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Documents de Barta sur la deuxième guerre mondiale :

lundi 25 juin 2007, par Robert Paris

La lutte contre la deuxième guerre impérialiste mondiale
Barta

Novembre 1940

L’origine de la guerre

Pour justifier aux yeux des masses la folie d’une nouvelle guerre, le gouvernement Daladier, commis des deux cents familles, invoqua les agressions de l’Allemagne contre « l’ordre » européen.
Mais « l’ordre européen » que voulait défendre Daladier, c’était l’ordre de Versailles, et Versailles étouffait l’Europe. Ainsi, à nouveau du sang devait être versé pour la défense des rapines de la première guerre impérialiste mondiale.
Le Livre jaune devait démontrer que Hitler n’entendait se laisser entraver par rien, sinon par la force. Ce que fit Daladier en envoyant au front cinq millions d’ouvriers et de paysans, pour la gloire du capitalisme français.
Malheur aux vaincus ! En 1919, le Traité de Versailles obligea l’Allemagne à se charger devant les peuples du monde entier du crime de la première guerre mondiale. Vainqueur momentané de la guerre actuelle, l’Allemagne rejette sur la France le stigmate de fauteur de guerre.
Les accusations mutuelles des belligérants n’ont pas pour but seulement de justifier aux yeux de « leurs » peuples la participation au conflit. Elles doivent aussi et surtout cacher à tous les peuples les vraies causes de la guerre. Si l’humanité est plongée périodiquement dans un cauchemar, c’est la faute de tel ou tel peuple, soit en raison de son militarisme (l’Allemagne), soit qu’il occupe un « espace vital » « nécessaire » aux autres (France et Angleterre).
Maintenant les clameurs s’élèvent de toutes parts. « Nous réorganiserons l’Afrique » proclame l’Axe. « Un ordre nouveau en Asie » clament les généraux du Mikado. « Il s’agit pour nous de survivre » dit Churchill. « Nous voulons simplement que nos paisibles bateaux marchands puissent circuler librement sur toutes les mers » affirme Roosevelt, tandis qu’il soumet à son contrôle les Amériques entières. Voilà comment « l’incident polonais » devient conflit mondial, voilà comment derrière la « lutte pour un ordre européen » se cache la lutte pour un nouveau partage du monde. Ainsi se dévoile à nos yeux la cause réelle de la guerre : l’impérialisme des pays capitalistes « avancés ».

Documents de Barta sur la guerre mondiale et l’après-guerre
(dirigeant du groupe trotskyste Union Communiste Internationaliste UCI)
tirés du site marxists.org :

http://www.marxists.org/francais/tr...

http://www.marxists.org/francais/4i...

Qui était Barta ?

L’impérialisme, base de la guerre.

Qu’est-ce que l’impérialisme (le capitalisme des monopoles né de la libre concurrence) ?
L’impérialisme, c’est la mainmise du capital financier (monopoles, trusts) sur l’économie mondiale. Cette mainmise s’est accomplie de la manière suivante : les pays arrivés les premiers au stade industriel cherchèrent des débouchés et des matières premières sur les autres continents, retardataires économiquement : Afrique, Asie, Amériques, etc… L’Angleterre et plus tard la France s’emparèrent des colonies, du dix-septième au dix-neuvième siècle. Quand d’autres pays devinrent industriels, l’Allemagne, le Japon, etc... Ils ne trouvèrent plus que des miettes. Cette situation leur était d’autant plus intolérable que leur puissance industrielle, basée sur une technique plus avancée, dépassait celle de leurs rivaux. C’est au début du vingtième siècle que le capitalisme de la libre concurrence se transforma en capitalisme des monopoles, c’est-à-dire que le globe acheva d’être partagé en sphères d’influence et possessions des pays capitalistes « avancés ».
Les impérialismes tard venus, « affamés », ne peuvent donc plus obtenir des débouchés et des matières premières qu’au détriment des sphères d’influence et possessions des vieux impérialismes « repus ». En 1914 éclata la première guerre mondiale pour le repartage du globe. Elle tourna à l’avantage des impérialismes « repus », mais ceux-ci durent cependant céder le pas devant un jeune rival qui avait décidé de la victoire : les Etats-Unis.
« La force change différemment chez ces participants du partage, car il ne peut y avoir en régime capitaliste de développement égal des entreprises, des trusts, des branches d’industrie, des pays (Lénine). Bientôt le Traité de Versailles, imposé par l’Entente, devint caduc, l’Allemagne écrasée se relève rapidement, et d’autre part, les rapports de forces dans le monde changent complètement. Voilà sur quelle base surgit la deuxième guerre mondiale pour le deuxième repartage du globe. La comédie de la « révision pacifique » n’était destinée précisément qu’à cacher ce fait capital aux yeux des peuples.

L’impérialisme, oppresseur des peuples.

« Ce qui est essentiel pour l’impérialisme », dit encore Lénine, « c’est la rivalité de plusieurs grandes puissances tendant à l’hégémonie, c’est-à-dire à la conquête de territoires, non pas tant pour elles-mêmes que pour affaiblir l’adversaire et saper son hégémonie ».
C’est uniquement dans le but impérialiste d’affaiblir son rival que l’Angleterre se flatte de libérer le continent de la domination allemande, et que l’Allemagne annonce la libération de l’Egypte, de l’Inde, du monde arabe, etc..., de l’oppression anglaise. Malgré leurs phrases sur la libération des peuples opprimés par d’autres qu’eux-mêmes, les pays impérialistes en lutte font en réalité un front unique contre la liberté des peuples. Si l’Allemagne voulait réellement libérer les Indes, ce n’est pas Gandhi qu’elle exalterait comme promoteur de cette libération, car l’homme qui se trouve à la tête de la « désobéissance passive » n’est que l’agent des lords pour briser ce mouvement.

L’internationalisme

« Les alliances pacifiques préparent la guerre et surgissent à leur tour de la guerre, se conditionnant l’une l’autre, engendrant les alternatives de lutte pacifique et non pacifique sur une seule et même base, celle des liens et rapports impérialistes entre l’économie et la politique mondiale » (Lénine).
Tant que subsiste l’impérialisme (le capitalisme des monopoles) la paix n’est qu’une trêve entre deux guerres. La lutte pour la paix se transforme ainsi en lutte contre le capitalisme impérialiste.
Mais la lutte anti-capitaliste ne peut être menée que sous la direction du prolétariat industriel. Si la bourgeoisie, par le nationalisme, luttait encore au dix-neuvième siècle contre le particularisme et le morcellement féodal, actuellement, dans les pays impérialistes, son « patriotisme » (contrairement à celui des masses) n’est plus qu’un paravent commode ; derrière, elle poursuit son brigandage international. Au vingtième siècle c’est le prolétariat qui, par l’internationalisme de classe, peut seul lutter contre le morcellement national de l’économie mondiale et mettre fin à la guerre. Dans cette voie ses alliés naturels sont les autres classes opprimées de la société bourgeoise, ainsi que les peuples coloniaux et opprimés.
Nous allons donc examiner la politique prolétarienne avant et pendant le conflit actuel. Commençons par déblayer le terrain des mensonges et calomnies de la bourgeoisie pour discréditer les ouvriers.

Les causes de la défaite

L’ignoble défaite de juin 1940 révéla la complète pourriture de la bourgeoisie française.
Le peuple en exode désignait spontanément, mais d’autant plus sûrement, les responsables du désastre : hommes d’Etat, diplomates, capitaines d’industries, bureaucrates, officiers et gardes mobiles en fuite, c’est-à-dire les classes dirigeantes et leur Etat.
Devant la colère menaçante des masses la bourgeoisie fut prise de peur et annonça elle-même la punition des « responsables ». Elle pensait gagner de cette façon du temps et laisser la colère du peuple s’apaiser. Mais on vit bientôt que la bourgeoisie entendait cette justice comme un moyen d’échapper à ses propres responsabilités et comme une occasion de se venger de la classe ouvrière.

Les 40 heures
Elle essaya d’abord de dresser contre celle-ci les paysans et les petites gens en accusant les ouvriers de paresse ; si nous n’avons pas eu assez d’avions, la faute aux quarante heures !
Belle occasion de revanche !
Toujours la bourgeoisie rejette les fautes de l’exploitation capitaliste sur la paresse des ouvriers. Cependant que, dans la recherche du profit, les entreprises éliminent de la production des masses croissantes de producteurs et les transforment en sans-travail inutiles à la société.
Ainsi en France, pendant les quarante heures qui n’ont duré d’ailleurs que six mois, il y avait 400.000 sans-travail et 400.000 chômeurs partiels. Le mode de production capitaliste rendait inutile cette partie du prolétariat et exténuait l’autre en la faisant travailler soixante heures avant même que le conflit éclate. Sur la base de la propriété capitaliste, il ne pouvait être fabriqué davantage d’avions : le profit des capitalistes aurait baissé. Actuellement les aciéries américaines travaillent à 93% de leur rendement, mais douze millions de chômeurs pèsent sur l’économie du pays. C’est pourquoi le mot d’ordre de la Quatrième Internationale : « expropriation des industries travaillant pour la guerre » donnait la clé d’une défense efficace du pays. Contrairement à ce que veut faire croire la bourgeoisie, ce n’est pas dans les quarante heures mais bien dans les soixante heures que se trouve une des causes de la défaite.

Le procès de Riom
A Riom, ce sont des ministres et gros personnages qu’on « accuse » ; mais là encore, c’est aux ouvriers qu’on s’en prend. La classe ouvrière n’a pas seulement été paresseuse mais encore sa politique – que ces Messieurs sont censés avoir représentée – a mené le pays au désastre. Certes, nous ne contestons pas que les ministres arrêtés ont reçu le « baptême rouge » par leur alliance avec les chefs communistes dans le « front populaire » ; mais leur politique au gouvernement fut dirigée contre le prolétariat, contre le mouvement de masse qui précéda cette guerre. Ils ont aidé la bourgeoisie à reprendre de la main gauche ce qu’elle avait été obligée de céder de la main droite. En un mot, ils furent au service non pas des ouvriers, mais des capitalistes.
Quand Blum est accusé d’avoir trahi au profit de l’Espagne, c’est évidemment des ouvriers qu’il s’agit : n’est-ce pas eux qui manifestaient « des avions, des canons pour l’Espagne ! » ? Cette revendication était l’expression véritable d’une politique extérieure propre au prolétariat qui, en aidant la Révolution espagnole, s’opposait effectivement à la guerre impérialiste et ses conséquences. Mais Blum, exécutant les volontés des deux cents familles, vola aux héroïques défenseurs d’Irun leurs propres armes et les livra ensuite aux fascistes ; la victoire de Franco, en éloignant le péril rouge, a précipité la guerre impérialiste. Si la politique de Blum a été désastreuse pour le pays, c’est que son action avait pour but de sauver la domination de classe de la bourgeoisie française sur le prolétariat.

Un peuple qui en opprime un autre...

La politique des gouvernements « Front Populaire » étant celle qu’a menée la bourgeoisie après Versailles, politique symbolisée par Briand et Poincaré – Société des Nations et fermeté – pourquoi a-t-elle finalement conduit la France à la défaite ?
Parce que « La position de la France dans le monde, telle qu’elle a été fixée par le Traité de Versailles, ne correspond aucunement aux ressources réelles de la République. Sa population ne s’accroît pas. L’économie stagne. Elle n’a pas de pétrole à elle. Les provisions en charbon sont insuffisantes. Les finances ébranlées. Plus que dans tout autre pays, la sécurité nationale de la France dépend des autres pays : de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis, sinon de l’URSS. La guerre rejettera la France au rôle d’une puissance de seconde zone. En même temps que la situation mondiale de ce pays, son ordre social sera ébranlé » (Trotsky, 9 août 1937). Sur quoi ce pronostic était-il basé ?
Maintenir en esclavage soixante-dix millions de coloniaux et faire en même temps le gendarme de l’Europe fut possible à la France tant que les peuples du Continent ne se furent pas relevés des désastres provoqués par la guerre. Mais quand elle eut devant elle un peuple de quatre-vingt millions d’hommes qui entendait revendiquer pour lui – par la force – la « mission » de maintenir « l’ordre européen », cette tâche s’avéra au-dessus de ses forces : sur le terrain de l’impérialisme, la France devait finalement céder le pas à l’Allemagne.
Mais si la France, dirigée par le prolétariat, avait libéré « ses » colonies, le soutien, non seulement des coloniaux exploités par la bourgeoisie française, mais encore de tous les peuples opprimés, l’aurait rendue invincible. Un peuple qui en opprime un autre doit s’attendre à être OPPRIME A SON TOUR.

La seule voie

Le rôle réactionnaire et anti-national de la bourgeoisie, complètement dévoilé par la guerre, s’exprime actuellement sans équivoque dans l’action de ses deux sauveurs : Pétain et De Gaulle. Par l’un elle se jette dans l’étreinte mortelle de Hitler, par l’autre, elle lutte pour la revanche, pour un nouveau Versailles dicté par l’impérialisme anglais. Mais dans un cas comme dans l’autre, son rôle ne peut plus être que celui d’exécutant docile. Plus que jamais la domination de la bourgeoisie signifie pour la France bassesse et servilité.
C’est seulement la voie prolétarienne qui reste ouverte au relèvement de la France. Les ouvriers français unis aux ouvriers européens dans la même lutte anti-impérialiste – l’impérialisme français, allemand, italien et espagnol – mettront fin à l’exploitation de classe et à l’oppression nationale sur le Continent. Le succès du prolétariat européen est assuré par la situation sans issue de l’Europe dans le monde capitaliste. Nous allons le démontrer en donnant une réponse aux questions suivantes : Hitler a-t-il vaincu définitivement ? Hitler organise-t-il un « nouvel ordre européen » ?

Victoire de Hitler ?

Quand l’Europe était maîtresse du monde, sa domination assurait à la première puissance continentale l’hégémonie sur le globe entier. Tel est le secret de la politique traditionnelle anglaise, le fameux « équilibre » vis-à-vis des pays européens. Mais hélas ! Le temps est révolu où l’Europe était le centre économique du monde. Un court processus historique, à peine quatre cents ans, a préparé le développement inouï des forces productives ailleurs que sur le vieux continent. Chassés par les persécutions acharnées des classes dominantes, les meilleurs éléments de la société monarchiste avaient émigré dans le nouveau monde. Là, les conditions naturelles du continent, unies au savoir-faire des artisans européens, ont jeté les bases d’une économie qui, au vingtième siècle, dépasse les autres parties de l’économie mondiale.
Cette prédominance de l’économie américaine n’assura cependant l’hégémonie de l’Amérique que par suite de la première guerre entre les impérialismes européens. Tandis que l’Europe se ruinait, l’Amérique se fortifiait et s’enrichissait. La première guerre impérialiste, née de l’antagonisme anglo-allemand, consacra la victoire de... leur rival américain sur l’Europe et sur le monde. Il faut donc examiner la question en partant de ce fait décisif. Car les victoires de Hitler sur le continent ne suppriment pas, mais au contraire accroissent la dépendance de l’Europe vis-à-vis de l’Amérique.

Europe et Amérique

Les journalistes à la solde de Hitler dépensent beaucoup d’encre pour nous rassurer sur la victoire de ce dernier. Pour ce faire, ils escamotent le problème essentiel, les rapports entre l’Europe et l’Amérique. Ecoutons un Monsieur Stanislas : « Le Président des Etats-Unis sait fort bien que son peuple ne le suivrait pas dans une lutte pour arracher l’hégémonie de l’Europe à l’Allemagne . Par contre il aurait son peuple entièrement derrière lui si le chancelier Hitler voulait attaquer le Canada  » (Aujourd’hui, 2 octobre 1940). Tout simplement ! Cependant, les gens sérieux qui parlent au nom du capital financier allemand, posent la question tout autrement : « Il faut que les Etats-Unis renoncent à être en même temps premier exportateur industriel et premier exportateur financier » (Dr Funk).
Dilemme que l’impérialisme américain ne pourra jamais accepter.
Le capitalisme américain a, plus que tout autre, besoin du monde entier comme champ d’action, à la fois comme exportateur de produits industriels et de capitaux.
« L’Amérique accumule annuellement sept milliards. Que faire de cet argent ? L’enfermer simplement dans un sous-sol, c’est en faire un capital mort qui diminuera les profits du pays. Tout capital exige des intérêts. Où placer les fonds disponibles ? Le pays lui-même n’en a pas besoin. Le marché intérieur est sursaturé, il faut chercher une issue à l’extérieur. On commence à prêter aux autres pays, à investir des fonds dans l’industrie étrangère. Mais que faire des intérêts ? Ils reviennent en effet en Amérique. Il faut ou bien les placer de nouveau à l’étranger s’ils sont en espèces, ou bien, au lieu de toucher de l’or, importer des marchandises européennes. Mais ces marchandises saperont l’industrie américaine, dont l’énorme production a déjà besoin d’un débouché extérieur. Telle est la contradiction. Ou bien importer de l’or dont on n’a que faire, ou bien, au lieu d’or, importer des marchandises au détriment de l’industrie nationale.. C’est pourquoi l’Amérique a de plus en plus besoin de s’étendre, c’est-à-dire d’investir le superflu de ses ressources dans l’Amérique latine, en Europe, en Asie, en Australie, en Afrique » (Léon Trotsky).
Avant même que le conflit éclate ouvertement, un déplacement considérable de forces se fait en direction des Etats-Unis. Ce que Hitler a conquis – sources de faiblesse prochaine – pâlit devant les rapines « pacifiques » de Roosevelt : monopole sur les deux Amériques, où le capital anglais et allemand occupait des positions considérables, protection de l’« Empire » britannique, mainmise sur les positions stratégiques qui commandent les océans ! En affaiblissant l’Angleterre, l’Allemagne a joué jusqu’à maintenant le rôle de soldat de l’Amérique. C’est là un des aspects de la dépendance de l’Europe vis-à-vis de l’Amérique.
Ce n’est donc nullement l’hégémonie d’Hitler en Europe que craint Roosevelt. La vraie question est la suivante : quelle place le capital financier américain laissera-t-il au capital financier européen dans l’économie mondiale ? C’est la guerre qui en décidera, car seule la guerre peut déterminer le véritable rapport de forces.
Défaite de Hitler

Le principe stratégique de Clausewitz – grand théoricien allemand de la guerre – « possession entraîne puissance  » trouva une nouvelle vérification par la fin de la guerre de 1914-1918. La formidable armée de Guillaume II fut mise en échec par la situation historique de l’Allemagne : ses rivaux avaient sur elle l’immense avantage d’avoir établi leur domination mondiale à une époque où les peuples purent être entraînés dans la voie capitaliste. Mais notre siècle, c’est l’époque de l’émancipation prolétarienne et coloniale. Si, contrairement à Guillaume, Hitler réussit à débarquer à Londres, encore moins que celui-ci il atteindra les Indes.
Hitler a vaincu en Europe, mais l’Europe a été vaincue par l’Amérique voici vingt-six ans, quand éclata le premier conflit mondial. Si la flotte italienne est forte en Méditerranée, la maîtrise des océans appartient à la flotte américaine et anglaise.
Que vaut l’allié japonais ? Le Japon, c’est le colosse aux pieds d’argile. Le criant contraste économique, social, culturel, fait de lui l’impérialisme le plus féroce, mais le plus vulnérable : son industrie avancée couronne une économie agraire quasi-féodale ; 70 % de la population agricole cultive 33 % de toute la terre arable ; les rapports de propriété sont pires : 7,5 % des propriétaires possèdent 50 % de la terre, tandis que 50 % des propriétaires en possèdent 9% ! C’est avec raison que la Quatrième Internationale voit dans le Japon un des premiers chaînons capitalistes destinés à se rompre.
L’Allemagne et l’Italie sont également déchirées par de terribles contradictions sociales. La guerre n’est que l’expression renversée de ces contradictions. Hitler et Mussolini échappent à leur faillite en portant à l’extérieur le dynamisme explosif des forces productives allemandes et italiennes. Tout revers, ou même tout piétinement sur place, menace de faire exploser leur machine de guerre : ils sont contraints à l’offensive permanente ; ils doivent briser aussi coûte que coûte, leur encerclement européen. Cette situation stratégique poussa autrefois Napoléon à sa campagne de Russie !

1942
Les cahiers du militant nº1
Barta

La bourgeoisie dans les pays impérialistes
La confusion au sujet de la " lutte nationale " qui sévit depuis juin 40 parmi les ouvriers, soigneusement entretenue par les staliniens, n’a pas épargné une fraction de l’avant-garde révolutionnaire qui s’intitule " Comités (!) français de la IVème Internationale ".
Ce groupe, qui dans le désarroi idéologique consécutif à la débâcle de l’armée française, préconisait la création de "Comités de vigilance nationale " avec des bourgeois pensant français, est aujourd’hui revenu sur des positions "internationalistes " ; mais, soit à propos du " front unique des petits patrons et des ouvriers contre la concentration industrielle ", soit lorsqu’il admet en général "l’alliance avec des courants de la bourgeoisie dans des conditions déterminées" (Informations Ouvrières), il apparaît clairement qu’il manque d’une compréhension sérieuse des rapports de classes réels dans les pays impérialistes.

Qu’est-ce qu’un bourgeois " pensant français " ? Remontons aux ancêtres : déjà en 1875 (à propos de Lassalle qui disait que " la classe ouvrière travaille à son affranchissement tout d’abord dans le cadre de l’État actuel, sachant bien, que "...etc...) Marx constate dans la Critique du Programme de Gotha :
Le " cadre de l’État national actuel " c’est-à-dire l’Empire allemand, entre lui-même à son tour, économiquement, " dans le cadre " du marché universel, politiquement " dans le cadre " du système des États. Le premier marchand venu sait que le commerce allemand est aussi commerce extérieur et la grandeur de M. Bismarck réside précisément dans une sorte de politique internationale ".
... Le bourgeois ne pense ni "français", ni "allemand", ni "anglais", etc... ; le bourgeois pensé marché. C’est cela qui détermine ses sentiments et ses actes réels, et sa phraséologie nationaliste couvre seulement le fait que la base de sa puissance politique se trouve dans un État donné.
Dans les pays coloniaux et semi-coloniaux il y a certains objectifs communs au prolétariat et à la bourgeoisie du fait que le bourgeois indigène, pensant " marché ", est loin d’avoir atteint ses objectifs capitalistes de classe contre les restes féodaux (militarisme local, etc…) dans son pays et contre l’impérialisme étranger. Ce qui le caractérise, c’est le fait qu’il joue surtout le rôle d’intermédiaire entre le marché local et le capital financier (exporté par les banques et les trusts des pays impérialistes) : le bourgeois indigène ne s’est pas encore élevé à la domination économique et politique nationale, il a besoin de créer son État contre le morcellement hérité du féodalisme et d’obtenir l’égalité juridique contre l’impérialisme, etc... Le prolétariat, d’autre part, pour mener à bien sa lutte pour ses objectifs de classe a tout d’abord également besoin d’un " cadre d’État national ". Ce sont ces intérêts historiques communs aux classes antagonistes qui rendent possible le front unique avec " certains courants de la bourgeoisie " dans les pays coloniaux et semi-coloniaux. D’ailleurs, cette possibilité d’accord entre le prolétariat, gardant son entière indépendance, et la bourgeoisie est très limitée, car la bourgeoisie indigène, devant lutter pour ses objectifs de classe à l’époque impérialiste, qui est aussi celle des " guerres civiles " (Lénine), craint encore plus son propre prolétariat que l’impérialisme.
Mais dans les vieux pays impérialistes il en est tout autrement. La bourgeoisie a atteint ses objectifs de classe, c’est-à-dire la main-mise sur les forces productives et sur la puissance politique de l’État englobant une ou plusieurs nationalités, au XVIIème siècle en Angleterre, au XVIIIème en France, au XIXème enfin en Allemagne, aux États-Unis (guerre de Sécession 1865), au Japon et en Italie. Au début du XXème siècle elle devient impérialiste : le capital accumulé ne trouve plus de débouchés dans le cadre " national " et la bourgeoisie est obligée d’exporter dans les pays arriérés économiquement (colonies, semi-colonies, etc...) non seulement des marchandises mais encore toute la plus-value qui ne peut plus se convertir en Capital sur le marché national. L’importance de ces capitaux exportés en fait la principale source de revenus de la bourgeoisie impérialiste.
La bourgeoisie française, en perdant le " sol national ", a vu sa puissance politique diminuée, sa position économique – par rapport aux autres impérialistes – affaiblie : mais ce n’est que " la perte d’une bataille " (de Gaulle). Car par sa puissance capitaliste elle n’a cessé un seul instant d’exploiter non seulement la France, mais encore les quatre coins du monde. Elle a conclu avec la bourgeoisie allemande des accords qui règlent l’exploitation économique de l’Europe (comités industriels : automobile, colorants, etc...), avec le Japon, des accords qui sauvent les intérêts du capital financier investi en Indochine, avec les États-Unis des accords en Afrique du Nord. Voilà d’ailleurs ce qui explique parfaitement l’attitude des différents porte-parole de la bourgeoisie française Laval, de Gaulle, Darlan, etc...
" L’impérialisme a transformé les pays européens en semi-colonies dont l’activité économique est orientée uniquement dans le but de faire fructifier les investissements de capitaux étrangers " (allemands) ; voilà à quelle ineptie aboutit le bulletin Informations Ouvrières à propos du décret allemand sur la main-d’œuvre dans les territoires occupés, qui institue la priorité de l’utilisation de la main-d’œuvre pour les besoins de l’armée allemande. Qu’on traite ce décret d’ " esclavagiste " dans la propagande, cela ne peut pas trop prêter à confusion, si on explique que ce genre "d’esclavagisme" n’est pas un retour au Moyen-Age, mais le propre du capitalisme arrivé au stade impérialiste – démocratique ou totalitaire – qui fait alterner la liberté pour des millions de chômeurs de mourir de faim en temps de crise, avec le travail obligatoire pour les besoins de la guerre. Le même régime fonctionne en Angleterre et dans les territoires qu’elle occupe. Mais quand on explique que les pays européens sont placés dans la situation de semi-colonies non point en un sens figuré (même en ce sens ce serait une confusion inouïe) mais en un sens économique, nous sommes alors en présence non plus d’expressions " malheureuses ", mais d’un manque total de compréhension des rapports de classe dans les pays impérialistes.
Comment le " sabre prussien " aurait-il pu effacer l’œuvre historique du capitalisme et les rapports inter-capitalistes des différents pays européens occupés par l’Allemagne ?
Par la violence, l’économie impérialiste allemande pouvait obtenir des avantages vitaux pour elle : matières premières, main-d’œuvre, domination du marché européen (capitaux et marchandises). C’était possible, parce que l’économie allemande elle-même a atteint le stade historique qui lui permet d’utiliser une main-d’œuvre spécialisée, des matières premières en quantités compatibles seulement avec la grande industrie, etc... C’est également ce développement capitaliste qui a permis à l’Allemagne d’occuper la première place dans l’économie européenne, notamment par les investissements de capital financier (capital bancaire et industriel) qui sont autant de tentacules sur le corps des nations européennes. Mais ceci est encore plus vrai à l’échelle mondiale, où l’économie est dominée par les États-Unis qui exploitent toutes les nations du globe. En résulte-t-il, ou en résultait-il avant la guerre, que l’Allemagne, l’Angleterre ou la France, sans parler de pays plus petits, étaient des semi-colonies au sens économique et politique par rapport à l’Amérique ? La hiérarchie des bourgeoisies dans l’exploitation des pays et de l’économie mondiale n’est nullement un rapport semi-colonial entre les nations impérialistes et capitalistes. C’est seulement entre les pays impérialistes (États-Unis, Allemagne, Angleterre, Japon, etc...) ou capitalistes (Hongrie, Roumanie, Finlande, etc...) et les pays où le capitalisme n’a pas transformé la vie de toute la nation sur des bases bourgeoises (Chine, Indes, Afrique, etc...) qu’il y a une différence historique situant ces derniers au rang de colonies ou de semi-colonies.
Dans la hiérarchie capitaliste européenne, la bourgeoisie balkanique alliée de Hitler fait figure d’ "exploitée" par rapport à la bourgeoisie française vaincue : on peut enrôler de force la chair à canon, mais on ne peut mobiliser le capital financier qu’en lui laissant des bénéfices. L’Allemagne n’a-t-elle pas été obligée de conclure un compromis économique (qui subsiste malgré la rupture de la convention d’armistice) avec la bourgeoisie française pour pouvoir non seulement utiliser la capacité de production de l’économie française, mais encore se faire un allié du capital financier français ? La bourgeoisie impérialiste a un caractère supra-national : sa puissance économique est basée, non seulement sur le territoire national, mais encore sur les liens impérialistes mondiaux entre les trusts et les banques (Krupp-Schneider, etc…). Voilà, soit dit en passant, la raison du respect que témoignent les belligérants pour les capitaux ennemis investis chez eux, qui continuent à être représentés par des pays neutres.
La défaite de l’impérialisme allemand en 1918 n’avait-elle pas contraint les ouvriers allemands à suer des profits " uniquement " pour les capitaux étrangers (français, anglais, américains) ? L’Allemagne était-elle devenue pour cela un pays " semi-colonial " ? Dans ce cas, il resterait à expliquer comment en 1939, ce pays " semi-colonial " a posé sa candidature à l’exploitation d’une grande partie du monde. Dans ce cas, Hitler aurait mené une véritable lutte émancipatrice en libérant son pays de l’impérialisme étranger... Voilà à quelles absurdités on arrive quand on sert aux ouvriers n’importe quelles balivernes pour les dresser " contre le nazisme ", etc… Mais, pour mener cette lutte avec succès, les ouvriers ont avant tout besoin d’une claire intelligence des rapports de classes et des rapports entre les peuples, déterminés par la situation objective des classes et des peuples.
Dans tous les pays capitalistes " alliés " à l’Axe (Roumanie, Hongrie, Finlande, etc...) ou occupés par l’Axe (Pologne, France, Belgique, Grèce, etc...) les masses sont soumises à une terrible exploitation économique renforcée d’une implacable dictature militaire, à laquelle s’ajoute pour certains peuples (Polonais, Grecs, Juifs) une véritable persécution nationale ; (en France le nationalisme n’est pas l’expression d’une oppression nationale, mais d’un chauvinisme petit-bourgeois) ; partout et toujours la bourgeoisie exploiteuse des masses travailleuses se présente comme l’agent d’un camp impérialiste, ou se divise, selon les différents intérêts économiques et politiques en fractions soutenant tel ou tel impérialisme ; partout et toujours la bourgeoisie est l’ennemie du prolétariat, dans la mesure où celui-ci à travers ses luttes immédiates garde sa conscience de classe et son indépendance en vue de sa libération de classe.
Les seuls " courants de la bourgeoisie " avec lesquels une alliance serait possible, sont les courants coloniaux nationaux-démocratiques en lutte avec notre propre impérialisme (ex. Abd-el-Krim, en 1924-26).
Quant à la formule du " front unique des petits patrons et des ouvriers contre la concentration industrielle ", voilà un bel exemple d’ignorance des conditions économiques de notre époque. Tandis qu’à l’époque du capitalisme de libre concurrence la concentration capitaliste rejetait les capitalistes les plus faibles dans le prolétariat, les prolétarisait, à l’époque impérialiste, la concentration capitaliste ayant abouti au monopole, le petit patron garde formellement sa position sociale, tout en devenant en réalité une sorte de " gérant " des trusts. Mais politiquement, il est plus que jamais sous leur dépendance, plus que jamais, il est leur instrument docile. Oserait-on dans une usine proposer par exemple le front unique entre les ouvriers et les contremaîtres pour l’augmentation des salaires ? Poser la question c’est déjà en sentir toute l’absurdité...
Un front unique avec des " courants de la bourgeoisie " ne serait qu’un Front Populaire qui jouerait un rôle identique à celui des staliniens – celui de frein du mouvement ouvrier – et qui subordonnerait la politique ouvrière aux buts de la bourgeoisie.
La seule formule stratégique juste pour le renversement de la bourgeoisie par le prolétariat et les masses paysannes et petites-bourgeoises, est celle de l’alliance de la petite bourgeoisie devenue anti-capitaliste avec le prolétariat, sous une direction révolutionnaire. Il s’agit ici de l’alliance de toutes les classes opprimées contre la bourgeoisie (ou contre le fascisme) et non pas d’un front unique entre partis (" courants ") ouvriers et bourgeois ; de tels fronts uniques ne peuvent servir que la bourgeoisie.

