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Quand Trotsky prédisait que, sans révolution renversant la bureaucratie et sans réactivation de la révolution prolétarienne mondiale, l’URSS retournerait au capitalisme

mardi 26 mars 2024, par Robert Paris

Quand Trotsky prédisait que, sans révolution renversant la bureaucratie et sans réactivation de la révolution prolétarienne mondiale, l’URSS retournerait au capitalisme

Trotsky

La Quatrième Internationale et l’U.R.S.S.

La nature de classe de l’État soviétique

« Deux perspectives

« La question nous apparaîtra avec plus de relief Si nous l’envisageons dans sa coupe non pas statique, mais dynamique. En consommant improductivement une part énorme du revenu national, la bureaucratie soviétique, par sa fonction même, est en même temps intéressée au développement économique et culturel du pays : plus élevé sera le revenu national, plus grand sera le montant de ses privilèges. Cependant, sur les bases sociales de l’Etat soviétique, l’essor économique et culturel doit saper les bases mêmes de la domination bureaucratique. Il est clair que, dans le cas de cette variante historique heureuse, la bureaucratie n’apparaît que comme un instrument — un instrument mauvais et coûteux — de l’Etat socialiste.

Mais, en consommant une partie toujours plus grande du revenu national et en portant atteinte aux proportions fondamentales de l’économie, nous répliquera-t-on, la bureaucratie entrave la croissance économique et culturelle du pays. C’est absolument vrai : un développement ultérieur sans obstacle du bureaucratisme devrait inévitablement mener à un arrêt de la croissance économique et culturelle, à une crise sociale terrible et à un recul de toute la société en arrière. Mais cela signifierait non seulement l’effondrement de la dictature du prolétariat, mais aussi en même temps la fin de la domination bureaucratique. Pour remplacer l’Etat ouvrier viendraient des rapports non pas " social-bureaucratiques ", mais capitalistes.

Nous espérons que cette double perspective nous aide définitivement à voir clair dans le débat sur la nature de classe de l’U.R.S.S. prenons-nous la variante des progrès ultérieurs du régime soviétique ou, au contraire, la variante de son effondrement, dans les deux cas la bureaucratie apparaît non pas comme une classe indépendante, mais comme une excroissance du prolétariat. Une tumeur peut atteindre des dimensions énormes et même étouffer l’organisme vivant, mais la tumeur ne peut jamais se changer en un organisme indépendant.

Ajoutons enfin, pour faire une clarté compléte : si aujourd’hui en U.R.S.S. apparaissait au pouvoir un parti marxiste, il restaurerait le régime politique, changerait, purifierait et dompterait la bureaucratie par le contrôle des masses, transformerait toute la pratique administrative, introduirait une série de réformes capitales dans la direction de l’économie, mais dans aucun cas il n’aurait à accomplir un bouleversement dans les rapports de propriété, c’est-à-dire une nouvelle révolution sociale.

Les voies possibles de la contre-révolution

La bureaucratie n’est pas une classe dominante. Mais le développement ultérieur du régime bureaucratique peut mener à l’apparition d’une nouvelle classe dominante : non pas par la voie organique de la dégénérescence, mais au travers de la contre-révolution. Nous qualifions l’appareil staliniste de centriste, précisément parce qu’il remplit un double rôle : aujourd’hui, quand il n’y a plus et qu’il n’y a pas encore de direction marxiste, il défend par ses méthodes la dictature prolétarienne ; mais ces méthodes sont telles qu’elles facilitent la victoire de l’ennemi pour demain. Qui n’a pas compris le double rôle du stalinisme en U.R.S.S. n’a rien compris.

La société socialiste vivra sans parti, comme sans pouvoir. Dans les conditions de l’époque de transition, la superstructure politique joue un rôle décisif. La dictature du prolétariat développée et consolidée implique le rôle du parti en tant qu’avant-garde indépendante, le rassemblement du prolétariat à l’aide du systèrne des syndicats, la liaison indissoluble des travailleurs avec l’Etat au travers du système des soviets, enfin l’unité de lutte de l’Etat ouvrier avec le prolétariat mondial au travers de l’Internationale. Cependant, la bureaucratie a étouffé le parti, les syndicats, les soviets et l’internationale. Inutile d’expliquer quelle part gigantesque de responsabilité pour la dégénérescence du régime prolétarien pèse sur la social-démocratie internationale, couverte de crimes et de trahisons, parti auquel appartient en outre M. Laurat.

