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Les lois économiques obéissent à des contradictions dialectiques

lundi 10 septembre 2007, par Robert Paris

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Contribution au débat sur la philosophie dialectique
du mode de formation et de transformation
de la matière, de la vie, de l’homme et de la société

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"La méthode de Marx est dialectique, parce qu’elle considère la nature et la société dans leur évolution, et l’évolution elle-même comme la lutte incessante de forces antagonistes."

Léon Trotsky dans "Le marxisme et notre époque"

Dans « Le Capital », tome 1, Karl Marx dit : « Dans l’agriculture moderne, de même que dans l’industrie des villes, l’accroissement de productivité et le rendement supérieur du travail s’achètent au prix de la destruction et du tarissement de la force de travail. En outre chaque progrès de l’agriculture capitaliste est un progrès non seulement dans l’art d’exploiter le travailleur, mais encore dans l’art de dépouiller le sol. ; chaque progrès dans l’art d’accroître sa fertilité pour un temps, un progrès dans la ruine de ses ressources durables de fertilité… La production capitaliste ne développe donc la technique et la combinaison du procès de production sociale qu’en épuisant en même temps les deux sources d’où jaillit toute richesse : la terre et le travailleur. »

Riazanov, dans « Karl Marx, homme penseur et révolutionnaire », cite un manuscrit de Marx : « L’humanité acquiert la maîtrise de la nature, mais, en même temps, l’homme devient l’esclave des hommes et de sa propre infamie. La pure lumière de la science elle-même semble avoir besoin, pour resplendir, du contraste de l’ignorance. Toutes nos découvertes et tout notre progrès ont pour résultat, semble-t-il, de doter les forces matérielles d’une vie intelligente et de ravaler l’homme au niveau d’une simple force matérielle. »

DOCUMENTS

Léon Trotsky
Dans « Le Marxisme et notre époque »
18 avril 1939

« Ce livre d’Otto Rühle expose, avec les mots mêmes de Marx, les fondements de sa doctrine économique. En somme, personne n’a encore pu exposer la théorie de la valeur-travail mieux que Marx lui-même.
Certains arguments de Marx, particulièrement dans le premier chapitre, le plus difficile, peuvent paraître au lecteur non initié beaucoup trop discursifs, oiseux ou métaphysiques En réalité, cette impression tient au fait que l’on n’a pas l’habitude de considérer scientifiquement des phénomènes très familiers. La marchandise est devenue un élément si universellement répandu, si familier, de notre existence quotidienne, que nous n’essayons même pas de nous demander pourquoi les hommes se séparent d’objets de première importance, nécessaires à l’entretien de la vie, pour les échanger contre de petits disques d’or ou d’argent qui n’ont par eux-mêmes d’utilité sur aucun continent. La marchandise n’est pas le seul exemple d’une telle attitude. Toutes les catégories de l’économie marchande sont acceptées sans analyse, comme allant de soi, comme si elles constituaient la base naturelle des rapports entre les hommes. Cependant, tandis que les réalités du processus économique sont le travail humain, les matières premières, les outils, les machines, la division du travail, la nécessité de distribuer les produits manufacturés entre tous ceux qui participent au processus de la production, etc..., des catégories telles que la marchandise, la monnaie, les salaires, le capital, le profit, l’impôt, etc..., ne sont, dans la tête de la plupart des hommes, que les reflets à moitié mystiques des différents aspects d’un processus économique qu’ils ne comprennent pas, et qui échappe à leur contrôle. Pour les déchiffrer, une analyse scientifique est indispensable.
Aux États-Unis, où un homme qui possède un million est considéré comme « valant » un million, les concepts de l’économie de marché sont tombés plus bas que n’importe où ailleurs. Jusque tout récemment, les Américains n’accordaient que très peu d’attention à la nature des rapports économiques. Dans le pays du système économique le plus puissant, les théories économiques restaient extrêmement pauvres. Il a fallu la profonde crise récente de l’économie américaine pour mettre brutalement l’opinion publique en face des problèmes fondamentaux de la société capitaliste. Quoi qu’il en soit, celui qui n’a pas perdu l’habitude d’accepter passivement, sans esprit critique, les reflets idéologiques du développement économique, celui qui n’a pas pénétré, à la suite de Marx, la nature essentielle de la marchandise en tant que cellule fondamentale de l’organisme capitaliste, celui-là restera toujours incapable de comprendre scientifiquement les plus importants phénomènes de notre époque.
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La méthode de Marx

Ayant défini la science comme la connaissance des lois objectives de la nature, l’homme s’est efforcé avec obstination de se soustraire lui-même à la science, se réservant des privilèges spéciaux, sous forme de prétendus rapports avec des forces supra-sensibles (religion), ou avec des préceptes moraux éternels (idéalisme). Marx a définitivement privé l’homme de ces odieux privilèges, en le considérant comme un chaînon du processus d’évolution de la nature matérielle ; en considérant la société humaine comme l’organisation de la production et de la distribution ; en considérant le capitalisme comme un stade du développement de la société humaine.
Le but de Marx n’était pas de découvrir les "lois éternelles" de l’économie. Il niait l’existence de telles lois. L’histoire du développement de la société humaine est l’histoire de la succession de différents systèmes économiques, qui ont chacun leurs lois propres. Le passage d’un système à un autre a toujours été déterminé par la croissance des forces productives, c’est-à-dire de la technique et de l’organisation du travail. Jusqu’à un certain point, les changements sociaux ont seulement un caractère quantitatif, et n’altèrent pas les fondements de la société, c’est-à-dire les formes dominantes de la propriété. Mais il arrive un moment où les forces productives accrues ne peuvent plus rester enfermées dans les vieilles formes de propriété ; alors survient dans l’ordre social un changement, accompagné de secousses. A la commune primitive succéda ou s’ajouta l’esclavage ; l’esclavage fut remplacé par le servage, avec sa superstructure féodale ; au 16e siècle, le développement commercial des villes en Europe entraîna l’avènement du régime capitaliste, qui, depuis lors, est passé par différentes étapes. Dans son Capital, Marx n’étudie pas l’économie en général, mais l’économie capitaliste, avec ses lois spécifiques. Des autres systèmes économiques, il ne parle qu’incidemment, et seulement pour mettre en lumière les caractéristiques propres du capitalisme.
L’économie de la famille paysanne primitive, qui se suffisait à elle-même, n’a pas besoin d’une "économie politique" car elle est dominée, d’un côté par les forces de la nature, de l’autre par les forces de la tradition. L’économie naturelle des Grecs et des Romains, économie fermée reposant sur le travail des esclaves, était régie par la volonté du propriétaire d’esclaves, dont le « plan » était directement déterminé par les lois de la nature et la routine. On pourrait dire la même chose du régime médiéval, avec ses paysans serfs. Dans tous ces cas, les rapports économiques étaient clairs et transparents, à l’état brut pour ainsi dire. Mais le cas de la société contemporaine est tout à fait différent. Elle a détruit les vieux rapports de l’économie fermée, et les modes de travail du passé. Les nouveaux rapports économiques unissent les villes et les villages, les provinces et les nations. La division du travail a embrassé toute la planète. La tradition et la routine une fois brisées, ces liens ne se sont pas formés selon un plan déterminé, mais bien en dehors de la conscience et de la prévision de l’homme. L’interdépendance des hommes, des groupes, des classes, des nations, qui résulte de la division du travail, n’est dirigée par personne. Les hommes travaillent les uns pour les autres sans se connaître, sans se soucier des besoins les uns des autres, avec l’espoir et même avec la certitude que leurs rapports se régulariseront d’eux-mêmes d’une manière ou d’une autre. Et, en somme, c’est ce qui se produit ; ou plutôt, c’est ce qui se produisait habituellement autrefois.
Il est absolument impossible de chercher les causes des phénomènes de la société capitaliste dans la conscience subjective, dans les intentions ou les plans de ses membres. Les phénomènes objectifs du capitalisme ont été constatés avant que la science ne se soit appliquée à les étudier sérieusement. Jusqu’à ce jour, la grande majorité des hommes ne connaissent rien des lois qui régissent la société capitaliste. La grande force de la méthode de Marx fut d’aborder les phénomènes économiques, non du point de vue subjectif de certaines personnes, mais du point de vue objectif du développement de la société prise en bloc, exactement comme un naturaliste aborde une ruche ou une fourmilière.
Pour la science économique, ce qui a une importance décisive, c’est ce que les gens font et la manière dont ils le font, et non ce qu’ils pensent eux-mêmes de leurs actions. La base de la société, ce n’est pas la religion ni la morale, ce sont les ressources naturelles et le travail. La méthode de Marx est matérialiste, parce qu’elle va de l’existence à la conscience, et non inversement. La méthode de Marx est dialectique, parce qu’elle considère la nature et la société dans leur évolution, et l’évolution elle-même comme la lutte incessante de forces antagonistes.
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Le marxisme et la science officielle

