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Le protectionnisme agricole, une politique vue par les marxistes comme réactionnaire ?
lundi 1er avril 2024, par
Karl Marx :
"en général, de nos jours, le système protecteur est conservateur, tandis que le système du libre-échange est destructeur. Il dissout les anciennes nationalités et pousse à l’extrême l’antagonisme entre la bourgeoisie et le prolétariat. En un mot, le système de la liberté commerciale hâte la révolution sociale. C’est seulement dans ce sens révolutionnaire, Messieurs, que je vote en faveur du libre-échange."
https://www.marxists.org/francais/marx/works/1848/01/km18480107.htm
Le protectionnisme est une politique nationaliste et réactionnaire ?
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article197
Le contexte des mouvements paysans
Les récents mouvements de protestation d’agriculteurs dans différents pays d’Europe (dont la France) ont été l’occasion pour les différents groupuscules se réclamant (du bout des lèvres) du marxisme en France (LO, NPA), de se prononcer sur différents aspects des questions paysannes, dont celle du protectionisme.
Moins qu’une occasion, une aubaine, à la lumière des braseros des barrages paysans, c’est plutôt une contrainte indésirable, que semblent subir ces groupes, car pour eux la question paysanne n’est pas au programme de la révolution, ni surtout des élections.
Des listes d’extrême-gauche sans un mot sur les paysans
Par exemple Lutte Ouvrière ne mentionne pas les ouvriers ou travailleurs petits paysans par exemple) dans la présentation de sa liste aux prochaines élections :
"Ouvriers sur les chaines de production, des entrepôts et des chantiers, employés dans le commerce, dans des bureaux, travailleurs de la santé de l’éducation ou des transports…, nous avons tous les mêmes intérêts, quelle que soit notre origine, couleur de peau ou nationalité."
Ces groupuscules qui ont suivi en 2023 sans critique les confédération syndicales lors du mouvement des retraites, n’ont jamais évoqué la question des retraites des paysans dans ce mouvement !
L’alliance ouvrière et paysanne qui fut un des facteurs de la victoire d’Octobre 17 n’est plus un objectif de ces groupuscules, aucun programme d’intervention dans ces mouvements n’est à leur programme, ils évoquent tout au plus, faisant la grimace, un parallélisme entre les luttes de villes et des campagnes, masquant la division entre travailleurs des villes et des champs, instaurée par les confédération syndicales CGT et FNSEA, au service du grand Capital. Ils le font car la lutte de certains paysans est vue avec sympathie par de nombreux ouvriers.
Le NPA-C (auto-)proclame son succès en l’absence de GJ et de paysans
Le NPA-C, un des faux jumeaux (visage différent, mais gènes essentiels en commun) du vrai NPA de Poutou-Besancenot) se "félicite" du succès de sa récente réunion publique dans l’article Affluence exceptionnelle au meeting du NPA : l’internationalisme en pratique ! :
Au micro se sont succédé, en plus des militants du NPA et de Lotta Comunista, des militants des collectifs de sans-papiers et des militants révolutionnaires venus de toute l’Europe : camarades espagnols, allemands, italiens… Tous ont dit leur joie et leur fierté d’avoir participé dans l’après-midi à la manifestation pour la liberté de circulation et la régularisation de tous les sans-papiers, et de se retrouver si nombreux à ce meeting internationaliste.
Donc sans aucun regret, sans invoquer aucune difficulté, d’insuffiance d’implantation du NPA-C dans certains milieux, pas un orateur paysan, ou citadin sur la question paysanne !
Dans l’article de propagande (texte d’au moins 2000 mots) Les ennemis des agriculteurs sont dans leur propre pays, ce NPA-C traite de la question des "agriculteurs" (reprenant ainsi le langage du gouvernement) et du protectionnisme.
Dans cet article il n’est toujours pas question de l’alliance des travailleurs de villes et des campagnes.
C’est seulement comme "professeur bienveillant" que le prolétariat urbain intervient éventuellement dans la question paysanne (en la personne du NPA-C qui lui-même "instruit" les travailleurs des villes) :
dans cette lutte pour identifier leurs vrais ennemis, les amis naturels des agriculteurs se trouvent chez les travailleurs, à commencer par les exploités de l’agroalimentaire dont les patrons sont les mêmes qui écrasent les petites exploitations.
