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Michel Roger (alias Michel Olivier, Michel Roux ou Michel Noir), militant de la gauche communiste, vient de décéder

lundi 15 juillet 2024, par Robert Paris

Michel Roger (alias Michel Olivier, Michel Roux ou Michel Noir), militant de la gauche communiste dite bordiguiste, vient de décéder

Michel, militant de la gauche communiste, vient de décéder des suites d’une longue maladie. Il souhaitait un rapprochement avec les militants trotskistes révolutionnaires et il participait en ce sens à de nombreuses réunions de notre courant, La Voix des Travailleurs, ainsi qu’à des réunions communes. Nous avons eu de nombreuses occasions de débattre avec lui, mais toujours fraternellement et de manière positive pour les uns et les autres car nous savions, malgré les divergences que nous ne nous cachions pas, que nous cherchions un but commun et que ce but ne nécessitait pas le sectarisme, la lutte d’appareils politiques qui ne serait pas une lutte d’idées. Dans nos échanges, il n’a rien retranché de ses critiques ni nous des nôtres et pourtant nous avons avancé bien souvent dans le débat. Nous partageons bien des appréciations sur lui, comme homme et comme militant, exprimées ci-dessous par le camarade Juan.

Robert Paris, pour La Voix des Travailleurs

On peut lire ici quelques articles de La Voix des Travailleurs le concernant :

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article2915

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4223

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article6280

Disparition du camarade Olivier (Michel Olivier-Michel Roux)

Olivier, Michel Roux, parfois Michel Olivier, Michel Roger de son état civil, est décédé mercredi 3 juillet 2024. Il était né le 5 mars 1948. Malgré un combat long de deux ans qu’il savait devenir de plus en plus difficile et dont il ne cachait pas l’issue, Michel nous a quitté un peu plus rapidement que ce que nous pouvions penser et espérer. Son énergie, intacte, et son état physique apparent, son dynamisme, et une sorte de sérénité lorsqu’il nous évoquait explicitement sa fin – nous avons tendance à croire qu’il ne s’agissait pas d’un simple affichage –, semblaient vouloir contredire les pronostics funestes des médecins lorsqu’ils ont décidé d’arrêter son traitement. Face au cancer, il manifesta un courage et un dynamisme qui ne cessaient de nous surprendre. Comme lorsqu’il avait animé et présidé la réunion publique de la Tendance Communiste Internationaliste (TCI) à Paris [1] en septembre 2023. Il venait de subir une dernière séance d’une série de chimio quelques jours auparavant et il n’était pas certain de participer à la réunion car il avait une visite à l’hôpital l’après-midi même. Celle-ci terminée, il avait accouru à la réunion. Le lendemain, il avait participé à une réunion internationale de la TCI et du GRI à Paris. Ce n’est qu’en fin d’après-midi qu’il avait cédé aux insistances de sa compagne et des camarades et était rentré se reposer. La maladie ne le changeait pas : Michel était de ceux qui vont de l’avant, suivent leur chemin, quelles que soient les circonstances et les aléas de la vie. S’il eût des doutes ou des hésitations dans sa vie et son engagement communiste, ce que nous ne savons pas, il nous les cachait bien. Sans doute seuls ses proches, sa compagne Françoise, pourraient nous répondre.

Il était toujours aimable et, osons le mot, « gentil ». Rares étaient ses colères et encore plus rarement était-il de mauvaise humeur, avons-nous pu constater tout au long des cinq décennies où nous avons milité ensemble au quotidien à Paris. Il en fut de même ces deux dernières années. À chaque visite, il se pliait de bonne grâce à nos questions quant à sa santé. Il y répondait, directement, franchement, à son image. Car direct et franc était-il, au risque parfois de heurter. Mais tout un chacun s’apercevait vite qu’il n’y avait aucune méchanceté ou agressivité dans ses propos. Ils étaient juste clairs, directs et tranchés. Sans doute répondait-il sur sa santé comme s’il acceptait cette « tâche obligée », pour nous être aimable. Mais très vite, il changeait de sujet et nous faisait part de ses réflexions sur la situation, sur le devenir et les enjeux du camp prolétarien comme un tout et surtout des nombreux projets qu’il avait, en particulier sur les travaux historiques sur la Gauche communiste qui étaient sa passion. Ses ouvrages sous le pseudo de Michel Olivier, ou de Michel Roger, sur la Gauche communiste de France, sur la Gauche d’Italie, sur la Gauche de Russie, Le Groupe ouvrier de G. Miasnikov ou encore La Gauche bolchevique et le pouvoir ouvrier, dernièrement sur la Gauche de Turquie, Du socialisme ottoman au communisme de gauche, sont multiples tout comme sa participation de premier plan à plusieurs brochures du CCI sur la Gauche communiste. Mais plus que sa dimension « d’historien », même s’il considérait à raison ses travaux comme fondamentalement militants, nous préférons relever le « Michel militant d’organisation communiste ».