Encore une remarque, qui n’est pas la moins importante.
La rédaction de La Vérité appelle "camarades" les militants "ouvriers" (syndicalistes, etc...) qui recrutent pour de Gaulle et l’Angleterre... Pour nous, nous considérons toujours les agents de l’impérialisme (démocratique ou non) au sein du mouvement ouvrier comme des ennemis ; notre devoir est de les dénoncer comme tels aux ouvriers. Nous pouvons seulement essayer d’utiliser l’antagonisme impérialiste qui les oppose à Hitler, pour les besoins de notre lutte illégale.

Il ne suffit pas d’affirmer la nécessité d’union avec le prolétariat allemand, italien, anglais, etc... pour mener une politique révolutionnaire : il faut d’abord comprendre soi-même, et ensuite expliquer inlassablement aux ouvriers avancés les rapports réels, tant dans l’économie que dans la politique. Sans quoi tout se réduit à un creux bavardage " internationaliste ", mais dont la base objective n’apparaît pas aux yeux des ouvriers avancés. La confusion théorique, cela n’est pas compris dans le programme de la IVème Internationale.

Les intérêts impérialistes actuels de la bourgeoisie française peuvent être illustrés en partie par les lignes suivantes extraites du journal Pariser Zeitung du 9.12.42 :
" Le cours des valeurs boursières algériennes et marocaines, cotées à la Bourse de Paris, ...démontrent LES LIENS INTIMES qui rattachent ces territoires à la Métropole… Les valeurs boursières des deux possessions françaises sus-indiquées atteignent la somme globale de 25 milliards, sinon plus… L’État français a garanti le service de tous les emprunts émis par les sociétés situées dans les territoires occupés de l’Afrique du Nord ; ... un brusque fléchissement des cours de ces valeurs n’est pas à craindre, TOUT AU MOINS NE SAURAIT-IL ÊTRE PROVOQUE PAR LE SIMPLE FAIT DE L’OCCUPATION. "


A LA NOUVELLE VICTOIRE POLITIQUE DE L’IMPERIALISME ANGLO-SAXON :
LA DISSOLUTION DE LA TROISIEME INTERNATIONALE,
LE PROLETARIAT REPONDRA PAR LA LUTTE REVOLUTIONNAIRE
SOUS LE DRAPEAU DE LA QUATRIEME INTERNATIONALE !

Au moment où la guerre impérialiste mondiale entre dans sa phase décisive, une "nouvelle sensationnelle" diffusée depuis 48 heures par toutes les radios et dans toute la presse du globe y compris les radios et la presse de l’URSS, remplit de stupéfaction et d’embarras les prolétariats de tous les pays : Staline dissout l’Internationale Communiste et recommande à ses membres de subordonner leur action à l’action des Gouvernements "alliés" dans la lutte contre Hitler !

Et tandis que la propagande de l’Axe s’empresse de qualifier la nouvelle de "bluff" et de "manœuvre grotesque", la propagande "alliée" exalte "l’importance historique" de l’événement.

DE QUOI DONC S’AGIT-IL ? PRESSION ET VICTOIRE DE L’IMPERIALISME ANGLO-AMERICAIN.

Staline dissout l’Internationale de Lénine cédant ainsi à la pression de l’impérialisme américain et anglais. La nouvelle de la dissolution du Komintern a été annoncée tout de suite après la visite du représentant de Roosevelt, Davies, à Staline, et avant la fin des travaux de la conférence politico-militaire des Anglo-Américains à Washington.

La guerre impérialiste étant arrivée à sa phase décisive, et le rapport de forces des belligérants s’étant profondément modifié au cours de la dernière année en faveur du camp anglo-américain à la suite des défaites de l’Axe en Russie, en Afrique et dans les airs, l’impérialisme anglo-américain est aujourd’hui sur le point de fixer ses plans définitifs pour la liquidation de la guerre. Mais avant d’agir sur le terrain militaire en Europe, ayant tiré l’expérience amère de la crise révolutionnaire qui a suivi la fin de la guerre de 14-18 et qui a menacé jusqu’aux tréfonds l’édifice capitaliste, il veut s’assurer d’avance la liquidation capitaliste et sans risques pour le régime des classes possédantes, de cette guerre. L’impérialisme subordonne ainsi l’action militaire immédiate aux considérations politiques qui visent à créer le climat nécessaire en Europe, dans lequel aucune crise révolutionnaire sérieuse ne serait possible.

C’est pour cette raison que l’impérialisme anglo-américain neutralise d’abord la IIIème Internationale qui, malgré sa dégénérescence bureaucratique croissante pendant toutes ces dernières années, représentait encore grâce à ses traditions et sa liaison avec l’URSS un cadre dans lequel se canalisait l’activité révolutionnaire spontanée des masses.

POURQUOI STALINE CEDE-T-IL ?

Staline a cédé à la pression des impérialistes "alliés" parce que, malgré les dernières victoires de l’Armée Rouge, malgré la défaite en perspective de l’Axe, l’URSS est sur le plan mondial plus faible que jamais. Faible d’abord parce que la guerre a consommé et détruit une masse énorme de richesses naturelles du pays, de réalisations techniques, de matériel et d’hommes. Faible ensuite parce que la force principale de l’URSS en tant que pays qui voulait ériger une société socialiste basée sur un système d’économie planifiée et sans les entraves du régime capitaliste de la propriété privée, réside dans le soutien actif du prolétariat mondial, dans le progrès de son mouvement révolutionnaire et dans l’élargissement de la révolution socialiste commencée il y a 25 ans en URSS.

Ni matériellement en fait, ni politiquement, l’URSS ne pouvait soutenir longtemps la lutte avec son entourage capitaliste. Mais le mouvement révolutionnaire sous la direction stalinienne n’a accumulé jusqu’à maintenant que des défaites, qui ont rendu la situation de l’URSS à la longue, et surtout pendant la guerre actuelle, extrêmement précaire et à la merci des pressions et des chantages de l’impérialisme mondial.

MAIS S’IL NE S’AGIT QUE D’UNE MANŒUVRE ?

La propagande de l’Axe qui par le succès politique de l’impérialisme anglo-saxon a perdu un atout d’argumentation en faveur de la croisade "anti-communiste", dénonce la liquidation du Komintern comme une "manœuvre", et les bureaucrates qui dirigent les partis communistes, embarrassés par l’ampleur et la vitesse de la décision du Kremlin, ne tarderont pas de donner aux ouvriers la même explication facile.

Mais c’est une série de telles manœuvres qui pendant toutes ces dernières années ont amené la liquidation pratique du mouvement communiste, et dont l’aboutissement nécessaire est la liquidation aussi du Komintern. C’est la "manœuvre" du Front Populaire qui a éliminé de la scène politique la physionomie indépendante des partis communistes et qui a favorisé ainsi la préparation idéologique de la guerre par la "sainte alliance" des partis bourgeois et "ouvriers". C’est la "manœuvre" de la subordination du mouvement ouvrier pendant la présente guerre aux mouvements bourgeois nationaux des différents De Gaulle et Giraud dans les camps des pays "alliés" qui fait évoluer jusqu’à maintenant la guerre selon les désirs de l’impérialisme mondial et qui prépare sa victoire accompagnée de l’étouffement de toute crise révolutionnaire et de l’écrasement de ce qui reste encore vivant de la révolution d’Octobre en URSS. Ce n’est pas la bourgeoisie qui a été trompée par ces "manœuvres", c’est le prolétariat au contraire qui a servi d’instrument docile aux buts réactionnaires. Il n’y a que des bureaucrates pourris, des coquins ou des imbéciles qui peuvent faire vanter au prolétariat les avantages d’une "ingénieuse" politique de manœuvre et lui déformer ainsi son critère de classe.

La politique prolétarienne, pour qu’elle soit vraiment révolutionnaire, c’est-à-dire pour qu’elle fasse avancer la conscience, l’éducation politique et l’organisation des masses laborieuses, doit être telle qu’elle a toujours été définie par Marx, par Lénine et par Trotsky : franche, audacieuse, avec son propre drapeau, expliquant toujours ce qui est et ce qu’elle veut, au lieu de s’adapter misérablement aux dispositions de telle ou telle bourgeoisie "amie" ou "alliée" de l’URSS. Parce que c’est précisément la politique extérieure de l’URSS qui conditionne et qui explique toute la politique opportuniste des partis communistes pendant les dernières années.

La IIIème Internationale était devenue aux mains de la bureaucratie stalinienne un simple accessoire de sa politique extérieure, qui au lieu d’être appuyée sur l’action révolutionnaire des masses, les seuls alliés naturels de l’URSS, a été orientée exclusivement dans la voie des "combines" et des "manœuvres" avec les différents pays impérialistes.

Et la bande de bureaucrates qui d’une main aussi légère, sur un geste des maîtres du Kremlin, dissout maintenant en pleine guerre impérialiste l’organisation suprême du prolétariat mondial, montre pour une dernière fois le misérable sort que le stalinisme a réservé à l’Internationale de Lénine : devenir un simple moyen de marchandage avec les bandits impérialistes internationaux.

LA CONCESSION DE STALINE NE SERA PAS LA DERNIERE.

Plus on prive le prolétariat de ses armes idéologiques et organisationnelles pour sa lutte de classe contre la bourgeoisie, plus la position internationale de cette dernière se renforce et plus elle devient insatiable et agressive.

La liquidation du Komintern par Staline ne peut pas être la dernière de ses concessions à l’impérialisme armé des "alliés". Sur la voie d’une désorganisation et d’une passivité progressive du prolétariat mondial, l’existence de l’URSS avec tout ce qui reste encore debout de la Révolution d’octobre dans ce pays, nationalisation de la propriété, économie planifiée, commerce extérieur étatisé, ne pourra pas subsister encore pour longtemps. Le rapport des forces changera chaque jour davantage en faveur du capitalisme, aussi bien à l’intérieur de l’URSS que sur l’échelle mondiale et provoquera l’effondrement brusque de toutes les conquêtes socialistes qui subsistent encore en URSS.

L’impérialisme international, d’accord avec les tendances réactionnaires renforcées dans certains milieux de la bureaucratie soviétique, exercera pendant cette guerre tout son pouvoir pour arracher d’autres concessions substantielles dans le domaine de l’économie planifiée de l’URSS pour la ramener finalement dans le cycle de l’économie anarchique du capitalisme.

SURPRISE ? NON, SUITE LOGIQUE DE TOUTE LA POLITIQUE STALINIENNE.

Pour nous marxistes, nourris de la pensée et de l’œuvre pratique de Marx, de Lénine, de Trotsky, un fait est l’aboutissement nécessaire de son évolution antérieure. Que Staline dissolve le Komintern, arme suprême du prolétariat combattant, à la veille de la phase décisive de la guerre impérialiste mondiale, ne nous surprend pas. Il y a en fait 15 ans que nous avons commencé à prouver aux militants de l’avant-garde révolutionnaire que la politique stalinienne conduisait pratiquement à la liquidation du mouvement communiste. Et il y a plus de 9 ans qu’ayant tiré de l’expérience pratique la certitude qu’aucune réforme ne serait plus possible à l’intérieur de la IIIème Internationale, nous avons proclamé devant le prolétariat mondial, dans la mesure de nos forces, la nécessité historique de la IVème Internationale.

Nous ne verserons pas de larmes inutiles devant la dépouille de celle qui fut jadis l’Internationale héroïque de Lénine et de Trotsky. Nous ne perdrons pas non plus notre courage devant les difficultés immenses de notre œuvre et notre foi inébranlable dans la justice prolétarienne et le triomphe certain de notre cause. Nous savons avec Marx que les succès faciles ne sont pas propres à la révolution prolétarienne.

Nous savons au contraire que "les révolutions prolétariennes se critiquent elles-mêmes constamment, interrompent à chaque instant leur propre cours, reviennent sur ce qui semble déjà être accompli, pour le recommencer à nouveau, raillent impitoyablement les hésitations, les faiblesses et les misères de leurs premières tentatives, paraissent n’abattre leur adversaire que pour lui permettre de puiser de nouvelles forces de la terre et se redresser à nouveau formidable en face d’elles, reculent constamment à nouveau devant l’immensité infinie de leurs propres buts, jusqu’à ce que soit enfin créée la situation qui rende impossible tout retour en arrière, et que les circonstances elles-mêmes crient : ...c’est ici qu’il faut sauter !"

Prolétaires ! Camarades !

Laissons les morts enterrer leurs morts. Aussi pénible que cela puisse être pour des milliers d’entre vous de constater que l’Internationale sous le drapeau de laquelle d’innombrables militants de notre cause ont trouvé la mort et ont souffert dans les geôles de la bourgeoisie les pires martyrs moyenâgeux, vous abandonne au moment le plus critique de la lutte contre l’impérialisme qui, une fois de plus, a plongé l’humanité entière dans une mer immense de sang, de détresse et de souffrance, ne vous découragez pas !

Le capitalisme européen sortira de cette guerre mortellement affaibli. Dans une série de pays tels que l’Allemagne, l’Italie, la Roumanie, etc... l’effondrement risque d’être total et le chaos économique et politique indescriptible. Dans les autres pays la guerre n’a pas fait moins de ravages et le désordre général qui accompagnera sa fin provoquera des explosions gigantesques.

Une ère de guerres civiles et de révolutions commencera.

Mais la désorganisation et la confusion dans les rangs des révolutionnaires peuvent permettre de nouveau une stabilisation éphémère du capitalisme. Dans ce cas la misère atroce et l’esclavage politique seraient pour une certaine période notre sort.

Le capitalisme européen ne peut en fait se survivre après cette guerre qu’en rabaissant le niveau de vie à ses extrêmes limites et en instaurant un ordre politique dictatorial. Crises économiques plus longues et plus profondes que toutes celles que nous avons jusqu’à maintenant connues, chômage massif et permanent, salaires bas, vie chère, esclavage politique, voilà les perspectives d’après­guerre si nous accordons au capitalisme encore un délai d’existence.

Forgeons dès maintenant dans la lutte nos armes nouvelles : les nouveaux partis révolutionnaires, la nouvelle Internationale.

Que la pensée de Marx, de Lénine et de Trotsky soit notre guide et notre drapeau.

POUR LE TRIOMPHE DE LA REVOLUTION SOCIALISTE MONDIALE !

POUR LES ETATS-UNIS SOCIALISTES D’EUROPE !

Pour le gouvernement révolutionnaire des Comités ouvriers et paysans !

Pour la défense des conquêtes socialistes de l’URSS contre les nouveaux assauts de l’impérialisme !

Pour la paix, le pain et la liberté !

VIVE LA QUATRIEME INTERNATIONALE


1944
Brochure publiée par le Groupe Communiste (IVème Internationale).


Socialisme ou barbarie ?

Barta
20 février 1944

AVERTISSEMENT
La guerre est devenue le mal chronique de notre époque. On se propose ici d’exposer aux ouvriers conscients, soucieux de l’avenir de leur classe, les causes réelles de ce fléau et les moyens dont dispose le prolétariat pour y mettre fin.

Pour bien comprendre l’origine de la guerre, et pour en tirer les déductions indispensables à l’action de classe du prolétariat, il est nécessaire de connaître les causes économiques qui la déterminent ; c’est pourquoi, malgré notre souci constant d’écrire de façon claire et à la portée de tout ouvrier sérieux (même n’ayant pas une éducation politique étendue) notre sujet nous a obligés à nous étendre parfois sur des questions que l’on a rarement l’occasion d’étudier sérieusement et qui exigent, pour être bien comprises, toute l’attention du lecteur.

Mais seuls les démagogues et les fascistes s’imaginent qu’on peut mener la "masse" (pour laquelle ils ont un profond mépris) avec des mots d’ordre "simples", c’est-à-dire mensongers ; les marxistes au contraire s’assignent pour tâche d’aider la classe ouvrière à dissiper ses illusions entretenues par la bourgeoisie et à prendre conscience du système qui l’opprime et l’exploite.

L’histoire du mouvement ouvrier a montré que, malgré les difficultés qu’ils rencontrent du fait que le prolétariat, en tant que classe opprimée, manque d’une instruction suffisante, les ouvriers animés du profond désir de créer un monde meilleur, à eux, sont capables de s’élever jusqu’aux plus hautes généralisations théoriques.

Certes, aujourd’hui, après les défaites subies par la classe ouvrière, et dans les conditions terribles que nous impose la bourgeoisie (journée de 10 heures et sous-alimentation), la majorité des travailleurs a perdu l’habitude de se préoccuper directement et systématiquement de ses intérêts de classe. Mais seuls des ouvriers non-conscients se refuseraient à prêter un minimum d’attention soutenue à une question aussi vitale pour le prolétariat, dans des circonstances où la bourgeoisie saigne chaque jour un peu plus les masses.

A ceux-là n’est pas destinée cette brochure : nous nous adressons aux ouvriers conscients, et nous leur demandons de nous lire jusqu’au bout.

20 Février 1944

QUELLE ÉPOQUE VIVONS-NOUS ?
Chacun se rend compte que nous vivons une période exceptionnelle de l’histoire du genre humain. Depuis le début du siècle, une série de guerres et de révolutions a continuellement bouleversé de fond en comble la vie des peuples du monde entier, empêchant les hommes de vivre d’une façon normale :

1904 : guerre impérialiste russo-japonaise ;

1905 : première Révolution russe ;

1912 : guerre balkanique ;

1914-18 : première guerre impérialiste mondiale, suivie de la série de révolutions qui l’ont endiguée ;

1917 (Février et Octobre) : Révolution russe ;

1918 (Novembre) : Révolution allemande et écroulement de l’empire austro-hongrois ; révoltes dans l’armée française.

Puis révolutions et contre-révolutions d’après-guerre :

1919 : en Hongrie ; 1919-22 : en Italie ;

1923 : en Allemagne ; 1924 : en Bulgarie ;

1925-27 : en Chine ...

A partir de 1929 la crise mondiale ouvre la voie vers une deuxième guerre impérialiste, à travers une nouvelle série de conflits intérieurs dans les différents pays capitalistes, conflits qui se terminent par la victoire de la bourgeoisie.

1931 : chute de la royauté en Espagne ;

1933 : victoire du fascisme en Allemagne ;

1934 (Février) : insurrection des ouvriers de Vienne ;

1934-38 : grèves générales en France ;

1936 (Juillet) : Révolution prolétarienne en Espagne.

Et, 20 ans après la première guerre mondiale, annoncée par la guerre Italo-Ethiopienne (1935) et la guerre Sino-Japonaise (1937) a commencé en 1939 une deuxième guerre impérialiste dont on ne voit pas encore la fin.

Comme le montre ce tableau des principaux événements contemporains, dans l’intervalle de deux générations, la courbe des conflits a monté d’une façon vertigineuse. Il ne s’agit plus aujourd’hui de querelles dynastiques, d’appétits de conquêtes de tel ou tel pays, de sécurité des frontières, de guerres laissant la société, en dépit des malheurs et de la misère, suivre sa marche en avant ; le caractère tout à fait spécial de notre époque est qu’à l’intérieur des nations comme à l’extérieur, la société se déchire de plus en plus profondément à travers des bouleversements ininterrompus qui détruisent les richesses et la culture accumulées par l’humanité, saignent et affament les masses et les réduisent à un asservissement moyenâgeux. On dirait que le monde ayant perdu son centre de gravité va retomber avec fracas dans la chaos ; l’humanité entière ne peut plus retrouver l’équilibre et la paix, si ce n’est dans les cimetières...


D’après les curés de toutes les religions, cette rupture d’équilibre, ces guerres de plus en plus meurtrières, seraient "la punition de nos péchés" ; et déjà les représentants de la bourgeoisie, qui en 14-18 ont mené les peuples au massacre pour la "der des der" et ont sacrifié plus de 10 millions d’hommes depuis Août 1939 pour "la démocratie" ou pour "l’espace vital", parlent d’une troisième guerre mondiale. Ainsi, la guerre à l’échelle mondiale serait un phénomène naturel inhérent à l’existence de la société humaine.

Mais, des années avant la 1ère guerre mondiale, notre époque d’agonie et de mort a été caractérisée par tous les partis et les syndicats ouvriers comme l’effet du capitalisme dans sa dernière phase, l’impérialisme : "Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage" (Jaurès).

En effet, depuis le début du siècle, la capitalisme a profondément modifié sa structure. Fini le capitalisme de libre concurrence, le "laisser-faire, laisser-passer", qui, malgré les crises, les conflits et le chômage temporaires, accomplissait l’équipement industriel du territoire (construction de machines, d’usines, de chemins de fer, de routes, de canaux, de bateaux etc...) et facilitait de plus en plus la vie on développant les forces productives, c’est-à-dire la puissance de l’homme sur la nature ; la supériorité de la grande industrie sur la petite a engendré, par la ruine de cette dernière, le monopole capitaliste. Cette modification de structure du capitalisme lui a enlevé tout caractère progressif et l’a rendu profondément réactionnaire ; les plus grandes inventions, loin d’être utilisées pour accroître la puissance de l’homme sur la nature, et par conséquent son bien-être, servent à la destruction et à la mort, pour le maintien d’un régime condamné.

Et l’on a pu voir, dans une société soi-disant civilisée, des millions de chômeurs et leurs familles souffrir la misère et la faim tandis que, pour maintenir les prix, les capitalistes procédaient à la destruction systématique des récoltes : aux Etats-Unis on élevait des hannetons pour ravager les plantations de coton ; l’Amérique du Sud brûlait du blé et du café dans les locomotives ; en France on offrait des primes aux vignerons pour arracher les vignes, et les pêcheurs devaient rejeter leur poisson à la mer !...


Pourquoi l’impérialisme (capitalisme monopoleur) provoque-t-il la destruction des richesses accumulées, la fin de la civilisation et de la culture ; pourquoi la guerre est-elle son mode d’existence, et la paix seulement "une trêve entre deux guerres" (Lénine) ? Nous demandons un peu de patience à notre lecteur ouvrier pour les explications qui suivent : il s’agit de bien comprendre ce qu’est l’impérialisme si l’on ne veut pas tomber dans les pièges de la bourgeoisie et se laisser saigner par elle à l’aide de slogans qui ne veulent rien dire.

CAPITALISME DE LIBRE CONCURRENCE ET CAPITALISME DE MONOPOLE (IMPERIALISME).
Jusqu’à la fin du 19ème siècle, les marchés, et en premier lieu le marché national, offraient des possibilités d’écoulement à tous les produits : dans les différentes branches de la production (métallurgie, tissages, etc...) les capitalistes, – grands, moyens et petits – , existaient et "travaillaient" indépendamment les uns des autres ; c’était le capitalisme de libre concurrence.

Cependant, la concurrence oblige chaque capitaliste à ajouter constamment les profits réalisés (sauf une partie nécessaire à ses dépenses personnelles) au capital initial, pour les réinvestir dans l’industrie (perfectionnements techniques, achat de machines, etc...). Or, l’extension constante de la production de chaque capital individuel augmente à tel point la quantité des marchandises à écouler, que le marché n’est plus capable d’absorber la production de tous les capitalistes. Ceux qui n’arrivent pas à vendre leurs marchandises font faillite ; mais dans cette lutte à mort, ce n’est pas la chance qui décide des survivants : les entreprises ne sont pas de grandeur égale, et le prix de revient est d’autant plus petit que la production est grande. C’est donc la grande entreprise qui possède l’avantage décisif dans la concurrence capitaliste, concurrence de plus en plus acharnée qui aboutit à la ruine des plus faibles au profit des plus forts.

C’est ainsi que, peu à peu, avec des péripéties diverses, la libre concurrence engendre inévitablement la concentration des capitaux et aboutit à la domination despotique du marché par un seul capital monopoleur.


Du point de vue de la nouvelle structure du capitalisme, il importe peu que le capital monopoleur (qui domine un, plusieurs ou tous les marchés sans concurrence) appartienne à un seul ou à plusieurs capitalistes, ou à une masse d’actionnaires : l’essentiel est la disparition de l’élément de progrès du système, la concurrence entre les capitalistes d’une même branche.

On pourrait croire, à première vue, que le capitaliste monopoleur peut "se contenter" de sa position assurée de monopoleur et "renoncer" à gagner des positions capitalistes nouvelles. Mais le capitaliste ne produit pas pour la société : il "travaille" pour réaliser des profits. Et même s’il devenait tout à coup "vertueux" et voulait mettre en pratique la charité chrétienne, du point de vue économique, il le peut encore moins que dans le capitalisme de libre concurrence (où le danger n’était pas de tous les instants, et où les périodes de prospérité pouvaient au contraire lui faire croire qu’il y avait de la place pour tout le monde). La concurrence entre capitalistes indépendants d’une même branche fait place à un antagonisme de tous les instants, cent fois plus âpre, et qui, loin d’être une source de progrès provoque le dépérissement de l’économie, avec la misère et la guerre pour les masses.