Marx a eu ses précurseurs. L’économie politique classique – Adam Smith, David Ricardo – atteignit son apogée avant que le capitalisme ne fût parvenu à maturité, avant qu’il ne commençât à craindre le lendemain. Marx a payé à ces deux grands classiques son tribut de profonde gratitude. Néanmoins, l’erreur fondamentale de l’économie classique était de considérer le capitalisme comme la forme d’existence de l’humanité à toutes les époques, alors qu’il n’est qu’une étape historique dans le développement de la société. Marx commença par critiquer cette économie politique, il en exposa les erreurs, en même temps que les contradictions du capitalisme lui-même, et il démontra l’inéluctabilité de l’effondrement de ce régime. La science peut trouver son accomplissement, non dans le cabinet hermétiquement clos du savant, mais seulement dans la société des hommes "en chair et en os". Tous les intérêts, toutes les passions qui déchirent la société exercent leur influence sur le développement de la science, surtout de l’économie politique, qui est la science de la richesse et de la pauvreté. La lutte des ouvriers contre la bourgeoisie oblige les théoriciens bourgeois à tourner le dos à l’analyse scientifique du système d’exploitation, et à se borner à la simple description des faits économiques, à l’étude du passé économique et, ce qui est infiniment pire, à une véritable falsification de la réalité à seule fin de justifier le régime capitaliste. La doctrine économique qui est enseignée aujourd’hui dans les institutions officielles et prêchée dans la presse bourgeoise nous offre une importante documentation sur le travail, mais elle est complètement incapable de saisir le processus économique dans son ensemble et de découvrir ses lois et ses perspectives, et n’a d’ailleurs pas envie de le faire. L’économie politique officielle est morte.
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La loi de la valeur-travail

Dans la société contemporaine, le lien fondamental entre les hommes est l’échange. Tout produit du travail qui entre dans le processus de l’échange devient une marchandise. Marx commença ses recherches par la marchandise, et, de cette cellule fondamentale de la société capitaliste, il déduisit les rapports sociaux qui se sont formés objectivement sur la base de l’échange, indépendamment de la volonté des hommes. Cette méthode est la seule qui permette de résoudre le problème fondamental : comment, dans la société capitaliste où chacun pense pour soi-même et où personne ne pense pour tous, s’établissent des rapports déterminés entre les différentes branches de l’économie indispensables à la vie ?
Le travailleur vend sa force de travail, le fermier apporte ses produits au marché, le banquier accorde des prêts, le commerçant offre son assortiment de marchandises, l’industriel bâtit une usine, le spéculateur achète et vend des stocks et des actions, chacun d’entre eux ayant ses propres considérations, son propre plan, ses propres intérêts en ce qui concerne les salaires ou le profit. Néanmoins, tout ce chaos d’efforts et d’actions individuelles engendre un ensemble économique qui, tout en n’étant pas harmonieux, permet cependant à la société, non seulement d’exister, mais encore de se développer. Cela signifie qu’au fond ce chaos n’est d’aucune façon un chaos, que, d’une certaine manière, il est soumis à une régulation automatique et inconsciente. Comprendre le mécanisme qui instaure entre les différents aspects de l’économie un équilibre relatif, c’est découvrir les lois objectives du capitalisme.
Les lois qui gouvernent les différentes sphères de l’économie capitaliste – les salaires, les prix, la rente foncière, le profit, l’intérêt, le crédit, la Bourse – ces lois sont nombreuses et complexes. Cela est manifeste. Mais, en dernier ressort, elles se ramènent à une loi unique, découverte par Marx, et qu’il a explorée à fond : la loi de la valeur-travail, qui est le régulateur fondamental de l’économie capitaliste. L’essence de cette loi est simple. La société dispose d’une certaine réserve de force de travail vivante. Appliquée à la nature, cette force produit les objets nécessaires à la satisfaction des besoins de l’humanité. Par suite de la division du travail entre des producteurs indépendants, ces objets prennent la forme de marchandises. Les marchandises s’échangent à un taux donné, d’abord directement, plus tard au moyen d’un intermédiaire : l’or ou la monnaie. La propriété essentielle des marchandises, propriété qui les rend, suivant un certain rapport, comparables entre elles, est le travail humain dépensé pour les produire – le travail abstrait, le travail en général – base et mesure de la valeur. Si la division du travail entre des millions de producteurs n’entraîne pas la désagrégation de la société, c’est que les marchandises sont échangées selon le temps de travail socialement nécessaire pour leur production. En acceptant ou en rejetant les marchandises, le marché, arène de l’échange, décide si elles contiennent ou ne contiennent pas de travail socialement nécessaire, détermine ainsi les quantités des différentes espèces de marchandises nécessaires à la société, et, par conséquent, aussi la distribution de la force de travail entre les différentes branches de la production.
Les processus réels du marché sont infiniment plus complexes que nous n’avons pu l’exposer en quelques lignes. Ainsi, les prix, en oscillant autour de la valeur-travail, sont tantôt en dessous, tantôt au-dessus de la valeur. Les causes de ces variations sont expliquées en long et en large dans le troisième livre du Capital, livre dans lequel Marx analyse "Le procès d’ensemble de la production capitaliste". Néanmoins, quelque considérables que puissent être les écarts entre le prix et la valeur des marchandises dans des cas particuliers, la somme de tous les prix est égale à la somme de toutes les valeurs des marchandises créées par le travail humain et figurant sur le marché, et les prix ne peuvent pas franchir cette limite, même si l’on tient compte des "prix de monopole" des trusts ; là où le travail n’a pas créé de nouvelle valeur, Rockfeller lui-même ne peut rien tirer.
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L’inégalité et l’exploitation

