcher ses partenaires en cours de route si elle désapprouve telle ou telle de leurs actions. Enfin, ce serait fragiliser tout un écosystème industriel et technologique dans notre pays, qui dépend de nos contrats à l’exportation ».

Ces remarques mettent en lumière les véritables considérations qui sous-tendent la persécution des journalistes de Disclose par le gouvernement Macron. L’impérialisme français a participé à de nombreuses guerres néocoloniales illégales au cours des 25 dernières années, dont le viol de la Libye en 2011. La classe dirigeante française se prépare à des guerres qui impliqueraient des crimes d’une ampleur jamais vue au cours de la génération actuelle. Elle sait aussi que la classe ouvrière s’oppose massivement au militarisme et à la guerre. Elle s’oppose également aux inégalités sociales et à la pauvreté, ce qui s’est traduit par les protestations massives des six derniers mois par les gilets jaunes. Elle est donc en train de construire un État policier pour réprimer toute opposition.

Macron s’apprête à poursuivre en justice les journalistes qui ont révélé des ventes d’armes françaises dans la guerre au Yémen

Par Will Morrow -WSWS

Le gouvernement d’Emmanuel Macron lance une attaque de grande envergure contre les droits démocratiques et la liberté d’expression. Il s’apprête à poursuivre en justice les journalistes qui ont dénoncé la complicité de la France dans la guerre illégale de l’Arabie saoudite au Yémen. De surcroît, le gouvernement Macron cherche toujours à dissimuler l’affaire.

L’action du gouvernement fait suite à la publication d’un rapportage le 15 avril dernier par l’organisation journalistique Disclose, en partenariat avec The Intercept, Radio France, Mediapart, Arte Info et Konbini. Le reportage comprend un document de renseignement interne adressé au président et aux principaux ministres en septembre de l’année dernière avec des informations précises sur l’utilisation des armes françaises au Yémen. Cela prouve que les affirmations du gouvernement Macron selon lesquelles il n’avait aucune preuve que des armes françaises avaient été utilisées pendant la guerre, qui ont tué des dizaines de milliers de civils, étaient des mensonges.

Mercredi en fin d’après-midi, Disclose et ses partenaires ont publié une déclaration conjointe qui indique qu’hier le gouvernement a convoqué les cofondateurs de Disclose. Geoffrey Livolsi et Mathias Destal, ainsi que Benoit Collombat de Radio France, ont reçu des demandes de se présenter devant la police pour être interrogés au sujet des révélations.

« Nous avons pris connaissance qu’une enquête préliminaire pour "compromission de secrets de la défense nationale" a été ouverte par le Parquet de Paris », déclare-t-il. La Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI — l’agence nationale de renseignement de l’intérieur) mène l’enquête.

Condamnant l’agression du gouvernement Macron contre une presse libre, la déclaration de Disclose note : « Les documents confidentiels révélés par Disclose et ses partenaires présentent un intérêt public majeur. Celui de porter à la connaissance des citoyens et de leurs représentants ce que le gouvernement a voulu dissimuler. Ils sensibilisent les citoyens et leurs représentants à ce que le gouvernement a cherché à dissimuler. À savoir des informations indispensables à la conduite d’un débat équilibré sur les contrats d’armement qui lient la France aux pays accusés de crimes de guerre. »

« Cette procédure contre des journalistes n’a d’autre objectif que de connaître leurs sources. En effet, cette convocation de la DGSI donne toute latitude éventuelle pour rechercher l’auteur principal du délit dont nous serions le receleur : les personnes ayant permis la divulgation d’informations d’intérêt public. »

« Soyons clair. Cette enquête de police est une atteinte à la liberté de la presse, qui suppose le secret des sources d’information des journalistes. Une atteinte d’autant plus grave que le pouvoir exécutif profit du "secret défense" pour étendre abusivement la notion de sauvegarde des intérêts de la nation à la question des transactions commerciales avec les pays en guerre... »