Par exemple, le capitaliste qui monopolise les transports par chemins de fer entre en une lutte de tous les instants avec celui qui monopolise les transports par route ; d’autre part, deux sociétés monopoleuses dont les produits s’écoulent dans le monde entier – les pétroles par exemple – entrent en conflit mortel pour la possession des sources anciennes ou nouvelles de matières premières ; enfin, "la course pour le dollar du consommateur" est un autre élément d’antagonismes entre les monopoles (le consommateur ayant un budget à peu près fixe, il s’agit de savoir comment il répartira ses dépenses : achètera-t-il un livre, ira-t-il au cinéma, ou restera-t-il à la maison pour économiser de quoi s’acheter une bicyclette ?).

Donc, à peine arrivé au monopole comme terme d’une lutte entre capitalistes indépendants pour accaparer le marché, le capitalisme plonge l’économie entière dans une anarchie encore plus grande qui finalement mène à la ruine de la société.


En effet, pour se renforcer contre les monopoles qui le menacent, le capitaliste monopoleur est obligé de conquérir des positions capitalistes de plus en plus fortes, et pour cela il doit réinvestir les profits et surprofits réalisés ; or, le processus de concentration s’étant poursuivi dans presque toutes les branches de la production dans les vieux pays capitalistes, ceux-ci n’offrent plus de débouchés pour de nouveaux investissements : les capitaux sont donc exportés au dehors, surtout dans des pays arriérés et aux colonies où les conditions d’une économie retardataire (équipement industriel pour l’exploitation et l’exportation des ressources du pays, matières premières et main-d’œuvre aux plus bas prix) permettent de réaliser des bénéfices fabuleux sur le dos de la population coloniale ou semi-coloniale.

Ainsi la lutte prend un aspect entièrement nouveau. Il ne s’agit plus d’une concurrence purement économique se terminant par la faillite des capitalistes les plus faibles, comme dans la libre concurrence, mais bien d’une compétition internationale pour la conquête du marché mondial (qui n’est plus extensible) et pour la main-mise sur les branches de production, les sources de matières premières et de main-d’œuvre à bon marché.

La crise dans le capitalisme du monopole n’est plus un arrêt temporaire de la production (mévente des marchandises) se terminant par une reprise économique puissante : elle devient un élément chronique de la vie économique, provoquant non seulement la destruction volontaire des richesses produites, mais aussi la limitation des moyens de production mis en fonction. La partie décisive des moyens de production, l’industrie lourde, ne trouve plus d’autre "marché" que la guerre, c’est-à-dire la destruction pure et simple de la puissance de production de l’industrie moderne.


Cet antagonisme à l’échelle mondiale divise le capital monopoleur en groupes financiers : les trusts industriels créent des banques ; les banques créent des trusts d’exploitation ; les groupes fusionnent avec d’autres groupes ; et ainsi se crée tout un réseau de grosses industries et de banques travaillant dans toutes les branches. Voilà comment l’économie mondiale est tombée sous la domination d’une oligarchie capitaliste : les 200 familles en France, les 60 familles aux U.S.A., les Big Five en Angleterre, les Konzern en Allemagne, les Nitsui et les Mitsubishi au Japon, etc...

Entre ces groupes financiers qui luttent à mort les uns contre les autres, les alliances se font et se défont : c’est là qu’il faut chercher, le secret des alliances et ruptures d’alliances consacrées par les pactes diplomatiques.

Disposant des richesses du pays qui constitue la base de leur puissance, ainsi que de leurs rapines sur d’autres continents, les capitalistes détiennent tous les leviers de l’Etat, c’est-à-dire non seulement l’armée, la police, les prisons et la justice, mais encore la radio, la presse, l’école et les églises.

Tous ces moyens leur servent à duper les peuples et à les entraîner dans leurs conflits à l’aide de traditions, de mots d’ordre, et de toute une propagande appropriée. Et de même que, pour défendre ses intérêts, le capitaliste ferme "son" usine comme si c’était sa tabatière, jetant sur le pavé les ouvriers affamés, de même la bourgeoisie, pour défendre ses positions menacées, jette "son" peuple dans le massacre ; car la guerre, qui n’apporte aux masses que la misère et la mort, se solde pour elle par des super-bénéfices.

En effet, tandis que les ouvriers et les paysans de tous les pays s’entre-tuent soi-disant pour la "der des der", la "démocratie", la "défense des petites nations" ou de l’Empire pour "l’ordre nouveau", "l’espace vital", "le sang contre l’or" et la "défense de la patrie", les champs de bataille sont en réalité un débouché exceptionnel, qui consomme en peu de temps des quantités énormes de "marchandises" (matériel de guerre). C’est ainsi que les masses entraînées dans la course sans fin pour le partage et le repartage du globe, croyant mourir pour la patrie, meurent pour les capitalistes !

SUPPRESSION DES CONTRADICTIONS DU CAPITALISME
Les méfaits de la domination économique des trusts, Konzern, banques, ententes et monopoles de toutes portes sur la société, sont depuis longtemps devenus évidents pour les larges masses. Les scandales financiers, la ruine des petites gens et des paysans, l’exploitation féroce et concertée des travailleurs, – qui n’ont plus affaire à un patron dont le sort est lié à celui de l’entreprise, mais au patronat disposant des ressources du capital financier, – ont soulevé contre les capitalistes monopoleurs la haineet la volonté de lutte de tous les exploités.

Devant la volonté commune de toutes les classes pauvres de museler les banques et les trusts, menace mortelle, la bourgeoisie ne put se sauver qu’on trompant les masses : Mussolini en Italie, Hitler en Allemagne, Roosevelt aux Etats-Unis et Blum en France ont présenté leur politique comme "la fin de la toute-puissance des trusts". Et même dans la "respectable" Angleterre, gouvernée par les conservateurs, certains ministres du Travail sont parfois obligés d’agiter des projets de "réformes de structure", Pourtant, les trusts n’ont jamais aussi bien prospéré que sous les gouvernements de Mussolini, Hitler, Blum, Roosevelt et Churchill.

Pourquoi ? Parce que le monopole, le grand capital, n’est pas une excroissance d’un organisme sain, qu’on pourrait couper, ou un abus qu’on pourrait réformer, brider ou contenir : les 200 familles sont le couronnement du système capitaliste, son fruit naturel, comme la poire est le fruit du poirier.


Il faut donc, pour remettre la société d’aplomb, pour en finir avec les crises permanentes, le chômage permanent, la guerre permanente, détruire le mal à la racine, c’est-à-dire détruire le système capitaliste qui les engendre.

Qu’est-ce qui caractérise le capitalisme ? C’est la propriété privée des moyens de production : les usines, le sol et le sous-sol, les moyens de transport, les moyens d’échange (banques), les locaux, en un mot tout ce dont l’homme a besoin pour assurer son existence, se trouvent entre les mains d’une petite minorité de bourgeois richissimes qui disposent à leur gré du sort de dizaines de millions d’hommes séparés des moyens de production, prolétarisés.

A cette contradiction essentielle qui oppose le système capitaliste aux besoins de la société, contradiction entre la production SOCIALE et la propriété PRIVEE s’en ajoute une seconde : le morcellement de l’économie mondiale en fractions soi-disant nationales (en réalité, à part quelques rares exceptions où les frontières délimitent en même temps la nation, presque toutes les frontières (90 %) découpent la même nation en plusieurs tronçons – l’Allemagne de 1918, les Balkans, l’Europe Centrale, l’Irlande, etc... – ou font "vivre" ensemble plusieurs nations antagonistes – l’Allemagne de 1939, les Empires coloniaux d’Afrique et d’Asie, etc...). En fait, ce morcellement de l’économie mondiale n’est qu’un système de frontières et de douanes correspondant au rapport de forces changeant entre les groupes financiers (les 200 familles, les 60 familles, les Konzern, etc...)

Production SOCIALE et appropriation PRIVÉE capitaliste, économie MONDIALE et son MORCELLEMENT en "fiefs" du capital financier, telles sont donc les causes qui provoquent la ruine de la société.


La suppression de ces contradictions ne consiste pas en un retour en arrière à un soi-disant "âge d’or", mais dans une audacieuse marche en avant vers le socialisme.

Le mode de propriété est périmé, mais le mode de production est définitif : il faut donc les harmoniser en abolissant la propriété privée des moyens de production pour restituer ces derniers à la société entière par la DICTATURE DU PROLETARIAT et LA GESTION DIRECTE DES USINES PAR LES TRAVAILLEURS.

La suppression de la propriété privée des moyens de production n’est pas la suppression de toute propriété : la petite propriété paysanne continuera à exister. Les petits paysans garderont leur terre aussi longtemps qu’ils voudront, jusqu’au moment ou d’eux-mêmes ils estimeront plus avantageuse la grande culture industrialisée.

Cette révolution économique et sociale ne peut pas éclater et vaincre simultanément dans le monde entier. Elle commence dans le cadre d’un ou plusieurs Etats, mais elle ne peut aboutir à une société harmonieuse que par la victoire de la classe ouvrière dans le monde entier : les ressources de tout le globe sont nécessaires pour bâtir une société sans aucune contradiction économique. Les travailleurs ont pu remarquer au cours de cette guerre qu’aucun pays, si riche qu’il soit en ressources naturelles (comme les Etats-Unis ou l’URSS) ne peut produire à lui seul tout ce que l’homme a découvert ou inventé pour assurer sa domination sur la nature.

Donc, l’abolition de la propriété privée, le socialisme, implique également la suppression des frontières capitalistes (douanes, passeports, etc...), c’est-à-dire la création des ETATS-UNIS SOCIALISTES DU MONDE.

STRATEGIE ET TACTIQUE OUVRIERES CONTRE LA GUERRE.
Aujourd’hui, depuis 5 ans, la guerre ravage les continents, ruine l’économie, sépare les peuples par un fossé de sang, et risque en se prolongeant de ramener la société entière à une nouvelle barbarie sociale.

Au premier plan de la lutte ouvrière se trouve donc la lutte contre la guerre.

Mais la guerre, malgré tous les prétextes et les masques que la bourgeoisie utilise pour en camoufler les véritables causes, n’est au fond qu’une lutte entre les différentes bourgeoisies pour les monopoles (guerre pour "l’espace vital" du côté de l’Axe et pour la "défense de l’Empire" du côté des alliés) : AUSSI, LA LUTTE CONTRE LA GUERRE NE PEUT-ELLE ETRE SEPAREE DE LA LUTTE CONTRE LE CAPITALISME. Telle est l’idée fondamentale dont doivent partir les ouvriers conscients qui veulent réellement en finir avec les massacres qui recommencent tous les 20 ans.


Bien avant la première guerre mondiale, en 1907, la IIème Internationale dénonça au Congrès de Stuttgart le caractère impérialiste de la guerre qui venait. Les délégués des Partis ouvriers de France, d’Allemagne, de Russie, d’Italie, etc..., qui participèrent à ce Congrès, savaient que les différences politiques entre les pays qu’ils représentaient n’étaient pour rien dans les dangers qui menaçaient la paix du monde. Ils prirent la résolution suivante : "Au cas où la guerre éclaterait néanmoins, ils (les représentants ouvriers) ont le devoir de s’entremettre pour la faire cesser promptement et d’utiliser de toutes leurs forces la crise économique et politique créée par la guerrepour agiter les couches populaires les plus profondes et précipiter la chute de la domination capitaliste".

En 1912, au Congrès de Bâle, ils réaffirmèrent : "LES TRAVAILLEURS CONSIDERENT COMME UN CRIME DE TIRER LES UNS SUR LES AUTRES POUR LE PROFIT DES CAPITALISTES..."

Pourtant, quand la guerre éclata "néanmoins", les chefs de la IIème Internationale, pourris par l’opportunisme, non préparés à une lutte dans des conditions entièrement nouvelles (illégalité, lutte extraparlementaire, etc...), cédèrent à la pression de la bourgeoisie et trahirent la classe ouvrière. C’est alors seulement qu’ils découvrirent les prétextes politiques et "idéologiques" qui devaient justifier la cause infâme de leur bourgeoisie : les "socialistes" français appelèrent à la lutte de la "démocratie" (alliée au tsarisme !) contre le "militarisme prussien" et les "socialistes" de l’Allemagne impériale à la lutte contre le knout tsariste...

Mais ces arguments en faveur de l’union sacrée, mis en avant du jour au lendemain par des chefs aux abois n’étaient que des mensonges.

La forme politique ne peut pas influencer ou améliorer la structure IMPERIALISTE de l’économie ; tout au contraire, c’est la structure impérialiste de l’économie qui commande les actes de tout gouvernement bourgeois, démocratique, militariste ou fasciste.

La première guerre mondiale et la présente guerre nous montrent que dans tout conflit impérialiste, c’est précisément la démocratie qui est la première victime. Dans tous les pays impérialistes sans aucune exception s’établit le même régime de militarisation, de contrainte, de terreur policière, de censure, avec suppression de tous les droits ouvriers, pour donner aux trusts l’entière liberté d’action.


Tandis que les chefs social-patriotes se vautraient dans l’union sacrée et les ministères, les chefs ouvriers restés fidèles au socialisme – Lénine, Luxembourg et Liebkecht en tête – prirent une voie toute opposée.

Ils dénoncèrent la guerre comme "une guerre impérialiste pour un repartage des richesses du globe entre les forbans capitalistes". Rejetant l’union sacrée et les crédits de guerre, ils appelèrent les travailleurs de leur pays à fraterniser avec ceux du pays "d’en face" et à renverser leur propre bourgeoisie.

Nous savons aujourd’hui que c’est eux qui voyaient juste et qu’ils représentaient les véritables aspirations des masses opprimées, car leurs principes et leur action ont conduit à la première victoire prolétarienne (Révolution d’Octobre 1917) et à la formation de la IIIème Internationale (l’Internationale Communiste).

Quels furent donc leurs principes et leur tactique ?

Karl Liebknecht nous a laissé la meilleure formule de l’internationalisme ouvrier pendant la guerre : "L’ENNEMI DE CHAQUE PROLETARIAT EST DANS SON PROPRE PAYS" ; la tâche des travailleurs est de "balayer chacun devant leur propre porte".

Pour Lénine il s’agissait de "transformer la guerre impérialiste en guerre civile" ; car "si cette guerre n’est pas suivie d’une série de révolutions victorieuses, elle sera suivie à bref délai d’autres guerres".

Que celui-ci avait raison, cela a été prouvé non seulement par le fait que les travailleurs russes conquirent la paix grâce à la guerre civile, en renversant la bourgeoisie, mais surtout par le fait que le maintien de la domination impérialiste sur les 5/6ème du globe, a amené une 2ème guerre impérialiste mondiale. Dans un monde où subsistent les liens et les contradictions impérialistes, la paix ne peut être qu’ "une trêve entre deux guerres"...

La guerre civile n’est pas un moyen désespéré auquel on n’a recours qu’à la dernière extrémité : c’est la résolution inébranlable du prolétariat, appuyé sur les masses populaires, d’en finir avec la guerre impérialiste en renversant la bourgeoisie et son Etat (police, justice, corps des officiers, etc...) Sans cette résolution inébranlable de riposter à la guerre impérialiste par la guerre civile, les travailleurs ne doivent pas espérer que c’est la bourgeoisie qui fera quoi que ce soit pour desserrer l’étau qui étouffe les masses ou qui reculera devant n’importe quelle infamie. Tout au contraire, grâce à la guerre impérialiste toujours plus meurtrière, elle mène à l’intérieur sa propre guerre civile destinée à paralyser et à écraser le prolétariat.

Le mot d’ordre des travailleurs est : A BAS LA GUERRE IMPERIALISTE, VIVE LA GUERRE CIVILE !


Devant les hésitations de certains chefs "internationalistes" qui étaient paralysés dans leur action pratique par la peur que la lutte révolutionnaire "n’affaiblît le front", Lénine proclama que la défaite de leur propre impérialisme était "un moindre mal" pour les ouvriers.

Il suffit en effet de comparer le sort de la France après 1918, victorieuse grâce à l’union sacrée, et celui de la Russie révolutionnaire, vaincue et dépouillée de vastes territoires aussi bien par l’impérialisme allemand que par l’impérialisme "allié" : les ouvriers français n’ont plus jamais retrouvé leur niveau de vie d’avant 14, tandis que les travailleurs russes ont créé un pays entièrement nouveau et élevé la Russie arriérée au niveau des pays industriels les plus avancés.


Mais la défaite de Juin 40 ? La défaite de Juin 40 ne fut pas la conséquence de l’affaiblissement du front par les luttes révolutionnaires dans le pays, mais l’effondrement de l’impérialisme français, entraînant dans sa chute l’ensemble des classes laborieuses.

Si le prolétariat de France avait pu, grâce à une politique ouvrière juste, mettre à profit la débâcle de son impérialisme en Mai-Juin 40 pour s’emparer du pouvoir, le sort, non seulement du peuple français, mais encore de tous les peuples du monde, aurait été complètement changé, mais le prolétariat n’avait pas été préparé à une telle éventualité par les partis ouvriers.

Le parti socialiste d’après 1918 était resté définitivement un parti de collaboration et d’union sacrée ; la IIIème Internationale et le Parti communiste français avaient depuis longtemps abandonné la stratégie et la tactique qui avaient permis la victoire des ouvriers et des paysans russes en 1917 et qui avaient mis fin à la 1ère guerre mondiale. L’isolement de la Révolution d’Octobre dans un monde capitaliste a provoqué en URSS l’affaiblissement du prolétariat soviétique, centre de gravité de la IIIème Internationale. Il s’y forma une bureaucratie dirigeante analogue à celle des partis et des syndicats ouvriers occidentaux. Sous son influence, la IIIème Internationale rompit avec l’internationalisme ouvrier : reconnaissance de la "défense nationale" on France (pacte Laval-Staline de 1935, vote des crédits de guerre de Daladier en 1935), pacte Hitler-Staline pour le dépècement de la Pologne, nouvelle "alliance" avec les impérialismes "démocratiques" pour la défense de la "démocratie" contre le fascisme, etc…

L’abandon de la stratégie et de la tactique révolutionnaires par les chefs de la IIème Internationale en Août 1914 permirent à la bourgeoisie de se maintenir sur les 5/6ème du globe, tandis que le capitalisme n’était renversé par l’internationalisme prolétarien que dans la sixième partie.

L’abandon des mêmes principes par les chefs soviétiques de la IIIème Internationale a permis à la bourgeoisie de déclencher une nouvelle guerre impérialiste qui est entrée dans sa cinquième année.

Comme dans la première guerre impérialiste, la seule issue est dans l’application dans la lutte prolétarienne de la stratégie et de la tactique de Liebknecht de Lénine.

C’EST CETTE TACHE QUE CONTINUE LA IVème INTERNATIONALE !

LA QUATRIEME INTERNATIONALE ET LA GUERRE
La lutte de la IVème Internationale contre la guerre continue celle que menèrent la IIème et la IIIème Internationales avant d’être brisées par l’impérialisme mondial.

Dans tous les pays impérialistes en guerre – quelle que soit leur forme politique (démocratie ou fascisme) – le but fondamental de la IVème Internationale est la FRATERNISATION DES OUVRIERS ET DES PAYSANS SOUS L’UNIFORME. "Refuser de tirer les uns sur les autres pour le profit des capitalistes", fraterniser, voilà l’arme essentielle que possèdent les exploités de tous les pays contre leurs exploiteurs.

Toute autre attitude, toute réserve ou équivoque à ce sujet, est une trahison pure et simple de la classe ouvrière internationale et des masses laborieuses.

Mais les pays en guerre ne sont pas tous des pays impérialistes ; menant sa lutte contre la guerre sous le signe de la fraternisation et de l’internationalisme (UNITE DES INTERETS DE TOUS LES PEUPLES CONTRE LA BOURGEOISIE IMPERIALISTE DE TOUS LES PAYS), la IVème Internationale propose aux travailleurs des tâches immédiates différentes SELON LA NATURE IMPERIALISTE OU NON IMPERIALISTE des pays (et non pas selon les formes politiques).


Là où la guerre met aux prises 2 armées impérialistes soumises au corps des officiers instrument des groupes financiers (par exemple la guerre de 39-40 entre la France et l’Allemagne, ou la guerre actuelle entre les Anglo-Américains et l’Allemagne), la IVème Internationale appelle les travailleurs des deux armées en lutte à cesser de s’entretuer et à fraterniser. Pratiquement, cette fraternisation n’est possible que par la lutte directe des soldats contre leur propre Etat-major et implique donc un affaiblissement du front (impérialiste) de l’armée la plus avancée dans la voie révolutionnaire ; cependant, comme cela a été expliqué au chapitre précédent, la défaite est un moindre mal quand elle est provoquée par la lutte révolutionnaire des ouvriers et des paysans : car pour pouvoir lutter contre l’impérialisme d’un autre pays, les travailleurs d’un pays impérialiste doivent d’abord liquider leur propre impérialisme, QUI NE LEUR EPARGNE PAS CE QUE L’ IMPERIALISME ADVERSE LEUR RESERVE.


Mais là où la guerre met aux prises une armée impérialiste et une armée non-impérialiste, comme par exemple la guerre entre l’Allemagne et l’URSS, le Japon et la Chine, ou un conflit entre les alliés et "leurs" colonies (Inde, Maroc, etc…), la fraternisation n’implique pas un affaiblissement du front de l’armée non-impérialiste : la IVème Internationale appelle les travailleurs de ces pays (non-impérialistes : URSS ou colonies) à se défendre DE TOUTES LEURS FORCES, malgré leur méfiance ou leur haine pour leur propre gouvernement, contre les armées impérialistes, qui ouvrent la voie au capital financier. Car dans les pays non-impérialistes, les travailleurs qui réussissent à écarter la menace impérialiste, peuvent, de ce fait même, lutter avec succès contre leur propre gouvernement réactionnaire.

Cette attitude de défense de la part des travailleurs d’un pays non-impérialiste nuit-elle à la fraternisation avec les ouvriers et paysans de l’armée impérialiste qui les a attaqués ?

NULLEMENT, si leur lutte apparaît clairement à ces derniers comme une lutte pour les intérêts communs des travailleurs de tous les pays contre le capitalisme.

S’il ne s’est encore rien produit de pareil sur le front germano-soviétique, c’est seulement parce que aux yeux des soldats allemands, le gouvernement soviétique, par son langage et par ses actes (mort aux Boches ! ), ne diffère en rien d’un quelconque gouvernement allié fauteur de la paix impérialiste de Versailles.

Pour vaincre définitivement l’impérialisme, les travailleurs soviétiques doivent renverser la bureaucratie réactionnaire dirigeante et présenter aux peuples du monde entier leur véritable visage prolétarien.


Contre la guerre impérialiste mondiale actuelle, la IVème Internationale lutte avec les mots d’ordre suivants :

Contre la politique chauvine et impérialiste des partis "socialistes" et "communistes" qui divise les travailleurs et sert les intérêts de la bourgeoisie, VIVE L’INTERNATIONALISME OUVRIER !

A BAS LES "BUTS DE GUERRE" IMPERIALISTES, la Charte de l’Atlantique, "l’ordre nouveau", etc... VIVE LE DROIT DE TOUS LES PEUPLES A DISPOSER D’EUX-MEMES jusque et y compris la séparation de l’État qui les opprime !

A BAS LA DIPLOMATIE ET LES PACTES SECRETS !

DÉFENSE DE L’URSS en tant qu’Etat ouvrier PAR LA VICTOIRE DE L’ARMEE ROUGE ET LA REVOLUTION PROLETARIENNE dans tous les pays impérialistes (Allemagne, Angleterre, France, etc...).

DÉFENSE DE LA CHINE en tant que pays semi-colonial contre le Japon, PAR LA VICTOIRE DE L’ARMEE CHINOISE ET LA REVOLUTION PROLETARIENNE AU JAPON et dans le monde. DÉFENSE DE TOUTES LES COLONIES ET SEMI-COLONIES CONTRE L’IMPERIALISME QUI LES OPPRIME : de l’Inde contre l’Angleterre, de l’Afrique contre les impérialismes alliés, etc...

A bas l’autarchie européenne de "l’ordre nouveau", à bas la main-mise du capital américain sur l’Europe, VIVENT LES ÉTATS-UNIS SOCIALISTES D’EUROPE ! Seuls les Etats-Unis socialistes assurent la véritable égalité, entre les nations, grandes ou petites.

Contre la domination du monde entier par deux grandes puissances, VIVENT LES ETATS-UNIS SOCIALISTES DU MONDE !

LA LUTTE DES TRAVAILLEURS FRANÇAIS CONTRE LA GUERRE
La déclaration de guerre en Septembre 1939 et la mobilisation, la censure, la défense passive, les réquisitions et la répression qui l’ont marquée, ont réveillé dans les masses la méfiance et l’hostilité contre les dirigeants capitalistes : les travailleurs n’avaient pas oublié les leçons de la première guerre impérialiste, les misères et les souffrances qu’ils avaient endurées pour le seul bénéfice de la bourgeoisie.

Mais la lutte des masses contre les mesures de dictature et de terreur de Daladier et Reynaud (camps de concentration, emprisonnements de milliers de militants ouvriers, dissolution du PC et des groupements internationalistes, mise au pas des syndicats, peine de mort pour la propagande communiste) ne trouva pas un guide dévoué exclusivement aux intérêts des travailleurs : la politique du PC obéissait aux intérêts diplomatiques de la bureaucratie soviétique, et ses tournants décontenançaient périodiquement les masses et les militants. Quant aux éléments internationalistes, ils étaient trop faibles numériquement pour exercer une influence efficace.

C’est pourquoi, bien que favorable à la révolution, l’attitude des masses (qui repoussèrent d’instinct l’idéologie nationaliste-"démocratique" ou fasciste) ne provoqua pas la chute de la bourgeoisie. Quand l’impérialisme français chancela sous les coups de l’impérialisme allemand, la classe ouvrière, sans direction, ne songea pas à créer les organes d’un Etat ouvrier (Conseils d’ouvriers et soldats), mais se dispersa sur les routes de France...

L’exode mit fin pour les masses à l’expérience de la guerre "démocratique". Mais la défaite de l’impérialisme français ne mit pas fin à la guerre. LA GUERRE NE FAISAIT QUE COMMENCER et prit un développement mondial pesant de plus en plus lourdement sur les couches populaires du monde entier. L’économie des pays mêlés à la guerre fut soumise à une rude épreuve. Toutes les ressources furent raflées en vue de la guerre.

Le pillage de la France par l’impérialisme allemand imposa aux masses une série de souffrances inouïes qui plongèrent brusquement le peuple français dans des conditions de vie insupportables.

Mais comme la guerre sous la conduite de nos propres impérialistes (la "drôle de guerre") n’avait pas eu le temps d’engendrer des maux à une si grande échelle, l’état d’esprit, des masses changea par rapport à celui du début de la guerre : les malheurs qui s’abattaient sur le peuple français n’étaient pas dus à la guerre elle même, à la GUERRE TOTALE, dans laquelle victoire ou défaite engendrent les mêmes maux, mais à l’occupation étrangère, aux "Boches". Les masses crurent d’autant plus facilement les slogans venus de Londres, qu’à partir du début de la guerre entre l’URSS et l’impérialisme allemand le Parti "communiste" se mit à tenir le même langage que les impérialistes alliés.

Voilà comment aujourd’hui, après quatre années et demie de guerre la classe ouvrière se trouve complètement dépourvue d’une perspective propre et est à la remorque de la bourgeoisie pour une soi-disant guerre de "libération".

Que vaut cette politique ? Pour la classe ouvrière, c’est accepter les pires souffrances non pas pour changer définitivement l’ordre des choses, mais dans l’espoir de revenir à la situation qui a précédé la guerre et qui nous y a menés.

Cependant, quelles seraient les conditions économiques et politiques créées par une victoire alliée ? Peu de travailleurs se font des illusions sur les capitalistes anglais et américains. Mais ils espèrent que leur victoire déterminerait une amélioration de leur niveau de vie et ramènerait le respect des libertés ouvrières.

Mais cette guerre, comme la première, est une guerre impérialiste pour le repartage du monde entre les groupes financiers et pour renforcer l’exploitation capitaliste sur les masses. Si les capitalistes anglais et américains luttent contre l’Allemagne impérialiste ce n’est pas pour les peuples, mais pour évincer un concurrent. Ce concurrent n’est pas l’Allemagne seule, mais l’industrie, le capital financier européen (l’Allemagne, la France, l’Italie, la Hollande, la Belgique, etc...).