Mais, quelle que soit la véritable répartition de la responsabilité historique, le résultat est le même : l’étouffement du parti, des soviets et des syndicats signifie l’atomisation politique du prolétariat. Les antagonismes sociaux ne sont pas surmontés politiquement, mais sont étouffés administrativement. Ils s’accumulent sous la presse, dans la même mesure où disparaissent les ressources politiques pour leur solution normale. La première grande secousse sociale, extérieure ou intérieure, peut mener la société soviétique atomisée dans une situation de guerre civile. Les ouvriers, qui ont perdu le contrôle sur l’Etat et sur l’économie, peuvent recourir à des grèves de masse, comme instrument d’autodéfense. Sous la poussée des ouvriers comme sous la pression des difficultés économiques, les trusts seront obligés de rompre avec le principe de la planification et d’entrer en concurrence l’un avec l’autre. L’ébranlement du système trouvera, certainement, un écho bruyant et chaotique au village et inévitablement se répercutera dans l’armée. L’Etat socialiste s’écroulera, faisant place au régime capitaliste, ou plus exactement à l’anarchie capitaliste.

La presse staliniste reproduira certainement l’avertissement qu’est notre analyse comme une prophétie contre-révolutionnaire ou même comme un " désir " des " trotskystes ". A l’adresse de la valetaille des journalistes de l’appareil, nous ne connaissons depuis longtemps d’autre sentiment qu’un calme mépris. Nous jugeons la situation dangereuse, mais pas du tout désespérée. En tout cas, ce serait une lâcheté infâme et une trahison directe de déclarer que l’immense position révolutionnaire est perdue — avant la lutte et sans lutte.

Une élimination " pacifique " de la bureaucratie est-elle possible ?

S’il est vrai que la bureaucratie concentre dans ses mains tout le pouvoir et toutes ses approches — et c’est vrai —, alors une question surgit qui n’a pas peu d’importance : comment parvenir à une réorganisation de l’Etat soviétique ? Et peut-on accomplir cette tâche par des moyens pacifiques ?

Etablissons avant tout, comme un axiome inébranlable, que seul le parti révolutionnaire peut accomplir cette tâche. La création d’un parti révolutionnaire en U.R.S.S. avec les éléments sains de l’ancien parti et avec la jeunesse, c’est la tâche historique fondamentale. Il sera dit plus loin à quelles conditions elle peut être accomplie. Cependant, supposons que ce parti existe déjà. Par quelle voie pourra-t-il s’emparer du pouvoir ? Déjà en 1927 Staline disait à l’adresse de l’Opposition de gauche : " Le groupement actuellement dirigeant ne peut être écarté que par la guerre civile. " C’était un défi - bonapartiste par son esprit - non pas à l’adresse de l’Opposition de gauche, mais à l’adresse du parti. En concentrant dans ses mains tous les leviers, la bureaucratie proclama ouvertement qu’elle ne permettrait plus au prolétariat de lever la tête. La marche ultérieure des événements donna à ce défi un grand poids. Après l’expérience des dernières années, il serait puéril de penser qu’on peut éliminer la bureaucratie staliniste à l’aide du congrès du parti ou des soviets. En réalité, le 12e Congrès (au début de 1923) fut le dernier congrès du parti bolchevik. Les congrès suivants furent des parades bureaucratiques. Maintenant, même de tels congrés sont supprimés. Pour écarter la clique dirigeante, il ne reste pas de voies normales, " constitutionnelles ". Contraindre la bureaucratie à remettre le pouvoir aux mains de l’avant-garde prolétarienne, on ne peut le faire que par la force.

La valetaille s’écriera tout de suite : les " trotskystes ", comme Kautsky, prêchent l’insurrection armée contre la dictature du prolétariat. Passons outre. Pour le nouveau parti prolétarien, la question de la prise du pouvoir ne peut se poser pratiquement qu’au moment où il rassemblera autour de lui la majorité de la classe ouvrière. Sur la voie d’un tel changement radical dans le rapport des forces, la bureaucratie apparaîtra toujours plus isolée et plus divisée. Les racines sociales de la bureaucratie se trouvent, comme nous le savons, dans le prolétariat : sinon dans son appui actif, du moins dans sa " tolérance ". Avec la venue du prolétariat à l’activité, l’appareil staliniste restera suspendu en l’air. S’il tente malgré tout d’opposer de la résistance, il aura à appliquer contre le prolétariat non pas des mesures de guerre civile, mais plutôt des mesures d’ordre policier. Il s’agit, en tout cas, non d’une insurrection contre la dictature du prolétariat, mais de l’ablation de l’excroissance pernicieuse qui se trouve sur lui.

La véritable guerre civile pourrait éclater non pas entre la bureaucratie staliniste et le prolétariat qui la soutient, mais entre le prolétariat et les forces actives de la contre-révolution. D’un rôle indépendant de la bureaucratie, au cas d’un conflit des deux camps de masse, il ne peut être question. Ses flancs opposés se répartiraient sur les divers côtés de la barricade. C’est l’issue de la lutte, naturellement, qui déterminerait le sort du développement ultérieur. En tout cas, la victoire du camp révolutionnaire n’est concevable que sous la direction d’un parti prolétarien qui, par la victoire sur la contre-révolution, serait naturellement élevé au pouvoir.

Le nouveau parti en U.R.S.S.