Mais si les marchandises sont échangées selon la quantité de travail qu’elles contiennent, comment l’inégalité peut-elle résulter de l’égalité ? Marx a résolu cette énigme en exposant la nature particulière d’une des marchandises, qui est la base de toutes les autres marchandises : la force de travail. Le propriétaire des moyens de production, le capitaliste, achète la force de travail. Comme toutes les autres marchandises, celle-ci est évaluée selon la quantité de travail qu’elle renferme, c’est-à-dire selon la quantité de travail nécessaire à la production des moyens de subsistance qui sont indispensables à l’entretien et à la reproduction de la force de travail. Mais la consommation de cette marchandise – de la force de travail – c’est le travail, c’est-à-dire la création de nouvelles valeurs. Ces valeurs sont quantitativement supérieures à celle que le travailleur reçoit, et dont il a besoin pour son entretien. Le capitaliste achète la force de travail pour l’exploiter. C’est cette exploitation qui est la source de l’inégalité. Cette partie du produit du travail qui sert à assurer la subsistance du travailleur, Marx l’appelle le produit nécessaire ; la partie que le travail produit en plus, c’est la plus-value. La plus-value a été produite par l’esclave, sinon le propriétaire d’esclaves n’aurait pas entretenu d’esclaves. La plus-value a été produite par le serf, sinon le servage n’aurait été d’aucune utilité pour la noblesse terrienne. La plus-value est produite de même – mais sur une échelle infiniment plus grande – par le travailleur salarié, sinon le capitaliste n’aurait aucun intérêt à acheter la force de travail. La lutte des classes n’est rien d’autre que la lutte pour la plus-value. Celui qui possède la plus-value est le maître de l’état, il a la clé de l’église, des tribunaux, des sciences et des arts.
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Concurrence et monopole

Les rapports entre les capitalistes, qui exploitent les travailleurs, sont déterminés par la concurrence, principal ressort du progrès capitaliste. Les grandes entreprises bénéficient, par rapport aux plus petites, des plus grands avantages techniques, financiers, organisationnels, économiques et, Iast but not politiques. Une plus grande quantité de capitaux, permettant d’exploiter un plus grand nombre de travailleurs, donne inévitablement, à celui qui la possède, la victoire dans une compétition. Telle est la base de la concentration et de la centralisation du capital.
Tout en stimulant le progrès et le développement de la technique, la concurrence, non seulement détruit les couches de producteurs intermédiaires, mais se détruit elle-même. Sur les cadavres ou semi-cadavres des petits et moyens capitalistes, se dresse un nombre toujours plus réduit de seigneurs capitalistes toujours plus puissants. Ainsi, de la concurrence honnête, démocratique et progressive, surgit irrévocablement le monopole malfaisant, parasitaire et réactionnaire. Sa domination commença à s’affirmer à partir de 1880,et prit sa forme définitive au tournant du siècle. Maintenant, la victoire du monopole est ouvertement reconnue par les représentants officiels de la société bourgeoise. Et pourtant, lorsque Marx, cherchant à prévoir l’avenir du système capitaliste, démontra pour la première fois que le monopole est une conséquence des tendances inhérentes au capitalisme, le monde bourgeois continua à regarder la concurrence comme une loi éternelle de la nature.
L’élimination de la concurrence par le monopole marque le commencement de la désagrégation de la société capitaliste. La concurrence constituait le principal ressort créateur du capitalisme, et la justification historique du capitaliste. Par là même, l’élimination de la concurrence signifie la transformation des actionnaires en parasites sociaux. La concurrence avait besoin de certaines libertés, d’une atmosphère libérale, d’un régime démocratique, d’un cosmopolitisme commercial. Le monopole réclame un gouvernement aussi autoritaire que possible, des barrières douanières, ses "propres" sources de matières premières, et ses "propres" marchés (colonies). Le dernier mot, dans la désagrégation du capitalisme de monopole, est au fascisme.
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Concentration de la richesse et croissance des contradictions de classe

Les capitalistes et leurs avocats s’efforcent, par tous les moyens, de dissimuler aux yeux du peuple comme aux yeux du fisc, le degré réel de la concentration des richesses. La presse bourgeoise, au mépris de l’évidence, s’efforce toujours de maintenir l’illusion d’une répartition "démocratique" des capitaux investis. Le New-York Times, voulant réfuter les marxistes, signale qu’il y a de trois à cinq millions d’employeurs isolés. Les sociétés anonymes, il est vrai, représentent une plus grande concentration de capital que les trois à cinq millions de patrons individuels, mais les États-Unis comptent "un demi-million de sociétés".
Ces jongleries avec des sommes globales et des moyennes ont pour but, non d’éclairer, mais de cacher la vraie nature des choses. Depuis le commencement de la guerre jusqu’en 1923, le nombre des usines et des fabriques des États-Unis tomba de l’indice 100 à 98.7, tandis que la masse de la production industrielle montait de l’indice 100à 156,3. Pendant les années de grande prospérité (1923-1929), alors qu’il semblait que tout le monde était en train de devenir riche, l’indice du nombre des établissements tomba de 100 à 93.8, tandis que la production montait de 100 à 113. Cependant, la concentration des établissements industriels, limitée par leur corps matériel encombrant, reste loin en arrière de la concentration de leurs âmes, c’est-à-dire de leur propriété. En 1929, les États-Unis comptaient réellement plus de 300.000 sociétés, comme le New-York Times le signale correctement. Il faut seulement ajouter que 200 d’entre elles, c’est-à-dire 0,07 % du nombre total, contrôlaient directement 49,2 % des fonds de toutes les sociétés. Quatre ans plus tard, cette proportion était déjà montée à 56 % ; et, pendant les années de l’administration de Roosevelt, elle a certainement augmenté encore. Or, parmi ces 200 sociétés anonymes dirigeantes, la domination réelle appartient à une petite minorité
Les mêmes processus peuvent être observés dans les banques et les assurances. Cinq des plus grandes sociétés d’assurances des Etats-Unis ont absorbé, non seulement les autres compagnies d’assurances, mais aussi plusieurs banques. Le nombre total des banques décroît par l’absorption des plus petites par les plus grandes, principalement sous la forme de ce qu’on appelle les "mergers" (fusions). Ce processus s’accélère rapidement. Au-dessus des banques s’élève l’oligarchie des super-banques. Le capital bancaire fusionne avec le capital industriel sous la forme de super-capital financier. En supposant que la concentration de l’industrie et des banques doive continuer au même rythme que pendant le dernier quart de siècle, – en fait ce rythme s’accélère – au cours du prochain quart de siècle, les hommes des trusts auront accaparé toute l’économie du pays.
Nous avons ici recours aux statistiques des Etats-Unis pour la seule raison qu’elles sont plus exactes et plus saisissantes. Dans son essence, le processus de concentration revêt un caractère international. A travers les différentes étapes du capitalisme, à travers toutes les phases des cycles conjoncturels, à travers tous les régimes politiques, à travers les périodes de paix comme à travers celles de conflits armés, le processus de concentration de toutes les grandes fortunes en un nombre de mains toujours plus petit s’est poursuivi et se poursuivra jusqu’à la fin. Pendant les années de la grande guerre, alors que les nations étaient saignées à mort, alors que les systèmes fiscaux roulaient à l’abîme, entraînant avec eux les classes moyennes, les hommes des trusts ramassaient des bénéfices sans précédent dans le sang et la boue. Les plus grandes sociétés des Etats-Unis, pendant les années de guerre, doublèrent, triplèrent, quadruplèrent, décuplèrent leur capital et gonflèrent leurs dividendes de 300 %, 400 %, 900 %, et même davantage.
En 1840, huit ans avant la publication par Marx et Engels du [Manifeste du Parti communiste, l’écrivain français bien connu Alexis de Tocqueville écrivait dans un livre intitulé La Démocratie en Amérique : "La grande fortune tend à disparaître, les petites fortunes tendent à se multiplier". Cette affirmation a été répétée d’innombrables fois, d’abord à propos des Etats-Unis, ensuite à propos d’autres jeunes démocraties, comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Certes, l’opinion de Tocqueville était déjà fausse de son temps. Cependant la véritable concentration des richesses ne commença qu’après la guerre civile américaine, à la veille de laquelle Tocqueville mourut. Au commencement de ce siècle, 2 % de la population des Etats-Unis possédaient déjà plus de la moitié de la fortune totale du pays ; en 1929, ces 2 % possédaient les 3/5 de la fortune nationale. A la même époque, 36.000 familles riches jouissaient d’un revenu aussi grand que 11 millions de familles moyennes et pauvres. Pendant la crise de 1929-1933, les trusts n’eurent pas besoin de faire appel à la charité publique ; au contraire, ils s’élevèrent toujours plus haut au-dessus du déclin général de l’économie nationale. Pendant le précaire renouveau industriel qui suivit, suscité par le New Deal, les hommes des trusts réalisèrent de nouveaux profits. Le nombre des chômeurs tomba, dans le meilleur des cas, de 20 à 10 millions ; pendant le même laps de temps, le gratin de la société capitaliste, 6.000 personnes au maximum, faisait des bénéfices fantastiques. C’est ce que l’avocat général Robert H. Jackson, lors de son passage au poste de procureur général adjoint anti-trust, révéla, chiffres à l’appui.
Mais le concept abstrait de "capital monopoleur" acquiert pour nous chair et sang. Ce qu’il signifie, c’est qu’une poignée de familles[ [4], rassemblées ok !par les liens de la parenté et des intérêts communs en une oligarchie capitaliste fermée, disposent du destin économique et politique d’une grande nation. Il faut reconnaître que la loi de la concentration énoncée par Marx a puissamment fonctionné.