« À la question : "Les français ont-ils le droit d’être informés sut l’usage qui est fait des armes vendues à des pays accusés de crimes de guerre ?", le gouvernement a donc choisi de répondre par des menaces. »

Une déclaration signée par 36 organes de presse française a condamné les actions du gouvernement, dont Le Monde et l’AFP. elle affirme que « les secrets de défense ne peuvent être opposés au droit à l’information qui est indispensable à un débat public digne, ou servir d’épée de Damoclès pour dissuader les journalistes d’enquêter et de publier. »

Le rapport de renseignements confidentiel qui a fait l’objet d’une fuite à Disclose s’intitule : « Yémen : Situation en matière de sécurité ». Emmanuel Macron a reçu un exemplaire de ce document pour une réunion du Conseil de défense du 3 octobre 2018, dont assistait également le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, et la ministre des armées, Florence Parly. »

Il fournit des informations détaillées sur l’emplacement des armes utilisées au Yémen. Il confirme que les pièces d’artillerie, des obusiers CAESAR, fournies par les Français étaient stationnées le long de la frontière entre le Yémen et l’Arabie saoudite. Leurs tourelles font face à des villes et villages habités par des centaines de milliers de personnes. Disclose déclare que les images satellites confirment que la coalition saoudienne a utilisé les pièces d’artillerie dans leurs offensives. Disclose déclare aussi que la coalition a également utilisé des chars français et des systèmes français de missiles guidés par laser pour bombardiers dans ces offensives.

Depuis 2014, la coalition dirigée par la monarchie saoudienne a mené la guerre contre le Yémen, l’un des pays les plus pauvres du monde. Les Administrations Obama et Trump, ainsi que des puissances impérialistes européennes, dont la Grande-Bretagne et la France, ont toutes aidé cette coalition. La coalition a tué des dizaines de milliers de civils. Jusqu’à 14 millions de personnes, soit la moitié de la population, font face à la famine. Cela en raison de la stratégie de la monarchie saoudienne qui consiste à bloquer les ports yéménites pour arrêter l’approvisionnement en nourriture et en aide humanitaire.

Le rapport indique clairement que les actions de la France sont contraires au droit international. Notamment ils sont en conflit avec le traité européen de 2014 sur le commerce des armes. Celui-ci interdit les ventes d’armes lorsque le pays « sait au moment de l’autorisation que les armes ou les objets seront utilisés dans la commission » de crimes de guerre. Cela suggère fortement que les hauts fonctionnaires de l’Administration Macron ont violé le droit européen.

Alors que le gouvernement a refusé de répondre aux révélations, la ministre des Armées, Parly, a tenté d’en minimiser l’importance la semaine dernière. Elle a déclaré à Radio classique le 18 avril que « à ma connaissance, on n’utilise pas ces armes de manière offensive dans cette guerre au Yémen [...] En tout cas, je ne possède aucune preuve qui permet de dire que les armes françaises soient la source des victimes civiles. »

Ces paroles équivoques doivent être rejetées avec le mépris qu’elles méritent, comme le montre clairement l’examen du bilan objectif. Le 20 janvier, deux mois après que le gouvernement Macron eut reçu le rapport confidentiel, Parly a dit à la radio France Inter qu’elle n’avait pas « connaissance du fait que des armes [françaises] soient directement utilisées dans le conflit », et a ajouté que « nous n’avons récemment vendu aucune arme qui puisse être utilisée dans le conflit. »

Dans la foulée des révélations de Disclose, cette histoire a tout simplement été adaptée. Dans le même temps, selon l’AFP, citant une source juridique anonyme, le gouvernement avait découvert la fuite du rapport en décembre dernier, et ordonné une enquête interne le 13 décembre, tout en maintenant ses mensonges. Pourtant, le 18 avril, Parly ajoutait grotesquement que « tous nos efforts [...] sont orientés pour essayer d’arrêter ce conflit et de lui trouver une solution politique », tout en dénonçant ce qu’elle appelait « une guerre sale ».