Qu’est-ce qui est le plus près : le danger de l’effondrement du pouvoir soviétique, miné par le bureaucratisme, ou l’heure du rassemblement du prolétariat autour du nouveau parti capable de sauver l’héritage d’Octobre ? A une telle question, il n’y a pas de réponse a priori ; la lutte tranchera. Le rapport de forces se déterminera sur une grande épreuve historique qui pourra être aussi la guerre. Il est clair, en tout cas, qu’avec les seules forces intérieures, dans la situation de désagrégation ultérieure du mouvement prolétarien mondial et de domination fasciste, qui s’étend, il est impossible de maintenir longtemps le pouvoir soviétique. La condition fondamentale, à laquelle est seulement possible une réforme radicale de l’Etat soviétique, c’est le développement victorieux de la révolution mondiale.

Le mouvement révolutionnaire en Occident peut renaître même sans parti, mais il ne peut vaincre que sous la direction d’un parti. Pour toute l’époque de révolution sociale, c’est-à-dire pour quelques dizaines d’années, le parti international révolutionnaire reste l’instrument principal du progrés historique. Urbahns, qui crie que les " vieilles formes " sont périmées, qu’il faut quelque chose de " nouveau " — quoi précisément ? — fait seulement preuve de confusion... sous des formes assez vieilles. Le travail syndical dans les conditions du capitalisme " planifié ", la lutte contre le fascisme et la guerre qui menacent, sans aucun doute, font apparaître telle ou telle méthode, tel ou tel type nouveau d’organisation de combat. Il faut seulement ne pas faire de fantaisie, comme les brandlériens avec des syndicats illégaux, mais observer attentivement la marche réelle de la lutte, saisir l’initiative des ouvriers eux-mêmes, l’étendre et la généraliser. Mais précisément, pour accomplir ce travail, il faut avant tout un parti, c’est-à-dire un noyau politiquement lié de l’avant-garde prolétarienne. La position d’Urbahns est subjective : il s’est désenchanté du parti, quand il a eu coulé avec succès son propre " parti ".

Quelques-uns des novateurs déclarent : nous avons dit " depuis longtemps " qu’il faut de nouveaux partis, maintenant, même les trotskystes, enfin, le reconnaissent ; un jour ou l’autre, ils saisiront aussi que l’Union soviétique n’est pas un Etat ouvrier. Ces gens-là font des découvertes astronomiques au lieu d’examiner le processus historique réel. La secte de Gorter et le " Parti communiste ouvrier " allemand jugeaient dès 1921 que l’Internationale communiste était perdue. Depuis ce moment, il y eut pas mal de telles déclarations (Loriot, Korsch, Souvarine, etc.). Cependant, de ces "diagnostics", rien n’est absolument sorti, car ils reflétaient seulement le désillusionnement subjectif de cercles et d’individus, et non pas les exigences objectives du processus historique. C’est précisément pourquoi les novateurs criards restent maintenant même à l’écart.

La marche des événements ne suit pas une feuille de route donnée par avance. Aux yeux des masses, et non à ceux des solitaires, l’I.C. a causé sa perte par des capitulations devant le fascisme. Mais l’Etat soviétique, il est vrai, avec une autorité révolutionnaire extrêmement diminuée, existe même après l’effondrement de l’I.C. Il faut prendre les faits tels qu’ils sont donnés par le développement réel, ne pas avoir de caprices, ne pas faire la moue, comme Simone Weil, ne pas s’offenser de l’histoire et ne pas lui tourner le dos.

Pour construire de nouveaux partis et une nouvelle lnternationale, il faut avoir des bases principielles sûres, qui soient au niveau de notre époque. Nous ne nous faisons aucune illusion pour ce qui est des insuffisances et des lacunes de l’inventaire théorique des bolcheviks-léninistes. Cependant, leur travail de dix années a préparé les prémices théoriques et stratégiques fondamentales pour l’édification de la nouvelle Internationale. La main dans la main avec les nouveaux alliés, nous développerons ces prémices et les concrétiserons sur la base de la pratique de la lutte.

https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1933/10/331001a.htm

Trotsky

La Révolution trahie :

« Deux tendances opposées grandissent au sein du régime : développant les forces productives — au contraire du capitalisme stagnant — il crée les fondements économiques du socialisme ; et poussant à l’extrême, dans sa complaisance envers les dirigeants, les normes bourgeoises de la répartition, il prépare une restauration capitaliste. La contradiction entre les formes de la propriété et les normes de la répartition ne peut pas croître indéfiniment. Ou les normes bourgeoises devront, d’une façon ou d’une autre, s’étendre aux moyens de production, ou les normes socialistes devront être accordées à la propriété socialiste…

Les classes sont définies par leur place dans l’économie sociale et avant tout par rapport aux moyens de production. Dans les sociétés civilisées, la loi fixe les rapports de propriété. La nationalisation du sol, des moyens de production, des transports et des échanges, et aussi le monopole du commerce extérieur forment les bases de la société soviétique. Et cet acquis de la révolution prolétarienne définit à nos yeux l’U.R.S.S. comme un Etat prolétarien.