Notes
[[1] Proverbe anglais signifiant : le dernier, mais pas le moindre.
[[2] "L’influence modératrice de la concurrence – déplore le Procureur Général des Etats-Unis, M. Homer S. Cummings – est à peu près évincée, et, dans l’ensemble, elle ne subsiste que comme un pâle souvenir des conditions d’autrefois."
[[3] Une commission du sénat des Etats-Unis a constaté, en février 1937, que, pendant les vingt dernières années, les décisions des douze plus grandes sociétés équivalaient à des ordres pour la plus grande partie de l’industrie américaine. Le nombre des présidents des conseils d’administration de ces compagnies est a peu près le même que le nombre des membres du cabinet du président des Etats-Unis, le pouvoir exécutif du gouvernement républicain. Mais ces présidents sont infiniment plus puissants que les membres du cabinet.
[[4] L’écrivain américain Ferdinand Lundberg, qui est plutôt, en dépit de toute son honnêteté scientifique, un économiste conservateur, a écrit, dans un livre qui a suscité un grand émoi : "Les Etats-Unis sont aujourd’hui accaparés et dominés par une hiérarchie de 60 familles très riches, appuyées par tout au plus 60 familles moins riches." A ces deux groupes, il faudrait ajouter un troisième échelon d’environ autres familles dont le revenu dépasse cent millions de dollars par an. La position dominante appartient au premier groupe de 60 familles, qui, non seulement domine le marché, mais aussi tient les leviers du gouvernement. Elles constituent le véritable gouvernement, "le gouvernement de l’argent dans une démocratie du dollar".

Sur les contradictions du capitalisme
Extraits de « Enquête sur le capitalisme dit triomphant » (1995)
de Claude Bitot :

« I - L’accumulation du capital et sa fin de cycle

L’accumulation du capital comme but
Pour ne pas dire « capitalisme », les apologistes utilisent aujourd’hui l’expression « économie de marché ». Cette expression n’est évidemment pas innocente. Elle vise à faire croire à l’existence d’une économie dont la finalité serait la production et la consommation de biens : on produit des marchandises, on les vend sur le marché et, avec l’argent retiré de cette vente, on achète d’autres marchandises qui permettent la satisfaction des besoins. Comme tout le monde est vendeur de quelque chose, aussi bien l’entrepreneur qui vend ses « produits » que les salariés qui vendent leur « travail », on serait donc dans une économie où le marché est le moyen mis au service de la consommation. De cette manière, les notions d’exploitation, d’appropriation privée et d’accumulation du capital sont complètement escamotées. Marx qualifiait ce type d’économie de « circulation marchande simple » et la définissait par la formule : Marchandises-Argent-Marchandises. (….) Au lieu de Marchandises-Argent –Marchandises, on a Argent-Marchandises-Argent nouveau. Le circuit est complètement ivversé, on part de l’argent et on y revient, mais celui-ci ressort du circuit plus gros qu’il n’était au départ. (…) Il suffit aux capitalistes qui disposent des moyens de production d’acheter la force de travail humaine afin d’en extraire une plus-value, celle-ci ayant cette faculté de créer plus de valeur que son entretien – salaire – en exige ; dès lors, il n’y a plus qu’à réaliser cette plus-value en argent en vendant sur le marché la marchandise dans laquelle elle s’est cristallisée. (…) Il y a capitalisme à partir du moment où une certaine somme d’argent investie dans la production en ressort plus grosse que lorsqu’elle y était entrée, la différence constituant le profit. C’est seulement à cette condition que l’argent devient capital. Mais cette condition n’est pas suffisante pour qu’il y ait accumulation du capital. (…) Cela suppose de (…) convertir le surproduit en capital. (…) En effet, si d’aventure il se refusait à recommencer sans cesse cette opération, qu’est-ce qui se passerait ? Dans ce cas, il cesserait d’exister comme capitaliste. (…) « Les lois immanentes de la production (…) contraignent à étendre sans cesse le capital pour le conserver et il ne peut que l’étendre au moyen de l’accumulation progressive. » (Karl Marx, la Capital livre 1) (…)
Marx remarque que « deux âmes habitent en son cœur » et qui entrent en conflit : l’une tournée vers la « pulsion d’accumulation », l’autre tournée vers « le désir de jouissance ». (…) En réalité, le capitalisme se fiche comme d’une guigne du développement matériel, de la technique et du progrès considérés comme des catégories autonomes. Il ne les prend en considération que s’ils sont des supports de son accumulation, des moyens permettant d’accroître la production de plus-value (…)