Cela signifie que les conditions économiques instaurées par "l’ordre nouveau" (appauvrissement de tous les pays européens au profit des capitalistes allemands) seraient maintenues et aggravées par une victoire des impérialistes alliés : l’Europe entière réduite à la portion congrue constituerait pour les États-Unis un "hinterland" économique.

En effet, à eux seuls, les États-Unis, dont la production dans les principales branches représente de 60 à 80 % de la production mondiale, regorgent de capitaux et ont besoin du monde entier pour résoudre leurs propres contradictions économiques et sociales. C’est pour cela que leurs dirigeants les ont précipités dans la guerre. C’est donc s’exposer à de terribles désillusions que de croire que les États-Unis, où le chômage atteignit à un moment donné 12 à 13 millions d’hommes – 10% de la population totale ! – et où les "marches de la faim", le vagabondage et toutes les tares politiques et sociales (persécution des Noirs, associations secrètes du type fasciste bien avant la naissance de Hitler) ont marqué plus que partout ailleurs la décomposition du capitalisme, peuvent assurer la prospérité de l’Europe.

La ruine irrémédiable de l’Europe peut bien soulager partiellement le capitalisme américain par l’écoulement d’une partie de ses produits industriels sur le continent dévasté. Mais les masses européennes plongées dans la misère, resteront devant l’abondance américaine sans avoir les moyens nécessaires pour payer.

Et dans ces conditions d’aggravation des contradictions économiques, la lutte sociale s’aggraverait aussi : il n’y aura pas de place pour les libertés ni pour un développement pacifique des organisations et des droits ouvriers.


Comment l’ouvrier conscient doit-il donc orienter la lutte des travailleurs contre la guerre et le capitalisme ?

Les aspirations profondes des masses, après quatre ans et demi de guerre, de misère et de terreur politique de la bourgeoisie, sont la PAIX, le PAIN et la LIBERTE. Il s’agit d’orienter ces aspirations des ouvriers, de la population pauvre des villes, et des petits paysans VERS DES SOLUTIONS PROLETARIENNES, seules capables de les réaliser.

Le souci quotidien des travailleurs, c’est le pain. La lutte des ouvriers pour le pain doit être menée avant tout dans les usines, par une lutte pour l’augmentation des salaires. Il faut à chaque occasion tendre à l’unification des mouvements revendicatifs, éviter que les ouvriers des différents ateliers présentent isolément leurs revendications. C’est la grève qui constitue l’arme essentielle de la lutte revendicative. ET LA LUTTE GRÉVISTE POUR L’AUGMENTATION DES SALAIRES CONSTITUE EN MEME TEMPS UN DES MOYENS LES PLUS EFFICACES DE LUTTE CONTRE LA MACHINE DE GUERRE.

Mais la situation des ouvriers et des masses laborieuses ira toujours en s’aggravant (jusqu’à la famine) si le ravitaillement continue à se faire par les voies actuelles. Les liens entre la ville et la campagne ont été rompus par la guerre. Les réquisitions de l’armée d’occupation et l’accaparement du trafic par les gros requins du marché noir avec la complicité des organes d’Etat, grugent les petits paysans et affament les villes. C’est la tâche directe des masses exploitées de la ville et de la campagne de rétablir les liens économiques entre elles. Le seul moyen d’améliorer la situation alimentaire est donc LE CONTRÔLE DU RAVITAILLEMENT PAR LES COMITES D’USINE (élus par les ouvriers) ET PAR LES COMITES DE QUARTIER (élus par les ménagères).

Mais une solidarité définitive entre la ville et la campagne ne peut être établie que si les travailleurs peuvent fournir aux paysans, en échange des produits alimentaires, des produits industriels qui leur sont indispensables.

Les travailleurs doivent dénoncer à toute la population paysanne et pauvre l’incapacité et la bestialité de la bourgeoisie qui a ruiné le pays pour maintenir sa domination. Ils doivent leur expliquer que seul le PLAN OUVRIER, qui orienterait l’industrie vers les véritables besoins des populations (des tracteurs agricoles et non pas des tanks !) peut mettre un terme aux maux actuels. Ils doivent donc mettre en avant la revendication du RETOUR AUX FABRICATIONS DE PAIX et du CONTROLE OUVRIER SUR LA PRODUCTION.

Or toute tentative d’arracher à la bourgeoisie le morceau de pain quotidien doit inévitablement se heurter aux organes de répression de l’impérialisme français et allemand. C’est pourquoi une lutte sérieuse pour le pain pose au premier plan la lutte politique pour le renversement du régime de Vichy et de la Gestapo.

Les travailleurs doivent mettre en avant la lutte pour la reconquête des droits de grève, de réunion, d’association et de presse.

Une telle perspective exige une politique internationaliste visant à obtenir l’appui ou la neutralité des soldats allemands, sans lesquels il n’est pas possible de renverser le régime PAR LES FORCES PROLETARIENNES ET AU PROFIT DES OPPRIMES.

Mais la lutte contre la dictature politique de la bourgeoisie exige la CREATION DE MILICES OUVRIERES EN VUE DE L’ARMEMENT DU PROLETARIAT. Cette tâche peut être réalisée par les travailleurs à condition qu’ils se pénètrent de la nécessité de ne compter que sur eux-mêmes et de ne pas faire confiance à la bourgeoisie française et alliée.

La réalisation de l’armement du prolétariat peut faire un grand pas en avant si les travailleurs réfractaires réfugiés dans le maquis, déjà partiellement armés, parviennent à se soustraire au contrôle de l’impérialisme gaulliste et allié par l’élection démocratique des chefs.

L’orientation de la lutte en ce sens n’a pas une importance vitale seulement pour le présent : Il s’agit avant tout de préparer l’avenir.

En effet, dans les conditions crées par la guerre et désagrégation de l’économie, tout gouvernement qui s’appuierait sur les organes de l’État bourgeois (corps des officiers, police, haute administration, haute magistrature), se comporterait automatiquement (quelle que soit sa phraséologie) comme celui de Vichy. A travers les luttes pour les objectifs immédiats, les travailleurs conscients doivent donc lutter CONTRE LES ILLUSIONS DU PARLEMENTARISME et APPELER A LA CREATION D’ORGANES VERITABLEMENT DEMOCRATIQUES, LES CONSEILS (SOVIETS) OUVRIERS ET PAYSANS, élus à l’échelle locale, régionale et nationale par les masses en lutte contre l’Etat bourgeois.

S’appuyant sur ces Comités, le Gouvernement ouvrier et paysan est le gouvernement du peuple par le peuple lui-même. Seul il peut résoudre les problèmes posés par la guerre ; seul il peut punir les criminels qui ont plongé la France dans la IIème guerre mondiale, qui ont détruit les organisations et les libertés ouvrières, qui ont organisé la déportation en Allemagne et fait emprisonner, torturer et tuer des dizaines de milliers de militants ouvriers.

SEULE LA DICTATURE DU PROLETARIAT PEUT ASSURER AUX MASSES LE PAIN, LA PAIX ET LA LIBERTÉ !

A BAS LA REPUBLIQUE "DEMOCRATIQUE" ! VIVE LA REPUBLIQUE SOVIÉTIQUE !

LA NOUVELLE INTERNATIONALE
Comme nous l’avons vu, les conditions économiques de notre époque rendent nécessaire une lutte prolétarienne unifiée à l’échelle internationale. Les travailleurs d’un pays ne peuvent en aucune façon séparer leur sort des ouvriers des autres pays. Cela, non seulement en vue de l’émancipation sociale par le socialisme, mais même simplement du point de vue de la lutte économique quotidienne des ouvriers. Le niveau de vie des travailleurs de France, de Belgique, d’Allemagne, de Hollande, etc... a son influence sur le niveau de vie des travailleurs de Grande-Bretagne, de même que le niveau de vie des travailleurs de Grande-Bretagne, d’Allemagne, etc... a ses répercussions sur les travailleurs de France et ainsi de suite.

Il faut donc à la classe ouvrière un Etat-Major international : l’INTERNATIONALE. Mais successivement les travailleurs, entre 1914 et 1933, ont assisté à l’écroulement de la IIème et de la IIIème Internationale. Aussi beaucoup d’ouvriers se demandent-ils avec inquiétude : à quoi bon une nouvelle Internationale ? Ferait-elle mieux que les précédentes ? Faudra-t-il toujours recommencer ?

Mais la faillite des vieilles internationales n’a rien de décourageant. Aussi longtemps que le capitalisme n’est pas définitivement renversé, les organisations créées parle prolétariat en vue de la lutte contre la bourgeoisie s’usent dans le combat ; il faut alors en créer de nouvelles.

La IIème et la IIIème Internationale ont laissé derrière elles une œuvre durable. La IIème Internationale a répandu la doctrine socialiste parmi des millions d’ouvriers du monde entier, enracinant ainsi pour toujours la doctrine marxiste comme théorie du mouvement ouvrier. Quant à la IIIème Internationale, elle a montré, leçon irremplaçable, comment on renverse la bourgeoisie et a créé une économie planifiée sur 1/6 du globe. A la IVème Internationale incombe d’achever le travail de la IIème et de la IIIème Internationale en instaurant LA DICTATURE DU PROLÉTARIAT ET LE SOCIALISME DANS LE MONDE ENTIER.

Que les fatigués et les sceptiques, restent à l’écart les jeunes et les militants ouvriers qui ne veulent pas capituler devant l’impérialisme se mettront à l’école des idées de la IVème Internationale.

Il faut reconstituer de nouveaux partis ouvriers communistes, sections de la IVème Internationale dans chaque pays. Déjà des milliers d’ouvriers sur tous les continents, dans presque tous les pays, de l’URSS à l’Amérique, et de l’Afrique à la Chine, luttent sous le drapeau de la IVème Internationale.

Car l’avant-garde prolétarienne n’est pas faite de militants indépendants de la classe ouvrière. LE PARTI OUVRIER EST L’ŒUVRE DE LA CLASSE OUVRIERE ELLE-MEME, qui se regroupe et prend conscience de sa force et de ses tâches. Dès maintenant, les ouvriers doivent surmonter les terribles conditions dans lesquelles ils vivent et trouver le temps nécessaire pour se consacrer au travail politique révolutionnaire. Dans la confrontation de leurs idées et de leur action, ils feront leur propre éducation démocratique, exerceront leur esprit critique et choisiront les meilleurs d’entre eux pour coordonner leur action et multiplier les liaisons sur une échelle de plus en plus large.

La classe ouvrière a pour elle le nombre, la place indispensable qu’elle occupe dans la production, et l’incapacité de la bourgeoisie de faire vivre plus longtemps la société. De plus "SA LIBERATION EST CELLE DE L’HUMANITÉ ENTIERE"

Celle-ci se trouve aujourd’hui devant cette unique alternative : ou bien LA BARBARIE, c’est-à-dire que le prolétariat sera incapable de remplir sa mission historique et alors "le sang et les sueurs des classes laborieuses couleront éternellement dans les vases d’or d’une poignée de riches odieux" (Babeuf), ou bien LE SOCIALISME, c’est-à-dire que le prolétariat SOUS LA CONDUITE DE SON PARTI QU’IL FORGERA A TRAVERS SES EPREUVES, accomplira sa mission par la révolution socialiste qui, une fois commencée, se répandra d’un pays à l’autre avec une force irrésistible ; dans ce cas : "Par l’exemple et avec l’aide des nations avancées, les nations arriérées seront emportées aussi dans le grand courant du socialisme. Les barrières douanières entièrement pourries tomberont. Les contradictions qui divisent le monde entier trouveront leur solution naturelle et pacifique dans le cadre des Etats-Unis socialistes, en Europe comme dans les autres parties du monde. L’HUMANITE DELIVREE S’ELEVERA JUSQU’A SA PLEINE HAUTEUR". (Trotsky).


"Oui, Messieurs, la Commune entendait abolir cette propriété de classe qui fait du travail du grand nombre la richesse du petit.
ELLE VISAIT A L’EXPROPRIATION DES EXPROPRIATEURS".
(Karl Marx : La Commune de Paris)

QUI A DU FER, A DU PAIN

Churchill vient de parler à Londres sur les tâches qui, d’après lui, incomberaient bientôt à l’impérialisme anglais. Croyant tenir la victoire – les dernières victoires de l’Armée Rouge ayant mis l’impérialisme allemand en une situation périlleuse – il a jeté le masque "démocratique" et de la "libération des peuples" pour exposer le véritable programme de l’impérialisme anglais.
Ce programme c’est le vieux programme impérialiste de Versailles sur la base duquel surgit la présente guerre mondiale : il a parlé de "sphères d’influence", Société des Nations, et comme moyen suprême pour empêcher de nouvelles guerres, l’occupation des pays dont les peuples sont "coupables de la guerre".
Ainsi, la "libération des peuples" s’avère clairement non pas comme le droit des nationalités de disposer d’elles-mêmes, mais comme une formule impérialiste de domination et d’exploitation.
Pendant la première guerre impérialiste mondiale (14-18) le président des Etats-Unis, Wilson, avec ses quatorze points "pacifistes", trompa le monde sur les buts de guerre des alliés : mais il s’agissait de combattre l’influence morale de la révolution russe d’Octobre 17 en promettant que les capitalistes alliés réaliseraient aussi sans révolution certaines des grandes conquêtes de la révolution prolétarienne.
Dans le monde d’aujourd’hui dans lequel d’anciens communistes, devenus chefs des peuples à titre honorifique, briguent le poste de maréchal, Churchill, sûr, croit-il, de ne pas être contredit au nom des masses qui peinent dans les usines et versent leur sang sur tous les champs de bataille, ne se donne plus la peine d’embellir la réalité hideuse.
Quels sont les coupables de la guerre ? Les capitalistes de tous les pays essaient d’en rejeter la responsabilité sur les peuples du camp opposé.
Hitler a justifié devant son peuple le pillage de toute l’Europe en disant qu’il punissait les "coupables" de la guerre, et en promettant de mieux faire après la victoire. En réalité, Hitler collabore avec les fauteurs de guerre de toute l’Europe, la bourgeoisie et son Etat, contre les peuples, c’est-à-dire contre les ouvriers et les paysans de tous les pays.
Le traité de Versailles avait fait endosser la responsabilité de la guerre de 14-18 à l’Allemagne et au nom de cette responsabilité réelle de la bourgeoisie allemande (qui a contribué à la guerre d’une façon identique à la bourgeoisie française, anglaise, etc...), on a infligé les pires maux aux peuples de l’Europe Centrale et de tous les Etats vaincus.
La convention d’armistice de juin 1940 a rejeté cette fois-ci sur la France le stigmate de fauteur de guerre et, au nom de cette responsabilité réelle de la bourgeoisie française (qui a contribué à la guerre d’une façon identique à la bourgeoisie allemande, anglaise, etc...), on a infligé les pires maux aux peuples français belge, polonais, etc...
Churchill promet en cas de victoire de punir lui aussi les peuples "responsables de la guerre".
Il s’ensuit de tout cela que les coupables de la guerre CE SONT LES VAINCUS.
Churchill offre comme consolation et comme remède à la situation terrible des peuples écrasés par l’impérialisme allemand et italien, l’écrasement (en cas de "victoire") des peuples allemand et italien par la bourgeoisie américaine, anglaise, française, etc... Les ouvriers et les paysans français pourraient alors jouer le beau rôle de gardes-chiourme en contribuant à l’occupation des pays "responsables" (Churchill n’indique pas exactement quels sont ces pays ; cela ira aussi loin qu’il sera nécessaire à l’impérialisme britannique). Le rôle réservé aux ouvriers et paysans de France serait le même que celui que Hitler fait jouer actuellement aux ouvriers et paysans allemands. Rendre les peuples complices de leur diplomatie et de leurs brigandages capitalistes, voilà le but suprême de la classe bourgeoise de tous les pays ; et le moyen le plus sûr pour atteindre ce but c’est de plonger périodiquement les peuples dans des guerres fratricides qui, en augmentant toujours plus la haine entre eux empêcheraient à jamais l’union des ouvriers de tous les pays pris dans LE CYCLE INFERNAL DES REVANCHES.
Ainsi, au moment même où les peuples du monde entier plongés dans des souffrances inouïes et saignés à blanc envisagent, confusément au point de vue politique, comme prix de leurs souffrances, un ordre réellement nouveau, c’est-à-dire non capitaliste, Churchill en faisant "miroiter" à nos yeux les souffrances qu’il se propose d’infliger aux ouvriers et aux paysans d’Allemagne et d’Italie comme punition des crimes des bourgeoisies allemande et italienne (qui alors deviendraient sûrement collaboratrices avec... Churchill) veut nous lancer dans la voie que nous avons déjà parcourue après l’autre guerre mondiale. Il parle bien d’un "plan quadriennal" de reconstruction du monde après la guerre (la guerre étant elle-même un plan quadriennal, quinquennal, etc... pour la destruction du monde), mais il affirme que le capitalisme doit rester à la base de la société, car, voyez-vous, le "citoyen" anglais ne s’accommoderait jamais d’une autre société que celle basée sur l’initiative privée, c’est-à-dire capitaliste. Sur ce point les ouvriers anglais donneront en temps voulu leur réplique pratique à Churchill.
Mais tant que les choses dépendront de la volonté de Churchill et de sa classe (et elles en dépendront jusqu’au moment où le prolétariat accomplira la révolution), seuls des traîtres à la classe ouvrière peuvent soutenir les impérialistes alliés comme "un moindre mal" : comparativement à l’épuisement provoqué par la guerre capitaliste, la "prospérité" capitaliste du temps de paix, avec ses chômeurs, ses crises, etc... peut sembler "préférable" ; mais la deuxième guerre impérialiste engendrée par le capitalisme a amené la pourriture de celui-ci à tel point qu’en réalité les ouvriers n’ont pas de choix à faire : ils doivent vaincre pour ne pas mourir.
Les ouvriers, eux, opposent aux capitalistes de tous les pays un véritable plan de reconstruction politique et économique du monde. Ils opposent aux vieilles haines et carnages capitalistes entre nations un nouvel ordre politique européen et mondial basé sur la fraternisation des exploités de tous les pays : LES ETATS-UNIS SOCIALISTES D’EUROPE ET DU MONDE. Ils opposent aux plans capitalistes de "reconstruction" qui mènent à de nouvelles guerres, L’ECONOMIE PLANIFIEE SOCIALISTE, dont l’expérience a déjà été faite en Union Soviétique. Ne faisant aucune confiance à ceux qui s’attachent au vieux monde capitaliste pourri, ils prennent leur sort en leurs propres mains.
Prendre son sort en ses propres mains signifie que tous les travailleurs comprennent que la situation de plus en plus dure que leur fait le capitalisme leur imposera comme une nécessité absolue DE SE DEFENDRE contre leurs exploiteurs. La bourgeoisie sera en mesure d’imposer au prolétariat tout ce qu’elle voudra tant qu’elle détiendra le monopole des armes. C’est pourquoi les ouvriers, ne se fiant pas aux phrases de celle-ci, tendront à L’ARMEMENT DU PROLETARIAT. Les bureaucrates ouvriers de toutes les couleurs qui se sont fait une profession de la "défense des droits des travailleurs" et se sont très bien accommodé de la domination de la bourgeoisie, objecteront que l’armement du prolétariat ne pourrait se réaliser que dans une situation "révolutionnaire". Quand le prolétariat sera en armes, la situation deviendra évidemment révolutionnaire. MAIS LA VOLONTE INEBRANLABLE ET FAROUCHE DES OUVRIERS DE S’ARMER en tant que classe DECOULE DE LA SITUATION SANS ISSUE OU ILS ONT ETE PLONGES PAR LA GUERRE CAPITALISTE, COMME UNIQUE GARANTIE DE LEUR VIE ET DE CELLE DE LEURS PROCHES.
Car armement du prolétariat et lutte de partisans ne constituent pas une seule et même chose ; ils s’opposent même : les luttes des partisans menées par une minorité de la classe ouvrière mêlée à des éléments d’autres classes (éléments même anti-prolétariens avoués, réactionnaires et fascistes pro-anglais ou des éléments militaires de l’ancienne armée) ont pour but le soutien militaire des adversaires de l’armée allemande, et sont sous le contrôle de partis politiques hostiles à la révolution prolétarienne.
Toutefois, la minorité de la classe ouvrière qui y participe, si elle garde la foi en la destinée historique du prolétariat, qui doit affranchir l’humanité du capitalisme et créer la société socialiste, peut fournir des cadres précieux et expérimentés à la classe ouvrière qui tend de toutes ses forces à son armement.
Se souvenant de l’exemple de la Commune de Paris (18 mars 1871) qui fut la riposte du peuple parisien CONTRE LA BOURGEOISIE qui essayait de le désarmer, les travailleurs conscients éveilleront dans les cœurs de tous les ouvriers le désir ardent d’être quelque chose en possédant des armes, car suivant le mot célèbre de Blanqui- : qui a du fer, a du pain.

DE LA COMMUNE DE PARIS A LA REVOLUTION MONDIALE

"Les révolutions prolétariennes... interrompent à chaque instant leur propre cours, reviennent sur ce qui semble déjà être accompli pour le recommencer de nouveau, ... paraissent n’abattre leur adversaire que pour lui permettre de puiser de nouvelles forces de la terre et se redresser de nouveau formidable en face d’elles, reculent constamment à nouveau devant l’immensité infinie de leur propre but, jusqu’à ce que soit créée enfin la situation qui rende impossible tout retour en arrière et que les circonstances elles-mêmes crient : ...c’est ici qu’il faut sauter !"
Il est bon, en ce 72ème anniversaire de la Commune de Paris, de rappeler cette caractéristique des révolutions prolétariennes donnée par Marx en 1851.
Les voies de l’histoire et surtout la voie prolétarienne, ne sont pas une ligne droite qu’on parcourt d’un seul trait à une certaine époque et qui assure, avec de lourds sacrifices, la victoire ou la défaite. Pour celui qui considère les événements seulement dans la période qui coïncide avec sa propre expérience, la courbe historique semble par moments redescendre à son point de départ ; mais pour ceux qui les considèrent dans leur TOTALITE HISTORIQUE, cette courbe indique la marche inéluctable du prolétariat vers le pouvoir et de la société vers le communisme.
A l’aube de la révolution prolétarienne qui est la Commune de Paris (18 mars-28 mai 1871) le soulèvement des ouvriers ne fut pas un acte délibéré, préparé à l’avance dans un but socialiste défini. Le soulèvement parisien eut lieu devant la pourriture avérée de la bourgeoisie française, à l’occasion d’une guerre que celle-ci avait déchaînée et perdue et de laquelle elle voulait se tirer sur le dos des ouvriers et des paysans français. Il manquait au mouvement la conscience révolutionnaire. Dominée par les éléments petits-bourgeois, sans parti révolutionnaire, la Commune fut noyée dans le sang. La bourgeoisie décima le prolétariat pour le briser à jamais. Mais la croissance même du capitalisme recréa une classe ouvrière qui sut utiliser les nouvelles conditions politiques et économiques pour panser ses plaies et conquérir des droits économiques et politiques. Notamment, il forgea ses propres organisations de classe, syndicats et partis politiques.
La leçon de la Commune ne fut point perdue pour le prolétariat. Les marxistes de tous les pays examinèrent les fautes commises par ses dirigeants ; et quand par suite de la guerre russo-japonaise de 1904 éclata la première révolution russe de 1905, le Soviet de Pétrograd ne renouvela plus les fautes de la Commune de Paris.
Cependant, la première révolution russe fut elle aussi battue. Il fallut la première guerre impérialiste mondiale, qui sembla tout d’abord avoir emporté toutes les conquêtes et tout l’acquis politique de la classe ouvrière, pour que la révolution d’Octobre 17 sous la conduite du parti bolchévique créât le premier Etat ouvrier qu’ait connu le monde.
Mais la révolution russe resta isolée dans un monde capitaliste. Ceci entraîna la main-mise sur l’Etat ouvrier d’une bureaucratie étrangère à la révolution, bureaucratie de plus en plus privilégiée et hostile au socialisme qui, se couvrant faussement du drapeau de la révolution d’Octobre pour mieux tromper les masses, conduisit le prolétariat, de défaite en défaite, à la situation inextricable provoquée par la deuxième guerre impérialiste mondiale.
Il semble à nouveau que le prolétariat ait tout perdu. Mais la main-mise de la bureaucratie sur la IIIème Internationale provoqua d’abord l’opposition des éléments révolutionnaires à sa politique conservatrice et ensuite la création d’une nouvelle internationale révolutionnaire, la IVème Internationale. Quoiqu’il reste dans le monde entier peu de pays où la classe ouvrière conserve des organisations à elle (Angleterre, Etats-Unis) et que leurs dirigeants soient passés à la bourgeoisie, trois facteurs assurent cependant la victoire définitive du prolétariat et des masses exploitées sur le capitalisme. Premièrement la situation inextricable pleine de contradictions et de dangers dans laquelle se trouve le capitalisme, contraint à une lutte permanente contre les masses de tous les pays. Deuxièmement l’existence sur 1/6 du globe d’une économie planifiée qui, bien que mise en danger par la bureaucratie stalinienne, reste encore la dernière mais la PRINCIPALE conquête de la Révolution d’Octobre 17. Et enfin, l’existence de la IVème Internationale, parti prolétarien révolutionnaire mondial qui affirmera dans la période révolutionnaire prochaine la continuité des intérêts et de l’idéologie prolétariennes contre les intérêts et l’idéologie de la bourgeoisie, et mènera les exploités à la victoire finale sur le capitalisme, à la révolution prolétarienne mondiale.

LA LUTTE de CLASSES – n° 18
Organe du Groupe Communiste (IVème Internationale)

Barta

10 octobre 1943

"Les masses soulevées de la Russie de 1917 s’élèvent à la nette conscience de l’action nécessaire, des moyens, des objectifs à atteindre, par l’organe du parti bolchevik. ...Le parti leur révèle ce qu’elles pensent. Le parti est le lien qui les unit entre elles, d’un bout à l’autre du pays. Le parti est leur conscience, leur intelligence, leur organisation."(V. Serge, l’An Premier).

LES LECONS D’ITALIE

Provisoirement, la brèche ouverte dans la guerre impérialiste par le mouvement révolutionnaire en Italie a été "colmatée" par les impérialistes de Berlin et de Londres et Washington. A nouveau le fracas des bombes et le silence des "informations" officielles couvrent d’un voile épais la lutte des travailleurs de la péninsule pour la paix, le pain et la liberté.
Ayant combattu à mort le régime de Mussolini pour sortir de la guerre et de l’oppression politique, les masses italiennes se trouvent cependant plus que jamais politiquement enchaînées et, impuissantes, livrées aux ravages d’une guerre impitoyable qui se déroule sur le sol italien.
Que s’est-il passé en Italie ?
Courbés sous le régime fasciste établi par Mussolini pour sauver le capitalisme italien de la révolution prolétarienne, les ouvriers italiens, qui n’ont pas oublié les traditions de lutte de 1919 (occupation et mise en marche des usines), attendaient le moment favorable pour la reconquête de leurs droits élémentaires. Ce moment arriva le 25 juillet, avec la chute de Mussolini (voir n° 16). La lutte des masses ouvrières et populaires prit un caractère décisif et liquida le régime fasciste. En attaquant les locaux fascistes (permanences, journaux, etc...), en ouvrant les portes des prisons, en ressuscitant l’activité politique libre, en reconstruisant leurs organisations de classe (syndicats, élection de conseils ouvriers), les ouvriers italiens prenaient leur sort entre leurs propres mains.
Mais rien ne pouvait être définitivement conquis par les masses laborieuses tant que l’Italie continuait à participer au conflit impérialiste. La liquidation du régime pourri n’était que la première étape vers la solution du problème fondamental de la PAIX, sans laquelle il ne peut y avoir pour aucun peuple de pain et de liberté.
Cette paix, que désiraient ardemment les travailleurs et les soldats italiens, ne pouvait leur être accordée ni par l’impérialisme allemand, ni par l’impérialisme anglais et américain, ni par la bourgeoisie italienne. Les deux groupes impérialistes, dans leur lutte, écrasent sans se soucier les peuples plus faibles ; la bourgeoisie italienne ne balançait pas un instant entre ses intérêts impérialistes qui pouvaient être sauvés tout au moins partiellement en se vendant au plus fort et le sort du peuple italien voué au massacre.
Pour se soustraire à la guerre impérialiste les ouvriers et les soldats italiens ne pouvaient donc compter que sur la solidarité ouvrière et paysanne des soldats allemands, américains, anglais et des ouvriers du continent européen. Pour réveiller cette solidarité de classe dans un monde déchiré depuis quatre ans par un conflit impérialiste qui a livré les exploités de chaque pays à leur propre bourgeoisie, il aurait fallu que ceux-ci entendent non pas les clameurs des éléments pro-impérialistes qui occupaient le devant de la scène en Italie, mais la propre voix du prolétariat italien défendant la cause des opprimés du monde entier. S’adressant directement par dessus la tête de leurs dirigeants capitalistes (le roi, Badoglio et les partis pro-alliés) aux soldats en guerre et aux ouvriers exploités dans les usines, en dénonçant la politique capitaliste de ceux-ci qui par leur diplomatie secrète s’apprêtaient à vendre le peuple italien à de nouveaux maîtres impérialistes, en leur demandant à eux une paix démocratique, c’est-à-dire une paix sans annexions ni clauses secrètes, et en répudiant ouvertement l’exploitation d’autres peuples par le peuple italien, le prolétariat italien aurait préparé son propre avenir et celui de tous les peuples.
Car même si, pour des raisons géographiques, la transformation de l’Italie en champ de bataille était inévitable, ce langage prolétarien aurait tonné dans les oreilles des soldats et des ouvriers écrasés sous le poids de la guerre, comme l’annonce de la société socialiste qui vient ; le concert de haines impérialistes aurait été assourdi par le cri de solidarité prolétarienne.