Les paysans sont bien des travailleurs
Notons au passage que la formule les amis naturels des agriculteurs se trouvent chez les travailleurs, veut dire que pour le NPA-C les agriculteurs ne sont pas des travailleurs ! Expliquons cette erreur manifeste : elle vient du fait que des partis comme NPA-C, LO, remplacent massivement le terme "prolétariat" par "travailleurs". Pour ces organisations le terme "travailleur" devient synonyme de prolétariat de l’industrie. Mais dès qu’on parle du secteur agricole, utiliser ainsi ce terme devient catastrophique car il sous-entend que les paysans ne sont pas des travailleurs. Le NPA-C, exactement comme le NPA de Poutou, n’est plus pour une révolution prolétarienne, et donc l’emploi abusif du terme de "travailleurs" à la place de "prolétariat urbain" (terme qui ferait fuir la moitié du NPA-C) est le reflet d’un choix politique.
Comment aider en pratique les "agriculteurs" à identifer leurs vrais ennemis ? Le NPA-C ne donne pas le début d’une piste d’action. Tout comme LO, le NPA-C sous-entend toujours que les révolutionnaires doivent "attendre" que les travailleurs reprennent le "chemin des luttes", mais en général quand ils le font, ces organisations décrètent que les travailleurs ne luttent pas correctement et n’ont "pas assez de conscience".
Des pistes seraient peut-être :
Ne pas recommencer l’erreur (cautionnée par les NPA) du mouvement des retraites de 2023 où aucun appel massif au paysans n’a été fait par l’intersyndicale ?
Ne pas recommencer l’erreur des NPA de n’avoir pas été partie prenante du mouvement des Gilets jaunes (aucun orateur GJ à la Réunion-publique-triomphale récente, c’est un choix politique clair relativement à ce mouvement) ?
Arrêter de parler de "Révolution" tout court, sans parler de révolution "ouvrière", "paysanne", du lien entre les deux ?
Proposer des jours de protestation commune ? Rien. Quand les "les amis naturels des agriculteurs", les "travailleurs" (sous-entendu des villes), ont-ils mené une action commune contre le grand Capital ?
Si on y réfléchit, non, cette alliance des travailleurs des villes et des campagnes n’a rien de "naturel", leurs syndicats respectifs font tout pour l’empêcher, avec succès jusqu’ici.
En 1917 c’est l’alliance des ouvriers et paysans qui mena le prolétarait à la victoire en Russie.
En 1919, c’est en grande partie la négligence du mouvement paysan par Bela Kun qui a conduit à la catastrophe la révolution prolétarienne en Hongrie, son écrasement par l’armée franco-hongroise !
En juin 1923 en Bulgarie, c’est une erreur d’appréciation du gouvernement du chef paysan A. Stamboulisky qui a conduit le mouvement ouvrier à la catastrophe, c’est une des quelques occasions manquées majeures qui ont été une marche pour Staline et la contre-révolution à partir de 1924.
De même pour 1926 en Chine !
Pour le NPA-C, tout cela ne mérite pas discussion ! Or le mouvement paysan pose également la question de l’internationalisme qui était l’objet du "meeting triomphal" , en particulier parce qu’il concerne rien moins que la Chine, l’Inde etc.
C’est un mépris professoral pour la paysannerie qu’affiche le NPA-C, en se plaçant quasiment sur le terrain de l’anti-racisme pour dénoncer le protectionnisme comme "réactionnaire" :
Le vrai poison derrière le débat entre libre-échange et protectionnisme, c’est le nationalisme qui fait croire aux agriculteurs que l’ennemi est ailleurs que dans leur propre pays. Et c’est dans ce sens que penchent les critiques actuelles des traités de libre-échange, en masquant le rôle décisif joué par la filière agro-alimentaire et son organisation pour le seul profit. Il y aurait mille têtes à couper ici (grands groupes, coopératives, banques, FNSEA…) plutôt que de s’en prendre aux agriculteurs d’ailleurs.
Comme si les "agriculteurs" étaient tous des "idiots du village" ne connaissant pas tout cela, esclave de "croyances" primitives ! C’est par nationalisme que les agriculteurs seraient protectionnistes ? Si un agriculteur peut vendre son litre de lait 2 euros à une copérative, au lieu de 1 euro, grâce à des mesures protectionnistes, c’est le fait de doubler son prix qui le motive, pas le nationalisme ! Pourquoi aller chercher une explication "idéaliste", alors qu’une explication directement par le "matérialisme économique" est disponible ?