Par sa fonction de régulatrice et d’intermédiaire, par le souci qu’elle a de maintenir la hiérarchie sociale, par l’exploitation à ses propres fins de l’appareil de l’Etat, la bureaucratie soviétique ressemble à toute autre bureaucratie et surtout à celle du fascisme. Mais elle s’en distingue aussi par des traits d’une extrême importance. Sous aucun autre régime, la bureaucratie n’atteint à une pareille indépendance. Dans la société bourgeoise, la bureaucratie représente les intérêts de la classe possédante et instruite qui dispose d’un grand nombre de moyens de contrôle sur ses administrations. La bureaucratie soviétique s’est élevée au-dessus d’une classe qui sortait à peine de la misère et des ténèbres et n’avait pas de traditions de commandement et de domination. Tandis que les fascistes, une fois arrivés à la mangeoire, s’unissent à la bourgeoisie par les intérêts communs, l’amitié, les mariages, etc., la bureaucratie de l’U.R.S.S. s’assimile les moeurs bourgeoises sans avoir à côté d’elle une bourgeoisie nationale. En ce sens on ne peut nier qu’elle soit quelque chose de plus qu’une simple bureaucratie. Elle est la seule couche sociale privilégiée et dominante, au sens plein des termes, dans la société soviétique.

Une autre particularité n’est pas moins importante. La bureaucratie soviétique a politiquement exproprié le prolétariat pour défendre par ses propres méthodes les conquêtes sociales du prolétariat. Mais le fait même qu’elle se soit approprié le pouvoir dans un pays où les moyens de production les plus importants appartiennent à l’Etat, crée entre elle et les richesses de la nation des rapports entièrement nouveaux. Les moyens de production appartiennent à l’Etat. L’Etat "appartient " en quelque sorte à la bureaucratie. Si ces rapports, encore tout à fait récents, se stabilisaient, se légalisaient, devenaient normaux sans résistance ou contre la résistance des travailleurs, ils finiraient par la liquidation complète des conquêtes de la révolution prolétarienne. Mais cette hypothèse est encore prématurée. Le prolétariat n’a pas encore dit son dernier mot. La bureaucratie n’a pas créé de base sociale à sa domination, sous la forme de conditions particulières de propriété. Elle est obligée de défendre la propriété de l’Etat, source de son pouvoir et de ses revenus. Par cet aspect de son activité, elle demeure l’instrument de la dictature du prolétariat.

Les tentatives faites pour présenter la bureaucratie soviétique comme une classe "capitaliste d’Etat" ne résistent visiblement pas à la critique. La bureaucratie n’a ni titres ni actions. Elle se recrute, se complète et se renouvelle grâce à une hiérarchie administrative, sans avoir de droits particuliers en matière de propriété. Le fonctionnaire ne peut pas transmettre à ses héritiers son droit à l’exploitation de l’Etat. Les privilèges de la bureaucratie sont des abus. Elle cache ses revenus. Elle feint de ne pas exister en tant que groupement social. Sa mainmise sur une part énorme du revenu national est un fait de parasitisme social. Voilà ce qui rend la situation des dirigeants soviétiques au plus haut point contradictoire, équivoque et indigne, en dépit de la plénitude de leur pouvoir et de l’écran de fumée de la flagornerie.

La société bourgeoise a maintes fois changé, au cours de sa carrière, de régimes et de castes bureaucratiques sans modifier ses assises sociales. Elle a été prémunie contre la restauration de la féodalité et des corporations par la supériorité de son mode de production. Le pouvoir ne pouvait que seconder ou entraver le développement capitaliste ; les forces productives, fondées sur la propriété privée et la concurrence, travaillaient pour leur propre compte. Au contraire, les rapports de propriété établis par la révolution socialiste sont indissolublement liés au nouvel Etat qui en est le porteur. La prédominance des tendances socialistes sur les tendances petites-bourgeoises est assurée non par l’automatisme économique — nous en sommes encore loin — mais par la puissance politique de la dictature. Le caractère de l’économie dépend donc entièrement de celui du pouvoir.

La chute du régime soviétique amènerait infailliblement celle de l’économie planifiée et, dès lors, la liquidation de la propriété étatisée. Le lien obligé entre les trusts et entre les usines au sein des trusts se romprait. Les entreprises les plus favorisées seraient livrées à elles-mêmes. Elles pourraient devenir des sociétés par actions ou adopter toute autre forme transitoire de propriété telle que la participation des ouvriers aux bénéfices. Les kolkhozes se désagrègeraient également, plus facilement encore. La chute de la dictature bureaucratique actuelle sans son remplacement par un nouveau pouvoir socialiste annoncerait ainsi le retour au système capitaliste avec une baisse catastrophique de l’économie et de la culture.

Mais si le pouvoir socialiste est encore absolument nécessaire à la conservation et au développement de l’économie planifiée, la question de savoir sur qui s’appuie le pouvoir soviétique d’aujourd’hui et dans quelle mesure l’esprit socialiste de sa politique est assuré n’en est que plus sérieuse.