Il eut fallu pour cela que quelqu’un exprime les véritables désirs des masses laborieuses italiennes ; il eut fallu qu’à l’heure où le fascisme a été vaincu se trouvât à la tête des masses un parti totalement dévoué aux masses travailleuses et qui, agissant au nom du prolétariat, incarnât cette volonté socialiste.
Mais un tel Parti n’existait pas en Italie. Les masses ont-elles à peine fait irruption dans l’arène politique, que les vieux partis pourris (socialistes, communistes, démocrates seulement de nom), prétendant agir au nom des masses italiennes, se sont mis à travailler pour un renversement d’alliance, quoique sachant bien le prix que cela coûterait au peuple italien. Tous ces partis sont pour "Badoglio à l’action", Badoglio, l’homme de confiance du capitalisme italien, l’assassin de l’Abyssinie, travaillant à sauver, après l’écroulement du fascisme, le roi et la bourgeoisie. Pour que la bourgeoisie puisse garder le droit d’exploiter des esclaves en Afrique, pour que le roi puisse continuer à accrocher des décorations sur la poitrine des "braves" officiers, pour que les officiers italiens puissent toucher des soldes élevées et porter de beaux uniformes, le peuple italien devait être jeté par Badoglio dans les pires souffrances. Des centaines de milliers de prisonniers en Allemagne, la dévastation de la péninsule, voilà l’œuvre des impérialistes et de leurs serviteurs conscients ou inconscients.

Ce qui se passe dans le Sud de l’Europe depuis le 25 juillet c’est l’image des événements qui demain déferleront sur tout le continent. En comprendre la signification et les leçons, c’est une question de vie ou de mort pour les masses exploitées du continent.
Il doit être maintenant clair pour tous les ouvriers que la lutte des masses, à la première occasion favorable, pour la conquête de la paix, du pain et de la liberté, se heurtera non seulement à la résistance de l’impérialisme allemand, mais également à l’impérialisme allié et à la bourgeoisie des différents pays en dépendant. Leur complicité a pour but d’empêcher tout mouvement de masses autonome, ayant ses propres buts ; les impérialistes feront tout leur possible pour que leur guerre de brigandage ne se termine pas, comme en Russie en Octobre 17, par la victoire ouvrière.
Pour combattre avec succès les plans impérialistes, la classe ouvrière doit comprendre à temps les grands dangers auxquels elle s’expose en se laissant passivement manœuvrer par la diplomatie secrète de la bourgeoisie et en faisant la moindre confiance aux impérialistes alliés, parmi lesquels figurent, les derniers mais non pas les pires, le roi d’Italie et Badoglio complices de Mussolini pendant 21 ans.
Combien de leçons sanglantes doit-on encore recevoir pour comprendre que la lutte que mènent les puissances impérialistes écrase tous les peuples, y compris les peuples qui les soutiennent ? Les prolétaires ont-ils oublié la longue expérience sanglante que la bourgeoisie a infligé aux ouvriers dans tous les pays (en particulier l’œuvre du "démocrate" Daladier de 1939-1940) ? Les morts, les martyrs, les emprisonnés, victimes du capitalisme français anglais, américain sont-ils déjà oubliés ? Les crimes de l’impérialisme allemand peuvent-ils être punis par des criminels du même genre ? Seule la classe ouvrière peut lever l’étendard de la justice sur le monde !
Ce qui s’est passé en Italie prouve une fois de plus que la classe ouvrière, les masses laborieuses sont vouées aux défaites sans l’existence d’un parti révolutionnaire. Mais la classe ouvrière française a elle aussi son propre exemple, ses propres luttes menées depuis 1934 sous tous les gouvernements – de droite ou de gauche – pour la conquête du droit à la vie. Si cette lutte n’a pas mené à la victoire, qui faut-il accuser sinon le fait que la lutte opiniâtre des masses n’a pas trouvé un guide sûr contre la bourgeoisie ? Quel prolétaire français ne voit pas clairement que le parti dit communiste s’est servi de la lutte ouvrière pour appuyer la diplomatie soviétique au lieu de servir la classe ouvrière contre la bourgeoisie française ?
Il faut un parti révolutionnaire aux masses pour sortir de la guerre, pour renverser le capitalisme qui l’engendre, pour créer une société meilleure. Ce parti est créé par les meilleurs éléments de la société qui n’acceptent pas l’ordre bourgeois, qui ont compris les lois historiques et politiques, qui veulent construire une société socialiste basée sur l’économie planifiée dont l’URSS a prouvé l’efficacité. Mais ce parti ne peut acquérir une véritable base révolutionnaire sans l’activité consciente des meilleurs éléments prolétariens. A ceux-ci de rechercher l’activité politique, de s’organiser, de montrer au monde que la classe ouvrière accomplira son destin historique.
A bas les impérialismes allemand et allié !
A bas la diplomatie secrète !
Vive la Quatrième Internationale !

"S’ILS S’OBSTINENT, CES CANNIBALES..." (L’Inter.)

"Il est de l’intérêt de la Grande-Bretagne" a déclaré M. Churchill, "que la France redevienne un pays fort avec une armée forte". Puisqu’il s’agit d’intérêt et non pas de "démocratie" ou de "libération", on peut faire confiance à Churchill.
Il convient donc de réfléchir sérieusement aux projets de l’impérialisme britannique en ce qui concerne ses rapports avec le capitalisme français.
Tôt ou tard la guerre se déroulera sur le sol français M. Churchill, qui a besoin de la chair à canon française, sait très bien que ses agents en France (gaullistes, "communistes", etc...) ne peuvent pas mettre en branle, pour la guerre impérialiste, la masse du peuple français. Alors, il veut nous "enthousiasmer" en faisant appel aux traditions militaristes que nous a inculqué le capitalisme français.
"Une France et une armée fortes" ont été, en 1914, l’origine, pour le peuple français d’un conflit qui lui a coûté 1 500 000 morts et plusieurs générations d’éclopés.
Après 1918 la France devint même une "grande puissance". Mais cela n’empêcha ni le chômage, ni la misère, ni les troubles sociaux, ni la pourriture du régime parlementaire bourgeois, ni une deuxième guerre impérialiste. Que peut bien signifier actuellement la perspective d’une "France (capitaliste) forte" ? Ayant perdu définitivement la position de deuxième puissance coloniale du monde, économiquement et financièrement encore plus dépendante de Londres et de Washington, la France capitaliste, dans le cas d’une victoire alliée sera loin de disposer des moyens dont disposait la "grande puissance" française après 1918. La misère des grandes couches populaires ne sera plus cachée par les miettes des richesses que le capitalisme français abandonnait généreusement à une partie de la population. Misère accrue, chômage accru, troubles sociaux cruels, dictature ouverte (avec quelques dehors "démocratiques"), voilà ce que peut être une "France (capitaliste) forte" à la fin de la présente guerre.
Mais d’ores et déjà ses dirigeants présomptifs (De Gaulle, Giraud) la préparent de plus en plus ouvertement, de plus en plus odieusement, au rôle de gendarme et de mercenaire. Publiquement, Giraud s’engage à fournir à Washington, contre l’impérialisme japonais, trois cent mille "hommes" en échange de matériel (hommes et matériel destinés d’ailleurs à être réduits en poussière).
Après la "victoire", l’"armée forte" française serait sans doute indispensable pour le rôle de garde-chiourme dans les différents pays soumis ou conquis, pour le maintien de l’ordre capitaliste. Pour s’en convaincre, nous avons l’exemple de l’armée allemande d’occupation que ses maîtres mettent au service des capitalistes français toutes les fois que ceux-ci ont des difficultés avec les ouvriers.
Ce rôle infâme par lequel Churchill veut allécher les ouvriers et les paysans français ne sera pas accepté par les travailleurs de France. Les travailleurs de France luttent pour les Etats-Unis socialistes d’Europe, qui exclueront à tout jamais les conflits entre les peuples du continent. Le peuple de France ne ploiera plus sous le fardeau des impôts pour entretenir des armées "fortes" au service de ces messieurs les capitalistes !

LENINE SUR LA "DEMOCRATIE" ET LA "DICTATURE" (Extraits)

La croissance du mouvement révolutionnaire prolétarien dans tous les pays suscite les efforts convulsifs de la bourgeoisie et des agents qu’elle possède dans les organisations ouvrières pour découvrir les arguments philosophico-politiques capables de servir à la défense de la domination des exploiteurs. La condamnation de la dictature et la défense de la démocratie figurent au nombre de ces arguments.
...L’histoire enseigne qu’aucune classe opprimée n’est jamais parvenue à la domination, et n’a pu y parvenir sans passer par une période de dictature pendant laquelle elle s’empare du pouvoir politique et abat par la force la résistance désespérée, exaspérée, qui ne s’arrête devant aucun crime, qu’ont toujours opposée les exploiteurs. La bourgeoisie dont aujourd’hui la domination est soutenue par les socialistes qui pérorent sur la dictature en général et qui se démènent en faveur de la démocratie en général a conquis le pouvoir dans les pays civilisés au prix d’une série d’insurrections, de guerres civiles, de l’écrasement par la force – des rois, des nobles, des propriétaires d’esclaves – et par la répression des tentatives de restauration. Des milliers de fois, les socialistes de tous les pays ont expliqué au peuple le caractère de classe de ces révolutions bourgeoises, dans leurs livres, dans leurs brochures, dans les résolutions de leurs congrès, dans leurs discours de propagande. C’est pourquoi cette défense actuelle de la démocratie bourgeoise au moyen de discours sur la "dictature en général", tous ces cris et ces pleurs contre la dictature du prolétariat sous prétexte de condamner "la dictature en général", ne sont qu’une trahison véritable du socialisme, qu’une désertion caractérisée au profit de la bourgeoisie, qu’une négation du droit du prolétariat à sa révolution prolétarienne. C’est défendre le réformisme bourgeois, précisément à l’heure où il a fait faillite dans le monde entier, alors que la guerre a créé un état de choses révolutionnaire.
Tous les socialistes en démontrant le caractère de classe de la civilisation bourgeoise, de la démocratie bourgeoise, du parlementarisme bourgeois, ont exprimé cette idée déjà formulée, avec le maximum d’exactitude scientifique par Marx et Engels que la plus démocratique des républiques bourgeoises NE SAURAIT ETRE GUÈRE AUTRE CHOSE QU’UNE MACHINE A OPPRIMER LA CLASSE OUVRIERE A LA MERCI DE LA BOURGEOISIE, LA MASSE DES TRAVAILLEURS A LA MERCI D’UNE POIGNEE DE CAPITALISTES.
...La dictature du prolétariat ressemble à la dictature des autres classes parce qu’elle est provoquée, comme toute espèce de dictature, par la nécessité de réprimer violemment la résistance de la classe qui perd la domination politique. Le point fondamental qui sépare la dictature des éléments féodaux au moyen-âge, de la dictature de la bourgeoisie dans tous les pays civilisés capitalistes, consiste en ce que la dictature des éléments féodaux et de la bourgeoisie était l’écrasement violent de la résistance de l’énorme majorité de la population, de la classe laborieuse, TANDIS QUE LA DICTATURE DU PROLETARIAT EST L’ECRASEMENT PAR LA FORCE, DE LA RESISTANCE DES EXPLOITEURS, C’EST-A-DIRE D’UNE INFIME MINORITE DE LA POPULATION : LES PROPRIETAIRES FONCIERS ET LES CAPITALISTES.

LA LUTTE de CLASSES – n° 27
Barta

6 avril 1944

"Le socialisme patriote et le socialisme impérialiste... est un ennemi plus dangereux pour le prolétariat que les propagateurs bourgeois de l’impérialisme, car en abusant du drapeau socialiste ils pourraient induire en erreur la partie inconsciente des travailleurs". (Lénine)


DU SOCIALISME DANS UN SEUL PAYS A L’UNION SACREE

La "nouvelle" politique du PC italien et l’entrée de deux chefs staliniens au CFLN d’Alger, viennent couronner l’ensemble des actes par lesquels les débris de la IIIème Internationale, sous l’ordre de Staline, mènent la collaboration avec la bourgeoisie. Après toute une série de reniements (buts de guerre versaillais, dissolution de la IIIème Internationale, rejet des symboles internationalistes), les chefs staliniens ont fini en 1944 au point où débutèrent les sociaux-patriotes en 1914 : dans les ministères d’union sacrée.
Tout travailleur conscient peut maintenant se convaincre que critiquer ouvertement et vigoureusement les chefs staliniens ce n’est pas diviser les ouvriers, mais pourchasser au sein du prolétariat les agents de la bourgeoisie. Ce rôle d’agents de la bourgeoisie des chefs staliniens n’a pu apparaître dès le début de cette guerre parce que l’URSS resta hors du conflit jusqu’en 1941 ; depuis, la collaboration avec la bourgeoisie se couvrait du masque de la "libération nationale et antifasciste par le peuple pour le peuple".
Mais dans les derniers événements politiques, les chefs des PC italien et français apparaissent ouvertement comme les collaborateurs de la bourgeoisie sans le peuple et contre le peuple.

En Italie, la chute du régime fasciste avait appelé à la vie les partis politiques qui auparavant vivotaient dans l’illégalité. La principale revendication politique de ces partis (PC, PS et plusieurs partis bourgeois démocratiques) était la démission du roi Victor-Emmanuel et de Badoglio, responsables, avec Mussolini, du régime qui a étouffé l’Italie pendant 22 ans. La haine des masses travailleuses pour le roi et Badoglio est telle que ceux-ci avaient échoué dans tous leurs essais pour négocier l’appui d’un des partis italiens. Et c’est Staline qui entreprend de sauver Badoglio et la royauté !
Beaucoup de travailleurs continuent à croire que la politique extérieure stalinienne d’union avec la& bourgeoisie n’a rien à voir avec la politique intérieure des partis "communistes" des différents pays bourgeois. Cependant, sur un signe de Staline, grand-prêtre du "communisme", Ercoli, porte-parole du PC en Italie, a donné son absolution à Badoglio, et voilà celui-ci, de diable fasciste, mué en saint "démocrate". Cette transformation opportune est inaugurée par un changement complet dans la politique du PC. En effet, Ercoli a déclaré qu’étant donné que le gouvernement n’a pas l’appui des masses et que les partis anti-fascistes qui bénéficient de la confiance des masses n’ont pas le pouvoir... il fallait ajourner l’exigence de la démission du roi et collaborer... avec le pouvoir.
En même temps Ercoli exhorte les travailleurs à renoncer à la "vendetta" (c’est ainsi qu’il appelle opportunément la punition des coupables) : tous les hommes de "bonne volonté" quelles que soient leurs idées politiques doivent pouvoir lutter contre l’envahisseur.
L’antifascisme des staliniens n’est plus que fumée ! Car il est évident que la famille royale, Badoglio et tous les officiers fascistes et réactionnaires qui ont participé aux crimes de Mussolini, ne manquent pas de bonne volonté pour lutter contre "l’envahisseur" (venu en Italie pour collaborer avec eux) : c’est pour eux le meilleur moyen non seulement de se faire pardonner leurs crimes, mais surtout, en continuant comme par le passé leur travail de privilégiés en tant que chefs des masses dans la guerre, de sauver leurs privilèges et d’assurer la domination de la bourgeoisie dans la paix.
L’entrée des deux chefs staliniens Grenier et Billoux au CFLN d’Alger revêt le même caractère anti-prolétarien. Cependant, du fait que les staliniens collaborent depuis de longs mois avec De Gaulle et le soi-disant "front" national en France, cette entrée ne revêt pas le même caractère brutal qu’en Italie ; mais là aussi les chefs staliniens sont entrés dans une équipe bourgeoise truffée de réactionnaires que les staliniens appellent maintenant des "libérateurs" du peuple français Ils ont vite fait d’oublier qu’avant Pucheu c’est Daladier et Reynaud soutenus par les De Gaulle, les d’Astier de la Vigerie, les Mendès-France, qui ont emprisonné, traqué, torturé, puni de mort les militants communistes et dissous le PC et les organisations prolétariennes qui en 1939 refusaient de défendre la "patrie" pour le compte des 200 familles...
Serait-ce par hasard que De Gaulle veut instaurer le socialisme ? Même pas la démocratie ! "Un régime stable, dans lequel le jeu des partis ne trouble pas la continuité gouvernementale", le respect de la propriété (des trusts) tout en promettant d’en empêcher les abus (des trusts !), etc..., nous savons déjà ce que tout cela signifie. D’ailleurs pour commencer, le principe républicain dont il s’est tant prévalu dans sa lutte contre Giraud, la séparation des fonctions civiles et militaires, est abandonné, puisque De Gaulle devient le commandant en chef de l’armée de "libération" en même temps que le président du CFLN.

Ce n’est ni pour défendre l’URSS, ni pour sauver la démocratie que les staliniens mènent leur politique : ils la mènent parce qu’ils se sont séparés des masses et se sont rapprochés de la bourgeoisie par leur façon de vivre, leur mentalité et leur pratique politique.
L’entrée des staliniens au CFLN et le ministérialisme subit du PC italien sont une victoire de la bourgeoisie. La bourgeoisie de tous les pays, après avoir écrasé les travailleurs à l’aide de régimes ouvertement dictatoriaux, se sent en danger devant l’effondrement des systèmes totalitaires.
En Italie, la royauté et la bourgeoisie, qui appelèrent en 1922 Mussolini comme sauveur, doivent maintenant cacher leur domination derrière un langage "démocratique" pour tromper les masses et les maintenir dans l’asservissement économique et culturel. Et c’est de cette tromperie que, sur l’ordre de Staline, les chefs staliniens se sont faits les instruments principaux.
En France, la bourgeoisie sait qu’il lui sera difficile de conserver sa domination après avoir montré au peuple français son véritable visage en se servant du régime de Vichy et de la Gestapo pour prendre sa revanche sur juin 1936. Et même l’arrivée en France du gouvernement soi-disant démocratique de De Gaulle ne serait pas suffisante pour empêcher les masses d’entrer en lutte contre la bourgeoisie. Pour que De Gaulle puisse remplir avec succès sa mission de sauveur "républicain" de la bourgeoisie (comme Pétain fut son sauveur en 1940), il faut qu’il soit lié aux masses travailleuses : seule la présence de "communistes" dans son gouvernement peut lui assurer, au moment le plus critique (effondrement du régime de Vichy et installation du nouveau gouvernement), la confiance ou la neutralité des masses.
Les chefs staliniens sont devenus nécessaires à la bourgeoisie tout comme les sociaux-patriotes le furent de 1914 à 1918 et après. Nous savons maintenant comment la bourgeoisie a payé les services des sociaux-réformistes une fois leur "mission" remplie : ils ont été jetés dans les prisons, tués et persécutés. Les communistes-réformistes n’auront pas un meilleur sort s’ils réussissent à tromper le prolétariat.

Ainsi, comme les sociaux-démocrates en 14-18, voilà les staliniens devenus ministres et même, sous peu, des ministres de sa majesté le roi Victor-Emmanuel ou Umberto, le fils de son père. De même que leurs prédécesseurs en trahison, ils doivent, avec le portefeuille ministériel sous le bras, "correctement" habillés, collaborer avec leurs bourreaux et persécuteurs de la veille et leur serrer la main.
Quand en 1924 staliniens et trotskystes se séparèrent doctrinalement entre partisans du "socialisme dans un seul pays" (professé par Staline) et partisans de la révolution permanente (soutenue par Trotsky), les travailleurs ne pouvaient pas réaliser l’importance décisive de cette question.
Aujourd’hui nous voyons les partisans du "socialisme dans un seul pays" collaborer ouvertement avec la bourgeoisie, tandis que les partisans de la révolution permanente luttent pour défendre les véritables intérêts des travailleurs de tous les pays.
Il faut que les travailleurs empêchent les chefs staliniens de mener à bien leur travail de sabotage et de trahison. Il faut exiger la rupture avec le soi-disant front national, dans lequel, de l’aveu même des staliniens, les éléments bourgeois se préparent beaucoup plus à des combinaisons contre les travailleurs qu’ils ne "luttent" contre l’occupation.
A LA POLITIQUE D’UNION SACREE AU PROFIT DE LA BOURGEOISIE, OPPOSONS L’UNION DES TRAVAILLEURS POUR LA PAIX, LE PAIN ET LA LIBERTE !
Si les chefs staliniens remplissent aujourd’hui le rôle de traîtres, autrefois tenu par les sociaux-démocrates de la IIème Internationale, les communistes groupés dans la IVème Internationale occupent les mêmes postes de combat qu’autrefois la IIIème du temps de Lénine et Trotsky. LA CLASSE OUVRIERE VAINCRA SOUS LE DRAPEAU DE LA IVÈME INTERNATIONALE !

LES TRAVAILLEURS ANGLAIS A L’ACTION !

Tandis qu’en Europe l’ébranlement de la machine de guerre de l’impérialisme allemand se fait sentir non seulement sur les champs de bataille de l’Est, mais jusque dans l’appareil de production (manque de matières premières et d’énergie électrique, désorganisation et anarchie, travail excessif dans certaines branches, mises à pied dans d’autres, etc...), la crise continue à se développer en Angleterre. Les conflits entre ouvriers et patrons se développent parallèlement à l’épuisement provoqué par la guerre aussi bien dans un camp impérialiste que dans l’autre.
Dans ce pays où le prolétariat constitue environ trois-quarts de la population, les grèves qui ébranlent les assises de l’impérialisme anglais ont une importance décisive pour le sort du pays ; et le sort de l’Angleterre influe directement sur le sort d’un quart de la population du globe (colonies).
Ces grèves ont pris de telles proportions et une telle acuité qu’elles menacent l’équilibre politique traditionnel anglais, basé sur la collaboration des classes à l’aide des syndicats "réformistes" agents de la bourgeoisie anglaise. Les syndicats réformistes s’opposent en effet aux réformes exigées par les travailleurs concernant les salaires, les conditions et la durée du travail.
Le conflit est tellement grave que le ministre du travail Bevin a prévenu LES OUVRIERS que les grèves pourraient provoquer de "graves décisions" de la part du gouvernement touchant "les relations entre patrons et ouvriers". Des militants ouvriers ont été arrêtés.
Ces faits montrent qu’en Angleterre "conservatrice" les travailleurs renouent avec les traditions de lutte gréviste de 1917, de 1919 (quand ils créèrent des Soviets) et de la grève générale de 1926 qui faillit renverser la bourgeoisie.
En attendant, la bourgeoisie a commencé son attaque contre les travailleurs en faisant occuper par la police le siège de l’organisation de la IVème internationale à Londres, laquelle, d’après Radio-Londres, "aurait contribué à étendre les grèves".
Dans tous les pays en guerre la IVème Internationale s’oppose donc effectivement à la bourgeoisie en défendant les intérêts des travailleurs.
Quand sur les ruines du régime de terreur actuel en Europe les masses travailleuses de France, d’Allemagne, d’Italie, des Balkans, renverseront la bourgeoisie pour empêcher définitivement les guerres et la ruine économique des peuples du Continent, les travailleurs anglais seront les premiers à s’unir fraternellement à elles !

LA VERITE SUR L’URSS

"La base matérielle du communisme doit être dans un si haut développement de la puissance économique de l’homme, que le travail productif cessant d’être une charge et une peine n’ait besoin d’aucun aiguillon, et que la répartition des biens donnés en constante abondance, n’exige, comme aujourd’hui dans une famille aisée ou dans une pension "convenable", d’autre contrôle que ceux de l’éducation, de l’habitude et de l’opinion publique".
C’est en partant du point de vue que le capitalisme a porté les forces productives à un développement suffisamment élevé que les marxistes affirment que la société est mûre pour le socialisme, c’est-à-dire "le régime de la production planifiée pour la satisfaction la meilleure des besoins de l’homme". En ce sens, Marx pensait que la Révolution serait commencée en Occident.

Mais la Russie, où pour la première fois dans l’histoire le prolétariat a pris le pouvoir et l’a gardé, "n’est pas entrée dans la voie de la Révolution parce que son économie était la plus mûre pour la transformation socialiste, mais parce que cette économie ne pouvait plus se développer sur des bases capitalistes".
Le renversement de la bourgeoisie et la prise du pouvoir par le prolétariat permettaient la transformation rapide de la société, mais la transformation socialiste ne consistait pas simplement dans la prise du pouvoir : ELLE RESTAIT TOUT ENTIERE A ACCOMPLIR APRES CELLE-CI ET C’EST LA LA TACHE DE LA DICTATURE DU PROLETARIAT.
Dans le pays très arriéré qu’était l’ancien Empire des Tsars, ruiné par la guerre impérialiste, la guerre civile et le blocus, les soviets ne pouvaient songer à aborder le système de répartition socialiste ("à chacun selon ses besoins, de chacun selon ses capacités") avant d’avoir rattrapé et dépassé l’économie des pays capitalistes avancés d’Occident. Dans cette voie elle devait rencontrer des difficultés non seulement en raison du fort handicap avec lequel elle partait, mais aussi en raison de SON ISOLEMENT DANS LE CERCLE DES NATIONS CAPITALISTES.
Par suite du retard, puis de l’échec (en 1923) de la Révolution allemande, les efforts du pouvoir des soviets pendant le communisme de guerre pour "substituer au commerce une répartition des produits organisée à l’échelle nationale sur un plan d’ensemble" se heurtèrent... au manque de produits à répartir, les paysans préférant travailler seulement pour leurs besoins individuels ou détruire les récoltes s’ils ne pouvaient les vendre à des prix de spéculation, plutôt que de les livrer à la ville qui ne pouvait rien leur donner en échange à cause du délabrement de l’industrie. La NEP (nouvelle politique économique) rétablit partiellement le commerce privé, afin de stimuler les petits producteurs agricoles ; devant le manque d’ouvriers qualifiés, de techniciens et de spécialistes, il fallut toujours faire de plus en plus appel à des éléments étrangers au prolétariat révolutionnaire ; les nécessités de la reconstruction et de la construction (plans quinquennaux) exigeaient des efforts surhumains : on établit une différenciation des salaires de plus en plus grande, qui devait stimuler l’émulation (c’est-à-dire la concurrence) entre les ouvriers dont le niveau de vie était déjà très bas.

Ainsi se forma peu à peu une couche privilégiée, composée de paysans moyens et riches, d’ingénieurs, techniciens, ouvriers qualifiés, stakhanovistes, et de fonctionnaires-bureaucrates du parti, qui pour garantir leur situation privilégiée durent usurper le pouvoir du prolétariat et éliminer la vieille garde du bolchévisme (déportation, assassinat, procès de Moscou).
Plus le prolétariat international subissait de défaites (Chine, Allemagne, Espagne, France), plus l’Etat ouvrier restait isolé et plus cette différenciation des privilégiés se poursuivait à l’intérieur sous le poids des difficultés économiques terribles. Staline et la bureaucratie étaient d’autant plus obligés d’étouffer toutes les protestations par de terribles mesures policières et de cacher leurs privilèges aux yeux du prolétariat international par une publicité tapageuse sur "le socialisme réalisé aux 9/10".
Mais de tels mensonges ne peuvent être utiles qu’à la propagande bourgeoise à laquelle elle fournit des sujets comme celui-ci, maintes fois rebattu et repris ces temps derniers dans la presse parisienne : "En URSS une paire de chaussures, un manteau ou du saucisson atteignent des prix inaccessibles pour l’ouvrier ; plusieurs familles doivent vivre dans un seul logement ; il règne un régime de terreur policière avec passeports et livrets de travail, etc... et c’est cela le socialisme !"