Les travailleurs des villes qui payent plus cher leurs aliments à cause du protectioninisme ne sont-ils pas autant, voire plus, pétris de nationalisme que les paysans, car ils n’en tirent pas un euro de bénéfice ? Ne faut-il pas mener des campagnes contre le patriotisme français ? Les travailleurs des villes ont autant de préjugés nationalistes que les paysans, l’aristocratie ouvrière corrompue par l’impérialisme en est pétrie.
"Nous sommes internationalistes" est une formule juste mais tellement abstraite pour des partis comme le NPA et LO, que seule leur auto-satisfaction peut leur faire croire qu’ils mènent une lutte contre l’impérialisme français. Il ne suffit de dénoncer le patriotisme, il faut lutter contre le Traité de Versailless, disaient Lénine et Trotsky aux internationalistes platoniques de France.
Les classes sociales dans l’agriculture et à la campagne
Le peu d’intérêt qu’a la NPA-C comme LO pour la lutte des classes à la campagne est illustré par le fait de ne pas mentionner les 5 classes sociales distinguées par les marxistes à la campagne (prolétariat, semi-prolétariat, petits paysans, moyens paysans, gros paysans) :
La mobilisation des agriculteurs (...) ce dont souffrent les agriculteurs, (...) Les paysans français (...) les paysans (...) en extorquant aux paysans (...) La population agricole (...) au profit du paysan lui-même (...) Le paysan, qui ne pouvait pas déroger aux traditions communautaires, se métamorphose en agriculteur, en « exploitant agricole » (...) les agriculteurs les plus fragiles (...) les petits à la remorque des gros, (...) Les dirigeants de la FNSEA sont les agents du grand capital dans le monde agricole, (...) la petite exploitation sans salariés,
Aucune analyse marxiste de classe n’émerge de tout ce vocabulaire. En creux on lit une apologie des directions syndicales ouvrières car si le NPA-C écrit "Les dirigeants de la FNSEA sont les agents du grand capital dans le monde agricole", la moindre chose serait d’ajouter "... tout comme les dirigeants de la CGT et de SUD sont les agents du grand capital dans le monde ouvrier".
Mais S. Binet n’est pas propriétaire d’une usine, elle ne serait donc pas un agent du grand capital pour le NPA-C. Le NPA-C prétend instruire les agriculteurs, sans d’abord montrer l’exemple dans son propre camp : un des ennemis principaux du prolétariat est dans son propre pays : ce sont les directions syndicales.
Un des orateurs mis en avant par le NPA-C est Selma Labib son porte-parole, conductrice de bus "communiste" mais qui ne dit pas un mot sur cette question, ni sur celle des comités de grève. A-t-elle lu l’article de propagande du NPA-C ? Elle n’a pas un mot envers les paysans.
Le discours du NPA-C à ce meeting "internationaliste" est seulement une reprise des campagnes "anti-racistes" gouvernementales, où le mot "anti-raciste" est remplacé par "internationalisme". La révolution mondiale ouvrière et paysanne n’a rien à en attendre.
Libre-échange et protectionnisme : des questions techniques
Le libre-échange est-il donc moins réactionnaire que le protectionnisme ? Cette affirmation du NPA-C est en contradiction avec la littérature marxiste à notre disposition sur cette question. Mais le NPA-C qui a allumé quelques cierges pour les 100 ans de la mort de Lénine, ne fait aucune référence à aucun texte marxiste sur ce sujet.
Or au moins deux points de vue contradictoires (en apparence seulement) existent.
En 1848 dans son Discours sur la question du libre-échange, Marx se déclare partisan du libre-échange :
en général, de nos jours, le système protecteur est conservateur (... ) je vote en faveur du libre-échange
alors que Trotsky, dans un discours de 1923, se déclare en faveur du protectionnisme :
Nous voulons absolument que le prolétariat s’entende avec la paysannerie.(...)
Notre politique fiscale est un des aspects les plus importants des rapports entre le prolétariat et la paysannerie. Mais a cette question se rattache celle de l’exportation. (...) Ce qu’il faut donc, c’est donner au paysan la possibilité de vendre sur le marché mondial une partie de sa production.