Lénine, parlant au XIe congrès du parti, comme s’il lui faisait ses adieux, disait à l’adresse des milieux dirigeants : "L’histoire connaît des transformations de toutes sortes ; il n’est pas sérieux du tout en politique de compter sur les convictions, le dévouement et les belles qualités de l’âme..." La condition détermine la conscience. En une quinzaine d’années, le pouvoir a modifié la composition sociale des milieux dirigeants plus profondément que ses idées. La bureaucratie étant, de toutes les couches de la société soviétique, celle qui a le mieux résolu sa propre question sociale, elle est pleinement satisfaite de ce qui est et cesse dès lors de donner quelque garantie morale que ce soit de l’orientation socialiste de sa politique. Elle continue à défendre la propriété étatisée par crainte du prolétariat. Cette crainte salutaire est nourrie et entretenue par le parti illégal des bolcheviks-léninistes, qui est l’expression la plus consciente du courant socialiste contre l’esprit de réaction bourgeoise dont est profondément pénétrée la bureaucratie thermidorienne. En tant que force politique consciente la bureaucratie a trahi la révolution. Mais la révolution victorieuse, fort heureusement, n’est pas seulement un programme, un drapeau, un ensemble d’institutions politiques, c’est aussi un système de rapports sociaux. Il ne suffit pas de la trahir, il faut encore la renverser. Ses dirigeants ont trahi la révolution d’Octobre, mais ne l’ont pas encore renversée. La révolution a une grande capacité de résistance, qui coïncide avec les nouveaux rapports de propriété, avec la force vive du prolétariat, avec la conscience de ses meilleurs éléments, avec la situation sans issue du capitalisme mondial, avec l’inéluctabilité de la révolution mondiale.

LA QUESTION DU CARACTERE SOCIAL DE L’U.R.S.S. N’EST PAS ENCORE TRANCHEE PAR L’HISTOIRE

Formulons, pour mieux comprendre le caractère social de l’U.R.S.S. d’aujourd’hui, deux hypothèses d’avenir. Supposons la bureaucratie soviétique chassée du pouvoir par un parti révolutionnaire ayant toutes les qualités du vieux bolchevisme et enrichi, en outre, de l’expérience mondiale de ces derniers temps. Ce parti commencerait par rétablir la démocratie dans les syndicats et les soviets. Il pourrait et devrait rétablir la liberté des partis soviétiques. Avec les masses, à la tête des masses, il procéderait à un nettoyage sans merci des services de l’Etat. Il abolirait les grades, les décorations, les privilèges et ne maintiendrait de l’inégalité dans la rétribution du travail que ce qui est nécessaire à l’économie et à l’Etat. Il donnerait à la jeunesse la possibilité de penser librement, d’apprendre, de critiquer, en un mot, de se former. Il introduirait de profondes modifications dans la répartition du revenu national, conformément à la volonté des masses ouvrières et paysannes. Il n’aurait pas à recourir à des mesures révolutionnaires en matière de propriété. Il continuerait et pousserait à fond l’expérience de l’économie planifiée. Après la révolution politique, après le renversement de la bureaucratie, le prolétariat aurait à accomplir dans l’économie de très importantes réformes, il n’aurait pas à faire une nouvelle révolution sociale.

Si, à l’inverse, un parti bourgeois renversait la caste soviétique dirigeante, il trouverait pas mal de serviteurs parmi les bureaucrates d’aujourd’hui, les techniciens, les directeurs, les secrétaires du parti, les dirigeants en général. Une épuration des services de l’Etat s’imposerait aussi dans ce cas ; mais la restauration bourgeoise aurait vraisemblablement moins de monde à jeter dehors qu’un parti révolutionnaire. L’objectif principal du nouveau pouvoir serait de rétablir la propriété privée des moyens de production. Il devrait avant tout donner aux kolkhozes faibles la possibilité de former de gros fermiers et transformer les kolkhozes riches en coopératives de production du type bourgeois, on en sociétés par actions. Dans l’industrie, la dénationalisation commencerait par les entreprises de l’industrie légère et de l’alimentation. Le plan se réduirait dans les premiers temps à des compromis entre le pouvoir et les "corporations", c’est-à-dire les capitaines de l’industrie soviétique, ses propriétaires potentiels, les anciens propriétaires émigrés et les capitalistes étrangers. Bien que la bureaucratie soviétique ait beaucoup fait pour la restauration bourgeoise, le nouveau régime serait obligé d’accomplir sur le terrain de la propriété et du mode de gestion non une réforme mais une véritable révolution.