La grève massive de mai 1968 détermina le chemin qu’il entendait entreprendre. Étudiant à Toulouse, participant au Comité d’Action (CA) de la fac de droit et sciences éco (des CA s’étaient formés dans la plupart des universités), il rencontra en particulier le noyau d’origine de Révolution internationale (RI), groupe qui sera formé fin juin 1968 autour de Raoul Victor (RV). [2] Des réunions du comité d’action jusqu’à la dissolution de ce dernier au printemps 1969, il s’associa aux réunions du groupe RI, qui n’était encore qu’un cercle militant au fonctionnement plus ou moins formalisé qui devait être par la suite le principal pôle de regroupement du Courant Communiste International (CCI). Il rejoint alors ce qui n’était encore qu’un cercle militant, certes très actif et dynamique, au fonctionnement plus ou moins informel. Ses études terminées, il « monta » à Paris en 1972 où, autour de Marc Chirik et Mousso, anciens de la Gauche communiste de France (GCF), un premier noyau de militants établissait et développait rapidement la présence de RI en tant que véritable groupe communiste. Il y participa activement et avec enthousiasme. Voilà comment, en notre présence, l’hiver dernier, il présentait son parcours à un jeune militant d’Amérique de la TCI : « si j’ai quitté Toulouse, alors que j’aurais très bien pu y travailler et y rester près de ma famille et de celle de ma compagne, et si je suis monté à Paris, ce fut pour des raisons politiques et l’importance centrale de la région parisienne. RI venait de constituer un groupe à Paris et il s’agissait de s’y investir et de construire une véritable organisation. » [3]

Il fut militant de RI et du CCI jusqu’à mars 2002 et l’exclusion de tous les membres de la Fraction interne du CCI (FICCI). Durant ces trois décennies, il fut membre du Secrétariat exécutif (SE) de la section en France du CCI, puis son délégué au Secrétariat international (SI) jusqu’à la crise organisationnelle de 2001. Durant toutes ces années, à côté de ses recherches et travaux historiques, parfois même à leur détriment [4] nous avait-il confié après notre exclusion du CCI, il fut une des principales chevilles ouvrières, au côté de Jonas-Jacky Mamane, [5] de la construction et du développement de RI au sein du secrétariat de l’organe central (SE) de la section en France. Après la crise organisationnelle de 1995 et l’affaiblissement numérique et politique du Secrétariat international du CCI, les deux, Michel et Jacky, Olivier et Jonas de par leur pseudo, furent nommés et intégrés au SI. Malgré leur participation active et leur rigueur organisationnelle, et le renforcement politique que leurs seules présences représentaient, ils ne furent pas en capacité d’aider le SI comme un tout à dépasser ses dysfonctionnements internes, ses habitudes de cercle. Celui-ci ne réussit pas à déjouer les manœuvres de coulisse et les manipulations psychologiques opérées en son sein et à Paris par ceux qui, dans l’ombre, voulaient éliminer la « vieille garde » du CCI et introduire définitivement les théories destructrices de la Décomposition, du parasitisme et du clanisme – ce dernier comme explication fondamentale des crises organisationnelles du mouvement ouvrier. Les deux, Olivier et Jonas, gardaient pourtant un goût amer de la crise de 1995 dans laquelle ils avaient eu un rôle important, avec le sentiment, nous avaient-ils confié séparément et en différentes occasions dans ces années 1990, avant la crise de 2001 donc, d’« avoir été trop loin », d’avoir été partiaux, et de s’être laissés entraîner et manipuler au « nom de la défense de l’organisation ». Or ce fut précisément à l’occasion de cette crise de 1995 que la théorie du clanisme fut introduite au sein du CCI. Incapables de la remettre en cause, ils restèrent comme l’ensemble de l’organe central international du CCI, son secrétariat et son Bureau international, comme l’ensemble du CCI, comme nous tous, prisonniers de la théorie opportunisme du clanisme, réduisant les désaccords politiques à des questions d’amitié ou d’inimitié personnelle et à la psychologie individuelle.