(...)
nous sommes résolument partisans du protectionnisme socialiste, sans lequel le capital étranger pillerait notre industrie.
Trotsky, protectionniste à ses heures, est-il classé comme "nationaliste" par le NPA-C ? Trotsky n’est surtout plus du tout une référence pour ce parti.
Le protectionisme bourgeois en France
Tournons-nous vers un spécialiste bourgeois des questions agricoles, Augé-Laribé (1876-1954) qui a critiqué dans son livre La Révolution Agricole (1950) la politique de protectionnisme mise en place par Méline, dès les débuts de la IIIème république.
Augé-Laribé souligne le nationalisme qui accompagne ce genre de politique :
Le protectionnisme est une forme du nationalisme. Il utilise la tendance à la solidarité entre compatriotes. C’est peut-être sa meilleure justification.
Mais on a vu plus haut qu’à la tête d’un Etat ouvrier, les révolutionnaires comme Trotsky peuvent avoir recours au protectionnisme en défense de la "patrie socialiste". Il faut donc aller plus loin pour critiquer le protectionnisme bourgeois. Car les les paysans ne vivent pas de nationalisme, ils sont partisans ou non du protectionnisme selon le bénéfice qu’ils en tireront.
Le protectionnisme bourgeois est réactionnaire car il vise à unir les paysans et les travailleurs des villes derrière la grande bourgeoisie. Mais si c’est un pays opprimé par l’impérialisme qui cherche à se protéger de l’impérialisme, ce protectionisme peut être également défendu par les révolutionnaires.
Le protectionnisme bourgeois est avant tout une politique de classe, même si elle se voile derrière un discours nationaliste dans le cas bourgeois, pour le faire accepter à la classe ouvrière qui va en être la victime. C’est en termes de lutte de classe qu’il faut donc analyser le protectionnisme, plus qu’en terme de nationalisme.
Augé-Laribé explique bien ce caractère de classe en montrant comment les républicains bourgeois, après l’écrasement de la Commune, ont utilisé la "crise agricole" pour empêcher l’union des ouvriers et des paysans :
(...) les agricultures modernes, évoquant les solidarités nationales, s’efforcent de se "protéger" contre l’excès des concurrences étrangères (...) A partir de 1875 ou de 1880, car il n’y a pas une manifestation précise, facile à dater, les agriculteurs se plaignent que leur situation empire. (...)
Un remède était connu ; on s’en était servi bien des fois ; c’était la protection contre les concurrents étrangers par des droits de douane. A vrai dire, on s’en était servi au profit des industries, pas ou très peu dans l’intérêt des agriculteurs. Les agriculteurs ne pensèrent pas au preotectionisme, on y pensa pour eux.
L’histoire de la réintroduction dans notre politique économique de la défense contre les concurrences extérieurs méritent d’être contée. Elle montrera, encore une fois, que l’agriculture est manoeuvrée par les villes et par l’industrie (... )
L’occasion était favorable en 1877, parce qu’on commençait alors à parler de la révision du tarif douanier, la plupart de nos traités de commerce venant à expiration vers 1880.
Un habile homme, averti par ses intérêts personnels, s’en saisit. Pouyer-Quertier (1820-1891), député, sénateur, ministre, était à la tête d’une fabrique de cotonnade à Rouen. Filateurs et tisseurs étaient depuis longtemps des intoxiqués de la protection. Ils redoutaient la concurrence britannique. Leur crainte à ce moment fut de voir les agriculteurs soutenir les consommateurs pour une réduction du tarif. Ils songèrent à s’allier avec eux.
Ce nationalisme économique qu’est le protectionnisme n’est pas l’idéologie naturelle de tous les paysans d’un pays capitaliste avancé comme la France. Contrairement à ce que dit le NPA-C les paysans voient avant tout leur inétérêt matériel, ils ne sont pas protectionnistes dans l’âme car nationaliste, ce sont leurs intérêts matériels qui les motivent :
Il est intéressant de marquer qu’au début ils ne reçurent pas un accueil empressé. Tous les viticulteurs, surtout les récoltants des vins de haute qualité, avaient des clients à l’étranger, ceux du Bordelais en Angleterre, ceux de la Bourgogne dans les pays du Nord. Les Normands vendaient des oeufs et du beurre à Londres. Les Bretons y portaient leurs produits maraîchers et les vendaient eux-mêmes dans les rues (Leur cri "chand d’ail" est resté pour caractériser une pièce de leur costume.) D’autres part, les paysans pensaient aux disettes qui n’étaient pas sorties des mémoires et jugeaient eux-mêmes criminel de faire monter le blé au delà d’un juste prix.