Admettons cependant que ni le parti révolutionnaire ni le parti contre-révolutionnaire ne s’emparent du pouvoir. La bureaucratie demeure à la tête de l’Etat. L’évolution des rapports sociaux ne cesse pas. On ne peut certes pas penser que la bureaucratie abdiquera en faveur de l’égalité socialiste. Dès maintenant, elle a dû malgré les inconvénients évidents de cette opération, rétablir les grades et les décorations ; il faudra inévitablement qu’elle cherche appui par la suite dans des rapports de propriété. On objectera peut-être que peu importe au gros fonctionnaire les formes de propriété dont il tire ses revenus. C’est ignorer l’instabilité des droits du bureaucrate et le problème de sa descendance. Le culte tout récent de la famille soviétique n’est pas tombé du ciel. Les privilèges que l’on ne peut léguer à ses enfants perdent la moitié de leur valeur. Or, le droit de tester est inséparable du droit de propriété. Il ne suffit pas d’être directeur de trust il faut être actionnaire. La victoire de la bureaucratie dans ce secteur décisif en ferait une nouvelle classe possédante. Au contraire, la victoire du prolétariat sur la bureaucratie marquerait la renaissance de la révolution socialiste. La troisième hypothèse nous ramène ainsi aux deux premières, par lesquelles nous avions commencé pour plus de clarté et de simplicité.

Qualifier de transitoire ou d’intermédiaire le régime soviétique, c’est écarter les catégories sociales achevées comme le capitalisme (y compris le "Capitalisme d’Etat") et le socialisme. Mais cette définition est en elle-même tout à fait insuffisante et risque de suggérer l’idée fausse que la seule transition possible pour le régime soviétique actuel mène au socialisme. Un recul vers le capitalisme reste cependant parfaitement possible. Une définition plus complète sera nécessairement plus longue et plus lourde.

L’U.R.S.S. est une société intermédiaire entre le capitalisme et le socialisme, dans laquelle : a)les forces productives sont encore trop insuffisantes pour donner à la propriété d’Etat un caractère socialiste ; b)le penchant à l’accumulation primitive, né du besoin, se manifeste à travers tous les pores de l’économie planifiée ; c)les normes de répartition, de nature bourgeoise, sont à la base de la différenciation sociale ; d)le développement économique, tout en améliorant lentement la condition des travailleurs, contribue à former rapidement une couche de privilégiés ; e)la bureaucratie, exploitant les antagonismes sociaux, est devenue une caste incontrôlée, étrangère au socialisme ; f)la révolution sociale, trahie par le parti gouvernant, vit encore dans les rapports de propriété et dans la conscience des travailleurs ; g)l’évolution des contradictions accumulées peut aboutir au socialisme ou rejeter la société vers le capitalisme ; h)la contre-révolution en marche vers le capitalisme devra briser la résistance des ouvriers ; i)les ouvriers marchant vers le socialisme devront renverser la bureaucratie. La question sera tranchée en définitive par la lutte de deux forces vives sur les terrains national et international.

Les doctrinaires ne seront naturellement pas satisfaits par une définition aussi vague. Ils voudraient des formules catégoriques ; oui et oui, non et non. Les questions de sociologie seraient bien plus simples Si les phénomènes sociaux avaient toujours des contours précis. Mais rien n’est plus dangereux que d’eliminer, en poursuivant la précision logique, les éléments qui contrarient dès maintenant nos schémas et peuvent demain les réfuter. Nous craignons par-dessus tout, dans notre analyse, de faire violence au dynamisme d’une formation sociale qui n’a pas de précédent et ne connaît pas d’analogue. La fin scientifique et politique que nous poursuivons nous interdit de donner une définition achevée d’un processus inachevé, elle nous impose d’observer toutes les phases du phénomène, d’en faire ressortir les tendances progressistes et réactionnaires, de révéler leur interaction, de prévoir les diverses variantes du développement ultérieur et de trouver dans cette prévision un point d’appui pour l’action.

https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/revtrahie/frodcp9.htm

« Réfléchissant au dépérissement de l’Etat, Lénine écrivait que l’accoutumance à l’observation des règles de la communauté peut écarter toute nécessité de contrainte "si rien ne suscite l’indignation, la protestation et la révolte et n’appelle ainsi la répression". Tout est dans ce si. Le régime actuel de l’U.R.S.S. suscite à chaque pas des protestations d’autant plus douloureuses qu’elles sont étouffées. La bureaucratie n’est pas seulement un appareil de contrainte, c’est encore une cause permanente de provocation. L’existence même d’une caste de maîtres avide, menteuse et cynique ne peut pas ne pas susciter une révolte cachée. L’amélioration de la situation des ouvriers ne les réconcilie pas avec le pouvoir ; loin de là, elle prépare, en élevant leur dignité et en ouvrant leur pensée aux questions de politique générale, leur conflit avec les dirigeants.

Les "chefs" inamovibles se plaisent à répéter qu’il est nécessaire d’"apprendre", de s’"assimiler la technique", de "se cultiver" et autres belles choses. Mais les maîtres eux-mêmes sont ignorants, peu cultivés, n’apprennent rien sérieusement, demeurent grossiers et déloyaux. Leur prétention à la tutelle totale de la société, qu’il s’agisse de commander les gérants de coopératives ou les compositeurs de musique, en devient intolérable. La population ne pourra accéder à une culture plus haute sans secouer son assujettissement humiliant à cette caste d’usurpateurs.