Nous ne revenons pas ici sur la crise de 2001 qui vit l’exclusion – au nom de son supposé clanisme « haineux » – de tous les membres de la Fraction interne du CCI (FICCI) dont faisait partie Michel. Le lecteur intéressé peut se référer à l’Historique du SI qui retrace toute la genèse de la crise et son déroulement final. Il est disponible sur le site de la FICCI toujours ouvert. [6] Nous fûmes tous frappés et affectés par nos exclusions et surtout les conditions scandaleuses de celles-ci tout comme par nos dénonciations publiques par le CCI. [7] Michel sans doute plus que tout autre. Sa personnalité franche, directe, profondément honnête, ne comprenait pas et ne supportait pas que de telles infamies puissent lui être jetées à la figure, qui plus est publiquement. Encore moins que des dizaines de camarades puissent du jour au lendemain l’insulter et le rejeter, faisant fi de décennies de combat commun et de fraternité militante.

Très rapidement, en 2003, il ne se reconnut plus, ou difficilement, dans la démarche d’organisation que la FICCI avait adoptée. Elle se voulait « fraction du CCI » et entendait mener à la fois un combat « organisationnel » – même si exclue – et de défense des principes et acquis du CCI « historique ». Pour lui, il convenait de questionner directement une grande partie de l’expérience du CCI et de ne plus se sentir contraint par une démarche et une méthode d’organisation obligeant le militant à se référer aux programme et positions de l’organisation – ici la plateforme et les positions du CCI. Il quitta la fraction. Précisons que nous gardâmes des relations fraternelles et cordiales. Ses premiers travaux historiques, auxquels il put dès lors se dédier sans restriction « militante » ou d’organisation, le virent se rapprocher du milieu autour des Éditions Smolny. Composé principalement d’anciens membres de groupes de la Gauche communiste, du CCI en particulier, nous pouvons considérer que ce milieu se situe principalement sur le terrain politique et militant du conseillisme et de l’individualisme. La préface au livre de Smolny sur la revue Kommunist de la fraction Boukharine de 1918 qu’il rédigea en 2011 avec Marcel Roelands (Controverses) cédait aux critiques traditionnelles du conseillisme sur la Révolution russe et le parti bolchevique, en particulier en reprenant à son compte la position de Kommunist contre la signature de la paix de Brest-Litovsk en 1918. [8]

Démarches politiques différentes et divergences politiques naissantes, nous crûmes alors, avouons-le, que nos chemins politiques allaient se séparer à jamais. Il n’en fut rien. Les ambitions individuelles mesquines qui lui étaient totalement étrangères et les petites manœuvres qui vont avec le détournèrent assez rapidement de ce milieu. Michel, qui était resté en contact avec la Tendance Communiste Internationaliste (TCI) et nous-mêmes, se rapprocha alors de celle-ci. S’il appartiendra à la TCI de retracer de manière plus complète le parcours de Michel en son sein, nous pouvons dire qu’il assura seul la publication de la revue Bilan et Perspectives durant des années. Puis, adhérant à la TCI, il fut à l’initiative de la formation du noyau de la TCI en France qui se concrétisa par la formation du Groupe Révolutionnaire Internationaliste. [9]

Cet hommage à Michel ne serait pas complet si nous ne mentionnons pas d’autres aspects de sa personne. C’est difficile dans la mesure où il était discret sur sa vie personnelle. Il adorait l’opéra et était féru d’histoire. Lorsque de retour de réunions sur Paris, il raccompagnait dans sa voiture des camarades venant d’autres pays, il aimait à narrer l’histoire des monuments parisiens que nous pouvions croiser ; surtout celle de La Tour de l’horloge du Palais de la Cité. Nous savons que nombre de camarades firent appel à lui et à sa compagne Françoise, les deux ayant fait des études de droit, pour les sortir de difficultés administratives ou légales. Ils les recevaient toujours et n’hésitaient pas à leur fournir avis et conseil. Une fois à la retraite, il s’était porté bénévole « auprès du défenseur des droits » en banlieue parisienne, en Seine Saint-Denis, pour aider des personnes en difficulté, immigrés, démunies, à faire valoir leurs « droits ». Sa voix claire et forte – de stentor pourrions-nous dire – et la pointe d’accent du Sud-Ouest qu’il avait eu le bonheur de garder résonneront longtemps dans notre mémoire. Son énergie et son enthousiasme nous manquent déjà.