Pouyer-Quertier s’employa avec beaucoup d’ardeur et une habileté effrontée dans une campagne de propagande où il se servit de tous les arguments. Il assura que les droits de douane seraient payés par les étrangers, quand il est à la charge des consommateurs. On a même établi qu’il alla jusqu’à faire donner 25 centimes aux paysans qui mettaient leur nom sur des feuilles de pétitions. C’est ainsi qu’il put en envoyer "trois mètres cubes" à la Chambre des députés.
Dans sa propagande, Pouyer-Quertier avait eu pour adjoint un jeune député, Jules Méline (1838-1926) qui était un avocat, pas du tout un agriculteur, et qui s’était engagé dans la bataille pour défendre les filateurs des Vosges. Au long de sa carrière, il devint le grand chef du protectionnisme, ayant eu le talent de se faire reconnaître par les agriculteurs comme leur défenseur dévoué. En réalité, il avait été partisan d’une union de l’industrie et de l’agriculture qui fut surtout profitable aux industriels.
(...) Pendant la campagne de Pouyer-Quertier et de Méline, on avait beaucoup utilisé un argument qui faisait grand effet : on demandait que l’agriculture fût traitée "sur un pied d’égalité" avec l’industrie. On ne tarda pas à réclamer "la protection pour tous".
La grande bourgeoisie a une politique envers les paysans gros et petits pour les dresser contre le prolétariat , le prolétariat doit en avoir une pour s’allier avec les petits paysans, les (semi-)prolétaires des campagnes. C’est l’absence d’un tel programme qui est un symptome de la rupture des groupuscules comme LO et NAP avec le marxisme authentique.
Marquons une pause pour reprendre deux principes dont tout parti ouvrier révolutionnaire doit tenir compte : 1) les droits de douane sont à la charge des consommateurs. et 2) La crainte des dirigeants bourgeois de voir les agriculteurs soutenir les consommateurs pour une réduction du tarif.
C’est la classe ouvrière qui par l’augmentation des impôts indirects, ici des taxes sur l’alimentation, paye les mesures protectionnistes ! L’Etat s’enrichit par les impôts indirects. Certes les petits producteurs agricoles peuvent être protégés par le protectionnisme, mais la plus grosse partie des bénéfices agricoles va dans la poche des capitalistes de l’agriculture, ou des coopératives.
C’est à ce sujet que la question des coopératives de consommateurs, comme élément d’un programme ouvrier, était considérée par les bolcheviks :
Toutes ces, circonstances obligent les communistes à s’appliquer sérieusement à arracher la coopération des mains des social-patriotes, pour la transformer d’un instrument au service des valets de la bourgeoisie en un instrument du prolétariat révolutionnaire.
La question de la vie chère est liée au prix des produits alimentaires. C’est un élément essentiel du niveau de vie des salariés. Contonner leurs revendications à la question des salaires est, même du point de vue réformiste, un point de vue beaucoup trop partiel.
Ces résolutions du quatrième Congrès de l’IC sur les coopératives méritent sans doute une mise à jour. Une telle mise à jour a déjà été faite par Trotsky dans le Programme de transition. Il est remarquable que la raison donnée par Augé-Laribé du choix du protectionnisme par les républicains bourgeois afin de séparer les consommateurs et les paysans est reprise par Trotsky comme "un coin" placé par cette bourgeoisie entre les ouvriers et les paysans :
Invoquant mensongèrement les exigences "excessives" des ouvriers, la grande bourgeoisie fait artificiellement de la question des PRIX DES MARCHANDISES un coin qu’elle introduit ensuite entre les ouvriers et les paysans. Le paysan, l’artisan, le petit commerçant, à la différence de l’ouvrier, de l’employé, du petit fonctionnaire, ne peut revendiquer une augmentation de salaire parallèle à l’augmentation des prix. La lutte bureaucratique officielle contre la vie chère ne sert qu’à tromper les masses. Les paysans, les artisans, les commerçants doivent cependant, en tant que consommateurs, s’immiscer activement, la main dans la main avec les ouvriers, dans la politique des prix. Aux lamentations des capitalistes sur les frais de production, de transport et de commerce, les consommateurs répondront : "Montrez-nous vos livres ; nous exigeons le contrôle sur la politique des prix." Les organes de ce contrôle doivent être des COMITÉS DE SURVEILLANCE DES PRIX, formés de délégués d’usines, de syndicats, de coopératives, d’organisations de fermiers, de " petites gens " des villes, de ménagères, etc. Dans cette voie, les ouvriers sauront montrer aux paysans que la cause des prix élevés ne réside pas dans de hauts salaires, mais dans les profits démesurés des capitalistes et dans les faux frais de l’anarchie capitaliste.