Le fonctionnaire finira-t-il par dévorer l’Etat ouvrier ou la classe ouvrière réduira-t-elle le fonctionnaire à l’incapacité de nuire ? Telle est la question dont dépend le sort de l’U.R.S.S. L’immense majorité des ouvriers est dès maintenant hostile à la bureaucratie ; les masses paysannes lui vouent une vigoureuse haine plébéienne. Si, à l’opposé des paysans, les ouvriers n’engagent presque pas la lutte, laissant ainsi les campagnes à leurs errements et à leur impuissance, ce n’est pas seulement à cause de la répression : les ouvriers craignent de frayer la route à une restauration capitaliste. Les relations de réciprocité entre l’Etat et la classe ouvrière sont beaucoup plus complexes que ne l’imaginent les "démocrates" vulgaires. Sans économie planifiée, l’U.R.S.S. serait rejetée à des dizaines d’années en arrière. En maintenant cette économie, la bureaucratie continue à remplir une fonction nécessaire. Mais c’est d’une façon telle qu’elle prépare le torpillage du système et menace tout l’acquis de la révolution. Les ouvriers sont réalistes. Sans se faire illusion sur la caste dirigeante, tout au moins sur les couches de cette caste qu’ils connaissent d’un peu près, ils voient pour le moment en elle la gardienne d’une partie de leurs propres conquêtes. Ils ne manqueront pas de bouter dehors la gardienne malhonnête, insolente et suspecte, dès qu’ils verront la possibilité de s’en passer. Il faut pour cela qu’une éclaircie révolutionnaire se produise en Occident ou en Orient.

La cessation de toute lutte politique visible est présentée par les agents et les amis du Kremlin comme une "stabilisation" du régime. A la vérité, elle ne signifie qu’une stabilisation momentanée de la bureaucratie, le mécontentement du peuple étant refoulé. La jeune génération souffre surtout du joug de l’"absolutisme éclairé", beaucoup plus absolu, du reste, qu’éclairé... La vigilance de plus en plus redoutable de la bureaucratie face à toute lueur de pensée, de même que l’insupportable encensement du "chef" providentiel attestent le divorce entre l’Etat et la société et aussi l’aggravation des contradictions intérieures qui, faisant pression sur les cloisons de l’Etat, cherchent une issue et la trouveront inévitablement.

Les attentats commis contre les représentants du pouvoir ont souvent une grande importance symptomatique qui permet de juger de la situation d’un pays. Le plus retentissant a été l’assassinat de Kirov, dictateur habile et sans scrupule de Leningrad, personnalité typique de sa corporation. Les actes terroristes sont par eux-mêmes tout à fait incapables de renverser l’oligarchie bureaucratique. Le bureaucrate, considéré individuellement, peut craindre le revolver ; la bureaucratie dans son ensemble exploite avec succès le terrorisme pour justifier ses propres violences, non sans accuser ses adversaires politiques (l’affaire Zinoviev, Kamenev et autres). Le terrorisme individuel est l’arme des isolés impatients ou désespérés, appartenant eux-mêmes, le plus souvent, à la jeune génération de la bureaucratie. Mais, comme sous l’autocratie, les crimes politiques annoncent que l’air se charge d’électricité et font pressentir une crise.

En promulguant la nouvelle constitution, la bureaucratie montre qu’elle flaire le danger et entend y parer. Mais il est plus d’une fois arrivé que la dictature bureaucratique, cherchant le salut dans des réformes à prétentions "libérales", n’ait réussi qu’à s’affaiblir. Révélant le bonapartisme, la nouvelle constitution offre en même temps pour le combattre une tranchée à demi-légale. La rivalité électorale des cliques peut être le point de départ de luttes politiques. L’aiguillon dirigé contre les "organes du pouvoir fonctionnant mal" peut devenir un aiguillon contre le bonapartisme. Tous les indices nous portent à croire que les événements amèneront infailliblement un conflit entre les forces populaires, accrues par le développement de la culture, et l’oligarchie bureaucratique. Cette crise ne comporte pas de solution pacifique. On n’a jamais vu le diable se rogner les griffes de son plein gré. La bureaucratie soviétique n’abadonnera pas ses positions sans combat ; le pays s’achemine manifestement vers une révolution.

En présence d’une pression énergique des masses, et étant donné la différenciation sociale des fonctionnaires, la résistance des dirigeants peut être beaucoup plus faible qu’elle ne paraît devoir l’être. Sans doute ne peut-on se livrer, à ce propos, qu’à des conjectures. Quoi qu’il en soit, la bureaucratie ne pourra être écartée que révolutionnairement et ce sera, comme toujours, au prix de sacrifices d’autant moins nombreux qu’on s’y prendra plus énergiquement et plus hardiment. P réparer cette action et se mettre à la tête des masses dans une situation historique favorable, telle est la tâche de la section soviétique de la IVe Internationale, encore faible aujourd’hui et réduite à l’existence clandestine. Mais l’illégalité d’un parti n’est pas son inexistence : ce n’est qu’une forme pénible de son existence. La répression peut se montrer parfaitement efficace contre une classe qui quitte la scène, la dictature révolutionnaire de 1917-1923 l’a pleinement démontré ; le recours à la violence contre l’avant-garde révolutionnaire ne sauvera pas une caste qui se survit, dans la mesure naturellement où l’U.R.S.S. a un avenir.