La limite du capital
(…) L’accumulation du capital, au lieu de se poursuivre harmonieusement, se développe selon un cycle industriel saccadé, fait de stagnation, de moyenne activité, de prospérité et finalement de surproduction et de crise (…). Les crises, tout en apparaissant comme des blocages du système, sont donc en même temps pour lui des solutions à ses contradictions. Et, de fait, elles ont beau se faire périodiques, c’est-à-dire revenir à des intervalles assez réguliers, on s’aperçoit que jusqu’ici, elles n’ont été (depuis 1825, date de la première crise capitaliste, on peut estimer leur nombre à une vingtaine environ). Marx écrit que « (….) Cependant, ces catastrophes qui le régénèrent régulièrement, se répètent à une échelle toujours plus vaste et elles finiront par provoquer un renversement violent. » (dans « Gundrisse ») (…) « Ce qui inquiète Ricardo, c’est que le taux de profit, aiguillon de la production capitaliste, et à la fois condition et moteur de l’accumulation, est menacé par le développement même de la production. » (…) Le taux de profit décline parce que, pour un capital constant donné, la part du capital constant (machines, installations et matières premières) qui, elle, ne crée pas de plus-value, augmente au détriment du capital variable (la force de travail). (…) Certes, (…) cette baisse du taux de profit est tendancielle : elle peut être enrayée (…) par la baisse du prix des matières premières ou des machines, en baissant le prix de la force de travail, ou bien en élevant le taux d’exploitation de celle-ci. (…) L’erreur toutefois à ne pas commettre serait de penser que désormais c’est la machine qui, en se substituant au travail vivant, crée de la plus-value et, partant, permet au capital de se valoriser. (…) Au contraire, en chassant de plus en plus la force humaine de la production, elle sape la base même de la valorisation de la production. (…)

L’accumulation du capital
(…) Il faut une masse de capital avancé de plus en plus considérable pour dégager une plus-value suffisante. (…) La dévalorisation du capital est donc patente. Pour l’enrayer, au moins partiellement, il devient vital pour lui de chercher à modifier le rapport existant entre le capital constant et le capital variable. La solution pour lui sera d’accroître le taux de plus-value en augmentant la productivité du travail. De cette manière, le temps que l’ouvrier passera à reproduire la valeur de sa force de travail diminuera et le temps qu’il passera à travailler gratuitement pour le capital augmentera d’autant. (…) En augmentant considérablement la productivité du travail au moyen d’un machinisme toujours plus poussé, le capital est amené à diminuer d’une manière absolue le nombre d’ouvriers nécessaires à la production de la plus-value. (…)

II – Les divers aspects de la fin de cycle

(…) Désormais, l’accumulation du capital détruit plus d’emplois qu’il n’en crée. (…) Après une crise conjoncturelle, la reprise économique ne débouchera pas sur une demande de travail significativement plus grande (…). Nous sommes dans cette situation où (…) une fraction importante de la population est mise hors circuit. Depuis vingt ans, le chômage permanent, massif et croissant s’est installé dans tous les pays capitalistes avancés. (…) La croissance de la production dans les pays développés n’est plus facteur de créations, mais au contraire de pertes d’emplois. C’est ce que révélait dès 1980 une étude allemande : « Entre 1953 et 1960, 100 milliards de marks investis dans l’équipement industriel créaient deux millions d’emplois ; entre 1960 et 1965, les mêmes investissements ne créaient plus que 400.000 emplois ; entre 1965 et 1970, ils supprimaient 100.000 emplois ; entre 1970 et 1975, ils en supprimaient 500.000. L’accélération a continué depuis. » (cité par André Gorz dans « Les chemins du paradis, l’agonie du capital ». (…) Le chômage n’est donc pas un chômage « structurel » comme on voudrait le faire accroire, mais bien un chômage capitaliste, celui bien particulier d’un capitalisme rendu en fin de cycle qui, en poursuivant son accumulation, exclut d’une manière définitive, une fraction grandissante de la force de travail vivante. Si donc, il est exact de dire qu’à l’échelle mondiale la classe ouvrière ne diminue pas absolument, dans les pays avancés par contre (qui assurent près de 70% de la production mondiale) un tel processus de diminution est bien enclenché, les pays avancés montrant à tous les autres l’image de leur désormais proche avenir.
« Le ’’groupe n°1’’, à Changchun, au nord de la Chine, est une ville dans la ville (…) Depuis dix ans, l’usine s’adapte aux normes occidentales. Alors qu’un million seulement de camions Libération sont sortis de ses chaînes de 1956 à 1985, le ’’groupe n°1’’ devrait produire un million de véhicules par an – dont 65% de voitures – d’ici 2005. Pour effectuer ce qu’il faut bien appeler une révolution, le gouvernement chinois a transformé, en 1985, cette société d’Etat en société à capitaux mixtes, dont 40% de capital détenu par Volkswagen. Aujourd’hui, l’usine produit sur quatre chaïnes 140.000 camions, 25.000 Golf, 25.000 Jetta et 30.000 Audi noires pour les dirigeants chinois, ce qui représente le quart de la production automobile chinoise. Pour parvenir à quadrupler la production d’ici dix ans, l’usine ne compte pas embaucher. Au contraire, 7.000 emplois sont supprimés chaque année (…) Les statistiques officielles indiquent qu’à Changchun, le taux de chômage atteint déjà 20% de la population. » (Le Monde du 10 octobre 1995)

(…) Le nombre global de chômeurs dans les vingt-cinq pays de l’OCDE est passé de 11 millions environ en 1974 à 35 millions en 1993. Il s’agit là du chiffre officiel du chômage, c’est-à-dire truqué (…) En fait, c’est 60 millions de chômeurs en tous genres qu’il faudrait répertorier. Pour la France, le chiffre du chômage selon le ministère du travail était de 3.306.000 en février 1995, soit 13% de la population active, alors qu’en réalité il dépassait les 5 millions. Vient s’ajouter le chômage partiel, maquillé en « temps de travail partiel ». Il s’agit là des « précaires » : intérimaires, contrats à durée déterminée, stagiaires divers, apprentis. (…) On constate que si les diverses récessions ont engendré du chômage, les reprises qui les ont suivies ont été incapables de le résorber, ayant parfois au contraire tendance à l’aggraver. (…) Les entreprises se « modernisent » et se remettent à faire du profit avec du personnel salarié moindre. (…) L’accumulation du capital continue, mais elle ne cesse de détruire des emplois. La cause profonde d’un tel chômage est l’inadéquation désormais flagrante entre le développement atteint par les forces productives modernes (…) Une masse croissante d’hommes et de femmes n’arrivent plus à entrer dans le cadre de ces rapports, et s’en voient exclus. (…) Malgré les crises anarchiques (du capitalisme du passé) qui jetaient périodiquement sur le pavé une masse de travailleurs, il pouvait ensuite les réutiliser une fois la reprise économique revenue. Désormais les sorties de crises ne donnent plus lieu à des embauches significatives de personnel.