Le gouvernement Macron réagit à la révélation de sa propre complicité dans les crimes de guerre en cherchant à poursuivre ceux qui ont mis ces informations à la disposition de la classe ouvrière française et internationale. Ses actions s’inscrivent dans le piétinement des droits démocratiques et se tournent vers des formes autoritaires de gouvernement de l’élite capitaliste dans les pays européens et internationaux.

Ceci trouve son expression la plus nette dans la persécution de WikiLeaks et de son rédacteur en chef Julian Assange et Chelsea Manning. Leur seul « crime » consiste en leurs actions courageuses en exposant des preuves documentaires des crimes de guerre américains en Irak et en Afghanistan, et les activités criminelles d’autres gouvernements capitalistes. Grâce à une conspiration des gouvernements de l’Australie, de la Grande-Bretagne, des États-Unis et de l’Équateur, Assange est maintenant en prison, menacé d’une restitution extraordinaire illégale aux États-Unis. Là-bas les tortionnaires et les criminels de guerre qu’il a exposés cherchent à le mettre en prison à vie, ou pire. Manning reste derrière les barreaux aux États-Unis après avoir refusé de témoigner devant un grand jury établi afin de porter d’autres accusations frauduleuses contre l’éditeur de WikiLeaks.

Les actions du gouvernement Macron confirment les avertissements émis par le World Socialist Web Site : la persécution d’Assange et Manning vise à créer un précédent. À savoir : la criminalisation du journalisme et la poursuite de ceux qui mettent en lumière les crimes gouvernementaux. Toutes les puissances européennes soutiennent la restitution d’Assange aux États-Unis, parce qu’elles aussi ont peur de l’opposition sociale croissante à leurs propres régimes au sein de la classe ouvrière. Comme les États-Unis, ils aussi vont utiliser les mêmes méthodes policières pour réprimer l’opposition.

Le WSWS utilisent cette année leur rassemblement annuel en ligne du 4 mai pour construire l’opposition à la persécution de Manning et Assange, et relier la lutte pour leur défense à la construction d’un mouvement socialiste international de la classe ouvrière contre la guerre, les inégalités, la croissance de l’extrême droite et le système capitaliste. Les lecteurs qui veulent se battre pour la défense des droits démocratiques et s’opposer à la guerre impérialiste peuvent s’inscrire au rassemblement dès aujourd’hui.

Des documents fuités impliquent le gouvernement français dans les crimes de guerre commis au Yémen

Par Kumaran Ira - WSWS

Disclose, un site Internet d’investigation indépendant, a publié le 15 avril un article dévastateur révélant le rôle de la France dans les crimes de guerre perpétrés par la coalition saoudienne au Yémen. Celle-ci a massacré des milliers de civils lors d’opérations utilisant des armes fournies par la France, la Grande-Bretagne, les États-Unis et d’autres pays.

Mais les hauts responsables français ont continué de le nier en public, mentant de façon éhontée bien que contredits par les briefings donnés par les renseignements.

Mercredi, Disclose et ses partenaires, entre autre Radio France, Mediapart, Arte Info et Konbini, ont révélé que l’État s’apprêtait à poursuivre en justice ceux qui ont contribué à révéler ces crimes. La police a convoqué deux journalistes de Disclose et un journaliste de Radio France pour les interroger sur ces révélations.

L’article de Disclose cite un rapport classé de 15 pages du renseignement militaire français (DRM), daté du 25 septembre 2018. Ce rapport fournit des preuves accablantes de ce qu’on a utilisé contre des civils de l’artillerie, des chars et des systèmes de missiles guidés par laser de fabrication française dans une guerre qui a produit la pire zone de catastrophe humanitaire dans le monde.