Il est vrai que cette propagande bourgeoise ne vaut pas plus que celle de Staline. Les ouvriers qui – surtout depuis quelques années – savent très bien à quoi s’en tenir sur les félicités du régime capitaliste, se rendent bien compte que non seulement la bourgeoisie ne peut pas accorder aux travailleurs un niveau de vie convenable, mais que pour subsister elle entraîne la société tout entière dans des catastrophes terribles qui ramènent brusquement les conditions de vie des masses à un niveau insupportable.
Certes, la condition matérielle des masses était avant la guerre, en URSS, au-dessous du niveau du capitalisme, mais celui-ci "glissait de très haut, tandis que l’URSS montait de très bas". Les ouvriers savent bien, qu’isolée dans un monde capitaliste hostile, l’URSS ne pouvait pas "construire le socialisme dans un seul pays". Elle devait d’abord rattraper un retard historique énorme et pour cela traverser "une phase préparatoire dans laquelle elle importa, assimila, emprunta les conquêtes techniques et culturelles de l’Occident". Dans sa lutte pour le rééquipement de l’industrie, pour l’augmentation du rendement, pour la modernisation de l’agriculture, et contre l’analphabétisme, l’Union soviétique, grâce à la nationalisation du sol, des moyens de production, des transports et des échanges et grâce au monopole du commerce extérieur, vient de parcourir en vingt ans une évolution que le capitalisme occidental a mis deux siècles à accomplir. Les éclatantes victoires de l’Armée Rouge en sont aujourd’hui la preuve irréfutable. "Le mérite impérissable du règne des Soviets est dans sa lutte si âpre et généralement efficace contre une barbarie séculaire".
Les défaites successives du mouvement ouvrier mondial ont permis à la caste bureaucratique privilégiée de Staline d’accéder au pouvoir et de s’y maintenir. Mais "la répartition des biens de la terre est en URSS beaucoup plus démocratique qu’elle ne l’était sous l’ancien régime russe et même dans les pays les plus démocratiques d’occident ; pourtant elle n’a encore rien de commun avec le socialisme".

Car il est impossible, au stade historique où nous sommes arrivés, d’obtenir dans le cadre d’une économie nationale isolée – si riche soit-elle – une production suffisamment abondante pour satisfaire les besoins nombreux et variés qu’a créés l’évolution de la technique et de la culture.
Seule l’union des différentes économies européennes avec celle de l’URSS sur la base de la planification et de la propriété collective et dans le cadre des Etats-Unis socialistes d’Europe, assurera, par la révolution socialiste, la solution de tous les maux qui accablent les masses, et l’édification du socialisme.

1944 LA LUTTE de CLASSES – n° 28
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
Organe du Groupe Communiste (IVème Internationale)

LA LUTTE de CLASSES – n° 28
Barta
6 avril 1944

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CLASSE CONTRE CLASSE
« Si les travailleurs français n’avaient pas été bercés par l’attente de la victoire alliée libératrice qui, depuis 2 ans, doit toujours venir, ils se seraient certes davantage opposés aux entreprises patronales contre eux.
Mais l’espoir trompeur qu’un "2ème front" allié compléterait heureusement les victoires de l’Armée Rouge et délivrerait le pays des maux qui se sont abattus sur lui avec la guerre et l’occupation, a laissé les ouvriers sans défense contre la bourgeoisie. Il fallait faire "front" contre l’envahisseur avec les "bons" patrons, les mauvais n’étant que des traîtres et ne constituant qu’une exception dans la classe capitaliste.
Quoique la collaboration ait été le fait de toute la bourgeoisie française après juin 1940 (les travailleurs se souviennent de l’isolement complet des émigrés pro-alliés à Londres avant le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord le 6 novembre 1942), l’essentiel n’est pas de savoir comment la bourgeoisie entend défendre ses intérêts sur le terrain international. L’essentiel c’est que "bons" et mauvais patrons (sous Daladier comme sous Pétain) ont tous travaillé et travaillent pour la guerre et tirent des super-bénéfices du sang et de la misère des masses travailleuses. LA GUERRE EST LEUR AFFAIRE A EUX TOUS.
La politique préconisée par les dirigeants opportunistes de la classe ouvrière ("ne bougez pas, les alliés vont nous délivrer, que seulement les plus courageux d’entre vous deviennent les soldats de la France en abattant le plus de Boches qui occupent notre territoire"), a amené la classe ouvrière dans une situation extrêmement grave.
D’un côté l’activité chauvine anti-boche des partis français pro-alliés a aidé l’impérialisme allemand à maintenir les ouvriers et paysans allemands sous l’uniforme dans une stricte discipline militaire et lui a permis de poursuivre sans risques révolutionnaires toutes ses ignobles entreprises contre les masses travailleuses françaises.
D’un autre côté les impérialistes alliés, sous prétexte de "libération", sont en train de détruire "la substance vitale du peuple français" (De Gaulle), par les bombardements et la guerre déchaînée sur le sol français
La substance de la France ce sont les masses travailleuses. Ce sont elles que nous défendons. Mais la classe ouvrière ne peut lutter pour son existence menacée que par une politique intérieure et extérieure indépendante, opposée à la politique bourgeoise.
L’union avec les Daladier, les Sarraut, les Herriot, etc... en 1934 pour "lutter" contre le fascisme et la guerre (Front Populaire) n’a mené et ne pouvait mener qu’à la victoire de la bourgeoisie sur le peuple et à la guerre. En 1939 ce fut précisément Daladier qui conduisit la guerre à l’extérieur et la guerre à l’intérieur contre les travailleurs (dissolution du PC et mise au pas des syndicats, emprisonnements et camps de concentration, etc...).
L’union sacrée réalisée à Alger par les chefs staliniens avec les politiciens tarés de la IIIème République et les généraux réactionnaires et fascistes est toute en faveur de la bourgeoisie. Car la collaboration totale que les chefs staliniens prétendent imposer aux masses prolétariennes en faveur de la bourgeoisie ne comporte pas la moindre contre-partie. Comme tous les valets "réformistes" de la bourgeoisie qui les ont précédés, les chefs staliniens n’ont mis aucune condition à leur collaboration. Pourquoi n’ont-ils pas obtenu au moins un engagement formel et public du Comité d’Alger concernant les conquêtes ouvrières de juin 1936 ? C’est parce que dans l’union avec la bourgeoisie il en est comme de l’union de l’âne avec son maître : l’un porte le bât, l’autre le stimule avec la trique.
En France également les travailleurs font les frais de l’opération patriotique. Les travailleurs, eux, qui font tous les sacrifices, ne reçoivent aucune aide d’aucun côté. Mais avec les super-bénéfices fabuleux prélevés sur leur dos, le Comité des Forges aide les organisations militaires patriotiques, dont le rôle sera de défendre demain, quand la Gestapo ne sera plus là, la domination du Comité des Forges contre les travailleurs.

La classe ouvrière doit abandonner cette voie. Elle doit renouer avec les traditions et les moyens de lutte qui lui sont propres, et qui sont le fruit de longues souffrances que la bourgeoisie a infligées aux travailleurs depuis 150 ans.
L’union sacrée de 14-18 a été fatale aux travailleurs, qui ont définitivement perdu dans le premier conflit impérialiste mondial leur niveau de vie et la sécurité (toute relative) de leur existence.
Si la bourgeoisie réussissait une fois de plus par l’union sacrée, à maintenir sa domination au-delà du conflit actuel, une chaîne sans fin de souffrances et de misère, de chômage et de guerres serait le lot des masses laborieuses pour de longues années.
A bas le front national, à bas l’union sacrée, vive la lutte de classe pour le pain, pour la paix et la liberté ! Vive la fraternité internationale des travailleurs contre la bourgeoisie !
Le 1er mai 1944 doit marquer le tournant politique de la classe ouvrière VERS SES PROPRES LUTTES ET SA VICTOIRE !

A BAS LES ASSASSINS
Les aboyeurs payés de Londres nous avaient expliqué pendant des mois que seule la démoralisation du peuple allemand par le bombardement systématique des villes industrielles pouvait mettre fin à la guerre et aux maux du peuple français Aujourd’hui les bombes de 2000 kg, les bombes au phosphore et à retardement s’acharnent sur Paris et d’autres villes françaises, tuant et mutilant en une ou deux heures des centaines d’ouvriers et détruisant des quartiers entiers ; et les mêmes pensent atténuer notre indignation et nous consoler en nous disant qu’il faut en passer par là si l’on veut en finir. En attendant, ajoutent-ils, "Nous ne pouvons rien pour vous" ! Bien sûr les démagogues à la Paqui, Déat ou Henriot ont beau jeu pour crier à la sauvagerie et à la terreur judéo-anglo-saxonne, comme si leurs maîtres n’avaient pas à leur actif les bombardements de Rotterdam, de France et de Londres en 1940, et comme si les SS ne venaient pas d’exécuter froidement un village entier près de Lille.
La nouvelle leçon sanglante que nous venons de recevoir doit dissiper toutes les illusions : Quels qu’en soient les prétextes ou les raisons, les coups que les impérialistes échangent entre eux au cours de cette guerre pour le partage des richesses du globe entre quelques milliardaires, retombent toujours directement sur les peuples. Les impérialistes alliés lancent aujourd’hui leurs bombes sur nos quartiers ouvriers sous prétexte de "libération", bientôt, sous prétexte de nous défendre et de se défendre, les impérialistes allemands mettront le même acharnement à détruire tout ce que les premiers auront laissé debout.
Le débarquement anglo-américain, en rapprochant de nous le théâtre des opérations militaires, constitue une menace terrible. Les bombardements, et autres massacres, vont se multiplier et se précipiter. Ceux d’entre nous qui ont échappé jusqu’ici, nous-mêmes, nos familles, nos camarades, nous pouvons tous être victimes demain.
SEULE UNE ACTION DES MASSES OUVRIERES PEUT METTRE FIN A LA GUERRE IMPERIALISTE ET AUX MAUX DONT ELLE NOUS ACCABLE. Il faut protester énergiquement contre ces bombardements sauvages. Nous devons réclamer des abris, le paiement intégral et sans récupération des heures d’alertes. Il faut exiger le contrôle ouvrier des services d’aide aux sinistrés et la réquisition pour eux des vastes appartements et des hôtels particuliers inhabités.
Ne nous laissons prendre ni aux consolations ou promesses de Londres ni à la démagogie de Vichy ou de Paris, mais répondons coup pour coup si nous ne voulons pas être écrasés.

PROPOS DE L’OUVRIER
La presse bourgeoise écrit souvent sur les avantages de la Charte du Travail et de la nouvelle législation sociale. Sur le papier tout est prévu, chaque cas particulier est analysé ; mais lorsqu’elle vérifie l’application de la loi cette même presse constate que rien ne marche. Les cantines sont à un prix trop élevé, les repas insuffisants, les coopératives vendent aux prix du marché noir. Les assurances, les mutuelles, les services d’hygiène fonctionnent très mal. Quelle est la cause de cette mauvaise organisation ? (Sans parler de l’anarchie totale qui règne dans la production, certaines usines faisant 11 heures par jour alors que les ouvriers de certaines autres sont mis à pied). L’Etat fait tout ce qu’il peut, disent les journaux, mais il y a encore des patrons anti-sociaux qui s’acharnent à ne pas vouloir comprendre qu’ils doivent collaborer avec leur personnel : et ceux qui collaborent le font avec un air de "paternalisme" qui offense les ouvriers dans leur dignité.
En réalité l’Etat n’est qu’un instrument au service de la classe dominante, la bourgeoisie, et ne peut rien faire dans l’intérêt des ouvriers, car tout avantage accordé aux ouvriers diminue les profits des capitalistes, dont l’Etat n’est que le fidèle valet. Les ouvriers ne peuvent pas attendre que les patrons comprennent que la classe ouvrière souffre et qu’elle a besoin d’amélioration de son sort, car jamais les patrons ne comprendront ces souffrances ; par contre ils comprennent très bien lorsqu’on touche à leurs coffres-forts.
Ceux qui font marcher les usines ne peuvent pas se résoudre à attendre que ceux qui les exploitent comprennent la situation sans issue où se trouve la classe ouvrière, car ceux-ci ne comprendront jamais, ou plutôt ils comprennent très bien, que plus les ouvriers souffrent, plus leurs coffres-forts se remplissent.
Les ouvriers ne peuvent pas collaborer avec les patrons, ils doivent les obliger par leur lutte à rendre gorge. Ils doivent viser à renverser la bourgeoisie et, pour commencer, s’unir et réclamer par l’action le contrôle ouvrier effectif (et non pas fictif comme l’autorise (sic) la Charte du Travail) sur tous les organismes de l’usine : contrôle de la cantine, de la coopérative, de la production, de la répartition des matières premières, des bénéfices (car si les ouvriers crèvent de plus en plus de faim il y a toujours des bénéfices pour les patrons). A la collaboration des classes, nous, ouvriers, opposons une implacable LUTTE DE CLASSES.
Barta


1945
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! LA LUTTE DE CLASSES Organe de l’Union Communiste (IVème Internationale).
nº 52 - Troisième année -


LA LUTTE DE CLASSES nº 52

Barta
27 septembre 1945

POURQUOI ET POUR QUI LES OUVRIERS REVENDIQUENT-ILS ?
Comme au mois de mai dernier, dans tout le pays les ouvriers et les ouvrières tentent à nouveau d’alléger le fardeau de plus en plus écrasant qui pèse sur eux. Partout ont lieu des grèves et des manifestations.

Grève des imprimeurs à Grenoble et à Limoges, des ouvriers du bâtiment à Lorient, des employés municipaux à Lille, des ouvriers charbonniers à Saint-Malo, des mineurs de Lens et de Valenciennes ; manifestations des dockers à Rouen, des cheminots à Lille et à Lyon, des ménagères à Bayonne, à Toulouse, à Lyon, à Toulon, à Paris, etc...

Les ouvriers protestent contre la baisse de leurs salaires par l’augmentation accélérée des prix, et les ménagères contre l’affamement des familles ouvrières et les scandales du marché noir.

Après la dernière hausse des prix du beurre, du lait, du vin, etc..., le pouvoir d’achat des ouvriers a subi à nouveau une chute.

Mais pour empêcher de nouvelles revendications ouvrières, le gouvernement a pris les devants en annonçant que cette hausse des prix était la dernière. Il promet pour l’avenir de stimuler la production agricole et de maintenir les prix, grâce à des subventions accordées par l’Etat.

Procédé démagogique. La bourgeoisie elle-même le reconnaît, qui dit que ce n’est là qu’un expédient destiné à gagner du temps, le temps nécessaire à la reprise économique, dont on parle depuis de longs mois, et que les événements viennent toujours contrecarrer" (Combat , 15-9).

Mais qu’est-ce donc que ces événements, sinon les contradictions du régime capitaliste lui-même, le déséquilibre croissant entre les dépenses de l’Etat, l’orientation de la production, le pouvoir d’achat des masses ?

On nous dit : "Pour stimuler la production, il faut que l’Etat accorde des subventions". Mais les subventions, c’est un accroissement du budget, donc de l’inflation.

Mais si l’Etat en augmentant ses dépenses augmente l’inflation, les prix ne pourront pas être stabilisés, comme le prétend le gouvernement.

"On fera la stabilisation grâce aux importations, qui nous procureront des marchandises." Mais pour importer il faut une monnaie stable, une couverture or. Or, la Banque de France fait savoir que son "fonds de stabilisation des changes" ayant été tari par les importations, leur financement se fera désormais en entamant la réserve or. La dévaluation est ainsi mise à l’ordre du jour. Faisant baisser la valeur de la monnaie, la dévaluation serait une nouvelle façon de diminuer le pouvoir d’achat et d’augmenter l’inflation. Chassée par la porte, celle-ci, comme on le voit, revient par la fenêtre.

"Il nous faut une armée pour prélever des matières premières aux colonies et en Allemagne." Et dans ce but on crée une immense bureaucratie militaire parasite et on finance l’armement, qui détourne entièrement l’économie française des buts productifs au bénéfice de la population. L’armée n’est ainsi elle-même que le plus terrible faux-frais de la production capitaliste. Avec son budget de 140 milliards pour 1946, elle est le principal facteur d’inflation.

La "collaboration" capitaliste avec les colonies et les pays occupés, qui s’exerce par le pillage, les exactions, les tueries et les assassinats, si elle apporte des richesses aux monopoleurs capitalistes, est pour le peuple français la principale source de misère.


Le mot d’ordre "reconstruction" n’apparaît ainsi que comme une énorme offensive contre les masses : on ne voit pas, en dernier lieu, d’autre solution que de faire mourir prématurément les travailleurs par l’épuisement et la faim.

Avec les impôts soutirés aux ouvriers et aux petites gens, l’Etat accorde des subventions "à la production". Est-ce vraiment à la production ?

Un tracteur acheté 42.000 francs à l’étranger est revendu 70.000 francs au paysan, nous informe L’Humanité ; la différence va aux intermédiaires.

"Trop souvent l’écart entre le coût de production et le prix à la consommation est largement supérieur à celui que justifierait la baisse de production. C’est ainsi que pour le charbon, une subvention d’environ 50% correspond à une baisse de production de 21% seulement", écrit Le Monde le 19-9. Où va la différence ? L’Etat la verse gracieusement aux capitalistes...


Dans ces conditions, les "événements" ne pourront que continuer à contrecarrer le relèvement du pays.

Qui peut nous tirer de là ?

N’est-ce pas la classe ouvrière, au nom de laquelle, depuis des dizaines d’années, les socialistes et les communistes ont revendiqué le gouvernement à la place de la bourgeoisie ayant fait faillite ?

Pourquoi alors les chefs staliniens viennent-ils nous dire, comme ce député du Nord, "qu’une grève des mineurs en ce moment ne peut servir nos revendications ; qu’on n’obtient rien d’un pays désorganisé, d’une économie éteinte" ? (Huma, 16-9).

Si la lutte ouvrière n’est pas limitée à des intérêts locaux et corporatifs, elle est le premier pas vers la refonte de l’organisme économique, pour arracher les moyens de production à leurs propriétaires parasites, pour donner du travail à tous et le répartir équitablement, pour abolir les intermédiaires et les spéculateurs, pour faire rendre gorge aux exploiteurs et appliquer enfin le mot d’ordre : "faire payer les riches" !

L’économie est "éteinte" et ne supporte pas les revendications ouvrières ?

POURQUOI alors supporte-t-on qu’elle soit pillée par une poignée de gros capitalistes ?


POUR QUI revendiquent les ouvriers ? Pour toute la nation travailleuse, contre la poignée de parasites et d’oppresseurs !

QUE REVENDIQUENT les ouvriers et les ouvrières ?

1° L’ECHELLE MOBILE DES SALAIRES pour briser l’arbitrage du gouvernement en faveur des capitalistes. Les demandes d’augmentation des salaires sont une conséquence de la hausse des prix et non pas sa cause. Si la classe ouvrière impose l’échelle mobile des salaires, les capitalistes seront obligés de prélever une partie des faux-frais de leur système de production sur leurs propres bénéfices.

2° L’ECHELLE MOBILE DES HEURES DE TRAVAIL, afin d’empêcher l’utilisation irrationnelle de la main-d’œuvre par le patronat. Considéré sous l’angle de l’intérêt général, le principal facteur du relèvement économique c’est la main-d’œuvre. Il n’y a pas de reconstruction possible si on ne commence pas par "reconstruire" la main-d’œuvre détériorée par des années de surexploitation patronale.

3° LE CONTROLE OUVRIER SUR LA PRODUCTION et l’application sous ce contrôle d’un plan de production établi par les Syndicats ouvriers ; car seules les classes productrices peuvent mettre de l’ordre dans la production et orienter celle-ci suivant les besoins du pays (reconstruction, machines agricoles, outillage, etc...).

4° LA NATIONALISATION SANS INDEMNITE NI RACHAT des monopoles de fait et des grandes banques, afin de mettre fin aux spéculations financières et dresser un plan unique et général de production et de financement.


Toute la population travailleuse appuiera dans cette voie la classe ouvrière, unique champion de leur cause.

LA LUTTE DE CLASSES.


Comment les ouvriers doivent-ils répondre au mot d’ordre : "PRODUIRE"
L’Humanité vante l’enthousiasme des ouvriers pour le mot d’ordre "produire" : ceux-ci renoncent aux vacances, acceptent de travailler 12 heures par jour, etc...

L’Humanité laisse ainsi croire qu’à l’heure actuelle la production est fonction de l’effort des ouvriers, et déforme la réalité que tout ouvrier connaît du reste : à savoir qu’à l’abri du mot d’ordre produire ; lancé par nos social-chauvins, le patronat sape et sabote la production à travers son principal élément : la main d’œuvre. Le régime de surveillance et de surexploitation instauré (on nous signale des cas d’ouvriers s’effondrant sur leur machine au milieu du travail) ramène la classe ouvrière, malgré l’existence de "lois sociales" et de la C.G.T., au moins 100 ans en arrière. A une conférence syndicale des usines Citroën du 15-9, un délégué ouvrier s’est exprimé ainsi : "Produire ? Aux ouvriers qui avaient fait le maximum, la direction a fait descendre le chronométreur, et a diminué les temps (c’est-à-dire le prix du temps nécessaire à la fabrication d’une pièce) ; produire cela nous laisse sceptiques." Un autre déclare : "Il n’y a pas de production à cause du nombre de parasites". Et encore : "Tout en travaillant honnêtement, il est impossible de gagner sa vie".

C’est en tenant compte de cette situation que les ouvriers de l’opposition syndicale (Citroën), avec l’approbation de tous les ouvriers du rang, ont posé de la manière suivante, la seule réaliste et conforme aux intérêts du pays, le problème de la production :

"1° Le journal de la section syndicale officielle affirme que nous travaillons pour produire des ambulances, des cars pour le transport, des camions pour le ravitaillement. Qu’on nous dise : combien d’ambulances sont sorties de chez Citroën dans le dernier exercice, combien de cars et quelles lignes ont été rétablies grâce à l’effort de notre usine ? Dans quelle mesure avons-nous contribué à l’amélioration du ravitaillement, et en particulier au ravitaillement de la C.A.P.U.C. qui nous intéresse directement ? Quel est le plan de production de la firme Citroën ?

"Car nous savons que jusqu’à ce jour, nous avons surtout travaillé à rénover des moteurs américains et que les autres commandes sont destinées à l’armée. La Vie Ouvrière nous indique que 850 camions et 400 tractions-avant pour militaires sont prévus pour septembre. D’autre part le programme de fabrication de Citroën porte sur la voiture touriste dont on étudie les prototypes actuellement. Nous voudrions connaître exactement le rôle de cette voiture dans le relèvement national.

"2° Le journal syndical prétend que nous ne travaillons pas pour les profits de M. Boulanger. Nous demandons à la section syndicale, qui par l’intermédiaire du comité d’entreprise nous dit avoir contact avec tous les groupements de l’automobile, qu’elle nous donne une statistique, ne fût-ce qu’officielle, des bénéfices de la firme Citroën. Qu’elle nous prouve que l’augmentation de notre rendement ne se fera pas au profit de Boulanger !...

"Car si les bénéfices des capitalistes n’augmentent pas, comment expliquer la baisse du standard de vie des ouvriers, l’augmentation des prix du lait, du beurre, du vin, de l’électricité, etc...

"3° Puisqu’on reproche aux ouvriers les 5+5+5 minutes de perdues dans la journée, nous demandons pourquoi il existe dans la région parisienne 75% d’improductifs pour 25% d’ouvriers productifs ? Comment est faite entre les ouvriers existants, la répartition des heures de travail, et pourquoi demande-t-on aux ouvriers de faire 54 heures pendant qu’il y a encore des chômeurs ?"

Ce sont là des questions précises que les ouvriers peuvent poser pour toutes les branches de production, dans toutes les usines. C’est le meilleur moyen de mettre au pied du mur les fonctionnaires syndicaux bureaucratisés, les socialo-staliniens, et de démasquer leur politique anti-ouvrière.


On croit mourir pour la patrie...
L’INDOCHINE AUX INDOCHINOIS !
L’ouvrier français ne sait en fait rien de l’Indochine. Ce n’est pas de sa faute. "L’Empire" indochinois n’est qu’une "chasse gardée" réservée aux directeurs de banque, aux grands planteurs de caoutchouc, aux gros colons possédant des mines et aux fonctionnaires coloniaux qui y mènent une vie de seigneurs féodaux.

Cependant, l’ouvrier indochinois est soumis depuis fort longtemps à un régime dont seule l’attitude de l’état-major allemand en Pologne et en U.R.S.S. peut nous donner une idée.

En 1929-30, c’était les massacres de Yên-Bai, de Co-Am dans le Tonkin parce que les paysans réclamaient l’indépendance de leur pays. En 1933, c’était la terreur et la répression sanglante dans le nord de l’Annam parce que les paysans affamés par la sécheresse demandaient la suppression de l’impôt personnel. En 1937, répression sur la classe ouvrière, par la condamnation arbitraire des militants syndicalistes et des leaders des partis politiques indochinois. En 1939, suppression de tous les avantages que les tra-vailleurs indochinois avaient acquis en 1936 : liberté de presse, liberté d’association et de réunion (les droits syndicaux n’ont jamais existé en Indochine).

Depuis que les colons français accueillirent l’armée japonaise pour protéger leurs rapines (la métropole française occupée elle-même n’étant plus assez forte pour les défendre à la fois contre les Indochinois et s’opposer à la main-mise japonaise) la lutte devint très dure du fait de la coalition franco-japonaise. En octobre 1940 soulèvement à Bac-Son ; en novembre 1940, insurrection à Caolanh dans la Cochinchine ; en janvier 1941, manifestation à Dô-Luon dans l’Annam. La répression fut terrible : en 1940, des dizaines de milliers d’Indochinois, femmes et enfants, furent mitraillés à Caolanh. Les survivants de cette localité furent raflés, attachés ensemble par un fil de fer passé à travers la paume de leurs mains et précipités dans le Mékong.

Après les défaites sanglantes de 1940-41, les ouvriers et les paysans indochinois s’organisèrent clandestinement en attendant le jour de l’écroulement nippon pour se libérer du joug colonialiste. Ainsi fut créée la Ligue de l’Indépendance du peuple indochinois – le Viêt-minh – dont le nom nous a été révélé ces temps derniers par la presse bourgeoise.

Le Viêt-minh groupe les partis nationalistes révolutionnaires (anti-impérialistes) poussés en avant par les partis communistes (Trotskistes, et la fraction du P.C. ayant rompu avec la IIIème Internationale), ainsi que des organisations nationales de paysans, d’ouvriers, de soldats, de femmes et de jeunes. Au lendemain de la capitulation nippone, il renversa le gouvernement indochinois créé par les Japonais (Bao-Daï et Tran-Trong-Kin) et prit le pouvoir en mains.

Voici son programme :

1° Election d’une assemblée représentative de toutes les classes de la population dont la tâche serait de dresser une constitution de l’Etat indochinois et d’un gouvernement fondé sur des principes démocratiques

2° Promulgation des droits et privilèges démocratiques pour l’individu ; droit de propriété, liberté d’organisation, liberté de presse, droit d’association, liberté de pensée, etc...

3° Organisation d’une armée nationale

4° Confiscation des biens appartenant aux Japonais, Français et Indochinois fascistes

5° Amnistie générale pour les prisonniers

6° Droits égaux entre les femmes et les hommes

7° Respect des droits des minorités nationales.

Comme on le voit, ce programme reprend les principes de la "déclaration des droits de l’homme" dont tout petit-bourgeois français est sensé être le défenseur. Mais quoique cherchant sa voie en avant dans les traditions du passé révolutionnaire du peuple français, le peuple indochinois se voit attaqué avec le matériel fabriqué par M. Tillon et par M. Diéthelm. C’est que les "droits de l’homme indochinois" excluent la domination des banques françaises et autres sur l’Indochine dont ces ministres défendent les intérêts.Diéthelm demande partout des volontaires pour le corps expéditionnaire en Extrême-Orient. Mais les travailleurs se montrant peu enthousiastes, il fit appel aux prisonniers de droit commun. A Marseille, ces troupes pillaient dans les boîtes de nuit, raflaient les caisses du quartier du port avant de s’embarquer. C’est avec des hommes de cette trempe que Diéthelm et Giaccobi envisagent le rétablissement du "prestige" de la France.