Les paysans ne peuvent pas demander d’augmentation de salaires, Trotsky souligne que le prolétariat doit proposer à ces catégories d’autres types de revendications communes avec le prolétariat. C’est exactement l’inverse que fait le NPA-C, en prônant un mouvement d’ensemble mais en fait juxtaposion utopique de deux mouvements indépendants, où les salariés se contentent de demander des augmentations de salaires, rien de commun avec les paysans :
Pour un mouvement d’ensemble !
Cette ébullition vient de toutes celles et ceux qui n’en peuvent plus des fins de mois qui commencent le 5, qui n’en peuvent plus de se tuer à travailler pour ne pas gagner sa vie. Oui, plus que jamais, dans le public comme dans le privé, à la ville comme à la campagne, c’est l’augmentation générale des salaires et des revenus de ceux qui travaillent qui est à l’ordre du jour : 400 euros d’augmentation pour tous ! Pas un seul salaire en dessous de 2000 euros ! Et, pour imposer une telle mesure, c’est bien un mouvement d’ensemble des salariés, de la jeunesse et des paysans exploités qu’il faudra.
Éditorial du NPA du 5 février 2024
Augmentation des salaires et des revenus ! Mais le protectionnisme est un moyen pour les paysans d’augmenter leur revenu. Le prolétariat doit avoir des contre-propositions. Ni le NPA ni LO n’en proposent, s’inspirant du Programme de transition.
Remarquons le caractère "responsable" du NPA-C, qui dans l’enthousiasme de l’appel à un "mouvement d’ensemble", mentionne salaires et revenus ... sans parler des retraites. Car lors du dernier, comme du prochain mouvement des retraites, les confédérations syndicales ont interdit et interdiront cette convergence. Le NPA-C est respectueux de exigences de la CGT/SUD. Lors du mouvement des retraites, le NPA-C appelait à une augmentation des revenus et des retraites, mais sans s’adresser aux paysans. Quelle "sens des responsabilités" !
Conclusion
Les 4 premiers congrès de l’IC, le programme ouvrier de 1880 écrit par Marx pour le parti ouvrier français, le programme de Transition mentionnent l’indispensable union entre les travailleurs de villes et des campagnes.
Ni LO, ni les NPA-A,B,C,D ... ne citent aucun de ces programmes, comme base de départ pour tout programme révolutionnaire aujourd’hui. La "révolution" de ces groupuscules, qui ne se dit ni prolétarienne ni paysanne, alors que la révolution socialiste devra être les deux, la révolution prolétarienne prenant la direction de la révolution paysanne, n’est pas la révolution ouvrière et paysanne qui eut lieu en 1917 !
Messages
1. Le protectionnisme agricole, une politique vue par les marxistes comme réactionnaire ? , 2 avril, 06:47
La formule type employée par LO ou le NPA-C concernant "l’organisation des travailleurs", est donnée par LO dans son dernier édito :
Si les travailleurs s’organisent en adhérant aux syndicats dont les directions seront au service de la bourgeoisie ou si les travailleurs s’organisent en soviets, c’est la même chose, car ils sont "organisés" ?
Si les travailleurs s’organisent avec la gauche politique pour défendre la démocratie bourgeoise en votant aux élections, ou s’ils s’organisent pour détruire la démocratie bourgeoise en construisant la démocratie ouvrière, le résultat sera le même ?
Le résultat sera le même pour LO, il suffit de "s’organiser" ! Cette phrase de LO n’est pas l’introduction de l’édito, mais sa conclusion. On n’y trouvera aucun conseil d’organisation : comités de grèves etc.
Organisons nous, ou plutôt, attendons passivement que les ouvriers s’organisent, c’est le mode de construction d’un parti pour les militants de LO !