III – De la fin de cycle à la fin du capitalisme

Quelle fin du capitalisme ?
Comme nous l’avons déjà souligné, la fin de cycle du capital n’est pas la fin du capitalisme, elle n’est que la phase ultime de celui-ci ; phase qui peut s’étaler sur toute une période mais qui finira par trouver un terme final. Certes, aujourd’hui où triomphe l’idéologie du capitalisme « triomphant », « horizon indépassable de l’humanité », « fin de l’histoire », cela devient proprement scandaleux – ou irresponsable – que de parler de fin du capitalisme. (…) Persuadés que le capitalisme sera toujours à même de « rebondir » alors qu’on le croyait agonisant, ils finissent par entretenir un scepticisme complaisant concernant sa disparition, ne cessent de mettre en garde contre tout catastrophisme, tout en faisant de l’ironie à bon compte. « R. Boyer rappelle avec raison que les rapports sociaux capitalistes ont fait preuve depuis cent cinquante ans, et surtout au 20e siècle, d’une plasticité considérable, et que ceux qui ont annoncé la « crise finale » en ont été pour leurs frais. » écrit par exemple F.Chesnais dans son livre « La mondialisation du capital ». (…) Ce point de vue n’est pas nouveau. Il caractérise historiquement tout le courant social-démocrate, qui a toujours exclu l’effondrement économique du capitalisme. Aujourd’hui, cette utopie d’un capitalisme qui n’aurait pas de limites objectives revient en force. (…) Autrement dit, à la théorie de la décomposition du capitalisme entraînant sa mort lente, il faut opposer la théorie de l’effondrement, entraînant sa mort violente, telle que Marx l’avait vue, une fois le système rendu dans sa phase finale : « Les contradictions capitalistes provoqueront des explosions, des cataclysmes et des crises (…) Cependant ces catastrophes, qui les régénèrent régulièrement se répètent à une échelle toujours plus vaste et elles finiront par provoquer son renversement violent. » (Gundrisse)

Restaurer quelque peu le taux de profit
Comme nous l’avons vu précédemment, ce qui caractérise le capitalisme désormais, c’est son bas taux de profit. (…) Les capitaux tendent alors à s’éloigner de la sphère productive pour se transformer en purs produits financiers spéculatifs. (…) Restaurer quelque peu le taux de profit, afin de redonner à l’économie un certain dynamisme, devient donc la priorité des priorités. (…) Il s’agit là des fameux « gains de productivité ». Or, quand on observe l’évolution de ceux-ci, on s’aperçoit que depuis 1973 ils ont fléchi : alors qu’entre 1960 et 1973 la progression des gains de productivité du travail était, pour l’ensemble des pays de l’OCDE, de 4,4% en moyenne par an, entre 1973 et 1992 ils n’ont été que de 1,6%. Ceux-ci n’ont donc réussi à contrecarrer que très partiellement la chute du taux de profit. Les « nouvelles technologies » n’ont pas débouché sur les résultats escomptés. Au contraire, en précipitant l’importance du capital fixe au détriment du capital vivant, elles ont eu pour effet de faire baisser le taux de profit, l’insuffisance des gains de productivité n’étant pas à même de compenser cette baisse. (…) Force par conséquent pour le capital de changer son fusil d’épaule. Alors que dans les années 1980 il ne cessait d’exalter les « mutations technologiques » et autres « modernisations » avec les avantages qu’elles procureraient (…) Maintenant, il a mis une sourdine à tout ce baratin moderniste pour en revenir à un langage beaucoup plus réaliste, beaucoup plus rude, en un mot plus franchement capitaliste : « baisse du coût du travail », comme il dit ! En clair, baisser les salaires réels. (…) D’où les injonctions répétées d’organismes internationaux tels le FMI et la Banque mondiale : baisse des charges pesant sur les entreprises ! déréglementation du salaire minimum ! flexibilité des rémunérations et des horaires de travail ! (…) Durant les années 1980, les salaires ont baissé de 13% aux Etats-Unis, de 10% au Canada, de 8% en Australie. (…) Aux Etats-Unis, « une classe de travailleurs pauvres » est en train de gagner du terrain : en 1992, 18% des travailleurs employés à plein temps gagnait moins de 13.000 dollars par an (ce chiffre correspondait au seuil de pauvreté), contre seulement 12% en 1979 (Le Monde du 4 avril 1994). (…)

Le grand moyen : le retour au libéralisme
A partir de la fin des années 70 a commencé à se faire entendre au sein du monde capitaliste tout un discours visant à souligner que désormais seules « les forces du marché » étaient à même de redynamiser l’économie. A cet effet, il fallait ouvrir les frontières de manière à ce que se constitue de par le monde une vaste zone de libre-échange. C’est ce que l’on appelle le « retour au libéralisme ». (…) Ce « choix » correspondait, en réalité, à une nécessité pour le capital. Pour comprendre cela, retournons quelque peu en arrière. En effet, si l’on jette un coup d’œil sur l’ancien capitalisme d’avant 1974, quel visage offrait-il ? Celui d’un capitalisme bricolé, à moitié étatisé, fonctionnant sur la base d’une « économie mixte » (…) L’enjeu d’un tel « retour au libéralisme » est donc clair : il s’agit de se donner le moyen de restaurer le taux de profit (…) en mettant en place un libre-échangisme sans rivage, « mondialisé », où règnent en maîtres les entreprises multinationales : on en compte de par le monde 37.000 avec 200.000 filiales ; elles emploient 73 millions de salariés et autant chez leurs sous-traitants ; en dix ans, leurs investissements directs se sont multipliés par 4 (…) De plus, elles se sont transformées en « firmes réseaux » (en groupes à la fois industriels et financiers) ce qui accroît leur autonomie. (…)
Les lamentations à propos de cette orientation libérale du capitalisme mondial n’y changeront rien. Pas plus que les exhortations à ce qu’elle soit régulée. « La mondialisation n’est pas le fruit, écrit P.Frémeaux dans « Alternatives économiques » n°23, d’un pur déterminisme. Elle résulte autant des choix faits par les gouvernements des grands Etats que de la dynamique mécanique du capitalisme. (…) C’est pourquoi il ne faut pas céder à la résignation et croire que les forces du marché, désormais mondialisées, s’imposeraient désormais à des Etats à la souveraineté limitée à leur territoire et donc impuissants à les dompter. (…) Face aux logiques de guerre économique et à la tentation de repli sur l’espace national, le véritable défi est de donner un sens positif à la mondialisation. »
Admirable morceau de bravoure de cette espèce de prose actuelle caractérisant la pensée petite-bourgeoise vaguement de gauche qui, désormais, en guise de discours « réformiste », réduit son objectif à un programme d’accompagnement du capitalisme. (….)