Leclerc voulut obliger les troupes indochinoises retirées d’Allemagne à aller combattre leurs propres frères ; ayant refusé, elles ont été internées dans le Vaucluse.

Pour mener à bien la répression une campagne de calomnies fut lancée par la bourgeoisie contre le peuple indochinois. On a prétendu entre autres qu’il avait reçu des armes des Japonais, mais les journaux annoncèrent eux-mêmes par la suite que c’est tout le contraire qui s’est passé. A Saïgon le commandement anglais avait chargé les Japonais de maintenir l’ordre, de même que Tchang-Kaï-Chek en Chine leur avait intimé l’ordre de garder les armes plutôt que de les rendre aux armées communistes.

Malgré la "paix" qui devait suivre l’effondrement du Japon, M. Diéthelm mobilise. Il est en train de verser le sang en Indochine comme il l’a fait en Afrique du Nord et en Syrie. Les travailleurs indochinois sont cependant décidés à lutter jusqu’au bout avec comme mot d’ordre : "l’Indépendance ou la Mort" ! Pour les secourir les travailleurs français doivent, dans leurs syndicats et leurs partis, faire voter des motions de solidarité avec la révolution indochinoise :

Pour l’indépendance de l’Indochine.

Contre l’envoi du corps expéditionnaire.

Pour l’union entre les travailleurs français et indochinois dans le cadre des Etats-Unis socialistes soviétiques du monde.


Les DEFENSEURS DE LA CIVILISATION
Le colonel Massu du 2° régiment de marche du Tchad, sitôt arrivé en Allemagne, a réuni ses officiers et leur a donné l’ordre "de détruire, de violer, d’incendier". Il se glorifie de n’avoir pas quitté une maison allemande, sans avoir vidé lui-même une nourrice d’essence, sans y avoir jeté l’allumette.

Actuellement ce bourreau, accompagné de ses semblables, fait route pour l’Indochine...


Pour une Assemblée Constituante Souveraine :
BOYCOTTAGE DU REFERENDUM PETAINISTE !
Beaucoup de bruit pour rien !

Il faut à nouveau répéter cette vérité :

Tandis que dans le camp de la bourgeoisie on sonne le ralliement autour de De Gaulle, dans le camp du prolétariat on ne fait rien (sinon des phrases) pour arracher les masses au nœud coulant du référendum plébiscitaire.

Après la brutale réponse de De Gaulle à la C.G.T. , les soi-disant démocrates enflèrent au maximum leur voix pour s’indigner. Des journaux purent annoncer "la plus grande crise depuis la libération". Mais quand il s’est agi de passer aux actes, leur montagne d’indignation accoucha d’une souris.

Le Conseil Central de la Renaissance française (élu par les Etats Généraux), d’inspiration stalinienne, décide, le 5 septembre par 26 voix contre 7 abstentions, d’engager une campagne pour démontrer au corps électoral "l’inanité (l’inutilité) et les dangers pour la démocratie de cette consultation", et qu’il ne se sentira pas lié par le résultat du référendum. Voilà qui n’était pas mal puisqu’en fait cela signifiait le rejet et le boycottage du référendum.

Mais "la nuit porte conseil" ; sous prétexte de rallier les 7 voix abstentionnistes, ces Messieurs revinrent à leur sagesse naturelle en remplaçant la première résolution par une deuxième dans laquelle il n’est plus question du référendum, mais seulement du mode de scrutin.

C’est ainsi que pour faire l’unanimité des politiciens, nos "démocrates" renoncent à dénoncer au pays les dangers du plébiscite bonapartiste.

Comment faut-il appeler ces gens autrement que des démagogues ?

En effet, voici comment s’exprime en date du 11-9-45 Le Monde, organe des 200 familles, au sujet du mémorandum remis à De Gaulle au nom de la C.G.T., du P.S. et des Radicaux : "Le texte contraste singulièrement avec les déclamations que l’on nous avait fait entendre... de toute manière, il est bon que le mémorandum ne s’élève pas contre le référendum. Aux discours virulents prononcés ces temps derniers on aurait pu croire le contraire." Le mémorandum aussi ne s’élève que contre le découpage électoral, comme si le sort du pays pouvait dépendre de quelques députés de plus ou de moins. Ces Messieurs croient-ils que les masses ont oublié le sort de la Chambre élue en 1936 ? Ils trouvent humiliant que De Gaulle ait répondu à leur mémorandum par une offre de quelques sièges de plus : "C’est pour nous une question de principe", disent-ils. Et le référendum n’est-il pas une question de principe ? Pourquoi n’appelez-vous pas les masses à boycotter le référendum actuel, qui n’est pas un moyen démocratique, mais un attentat bonapartiste contre la démocratie.

Un référendum pétainiste

En effet, la démocratie parlementaire, quelles que soient ses formes – deux chambres ou une seule – repose sur le principe unique de la responsabilité de l’Exécutif devant les élus du suffrage universel (que l’on doit exiger le plus démocratique possible, comme la R.P. intégrale, droit de vote des femmes, jeunes, soldats, etc...).

Les élections ont pour but de dégager une majorité parlementaire qui donnera le ton au gouvernement.

Pour gagner la sympathie des masses françaises auxquelles le régime instauré par Pétain s’était révélé pire que le régime parlementaire, De Gaulle avait promis le retour à la "légalité républicaine". Il avait promis une Assemblée constituante, puisque la Chambre et le Sénat, issus de la Constitution de 1875 , avaient remis leur pouvoir constitutionnel à Pétain.

Mais cela n’était que de la démagogie. Car tout le gouvernement bourgeois est aujourd’hui obligé, pour protéger les privilèges des capitalistes, de continuer le système d’irresponsabilité gouvernementale inauguré après les événements de février 1934 et développé au maximum sous Pétain.

Comme ses prédécesseurs bourgeois, De Gaulle montre qu’il ne veut pas s’accomoder même du pâle contrôle parlementaire. Au lieu de procéder aux élections pour dégager la majorité politique d’une As-semblée chargée de l’élaborer, sous le prétexte d’une Constitution, il en appelle "au peuple" pour mettre en question la démocratie parlementaire.

Mais ce système rejoint celui de Pétain. Fermer la voie à la responsabilité gouvernementale devant les députés, c’est ouvrir automatiquement la voie à l’arbitraire du "chef" totalitaire... quelles que soient les étapes de transition destinées à tromper les masses.

Pétain avait posé le revolver sur la tempe du Parlement apeuré en l’obligeant à s’abolir lui-même. Pour la forme, De Gaulle s’adresse, lui, "au pays".

Mais "le pays" électoral est en fait dirigé par l’arc-en-ciel des partis bourgeois, des Socialistes à la droite, tous partisans de De Gaulle, qui lui servent de paravent et qui, apeurés eux-mêmes par la situation générale, l’aident à exercer sur le corps électoral par des moyens plus variés, une aussi grande pression que Pétain avait exercée sur le Parlement en juillet 1940.

Sous la protection des bandes fascistes, des G.M.R. , de la super-police (D.G.E.R.), de la presse orchestrée, utilisant le chantage matériel ("ravitaillement"), diplomatique ("les importations dépendent de la stabilité gouvernementale"), et surtout moral ("ce sera pire sans De Gaulle", que tout le monde soutient, y compris les Staliniens, par leur collaboration ministérielle), De Gaulle met le revolver sur la tempe de l’électeur, qui, même s’il n’est pas enthousiaste pour le "Oui", ne voit pas à l’aide de quels moyens une Constituante souveraine sera capable de vaincre les obstacles.

Voilà ce qui, de temps en temps, fait pousser de hauts cris aux "Démocrates" et Staliniens, bien qu’ils n’osent bouger d’un pouce, de crainte que l’action prolétarienne ne les emporte ensuite eux-mêmes.

Ils donnent le change en faisant du tapage sur la R.P. intégrale, soi-disant garantie de la démocratie.

Comme si Hitler par exemple, devant la carence du P.C. et P.S. allemands, n’avait pas contraint les masses, avant et après sa prise du pouvoir, à voter pour lui suivant les règles arithmétiques les plus "démocratiques", par la pression de ses bandes fascistes et de l’Etat ! Avant tout, il aurait fallu l’empêcher de pouvoir "questionner" les masses !

Mais où a-t-on jamais vu des bureaucrates gorgés se changer en des Marat et des Blanqui ? – "Pourvu que ça dure... notre farce de défenseurs du peuple. Quand celui-ci se trouvera ligoté, nous dirons, comme en Allemagne, que c’est lui qui n’avait pas répondu à nos appels".

Que signifie le Boycottage du Référendum ?

Le référendum de De Gaulle n’étant donc qu’un attentat légal (bonapartiste) contre la liberté, nous devons non pas y participer, mais le rejeter pour entacher d’avance son résultat de nullité.

Quand les dés sont pipés, il ne faut pas accepter le jeu.

Les deux questions posées sont nulles de plein droit. Le retour à la Constitution de 1875 ne peut pas se poser, le Parlement ayant légalement délégué ses pouvoirs à Pétain. Quant à la deuxième question, si on la traduisait en langage clair, elle ressemblerait à la question suivante : "Voulez-vous être mangés au beurre noir ?"

Car la liberté, c’est-à-dire la souveraineté du peuple, étant inaliénable, aucune majorité au monde ne peut légalement la transférer au chef du gouvernement, même pas pour une durée limitée dans le temps. Même si je le voulais, pourrais-je aller me déclarer légalement l’esclave de quelqu’un ?

En déposant dans l’urne un bulletin blanc, nous signifions donc à la bourgeoisie que nous ne voulons pas être liés par le résultat d’un référendum, dont une des questions demande aux électeurs – comme Pétain l’avait demandé directement au Parlement en juillet 194O – d’enlever le pouvoir à leurs représentants, en faveur du "chef".

Cependant, nous dit-on, les Partis communiste et socialiste ayant pris l’attitude que l’on sait, la lutte ayant été engagée sur ce terrain : voter oui-non, oui-oui, non-oui, non-non, voter blanc, boycotter le vote, c’est autant de gagné pour De Gaulle qui verrait ses adversaires les plus décidés ne pas dire "non" à la deuxième question.

Cependant, étant donné la signification réelle du référendum, ce raisonnement n’est que du crétinisme électoral.

Pour la classe ouvrière, participer au référendum signifie s’exposer inutilement au danger d’être légalement muselée par le chef du gouvernement, qui se prévaudrait du vote "populaire" dans ses actes contre la classe ouvrière.

Mais même si par extraordinaire il pouvait y avoir une majorité de "non" à la deuxième question, la classe ouvrière ne serait avancée d’un pouce ; puisque pour la bourgeoisie le référendum n’est qu’une formalité par laquelle De Gaulle veut couvrir son pouvoir irresponsable, une majorité de "non" ne changerait rien au fait que la bourgeoisie, par la pression de ses moyens matériels, possède en réalité un gouvernement tout-puissant, en dépit des chiffons de papier qui réclameraient tel ou tel système de gouvernement.

Dans ces conditions, il est mille fois préférable, en partant du caractère de complot du référendum, de ne pas le couvrir en y participant, mais de le démasquer aux yeux des masses, en mobilisant sur ce terrain, ne fût-ce qu’une minorité contre la dictature militaire et policière, plutôt que d’amasser des chiffons de papier.

Car ce n’est pas dans les élections, mais dans une lutte intransigeante contre la bourgeoisie, que le prolétariat gagne la majorité du peuple.


Pour une Constituante Souveraine,
BOYCOTTAGE DU REFERENDUM PLEBISCITAIRE !
Seule l’élection d’une Assemblée Constituante souveraine serait conforme aux promesses démocratiques faites par De Gaulle à Alger. La classe ouvrière veut et doit participer à l’élection d’une telle Assemblée pour, en attendant mieux, mettre fin à l’irresponsabilité gouvernementale.

La classe ouvrière sait qu’au point de vue de la souveraineté du peuple, le parlementarisme bourgeois, même sous forme de "Constituante" ne signifie autre chose qu’un "régime sous lequel les classes opprimées recouvrent le droit de décider en un seul jour pour une période de plusieurs années qui sera le représentant des classes possédantes qui représentera et opprimera le peuple au Parlement" (Lénine).

Cependant, en régime bourgeois, seul le contrôle parlementaire sur le gouvernement rend possible l’existence de certains droits pour les exploités, tels que la liberté de presse, le droit d’association et de réunion, des garanties juridiques, etc., quoique ces droits soient strictement limités par la situation économique des exploités en face d’une bourgeoisie exploiteuse détenant le pouvoir.

Mais quand il s’agit de défendre vis-à-vis de la bourgeoisie ces droits réels – (où il ne s’agit pas d’étiquette mais de contenu) – seule la force ouvrière est décisive, c’est-à-dire la puissance matérielle, la mobilisation, la cohésion politique, l’intelligence des événements, la méfiance de la classe ouvrière vis-à-vis de la bourgeoisie.

Pour avoir un appui dans cette lutte où il s’agit d’un rapport de forces, d’un heurt direct avec la bourgeoisie (comme en juin 36), la classe ouvrière doit gagner la sympathie de toutes les masses travailleuses. Dans ce but, il faut engager la lutte, non pas sur le terrain choisi par De Gaulle, mais en mettant celui-ci au pied du mur : démasquer sa volonté réactionnaire et dictatoriale qu’exprime son attitude à propos du référendum, le sommer d’accomplir ses promesses.

Si, mis au pied du mur, il persistait dans sa volonté pétainiste de s’attribuer "légalement" le pouvoir incon-trôlé, l’enjeu de la lutte prolétarienne apparaîtrait clairement aux yeux de tous (ce qui n’est pas le cas avec le référendum), et elle bénéficierait de l’appui ou tout au moins de la sympathie de la majorité écrasante des masses travailleuses.

Les objectifs de la lutte prolétarienne sont les suivants :

1° Les députés qui seront élus le 21 octobre ne peuvent former – par le rejet du référendum – qu’une Assemblée constituante souveraine, seule légale.

2° Représentation proportionnelle intégrale, mode d’élection qui falsifie le moins la volonté populaire ; droit de vote aux jeunes, aux soldats.

3° Le retour à la responsabilité gouvernementale et au contrôle parlementaire doit se faire sur la base suivante :

Amnistie (et non pas grâce) pour tous les militants condamnés depuis 1938

Abolition pour les ouvriers de toute restriction aux droits de presse, d’association, de réunion, de grève, d’armement.

A travail égal, salaire égal.

Echelle mobile des salaires et des heures de travail.

Contrôle ouvrier sur la production.

Nationalisation sans indemnité ni rachat des monopoles de fait et des grandes banques.

C’est pour ces objectifs que le 21 octobre les travailleurs déposeront un bulletin blanc dans l’urne du référendum et éliront des candidats se réclamant de la classe ouvrière à l’exclusion de tout candidat bourgeois.


LE BLOC OCCIDENTAL
L’Angleterre, qui s’est endettée au prêt-bail, la France ruinée, se trouvent, à la suite de la guerre, dans une situation précaire. Ne trouvant chez elles, pas plus que lorsqu’il s’agissait de détruire, les moyens de reconstruire, ces deux nations dépendent de l’"aide" américaine.

Mais, d’une part le soutien des banquiers de New-York s’accompagne d’une immixtion chaque fois plus poussée dans les marchés de l’Europe et des colonies, d’autre part le secours du prêt-bail n’existe plus : les marchandises doivent être payées en dollars qu’elles n’ont pas. Alors, il faut comme l’Angleterre "réduire de 59% les achats aux Etats-Unis" (Combat, 22-9-45) ou implorer des crédits comme la France.

A l’Est, l’U.R.S.S. les met en danger, non pas en tant que tremplin révolutionnaire, qu’elle n’est plus, mais en s’emparant économiquement de leurs "chasses gardées" d’Europe Centrale et Orientale.

Alors l’Angleterre dont les restes de grande puissance lui permettent de s’assurer la part du lion, propose à la France capitaliste, qui ne cherche plus qu’un maître accommodant, de former, avec les petites nations de l’ouest du continent une "Fédération... basée sur la propriété commune des grandes sources d’énergie et des grands moyens de production" (Cité-Soir, 11-9-45), "une grande puissance d’Europe occidentale supra-nationale" (Observer, 17-9-45). Elle espère qu’elles pourront, ensemble, "devenir une entité capable d’égaler l’Amérique, la Russie et la Chine" (Observer, 17-9-45), parce que dans un monde de brigands, seule la force permet de subsister. Mais, comme il faut gagner l’opinion publique à ce système, on essaie d’allécher les populations par la promesse d’une prospérité... future.

Cette prospérité est-elle possible, alors que les systèmes économiques de l’Angleterre et de la France ne sont pas complémentaires, alors qu’elles souffrent des mêmes maux ? La "concordance" de leurs objectifs colonialistes, on l’a vu en Syrie et au Liban. Industriellement, elles doivent produire pour exporter (afin d’équilibrer leurs balances) et elles ne sont pas des débouchés réciproques. Croit-on, au point de vue ravitaillement, alors que l’Angleterre réduit ses importations de 5O%, qu’elle pourra distribuer à ses voisins ce qui lui manque à elle. L’union anglo-française n’ayant pour but qu’une politique de grandes puissances, de prestige, le fardeau des deux peuples sera encore alourdi, car elles devront accroître leur puissance militaire et consacrer toujours plus leur reste de richesse aux besoins de l’armée.

La "grande puissance occidentale", système forcément autarcique en face du capital américain, unifiant les mêmes infirmités au nom des banquiers de Londres, ne pourra résister à l’isolement, ne pourra se soustraire à l’interdépendance économique de toutes les nations qu’au prix de sacrifices nouveaux. Manœuvre d’impérialismes distancés pour reconquérir leurs places au partage du butin, le bloc occidental ne peut se faire que sur le dos des travailleurs d’Europe et des Colonies.

Quand le prolétariat se réclamait de l’internationalisme, la bourgeoisie traquait les révolutionnaires au nom de la patrie, du "drapeau", de la "nation". C’est en leur nom qu’elle menait les esclaves du capital au carnage.

Aujourd’hui, quand ses intérêts le lui dictent, elle fait bon marché de ces notions "sacrées", et essaie de se montrer progressive en recourant à la démagogie de l’Etat "supra-national" pour faire accepter sa politique de brigand.
Mais en réalité, elle reste le défenseur du "féodalisme" capitaliste, c’est-à-dire des barrières nationales (système de frontières et de douanes correspondant au rapport de forces changeant entre les groupes financiers) et de la propriété privée, obstacles du relèvement des forces productives et du bien-être des nations.

Si le particularisme capitaliste et la misère qu’il engendre ont été vaincus sur un point du globe, c’est seulement en octobre 1917, dans la Russie tsariste, par les forces du prolétariat.

Seul celui-ci s’est montré capable, en abolissant le capitalisme, de porter au premier rang l’économie d’un pays arriéré.

Bloc occidental capitaliste ? Non ! Etats-Unis Socialistes Soviétiques d’Europe et du Monde – création du prolétariat.


CONSTRUCTION...
DESTRUCTION...
Comme un gamin qui, après avoir gagné toutes les billes de ses partenaires voudrait jouer encore et, pour cela, leur en prêterait d’autres, Truman propose de renoncer aux dettes du prêt-bail, afin que les nations ruinées puissent recommencer à acheter à l’Amérique.

Les Américains se sont battus, pendant des années, pour conquérir de nouveaux marchés, pour soi-disant éviter le chômage, la crise. Ils ont vaincu, mais si largement qu’ils n’ont plus d’acheteurs à qui vendre leurs produits et qu’ils sont acculés à la faillite. Et, cette crise, ils ne peuvent la surmonter qu’en redonnant des billes, c’est-à-dire qu’en reconstituant la force des pays concurrents qu’ils ont détruits ou affaiblis et revenir ainsi... au point de départ : une nouvelle concurrence acharnée entre tous les pays capitalistes, finissant à nouveau par la guerre.

Quoi qu’ils fassent, nos "grands" hommes d’Etat ne peuvent pas arracher l’humanité au cycle infernal du capitalisme : construction... destruction... construction... destruction...

Pour que la presse révolutionnaire puisse remplir son rôle dans les événements exceptionnels que nous vivons, pour qu’elle pénètre plus largement dans la classe ouvrière et touche tous les éléments avancés de la société, pour qu’elle augmente son tirage et ses moyens, camarades, nous vous demandons :

d’organiser des souscriptions ;
de recueillir de l’argent ;
de verser les collectes aux camarades diffuseurs.

Camarades, intensifiez votre effort !


LA BONNE VOIE
Rendant compte des manifestations de ménagères, L’Humanité admet que le mécontentement de celles-ci est légitime, mais prétend que le passage à l’action directe est l’œuvre de provocateurs.

L’Humanité ne se souvient plus de la rue de Buci par exemple, où les militants du P.C. jouaient le même rôle qu’elle attribue actuellement à des "provocateurs". L’explication de ceci c’est que, loin d’être les soutiens sans conditions et jusqu’au bout des masses populaires qui souffrent, nos "grands camarades" staliniens se guident seulement d’après les intérêts de la politique extérieure du "grand" Staline.

Le devoir des révolutionnaires c’est d’appuyer toute manifestation révolutionnaire de masse contre le régime bourgeois d’affamement et de spoliation, et avant tout l’action directe des ménagères contre les affameurs. Leurs efforts doivent être de transformer ces manifestations sporadiques en une action cohérente pour la recherche et la découverte des dépôts clandestins, l’inventaire des stocks chez les grossistes, le contrôle de la répartition par les comités de ménagères. L’action des ménagères ne doit pas se limiter à forcer la vente de certains produits, mais doit avoir pour objectif : leur contrôle sur le ravitaillement.


Barta

Exposé oral

août 1948
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TITO ROMPT AVEC STALINE

L’erreur commise par le PCI est de dire : "les événements de Belgrade risquent de transporter en Yougoslavie le centre d’un véritable mouvement ouvrier". Maintenant ils montrent le mouvement de Tito comme un mouvement progressif. En fait qu’est-ce qu’il y a derrière Tito ?
Le socialisme dans les Balkans, avant 1914, était la fraction la plus avancée, avec le socialisme russe et allemand, du socialisme international. Après 18, la situation change complètement. Les méthodes staliniennes anéantissent dans ces pays encore plus qu’en Occident tout mouvement ouvrier sain. Ils ont poussé les éléments communistes, démunis de toute éducation, à la destruction physique. En 1944 il y avait en Roumanie 800 membres du P.C. Maintenant il y en a 800.000.
On peut dire en toute certitude que le mouvement ouvrier organisé devait être très faible en Yougoslavie. En fait, dans tous les pays balkaniques, et particulièrement en Yougoslavie, à la base du mouvement de Tito il y avait la Résistance, c’est-à-dire la lutte de partisans. Il n’y a pas de mouvement ouvrier organisé, comme en France où le Parti a des cadres, des "idéologues", une physionomie bien déterminée. En Yougoslavie il n’y a pas de P.C. organisé, avec des idéologues et des cadres. A la base du mouvement titiste il y a quelques centaines de malheureux passés par l’école stalinienne, mais avant tout il s’agit des éléments de la résistance formés de paysans et d’éléments d’autres classes.
Suivant le système stalinien, Tito a pu organiser le pays sur le modèle de l’U.R.S.S. Le régime institué était semblable aux autres régimes balkaniques. Le corps des officiers, la police secrète, la bureaucratie dominent le pays. Dans un pays où la paysannerie constitue la majorité écrasante, où la bourgeoisie est plutôt commerçante, n’étant pas une véritable classe dominante, la vie est toujours dominée en fait par l’Etat. Les secteurs économiques les plus importants sont monopole d’Etat.
Quand on cherche ce qu’il y a de progressif et de révolutionnaire, le Parti conscient, les communistes yougoslaves, on ne les trouve pas. En fait, il ne peut y avoir de véritable mouvement ouvrier sans activité révolutionnaire consciente.
Derrière le mot-d’ordre "Fédération danubienne", Tito ne vise que des buts d’hégémonie sur ses partisans balkaniques. A première vue, c’est un mot-d’ordre progressif qui a été celui de l’Internationale Communiste, mais il faut savoir sur qui l’on compte pour l’application des mots-d’ordre. Tito borne son mot-d’ordre à un moyen de négociation avec la Bulgarie, l’Albanie, alors que l’I.C. adressait le mot-d’ordre de Confédération balkanique aux masses ouvrières et paysannes. Ce qui distingue en fait le révolutionnaire du non-révolutionnaire, c’est de savoir sur qui on compte pour l’appliquer.
En fait, du côté de Tito on ne voit absolument rien qui puisse être qualifié de progressif. La raison du conflit entre la Yougoslavie et l’U.R.S.S., il faut la chercher ailleurs.
Sur quoi et sur qui s’appuie le régime de Tito ? Il ne s’appuie pas sur la classe ouvrière, mais sur la Résistance (sur les paysans et les éléments de toutes les classes, bureaucrates, officiers) qui a donné naissance à une hiérarchie de l’Etat, dans toutes les sphères, sur le modèle russe. Derrière Tito il n’y a aucune classe, aucun mot-d’ordre progressifs. Tito n’a fait aucune allusion au mouvement ouvrier international, et pour cause.
S’il n’y a pas de raisons idéologiques, où chercher l’origine de ce conflit qui est extrêmement important, car il s’agit d’une rupture dans le bloc stalinien, et d’une rupture profonde. Il ne s’agit pas d’une petite querelle, mais d’une question qui en fin de compte se réglera par la force des armes. Si Staline ne réussit pas à reprendre la situation en main de l’intérieur, ce à quoi il ne s’attend pas, ils seront obligés de résoudre la situation par les armes en liaison avec la situation internationale.
Puisqu’il n’y a pas de conflit entre le stalinisme et un mouvement progressif de gauche, la véritable situation révèle un conflit d’Etat à Etat, dont la structure et la base sociale sont sensiblement les mêmes. Pourquoi ce conflit ? Etant donné l’apparence de solidité du bloc stalinien et la soumission, tour à tour, de tous les pays qui se trouvent derrière le "rideau de fer", on pourrait être étonnés. En fait, vous savez que la bureaucratie stalinienne mène une politique d’oppression vis-à-vis des minorités nationales en U.R.S.S. même. A la fin de la guerre, Staline a déclaré que la victoire est due avant tout au peuple russe. Pour ceux qui connaissent l’histoire de l’oppression des différentes nationalités, cela est tout à fait significatif.
Le tsarisme s’appuyait avant tout sur les Grand-Russiens. Les Russes étaient les oppresseurs de toutes les nationalités de l’U.R.S.S., certaines comme les Ukrainiens plus avancés culturellement, d’autres se trouvant à différents stades de civilisation. Certains écrivains du camp ouvrier ont accusé Staline d’avoir détruit certaines nationalités en masse. Il est évident que cette lutte entre les minorités nationales et les Russes à l’intérieur de l’U.R.S.S., ne pouvait exploser à moins d’un affaiblissement décisif de l’Etat soviétique.
Par contre, dans les Balkans, en face d’Etats non soumis directement, la domination russe ne s’est pas établie sans frictions assez graves et pas non plus d’un seul coup. Les partis communistes dans les Balkans étaient très faibles, et en fait il a fallu un certain temps à la bureaucratie stalinienne pour prendre en main ces pays (elle a dû admettre un certain temps des "démocrates" à la tête de ces gouvernements, qui ont été éliminés par la suite : Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie...). Par contre Tito, déjà sous l’occupation, avait été reconnu par les "alliés" et en fait ce n’est pas tellement à l’aide d’agents staliniens que par ses propres forces, celles de la Résistance, que Tito a mis la main sur le pays.
Au lieu de mettre en pratique les projets de Fédération, l’URSS traite séparément avec les divers pays. Ce fut le système de Hitler en Europe. Les Etats-Unis font pareil avec le plan Marshall, par les traités bilatéraux (alors que les 16 devaient voir en commun, etc...). Si les Etats-Unis devaient traiter avec les Seize, ils auraient en face d’eux des forces trop importantes. La même chose pour la bureaucratie stalinienne.
Vous savez quel a été le comportement de l’U.R.S.S. dans ces pays. Leurs méthodes sont extrêmement brutales. Des gens qui les avaient accueillis assez bien au début, comme "libérateurs" et communistes, leur ont voué très vite de la haine. Ce conflit montre jusqu’à quel point la brutalité de la bureaucratie stalinienne a heurté le sentiment national des gens auxquels ils avaient à faire. Parce qu’en fait, c’est là l’origine du conflit.
Trotsky avait déjà expliqué à l’époque les raisons du procès de Toukhachevsky, qui a jeté les bases de l’Armée rouge moderne, qui en a réalisé la mécanisation ; on lui a fait un procès en l’accusant de négocier avec l’Allemagne (ce qui était le cas de Staline), en fait parce qu’il s’opposait à l’immixtion du G.P.U. dans les affaires de l’armée. Le conflit a été assez fort à l’intérieur de l’U.R.S.S. pour qu’on fusille Toukhachevsky. Figurez-vous cela d’Etat à Etat. En fait, c’est un heurt entre le nationalisme serbe et le nationalisme soviétique. Parce qu’en fait, effectivement, ce n’était pas dans les vues de Tito de s’allier au camp occidental. Géographiquement, il ne le peut pas. En réalité, il l’a fait en dépit du fait qu’il n’a pas sur qui s’appuyer. Il peut s’appuyer partiellement sur les Etats-Unis, mais tôt ou tard il y a danger qu’il devienne la victime de cette nouvelle orientation. C’est pourquoi Tito fait tout ce qu’il peut, tout en s’opposant aux visées de Staline, pour trouver des points d’appui dans les autres pays balkaniques.
Si les partis communistes de ces pays et du monde entier ont condamné Tito, les gouvernements n’ont pas la même position, ils ont une attitude plus nuancée. C’est là que Tito espère trouver un appui, dans les autres pays balkanique qui eux-mêmes ne sont pas du tout enchantés de se trouver écrasés par la bureaucratie stalinienne. En Pologne, en Tchécoslovaquie, ça ne marche pas tout seul. Les méthodes de la bureaucratie sont aussi brutales que celles de Hitler, qui a fini par dresser contre lui tout le monde.
On ne peut pas tromper les gens en leur disant que c’est un différend idéologique. Cela déchire le voile que l’unanimité des partis communistes avait tissé autour de la bureaucratie stalinienne. Et nous devons partir de ce fait, si l’U.R.S.S. se conduit d’une façon oppressive vis-à-vis des nations plus faibles, cela démontre qu’il y a aussi oppression de classe en U.R.S.S. La racine de l’oppression nationale est l’oppression de classe. S’il n’y avait pas de bureaucratie en U.R.S.S. et d’inégalité sociale, il n’y aurait pas non plus traitement inégal des petites nations.
Si l’U.R.S.S. avait traité sur un pied d’égalité la Yougoslavie, ils seraient fous d’avoir agi de cette façon. Quel intérêt a la Yougoslavie, si elle était traitée sur pied d’égalité, de se tourner vers le monde occidental ?
Du reste ils ne peuvent pas voiler entièrement ce fait, ils s’évertuent donc dans tous leurs articles d’expliquer que l’U.R.S.S. a joué un rôle éminent dans la libération des peuples... L’U.R.S.S. a le droit de critiquer les petits pays, mais les petits pays n’ont pas le droit de critiquer l’U.R.S.S. Même si l’U.R.S.S. joue un rôle spécial, cela n’implique pas l’inégalité entre nations. Car ainsi l’impérialisme justifie aussi le traitement vis-à-vis des colonies, parce qu’il apporte la culture. Ou l’Amérique vis-à-vis de l’Europe, "ils ont un rôle spécial dans le défense de l’Europe occidentale".
Ce n’est pas étonnant, après coup, qu’en absence d’un mouvement ouvrier, ce soit sur ce terrain que le point de scission se soit trouvé. Cela tient à toute l’histoire des Balkans et de la Russie. Néanmoins cela facilite la lutte que nous menons sur le terrain national et international, parce de plus en plus l’atmosphère totalitaire, l’unanimité sur laquelle reposait la religion stalinienne, n’existe plus actuellement ouvertement.
Cela provoque aussi sur le terrain international des changements extrêmement importants et cela ouvre de nouvelles possibilités, mais pas dans le sens direct. En réalité, le régime installé par les staliniens dans tous les pays éclate de ses propres contradictions, suscitées par lui-même, mais on ne peut pas parler de mouvement ouvrier, c’est une illusion pernicieuse. Ce qu’il fallait, c’est profiter de l’affaire de Tito pour attaquer le mouvement stalinien, mais non pas en se mettant du côté de Tito.
Les "arguments" du P.C.F.
La résolution du Bureau d’information essaie de donner un aspect idéologique au conflit. D’un côté le P.C. yougoslave nierait la lutte de classes, d’un autre côté il porterait la lutte de classes à la campagne. Les affirmations les plus contradictoires pour discréditer les dirigeants du P.C. yougoslave et les traiter de trotskystes, nous avons un document type du G.P.U.
Jusqu’à maintenant, c’était une démocratie populaire. Il ne suffit pas de la mauvaise volonté d’un individu pour tout changer. Comment le régime a-t-il pu sans coup d’Etat se transformer en régime policier ? C’était un régime policier. Tant qu’il marchait avec les staliniens, c’était bien, maintenant qu’il y a retournement, ça va mal.
L’affaire de Tito peut aussi affaiblir le camp impérialiste. Si des mouvements pareils se répétaient, cela enlève aux impérialistes l’argument principal pour faire la guerre : celui du Rideau de fer, alors qu’il y a résistance...