La révolution que la bureaucratie prépare contre elle-même ne sera pas sociale comme celle d’octobre 1917 : il ne s’agira pas de changer les bases économiques de la société, de remplacer une forme de propriété par une autre. L’histoire a connu, outre les révolutions sociales qui ont substitué le régime bourgeois à la féodalité, des révolutions politiques qui, sans toucher aux fondements économiques de la société, renversaient les vieilles formations dirigeantes (1830 et 1848 en France, février 1917 en Russie). La subversion de la caste bonapartiste aura naturellement de profondes conséquences sociales ; mais elle se maintiendra dans les cadres d’une transformation politique.

Un Etat issu de la révolution ouvrière existe pour la première fois dans l’histoire. Les étapes qu’il doit franchir ne sont inscrites nulle part. Les théoriciens et les bâtisseurs de l’U.R.S.S. espéraient, il est vrai, que le système souple et clair des soviets permettrait à l’Etat de se transformer pacifiquement, de se dissoudre et de dépérir au fur et à mesure que la société accomplirait son évolution économique et culturelle. La réalité s’est montrée plus complexe que la théorie. Le prolétariat d’un pays arriéré a du faire la première révolution socialiste. Il aura très vraisemblablement à payer ce privilège historique d’une seconde révolution, celle-ci contre l’absolutisme bureaucratique. Le programme de cette révolution dépendra du moment où elle éclatera, du niveau que le pays aura atteint et, dans une mesure très appréciable, de la situation internationale. Ses éléments essentiels, suffisamment définis dès à présent, sont indiqués tout au long des pages de ce livre : et ce sont les conclusions objectives de l’analyse des contradictions du régime soviétique.

Il ne s’agit pas de remplacer une coterie dirigeante par une autre, mais de changer les méthodes mêmes de la direction économique et culturelle. L’arbitraire bureaucratique devra céder la place à la démocratie soviétique. Le rétablissement du droit de critique et d’une liberté électorale véritable sont des conditions nécessaires du développement du pays. Le rétablissement de la liberté des partis soviétiques, à commencer par le parti bolchevique, et la renaissance des syndicats y sont impliqués. La démocratie entraînera, dans l’économie, la révision radicale des plans dans l’intérêt des travailleurs. La libre discussion des questions économiques diminuera les frais généraux imposés par les erreurs et les zigzags de la bureaucratie. Les entreprises somptuaires, Palais des Soviets, théâtres nouveaux, métros construits pour l’épate, feront place à des habitations ouvrières. Les "normes bourgeoises de répartition" seront d’abord ramenées aux proportions que commande la stricte nécessité, pour reculer, au fur et à mesure de l’accroissement de la richesse sociale, devant l’égalité socialiste. Les grades seront immédiatement abolis, les décorations remisées aux accessoires. La jeunesse pourra respirer librement, critiquer, se tromper et mûrir. La science et l’art secoueront leurs chaînes. La politique étrangère renouera avec la tradition de l’internationalisme révolutionnaire.

Plus que jamais, les destinées de la révolution d’Octobre sont aujourd’hui liées à celles de l’Europe et du monde. Les problèmes de l’U.R.S.S. se résolvent dans la péninsule ibérique, en France, en Belgique. Au moment où ce livre paraîtra, la situation sera probablement beaucoup plus claire qu’en ces jours de guerre civile sous Madrid. Si la bureaucratie soviétique réussit, avec sa perfide politique des "fronts populaires", à assurer la victoire de la réaction en France et en Espagne — et l’Internationale communiste fait tout ce qu’elle peut dans ce sens — l’U.R.S.S. se trouvera au bord de l’abîme et la contre-révolution bourgeoise y sera à l’ordre du jour plutôt que le soulèvement des ouvriers contre la bureaucratie. Si, au contraire, malgré le sabotage des réformistes et des chefs "communistes", le prolétariat d’Occident se fraie la route vers le pouvoir, un nouveau chapitre s’ouvrira dans l’histoire de l’U.R.S.S. La première victoire révolutionnaire en Europe fera aux masses soviétiques l’effet d’un choc électrique, les réveillera, relèvera leur esprit d’indépendance, ranimera les traditions de 1905 et 1917, affaiblira les positions de la bureaucratie et n’aura pas moins d’importance pour la IVe Internationale que n’en eut pour la IIIe la victoire de la révolution d’Octobre. Pour le premier Etat ouvrier, pour l’avenir du socialisme, pas de salut si ce n’est dans cette voie.

https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/revtrahie/frodcp11.htm

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