Le retour à la dynamique des crises
Depuis 1945, l’économie capitaliste se caractérisait par une croissance soutenue, régulière, avec seulement quelques faibles ralentissements que l’interventionnisme étatique se chargeait vite d’interrompre. Depuis 1980, la croissance ne décrit plus la même figure. (…) Certains analystes qui n’ont rien de marxiste le reconnaissent eux-mêmes : c’est le retour des cycles. (…) Pour que l’accumulation du capital puisse se poursuivre, il ne suffit pas d’extraire suffisamment de plus-value du travail exploité, il faut également réaliser en argent cette plus-value sur le marché. Or, soulignait Marx, « les conditions de l’exploitation immédiate et celle de sa réalisation ne sont pas identiques. (…) Les unes n’ont pour limite que la force productive de la société, les autres, les proportions respectives des diverses branches et la capacité de consommation de la société. Or celle-ci n’est déterminée ni par la force productive absolue, ni par la capacité absolue de consommation, mais par la capacité de consommation sur la base des rapports de distribution antagoniques, qui réduit la consommation de la grande masse à un minimum susceptible de varier seulement à l’intérieur de limites plus ou moins étroites. » (Le Capital – Livre Trois)
(…) Avec la montée du chômage, des millions d’individus ont vu leurs revenus réduits à des allocations chômage de plus en plus chichement distribuées et le paupérisme est revenu en force, touchant des fractions entières de la population, comme aux Etats-Unis où 27,6 millions de personnes, en janvier 1994, dépendaient des coupons alimentaires du gouvernement (Le Monde du 4 avril 1994), ou bien la Grande-Bretagne où 13,9 millions de personnes vivaient au-dessous du seuil de pauvreté, contre 5 millions en 1979. (Le Monde du 11 février 1995)
(…) Toutes les mesures que prend le capitalisme visent à restaurer quelque peu le taux de profit : baisse des salaires directs et indirects, délocalisations en vue de trouver les main d’œuvre la moins chère possible. (…) Il en résulte une diminution des capacités de consommation des masses et une anarchie de plus en plus grande du marché, ces deux facteurs ayant pour effet de le précipiter vers une dynamique de crises. (…) Il n’y a pas d’accumulation illimitée du capital. Ne pas accepter ce cours catastrophique du capital aboutissant à des « explosions, des cataclysmes et des crises » qui finiront par provoquer le renversement violent du capitalisme (Marx), c’est nécessairement entrer dans l’univers mental mystificateur de ses apologistes qui voient en lui une forme sociale « naturelle et éternelle ».

Epilogue
Evoquer ainsi la fin du capitalisme, c’est toutefois laisser subsister une ambiguïté : celui-ci peut bien s’écrouler économiquement, pour qu’il disparaisse vraiment, il faut une action révolutionnaire, sinon il ne fera que pourrir sur place.
Un tel cas de figure n’était pas retenu par Marx. Pour lui, le développement ultime du capitalisme signifiait l’exacerbation de ses contradictions économiques et, par conséquent, de ses contradictions sociales, car « le capital n’est pas une chose, mais un rapport social entre des personnes médiatisé par des choses. » (Le Capital - Livre Un)
(…) La croyance en un avenir meilleur dans le cadre du capitalisme s’effrite (en témoigne l’affaiblissement des idéologies et des organisations réformistes), que la croyance au bulletin de vote comme moyen de modifier la situation s’effiloche (…) et que le mythe du consensus social commence à se déliter au point que l’on voit certains dirigeants politiques bourgeois agiter la sonnette d’alarme. (…) Il s’agit là de signes qui indiquent que le conformisme idéologique et l’apathie sociale ne sont pas destinées à durer éternellement. (…) »

Messages

  • "Si le temps de travail est la mesure de la richesse, c’est que la richesse est fondée sur la pauvreté, et que le temps libre résulte de la base contradictoire du surtravail ; en d’autres termes cela suppose que tout le temps de l’ouvrier soit posé comme du temps de travail et que lui-même soit ravalé au rang de simple travailleur et subordonné au travail. C’est pourquoi la machinerie la plus développée contraint aujourd’hui l’ouvrier à travailler plus longtemps que ne le faisaient le sauvage ou lui-même, lorsqu’il disposait d’outils plus rudimentaires et primitifs."

    K.Marx, Grundisse

  • "Si le temps de travail est la mesure de la richesse, c’est que la richesse est fondée sur la pauvreté, et que le temps libre résulte de la base contradictoire du surtravail ; en d’autres termes cela suppose que tout le temps de l’ouvrier soit posé comme du temps de travail et que lui-même soit ravalé au rang de simple travailleur et subordonné au travail. C’est pourquoi la machinerie la plus développée contraint aujourd’hui l’ouvrier à travailler plus longtemps que ne le faisaient le sauvage ou lui-même, lorsqu’il disposait d’outils plus rudimentaires et primitifs."

    K.Marx, Grundisse

  • "Le capital lui-même renferme cette contradiction : il cherche constamment à supprimer le temps de travail nécessaire (donc à réduire le travailleur à un minimum, c’est-à-dire à faire de son existence une pure force de travail vivante) ; mais le temps de surtravail n’existant que par opposition au temps de travail nécessaire, le capital pose celui-ci comme une condition impérative de sa reproduction et de sa valorisation. "

    Karl Marx, "Principes de la critique de l’économie politique"

  • L’économie est politique, c’est-à-dire déterminée par les intérêts économiques des classes sociales et l’histoire de leur combat

    "Je fais remarquer une fois pour toutes que j’entends par économie politique classique toute économie qui, à partir de William Petty, cherche à pénétrer l’ensemble réel et intime des rapports de production dans la société bourgeoise, par opposition à l’économie vulgaire qui se contente des apparences, rumine sans cesse pour son propre besoin et pour la vulgarisation des plus grossiers phénomènes les matériaux déjà élaborés par ses prédécesseurs, et se borne à ériger pédantesquement en système et à proclamer comme vérités éternelles les illusions dont le bourgeois aime à peupler son monde à lui, le meilleur des mondes possibles."

    Karl Marx dans "Le Capital" (1867)

    "C’est dans l’économie politique qu’il convient de chercher l’anatomie de la société civile."

    Karl Marx - Avant-propos de la critique de l’économie politique (1859)