Le rapport du DRM, intitulé « Yémen : situation sécuritaire », a été remis au président Emmanuel Macron pour une réunion du Conseil de défense à l’Élysée le 3 octobre 2018. Il traite des armes françaises vendues à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis (E.A.U), tous deux impliqués dans la guerre du Yémen et montre jusqu’au positionnement des armes de fabrication française à la frontière entre l’Arabie Saoudite et le Yémen. Le ministre des Affaires étrangères et la ministre des Armées de Macron, Jean-Yves Le Drian et Florence Parly, étaient tous deux présents au briefing de l’Élysée.

Le rapport de la DRM déclare que les Saoudiens et les E.A.U ont déployé des obusiers Caesar, l’une des armes les plus puissantes fabriquées par l’entreprise publique française Nexter Systems, le long de la frontière avec le Yémen. Cet obusier peut tirer six obus par minute jusqu’à 42 kilomètres. Le rapport de la DRM comprend une carte intitulée « Population sous la menace des bombes ». Selon Disclose, elle montre où « 48 canons Caesar saoudiens pointent leur bouche sur trois zones du Yémen parsemées de villages, de fermes, de villes et de hameaux paysans. »

Le rapport de la DRM indique aussi qu’on utilise les CAESAR probablement pour « appu[yer] les troupes loyalistes et les forces armées saoudiennes dans leur progression en territoire yéménite ». Autrement dit, on utilise des canons de fabrication française pour bombarder le territoire yéménite afin de préparer une invasion saoudienne.

L’artillerie lourde Caesar bombarde des zones du Yémen habitées par des centaines de milliers de personnes, selon la DRM. La « population concernée par de possibles frappes d’artillerie [est de] 436 370 personnes » dit le rapport.

Fondé sur les données de l’ONG Armed Conflict Location & Event Data Project – ACLED (Projet de location des conflits armés et des données d’événements) Disclose écrit : « Entre mars 2016 et décembre 2018, 35 civils sont morts au cours de 52 bombardements localisés dans le champ d’action de ces canons. Le 14 juin 2018 un tir d’artillerie saoudien tue deux enfants et blesse plusieurs adultes dans le nord du Yémen. »

Pleinement conscient du nombre croissant de victimes des attaques aveugles de la coalition dirigée par les Saoudiens, Paris a continué à vendre des Caesar à Riyad. L’article dit : « Pas moins de 129 canons caesar devraient être expédiés vers le royaume saoudien d’ici à 2023 ». À l’aide d’images satellites et d’informations « open source », Disclose a tracé l’itinéraire d’une de ces livraisons depuis Le Havre jusqu’au port saoudien de Djeddah en septembre 2018.

Disclose écrit encore que des images satellites, des vidéos et des photographies civiles montrent que la coalition a utilisé des chars Leclerc français dans ses offensives, qui comprenaient la bataille de novembre 2018 pour le port de Hodeïda tenu par les rebelles. Selon l’ACLED, ils sont responsables de 55 morts civiles. Des Mirages 2000-9 de fabrication française, des hélicoptères de transport Cougar, l’avion A330 MRTT de ravitaillement en vol et deux navires de guerre de construction française ont également participé à l’offensive.

Le rapport de la DRM indique également que Paris a conclu un nouveau marché d’armes avec Riyad, baptisé ARTIS, à la fin de l’année dernière. Cela fait des dénégations officielles qu’un tel accord était en discussion, autant de mensonges.

Le 30 octobre 2018, Parly déclarait à la chaîne d’information BFM-TV : « Nous n’avons pas de négociations en cours avec l’Arabie Saoudite ».

Le contenu du rapport de la DRM révèle que cette affirmation était un mensonge. Disclose fait remarquer : « À cette date, le gouvernement discutait pourtant les derniers détails avec l’Arabie saoudite de ce contrat qui court jusqu’en 2023 ». Dans le cadre du contrat ARTIS, la France livrera de 2019 à 2024 du matériel comme des véhicules blindés transport de troupes Titus, l’un des tout derniers produits de Nexter, et des canons tractés 105LG.