Le lecteur habitué à nous lire sait que nous défendons le caractère anonyme du militant communiste qui ne peut se « réaliser » que dans le cadre collectif organisé. Lorsqu’un militant communiste disparaît, il est de coutume de déclarer que « nous continuons son combat ». Pourtant, Michel est un cas à part : les travaux historiques qu’il réalisait lui était propre si l’on peut dire. En ce sens, il a apporté au mouvement ouvrier quelque chose de spécifique auquel son nom restera attaché. À juste raison, nous savons qu’il en était fier et heureux.

Nous exprimons notre solidarité aux camarades du Groupe Révolutionnaire Internationaliste et de la Tendance Communiste Internationaliste, auxquels il a tant apporté ces dernières années. Pour l’auteur de ces lignes, cinq décennies de combats communs, parfois rudes et douloureux, surtout depuis 2001, parfois heureux et enthousiasmant, se sont éteintes. Discret et pudique était-il, pourtant je crois pouvoir dire que nous étions devenus aussi des amis.

Tristes, nous exprimons notre amitié et notre soutien à sa compagne de toujours, Françoise, et à sa famille.
Le 6 juillet 2024, Juan pour le GIGC

Notes :

[1] . cf. Révolution ou guerre #26, Réunion publique de Bilan et Perspectives à Paris : https://www.igcl.org/Reunion-publique-de-Bilan-et

[2] Membre d’Internacionalismo fondé par Marc Chirik au Venezuela et venu en France pour ses études, RV commença à regrouper un cercle autour de lui dès avant mai 1968. Ce cercle s’élargit et fut particulièrement actif durant mai 1968 dans les assemblées ouvrières et étudiantes, et fut un animateur central du Comité d’Action de la Fac de droit et de la coordination des CA qui perdurèrent l’année suivante.

[3] Pour connaître de manière détaillée les débuts de Révolution internationale et le processus de regroupement ayant eu lieu au cours et après 1968, le lecteur peut se référer à la présentation qu’Olivier – Michel –, lui-même, a rédigé pour le site Fragments d’histoire de la gauche radicale ([https://archivesautonomies.org/spip.php?article5138]). Elle mentionne un certain M.Rx qui n’est autre que Michel lui-même...

[4] . En tant que membre du SE et du SI à la fois, Olivier-Michel était le camarade qui participait au plus grand nombre de réunions régulières au sein du CCI. Il devait participer et participa sans faute aux réunions hebdomadaires de la section de Paris, du SE et du SI durant les années 1990. Soit trois réunions par semaine auxquelles il faut rajouter une réunion mensuelle des SI « élargis » aux membres européens du Bureau international, les réunions trimestrielles de la Commission exécutive de RI, celles des BI pléniers qui alternaient avec les congrès annuels de RI et du CCI. À ces réunions multiples, on peut rajouter les voyages et délégations dans telle ou telle section locale et territoriale lors de leur congrès ou réunions générales. Ce rythme effréné de réunions durant des années, et auquel une grande partie des militants, surtout ceux des organes centraux, était aussi soumis alors même que le prolétariat ne se manifestait que peu, trop peu, explique certainement en partie les difficultés de réflexion et le manque d’énergie et d’enthousiasme militants qui affecta de manière croissante le CCI et ses militants de ces années, au point de les trouver « politiquement » épuisés et apathiques lors de la crise de 2001 et des remises en question éhontées des principes organisationnelles qui l’accompagnèrent.

[5] . https://www.igcl.org/Le-camarade-Jonas-l-ami-Jacky-nous

[6] . En deux parties : https://fractioncommuniste.org/index.php?SEC=b10 et https://fractioncommuniste.org/index.php?SEC=b17.

[7] . « Flics, gangsters, voleurs, voyous, crapules, nazis, staliniens... », guidés « par leur haine clanique et satanique… » La liste est longue et nous n’inventons rien.

[8] . Le lecteur peut lire la critique de cette préface que la Fraction de la Gauche Communiste Internationale (FGCI), continuation de la FICCI, publia dans son Bulletin communiste #7 : La défense du caractère prolétarien de la Révolution russe est toujours une frontière de classe (https://fractioncommuniste.org/fra/bci07/bci07_5.php).

[9] . cf. notre salut au renouveau de la revue B&P dans Révolution ou guerre #23 (https://igcl.org/Bilan-et-perspectives-21-renouveau) et l’annonce de la constitution du GRI sur les pages de la TCI : (https://www.leftcom.org/fr/articles/2023-10-07/naissance-du-groupe-r%C3%A9volutionnaire-internationaliste).

Révolution ou Guerre

http://www.igcl.org/Disparition-du-camarade-Olivier

Lire aussi :

https://dissidences.hypotheses.org/3527

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