  • La méthode employée dans le Capital a été peu comprise, à en juger par les notions contradictoires qu’on s’en est faites. Ainsi, la Revue positive de Paris me reproche à la fois d’avoir fait de l’économie politique, métaphysique et — devinez quoi ? — de m’être borné à une simple analyse critique des éléments donnés, au lieu de formuler des recettes (comtistes ?) pour les marmites de l’avenir. Quant à l’accusation de métaphysique, voici ce qu’en pense M. Sieber, professeur d’économie politique à l’Université de Kiew : « En ce qui concerne la théorie, proprement dite, la méthode de Marx est celle de toute l’école anglaise, c’est la méthode déductive dont les avantages et les inconvénients sont communs aux plus grands théoriciens de l’économie politique[1]. »
    M. Maurice Block[2], lui, trouve que ma méthode est analytique, et dit même : « Par cet ouvrage, M. Marx se classe parmi les esprits analytiques les plus éminents. » Naturellement, en Allemagne, les faiseurs de comptes rendus crient à la sophistique hégélienne. LeMessager européen, revue russe, publiée à Saint-Pétersbourg[3], dans un article entièrement consacré à la méthode du Capital, déclare que mon procédé d’investigation est
    rigoureusement réaliste, mais que ma méthode d’exposition est malheureusement dans la manière dialectique. « À première vue, dit-il, si l’on juge d’après la forme extérieure de l’exposition, Marx est un idéaliste renforcé, et cela dans le sens allemand, c’est-à-dire dans le mauvais sens du mot. En fait, il est infiniment plus réaliste qu’aucun de ceux qui l’ont précédé dans le champ de l’économie critique… On ne peut en aucune façon l’appeler idéaliste. »
    Je ne saurais mieux répondre à l’écrivain russe que par des extraits de sa propre critique, qui peuvent d’ailleurs intéresser le lecteur. Après une citation tirée de ma préface à la « Critique de l’économie politique » (Berlin, 1859, p. IV-VII), où je discute la base matérialiste de ma méthode, l’auteur continue ainsi :
    « Une seule chose préoccupe Marx : trouver la loi des phénomènes qu’il étudie ; non seulement la loi qui les régit sous leur forme arrêtée et dans leur liaison observable pendant une période de temps donnée. Non, ce qui lui importe, par-dessus tout, c’est la loi de leur changement, de leur développement, c’est-à-dire la loi de leur passage d’une forme à l’autre, d’un ordre de liaison dans un autre. Une fois qu’il a découvert cette loi, il examine en détail les effets par lesquels elle se manifeste dans la vie sociale… Ainsi donc, Marx ne s’inquiète que d’une chose ; démontrer par une recherche rigoureusement scientifique, la nécessité d’ordres déterminés de rapports sociaux, et, autant que possible, vérifier les faits qui lui ont servi de point de départ et de point d’appui. Pour cela il suffit qu’il démontre, en même temps que la nécessité de l’organisation actuelle, la nécessité d’une autre organisation dans laquelle la première doit inévitablement passer, que l’humanité y croie ou non, qu’elle en ait ou non conscience. Il envisage le mouvement social comme un enchaînement naturel de phénomènes historiques, enchaînement soumis à des lois qui, non seulement sont indépendantes de la volonté, de la conscience et des desseins de l’homme, mais qui, au contraire, déterminent sa volonté, sa conscience et ses desseins… Si l’élément conscient joue un rôle aussi secondaire dans l’histoire de la civilisation, il va de soi que la critique, dont l’objet est la civilisation même, ne peut avoir pour base aucune forme de la conscience ni aucun fait de la conscience. Ce n’est pas l’idée, mais seulement le phénomène extérieur qui peut lui servir de point de départ. La critique se borne à comparer, à confronter un fait, non avec l’idée, mais avec un autre fait ; seulement elle exige que les deux faits aient été observés aussi exactement que possible, et que dans la réalité ils constituent vis-à-vis l’un de l’autre deux phases de développement différentes ; par-dessus tout elle exige que la série des phénomènes, l’ordre dans lequel ils apparaissent comme phases d’évolution successives, soient étudiés avec non moins de rigueur. Mais, dira-t-on, les lois générales de la vie économique sont unes, toujours les mêmes, qu’elles s’appliquent au présent ou au passé. C’est précisément ce que Marx conteste ; pour lui ces lois abstraites n’existent pas… Dès que la vie s’est retirée d’une période de développement donnée, dès qu’elle passe d’une phase dans une autre, elle commence aussi à être régie par d’autres lois. En un mot, la vie économique présente dans son développement historique les mêmes phénomènes que l’on rencontre en d’autres branches de la biologie… Les vieux économistes se trompaient sur la nature des lois économiques, lorsqu’ils les comparaient aux lois de la physique et de la chimie. Une analyse plus approfondie des phénomènes a montré que les organismes sociaux se distinguent autant les uns des autres que les organismes animaux et végétaux. Bien plus, un seul et même phénomène obéit à des lois absolument différentes, lorsque la structure totale de ces organismes diffère, lorsque leurs organes particuliers viennent à varier, lorsque les conditions dans lesquelles ils fonctionnent viennent à changer, etc. Marx nie, par exemple, que la loi de la population soit la même en tout temps et en tout lieu. Il affirme, au contraire, que chaque époque économique a sa loi de population propre… Avec différents développements de la force productive, les rapports sociaux changent de même que leurs lois régulatrices… En se plaçant à ce point de vue pour examiner l’ordre économique capitaliste, Marx ne fait que formuler d’une façon rigoureusement scientifique la tâche imposée à toute étude exacte de la vie économique. La valeur scientifique particulière d’une telle étude, c’est de mettre en lumière les lois qui régissent la naissance, la vie, la croissance et la mort d’un organisme social donné, et son remplacement par un autre supérieur ; c’est cette valeur-là que possède l’ouvrage de Marx. »
    En définissant ce qu’il appelle ma méthode d’investigation avec tant de justesse, et en ce qui concerne l’application que j’en ai faite, tant de bienveillance, qu’est-ce donc que l’auteur a défini, si ce n’est la méthode dialectique ? Certes, le procédé d’exposition doit se distinguerformellement du procédé d’investigation. À l’investigation de faire la matière sienne dans tous ses détails, d’en analyser les diverses formes de développement, et de découvrir leur lien intime. Une fois cette tâche accomplie, mais seulement alors, le mouvement réel peut être exposé dans son ensemble. Si l’on y réussit, de sorte que la vie de la matière se réfléchisse dans sa reproduction idéale, ce mirage peut faire croire à une construction à priori.
    Ma méthode dialectique, non seulement diffère par la base de la méthode hégélienne, mais elle en est même l’exact opposé. Pour Hegel le mouvement de la pensée, qu’il personnifie sous le nom de l’Idée, est le démiurge de la réalité, laquelle n’est que la forme phénoménale de l’idée. Pour moi, au contraire, le mouvement de la pensée n’est que la réflexion du mouvement réel, transporté et transposé dans le cerveau de l’homme.
    J’ai critiqué le côté mystique de la dialectique hégélienne il y a près de trente ans, à une époque où elle était encore à la mode… Mais bien que, grâce à son quiproquo, Hegel défigure la dialectique par le mysticisme, ce n’en est pas moins lui qui en a le premier exposé le mouvement d’ensemble.
    Chez lui elle marche sur la tête ; il suffit de la remettre sur les pieds pour lui trouver la physionomie tout à fait raisonnable.
    Sous son aspect mystique, la dialectique devint une mode en Allemagne, parce qu’elle semblait glorifier les choses existantes. Sous son aspect rationnel, elle est un scandale et une abomination pour les classes dirigeantes, et leurs idéologues doctrinaires, parce que dans la conception positive des choses existantes, elle inclut du même coup l’intelligence de leur négation fatale, de leur destruction nécessaire ; parce que saisissant le mouvement même, dont toute forme faite n’est qu’une configuration transitoire, rien ne saurait lui imposer ; qu’elle est essentiellement critique et révolutionnaire.
    Le mouvement contradictoire de la société capitaliste se fait sentir au bourgeois pratique de la façon la plus frappante, par les vicissitudes de l’industrie moderne à travers son cycle périodique, dont le point culminant est la crise générale. Déjà nous apercevons le retour de ses prodromes ; elle approche de nouveau ; par l’universalité de son champ d’action et l’intensité de ses effets, elle va faire entrer la dialectique dans la tête même aux tripoteurs qui ont poussé comme champignons dans le nouveau Saint-Empire prusso-allemand[4].

    KARL MARX


    [1] Théorie de la valeur et du capital de Ricardo, etc. Kiew, 1871.
    [2] « Les théoriciens du socialisme en Allemagne. » Extrait du Journal des Économistes, juillet et août 1872.
    [3] N° de mai 1872, p. 426-36.
    [4] La postface de la deuxième édition allemande est datée du 24 janvier 1873, et ce n’est que quelque temps après sa publication que la crise qui y a été prédite éclata dans l’Autriche, les États-Unis et l’Allemagne. Beaucoup de gens croient à tort que la crise générale a été escomptée pour ainsi dire par ces explosions violentes, mais partielles. Au contraire, elle tend à son apogée. L’Angleterre sera le siège de l’explosion centrale, dont le contrecoup se fera sentir sur le marché universel.

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