La signature du contrat ARTIS nécessite l’approbation du gouvernement Macron. « Avant de signer un contrat comme ARTIS, Nexter a dû obtenir une licence d’exportation délivrée par la Direction générale de l’armement (DGA), un service du ministère des Armées. Puis, l’accord d’une commission spéciale rattachée à Matignon, le CIEEMG », écrit Disclose.

Dans sa décision, le CIEEMG est censé avoir tenu compte de « la situation intérieure du pays de destination finale [des armes] et de ses pratiques en matière de respect des droits de l’Homme ».

La propagande de la bourgeoisie française en faveur des droits de l’homme est une couverture politique mensongère pour une politique de guerre et d’enrichissement des entreprises françaises de défense par les massacres et la terreur.

Depuis que la coalition dirigée par les Saoudiens est intervenue en 2015 dans la guerre civile au Yémen pour combattre les rebelles chiites, les Houthis, que les Saoudiens accusent d’avoir des liens avec l’Iran, l’Arabie saoudite a imposé des sanctions et un blocus au Yémen, qui ont provoqué la pire crise humanitaire dans le monde. Près de 14 millions de personnes sont au bord de la famine, le blocus de la mer Rouge arrêtant les approvisionnements en nourriture, carburant et médicaments destinés à plus de 20 millions de Yéménites.

La coalition lance sans répit, depuis le début de la guerre, des attaques aériennes contre le Yémen. Selon la DRM, elle a mené 24.000 frappes aériennes depuis 2015, dont 6.000 en 2018. Ces attaques ont causé la mort d’au moins 8.000 civils.

La France a nié tout rôle dans ces bombardements. Le 13 février, devant la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, insistait encore : « Nous ne fournissons rien à l’armée de l’air saoudienne ».

Le rapport de la DRM indique que les chasseurs-bombardiers saoudiens sont équipés du système de guidage laser Damoclès de la société française de défense Thales et fait de son commentaire un mensonge.

Parly a publiquement prétendu que le gouvernement français voulait mettre fin au blocus de la mer Rouge. Le 30 octobre 2018, elle a déclaré à BFM-TV : « C’est la priorité de la France que l’aide humanitaire puisse passer ».

Cela était un autre mensonge, car Parly avait reçu la preuve que des navires de guerre de fabrication française participaient au blocus naval qui affame des millions de Yéménites et au bombardement de la côte yéménite.

Outre servir ses intérêts géostratégiques, les ventes d’armes de l’impérialisme français sont avant tout dirigés contre la classe ouvrière. Alors même qu’elle arme clandestinement le royaume saoudien, Paris fournit ouvertement des milliards d’euros d’armes à la sanguinaire dictature militaire égyptienne qui s’est emparé du pouvoir en 2013 par un coup d’État visant les luttes révolutionnaires de la classe ouvrière et abattant des milliers de personnes dans les rues. Macron lui-même a personnellement rendu visite au président égyptien al-Sissi le mois dernier.

Cela implique le régime Macron dans la répression des travailleurs égyptiens qui se fait par meurtre et la torture de dizaines de milliers de prisonniers politiques. Dans un rapport récent, Amnesty International déclarait que les forces de sécurité égyptiennes avaient utilisé « des véhicules blindés de transport de troupes fournis par la France... avec des conséquences meurtrières … lors de plusieurs opérations violentes pour disperser des manifestations et écraser l’opposition ».

Alors qu’il procède à des arrestations massives et sans précédent de manifestants gilets-jaunes en France même, le gouvernement Macron cherche désespérément à cacher sa criminalité politique au public. Il continue de mentir à la population au sujet de sa propre participation aux crimes de guerre au Yémen.

« A ma connaissance, ces armes ne sont pas utilisées de façon offensive dans cette guerre au Yémen », a déclaré Parly à Radio Classique, la semaine dernière, en réponse aux révélations de Disclose. Elle prétendit éhontément n’avoir « pas d’éléments de preuve permettant de dire ça, que des armes françaises sont à l’origine de victimes civiles au Yémen ».

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