LA LUTTE de CLASSES – n° 28
Organe du Groupe Communiste (IVème Internationale)Barta

6 avril 1944

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CLASSE CONTRE CLASSE

Si les travailleurs français n’avaient pas été bercés par l’attente de la victoire alliée libératrice qui, depuis 2 ans, doit toujours venir, ils se seraient certes davantage opposés aux entreprises patronales contre eux.
Mais l’espoir trompeur qu’un "2ème front" allié compléterait heureusement les victoires de l’Armée Rouge et délivrerait le pays des maux qui se sont abattus sur lui avec la guerre et l’occupation, a laissé les ouvriers sans défense contre la bourgeoisie. Il fallait faire "front" contre l’envahisseur avec les "bons" patrons, les mauvais n’étant que des traîtres et ne constituant qu’une exception dans la classe capitaliste.
Quoique la collaboration ait été le fait de toute la bourgeoisie française après juin 1940 (les travailleurs se souviennent de l’isolement complet des émigrés pro-alliés à Londres avant le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord le 6 novembre 1942), l’essentiel n’est pas de savoir comment la bourgeoisie entend défendre ses intérêts sur le terrain international. L’essentiel c’est que "bons" et mauvais patrons (sous Daladier comme sous Pétain) ont tous travaillé et travaillent pour la guerre et tirent des super-bénéfices du sang et de la misère des masses travailleuses. LA GUERRE EST LEUR AFFAIRE A EUX TOUS.
La politique préconisée par les dirigeants opportunistes de la classe ouvrière ("ne bougez pas, les alliés vont nous délivrer, que seulement les plus courageux d’entre vous deviennent les soldats de la France en abattant le plus de Boches qui occupent notre territoire"), a amené la classe ouvrière dans une situation extrêmement grave.
D’un côté l’activité chauvine anti-boche des partis français pro-alliés a aidé l’impérialisme allemand à maintenir les ouvriers et paysans allemands sous l’uniforme dans une stricte discipline militaire et lui a permis de poursuivre sans risques révolutionnaires toutes ses ignobles entreprises contre les masses travailleuses françaises.
D’un autre côté les impérialistes alliés, sous prétexte de "libération", sont en train de détruire "la substance vitale du peuple français" (De Gaulle), par les bombardements et la guerre déchaînée sur le sol français
La substance de la France ce sont les masses travailleuses. Ce sont elles que nous défendons. Mais la classe ouvrière ne peut lutter pour son existence menacée que par une politique intérieure et extérieure indépendante, opposée à la politique bourgeoise.
L’union avec les Daladier, les Sarraut, les Herriot, etc... en 1934 pour "lutter" contre le fascisme et la guerre (Front Populaire) n’a mené et ne pouvait mener qu’à la victoire de la bourgeoisie sur le peuple et à la guerre. En 1939 ce fut précisément Daladier qui conduisit la guerre à l’extérieur et la guerre à l’intérieur contre les travailleurs (dissolution du PC et mise au pas des syndicats, emprisonnements et camps de concentration, etc...).
L’union sacrée réalisée à Alger par les chefs staliniens avec les politiciens tarés de la IIIème République et les généraux réactionnaires et fascistes est toute en faveur de la bourgeoisie. Car la collaboration totale que les chefs staliniens prétendent imposer aux masses prolétariennes en faveur de la bourgeoisie ne comporte pas la moindre contre-partie. Comme tous les valets "réformistes" de la bourgeoisie qui les ont précédés, les chefs staliniens n’ont mis aucune condition à leur collaboration. Pourquoi n’ont-ils pas obtenu au moins un engagement formel et public du Comité d’Alger concernant les conquêtes ouvrières de juin 1936 ? C’est parce que dans l’union avec la bourgeoisie il en est comme de l’union de l’âne avec son maître : l’un porte le bât, l’autre le stimule avec la trique.
En France également les travailleurs font les frais de l’opération patriotique. Les travailleurs, eux, qui font tous les sacrifices, ne reçoivent aucune aide d’aucun côté. Mais avec les super-bénéfices fabuleux prélevés sur leur dos, le Comité des Forges aide les organisations militaires patriotiques, dont le rôle sera de défendre demain, quand la Gestapo ne sera plus là, la domination du Comité des Forges contre les travailleurs.

La classe ouvrière doit abandonner cette voie. Elle doit renouer avec les traditions et les moyens de lutte qui lui sont propres, et qui sont le fruit de longues souffrances que la bourgeoisie a infligées aux travailleurs depuis 150 ans.
L’union sacrée de 14-18 a été fatale aux travailleurs, qui ont définitivement perdu dans le premier conflit impérialiste mondial leur niveau de vie et la sécurité (toute relative) de leur existence.
Si la bourgeoisie réussissait une fois de plus par l’union sacrée, à maintenir sa domination au-delà du conflit actuel, une chaîne sans fin de souffrances et de misère, de chômage et de guerres serait le lot des masses laborieuses pour de longues années.
A bas le front national, à bas l’union sacrée, vive la lutte de classe pour le pain, pour la paix et la liberté ! Vive la fraternité internationale des travailleurs contre la bourgeoisie !
Le 1er mai 1944 doit marquer le tournant politique de la classe ouvrière VERS SES PROPRES LUTTES ET SA VICTOIRE !

A BAS LES ASSASSINS

Les aboyeurs payés de Londres nous avaient expliqué pendant des mois que seule la démoralisation du peuple allemand par le bombardement systématique des villes industrielles pouvait mettre fin à la guerre et aux maux du peuple français Aujourd’hui les bombes de 2000 kg, les bombes au phosphore et à retardement s’acharnent sur Paris et d’autres villes françaises, tuant et mutilant en une ou deux heures des centaines d’ouvriers et détruisant des quartiers entiers ; et les mêmes pensent atténuer notre indignation et nous consoler en nous disant qu’il faut en passer par là si l’on veut en finir. En attendant, ajoutent-ils, "Nous ne pouvons rien pour vous" ! Bien sûr les démagogues à la Paqui, Déat ou Henriot ont beau jeu pour crier à la sauvagerie et à la terreur judéo-anglo-saxonne, comme si leurs maîtres n’avaient pas à leur actif les bombardements de Rotterdam, de France et de Londres en 1940, et comme si les SS ne venaient pas d’exécuter froidement un village entier près de Lille.
La nouvelle leçon sanglante que nous venons de recevoir doit dissiper toutes les illusions : Quels qu’en soient les prétextes ou les raisons, les coups que les impérialistes échangent entre eux au cours de cette guerre pour le partage des richesses du globe entre quelques milliardaires, retombent toujours directement sur les peuples. Les impérialistes alliés lancent aujourd’hui leurs bombes sur nos quartiers ouvriers sous prétexte de "libération", bientôt, sous prétexte de nous défendre et de se défendre, les impérialistes allemands mettront le même acharnement à détruire tout ce que les premiers auront laissé debout.
Le débarquement anglo-américain, en rapprochant de nous le théâtre des opérations militaires, constitue une menace terrible. Les bombardements, et autres massacres, vont se multiplier et se précipiter. Ceux d’entre nous qui ont échappé jusqu’ici, nous-mêmes, nos familles, nos camarades, nous pouvons tous être victimes demain.
SEULE UNE ACTION DES MASSES OUVRIERES PEUT METTRE FIN A LA GUERRE IMPERIALISTE ET AUX MAUX DONT ELLE NOUS ACCABLE. Il faut protester énergiquement contre ces bombardements sauvages. Nous devons réclamer des abris, le paiement intégral et sans récupération des heures d’alertes. Il faut exiger le contrôle ouvrier des services d’aide aux sinistrés et la réquisition pour eux des vastes appartements et des hôtels particuliers inhabités.
Ne nous laissons prendre ni aux consolations ou promesses de Londres ni à la démagogie de Vichy ou de Paris, mais répondons coup pour coup si nous ne voulons pas être écrasés.

1944 LA LUTTE de CLASSES – n° 32
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
Organe du Groupe Communiste (IVème Internationale)

LA LUTTE de CLASSES – n° 3

28 juillet 1944

Barta

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NOTRE DRAPEAU

Depuis des mois, la principale préoccupation de Vichy est de prêcher : "N’ajoutez pas aux horreurs de la guerre étrangère les horreurs encore plus terribles de la guerre civile"...
En quoi les horreurs de la guerre civile peuvent-elles être plus terribles que celles de la guerre impérialiste ; pourquoi la bourgeoisie s’exprime-t-elle avec tant d’horreur à son égard ? C’est que la guerre impérialiste ("étrangère" !) est la guerre de la bourgeoisie qui la mène avec la peau des travailleurs ; c’est une guerre qui lui rapporte, tandis que la guerre civile est la guerre menée par les masses exploitées contre la bourgeoisie : voilà le "mystère" de l’eau bénite de l’entente civile répandue par les bourreaux et les assassins de Vichy, qui tous les jours emprisonnent et tuent avec une sauvagerie inouïe des dizaines de militants ouvriers.
Comme ces prêches d’assassins ne trompent personne, Vichy sème habilement la confusion au sujet de la guerre civile en la présentant comme une série de coups de main et d’assassinats opérés par des bandes spécialisées. C’est ainsi que Laval, la Milice et les bandes fascistes ont saisi l’occasion de l’assassinat de Philippe Henriot pour renforcer leur propagande en proclamant : "on reconnaît là la méthode de la guerre civile".
Mais ce n’est là qu’un grossier piège vichyssois : l’assassinat de Philippe Henriot au profit des Henriot d’Alger et de Londres n’a rien de commun avec la guerre civile  ; c’est la suppression d’un bourreur de crânes, valet d’un camp impérialiste, au profit des valets du camp impérialiste adverse ; c’est un épisode de la lutte entre deux clans politiques rivaux, lutte qui est une conséquence de la guerre impérialiste.
La guerre civile de la classe ouvrière contre la guerre impérialiste a pour but non pas la suppression de "personnalités" bourgeoises, mais la suppression de la domination politique et économique de la classe bourgeoise. Et il est évident qu’un tel but ne peut être atteint que par un seul moyen, par une seule méthode, celle de la lutte armée des masses ORGANISEES, soudées par la claire compréhension de leur tâche historique, l’édification de la société socialiste.
Mais si Vichy s’acharne à semer la confusion en présentant cette lutte entre cliques bourgeoises comme la "guerre civile", c’est aussi pour d’autres raisons. Il s’agit d’une part d’effrayer certaines couches moyennes en présentant la décomposition actuelle de la société comme provoquée par l’"anarchie", et d’autre part de prendre prétexte de cette "guerre civile" pour justifier SON PROPRE TERRORISME contre les masses ; car n’oublions pas que pour chaque canaille de Vichy qui tombe, une répression terrible s’abat sur les militants ouvriers pris comme otages.
Mais l’anarchie est le propre de l’économie bourgeoise en décadence et c’est cette anarchie économique qui engendre précisément dans les relations politiques le règne des complots et des assassinats destinés, non pas à changer le régime, mais à permettre à tel ou tel groupe capitaliste de se maintenir au détriment de l’autre. Au contraire, la guerre civile de la classe ouvrière contre la bourgeoisie met fin à l’anarchie et à la décomposition de la société capitaliste et, par la dictature du prolétariat (gouvernement des travailleurs en armes) ELLE INSTAURE UNE ORGANISATION SOCIALE NOUVELLE ET HARMONIEUSE.
La crise actuelle est précisément due à l’absence de la guerre civile : c’est parce que les masses restent passives et impuissantes que les gangsters politiques de la bourgeoisie peuvent occuper le devant de la scène et entraîner la société entière dans l’impasse de la guerre impérialiste, du meurtre et de l’infamie.

C’est seulement quand des millions et des millions d’opprimés feront irruption dans l’arène politique où se décide leur sort, quand commencera la véritable guerre civile des travailleurs que seront balayés les organes politiques pourris de la bourgeoisie qui ont gangrené la France ; c’est seulement LE JOUR OU NOUS LEVERONS LE DRAPEAU ROUGE DE LA LUTTE PROLETARIENNE que le spectacle rude mais grandiose de la lutte des travailleurs pour le socialisme régénérera entièrement la société en la conduisant hors du régime capitaliste.
La classe ouvrière française, qui assiste avec un dégoût toujours croissant au spectacle que lui impose la bourgeoisie pourrie, prend de plus en plus conscience du rôle historique sans précédent qui lui incombe : sauver, en alliance avec les travailleurs des autres pays, la civilisation humaine qui sombre.
Et le jour n’est pas éloigné où elle lèvera contre la bourgeoisie LE DRAPEAU DE LA GUERRE CIVILE !

SUBIRONS-NOUS LA FAMINE ?

Depuis le débarquement en France, la situation des populations laborieuses et pauvres a brusquement empiré dans une mesure extraordinaire.
Quand depuis des mois et des mois nous subissions des restrictions, le gouvernement nous expliquait qu’on constituait des stocks et des réserves pour les temps plus difficiles. Ces temps sont arrivés, mais les dirigeants avouent que nous sommes menacés de famine. Et de tout ce qui arrive encore en fait de ravitaillement dans un centre urbain comme Paris, rien ne parvient au consommateur pauvre. La nuée des répartiteurs, des spéculateurs, des trafiquants est là pour empêcher que ce qui reste encore après les réquisitions arrive jusqu’au consommateur travailleur. Contre cet état de choses les dirigeants sont impuissants, car les spéculateurs, les répartiteurs, les trafiquants CE SONT EUX. Et c’est pour la même raison qu’ils sont impuissants devant les effets des bombardements, des dévastations, des exodes. Depuis quatre semaines que dure la dévastation de la Normandie, ils en sont encore à faire des conférences sur la manière de soulager les "malheureuses populations". Ils ne veulent pas recourir à des mesures radicales, réquisitionner tous les stocks existants, qu’eux et leurs semblables dilapident, pour les répartir à la population pauvre ; de même qu’ils en sont toujours au recensement des locaux publics ou vides, qui ne seront mis à la disposition des sinistrés que le jour où ils s’y installeront d’eux-mêmes.
Au-dessus de tous les soucis concernant les souffrances des masses, les dirigeants ont leurs propres soucis, celui de se maintenir en place, celui de maintenir "l’ordre", d’exercer la répression et de sauver leurs privilèges.
Quant aux alliés dont l’arrivée devait nous sauver par LEURS stocks, ils sont maintenant les premiers à faire appel A NOS PAYSANS (Radio-Londres) pour nous éviter la famine, et ont eux-mêmes besoin de pratiquer la réquisition – directe et indirecte (monnaie militaire) – tout comme l’armée allemande. Mais si on en vient toujours aux paysans, donc aux ressources propres DU PAYS, il est inévitable que le même système (réquisitions, inflations, taxes, "répartiteurs", intermédiaires) donne, dans un pays appauvri, le même résultat, c’est-à-dire LA FAMINE.
Actuellement, devant la misère qui nous étreint, on nous demande d’avoir de la patience, c’est-à-dire de nous laisser exterminer, ou de nous réfugier à la campagne, ce qui n’est possible qu’à une petite minorité. Mais la classe ouvrière pour se défendre doit employer d’autres méthodes plus intelligentes, plus énergiques, plus efficaces pour se sauver et pour obliger les dirigeants à cesser leur trafic sur la famine des masses.
Nous devons, pour commencer, agir COLLECTIVEMENT. En pratiquant la solidarité, en organisant des départs EN GROUPE à la campagne, il est plus facile d’exiger des moyens de transport pour le ravitaillement (moyens appartenant à des cantines ou coopératives), d’établir des contacts directs avec les paysans et d’obtenir des résultats. Devant la situation désastreuse, les patrons eux-mêmes envisagent la création de commissions inter-usines pour la mise en commun des ressources de ravitaillement. Commissions formées par qui ? Par ceux qui, à la solde du patron, et non contrôlés par les ouvriers, s’en sont occupés jusqu’à présent ? Les ouvriers doivent se mêler de cette affaire, se grouper pour exiger LEUR contrôle sur ces commissions, ainsi que le contrôle des cantines et des coopératives. Pour rendre l’action efficace, il faut obtenir l’admission de tous les ouvriers, même de ceux momentanément mis à pied ou sur des chantiers, à la coopérative de l’usine. Sur le plan de l’usine et sur le plan du quartier il faut se grouper pour exiger la distribution des stocks de vivres, le contrôle sur le ravitaillement qui passe par les trafiquants et les "répartiteurs".
Dans tous les domaines, la solidarité et l’organisation de la classe ouvrière doivent servir d’exemple et entraîner toutes les couches pauvres dans la seule voie qui peut nous éviter la famine : LA LIAISON ENTRE LA VILLE ET LA CAMPAGNE ET LE CONTROLE DU RAVITAILLEMENT par les COMITES D’OUVRIERS ET DE MENAGERES.

14 JUILLET

14 juillet, anniversaire de la prise de la Bastille. La féodalité pourrie jusqu’à la moëlle des os n’est plus capable d’assurer la continuité historique de la société. La bourgeoisie, jeune classe issue de la féodalité, la renverse et en s’émancipant conduit la société à un stade plus avancé de la civilisation (essor économique et culturel grandiose).
Cependant, aujourd’hui la bourgeoisie est également pourrie, elle n’est plus un facteur de développement de la société mais est au contraire devenue un frein à ce développement et, par ses contradictions sans cesse accrues, mène la société à sa ruine. Mais de même que la féodalité avait enfanté la bourgeoisie, la bourgeoisie a produit une nouvelle classe : le prolétariat qui, lui, doit prendre en mains les destinées de la société pour lui assurer un nouveau et définitif essor économique et culturel. Depuis longtemps les conditions économiques sont mûres pour la prise du pouvoir par le prolétariat. La tâche du prolétariat est de renverser les bastilles de la bourgeoisie.
Les travailleurs ne fêtent pas le 14 juillet, symbole de la domination bourgeoise. Ils luttent pour préparer l’Octobre rouge des travailleurs de France.

GREVE GENERALE A COPENHAGUE

Une grève générale vient d’avoir lieu à Copenhague (au Danemark), et les autorités d’occupation ont dû reculer dans leurs plans de main-mise et d’oppression accrue sur la vie politique et publique du pays.
Ainsi, une grève générale ouvrière bien conduite et répondant strictement aux intérêts de toutes les masses travailleuses (et non pas en vue de participer à la guerre dans le camp impérialiste adverse) met l’Etat-major de l’armée d’occupation dans la nécessité de reculer, de revenir sur les mesures envisagées et de faire des concessions.
Quelle leçon pour nous, travailleurs. Quel démenti infligé à ceux qui disent : "il n’y a rien à faire" (autrement dit, laissons la guerre finir d’elle-même et nous massacrer tous) et à ceux qui veulent nous convaincre que seule la lutte de francs-tireurs peut nous "libérer". Chaque travailleur se convaincra de plus en plus que seule l’action ouvrière pour des buts prolétariens est efficace, quels que soient les sacrifices qu’elle impose, car ces sacrifices sont les seuls à être fructueux pour les masses laborieuses.

L’ARMEE PERMANENTE ET L’ARMEE POPULAIRE

Parce que le maquis est composé en grande partie d’ouvriers et de paysans qui n’ont pas voulu partir en Allemagne, et parce qu’il est en lutte contre Vichy et l’armée allemande, on voudrait nous le présenter comme une armée véritablement démocratique, comme une "armée du peuple".
Mais pour savoir si une armée est véritablement une armée du peuple, il ne suffit pas qu’elle soit composée d’ouvriers et de paysans. En effet, toutes les armées modernes, quelles qu’elles soient, sont des armées populaires si on les envisage à ce point de vue. Car le perfectionnement des armements a depuis longtemps obligé la bourgeoisie à mobiliser tout "son" peuple pour mener les guerres.
Il faut examiner à quoi a abouti le maquis, quelle est sa base de classe. Or, s’il est possible qu’au début les travailleurs du maquis, guidés par leur méfiance instinctive, aient tenté de s’organiser sur une base de classe et aient manifesté leur hostilité à l’égard du vieux corps des officiers cagoulards, depuis, sous le commandement des De Gaulle, Giraud, Catroux et Koenig – qui vient d’être nommé commandant des Forces Françaises de l’Intérieur – c’est le vieux corps des officiers de Daladier qui s’est imposé au maquis : c’est l’ancienne armée impérialiste française qui s’est reconstituée. Ce qu’on voudrait nous présenter comme une armée du peuple, n’est qu’une nouvelle ARMEE PERMANENTE.

L’armée permanente enlève tous les ans des centaines de milliers de jeunes gens à leurs familles et à leur production, pour les enfermer pendant des années dans des casernes sous prétexte de formation militaire. Mais la formation militaire d’un soldat n’exige pas des années puisqu’en temps de guerre la bourgeoisie envoie au front des jeunes de 18 ans après quatre ou six mois d’instruction. Le service militaire consiste principalement à soumettre les hommes à qui l’on enseigne le maniement des armes à la pression exclusive de la discipline militaire représentée par le corps des officiers et sous-officiers de carrière liés à la bourgeoisie, et qui n’ont aucune fonction productive dans la société : comme les prêtres, ils sont spécialisés dans le "dressage" de "la troupe", leurs méthodes – les brimades dégradantes et l’abrutissement systématique – ont pour but de façonner une nouvelle mentalité à leurs hommes, de séparer les fils d’ouvriers et de paysans de leur classe et d’en faire des instruments dociles pour la répression.
Et ce sont les masses laborieuses qui, sous forme d’impôts écrasants, supportent la charge de cette armée d’hommes que l’on a retirés de la production, et payent la construction et l’entretien des casernes et la solde des généraux et officiers de carrière grassement appointés.
C’est ainsi qu’en cas de guerre la bourgeoisie peut rapidement, par la mobilisation générale, mettre en ligne des millions d’hommes sachant manier les armes, et sur lesquels les officiers n’ont aucun mal à reprendre leur emprise une fois qu’ils ont été happés par l’engrenage de l’armée permanente aidée de la gendarmerie et de la police.
On le voit donc, une telle armée, fondée sur l’exploitation du peuple et sur son utilisation comme chair à canon n’a rien de populaire. Elle est au contraire l’instrument principal de la bourgeoisie contre le peuple.
La classe ouvrière ne peut pas s’émanciper sans briser l’armée permanente. Le principal moyen d’y arriver, c’est qu’elle organise tout d’abord ses propres milices ouvrières. En soutenant la lutte des travailleurs-soldats contre la conscription, le service militaire prolongé, les Cours martiales et le régime des casernes, et en s’armant elle-même, la classe ouvrière facilite aux soldats leur émancipation de l’armée permanente et les lie à la cause des exploités.
La milice ouvrière est l’organisation des travailleurs en armes pour la défense sur place de l’usine, du chantier, de la mine ou du village contre la bourgeoisie.
Le peuple en armes n’a besoin ni de casernes, ni d’officiers de métier ; il ne retire pas de la production toute une partie de la population : l’entraînement militaire se fait en dehors des heures de travail et les chefs sont élus par les combattants parmi les plus dévoués et les plus qualifiés.
La victoire ouvrière et la chute de la bourgeoisie supprimeront pour la classe ouvrière la nécessité d’être en armes ; c’est donc seulement en s’organisant en milice ouvrière que les masses parviendront à briser les armées permanentes, que la bourgeoisie entretient constamment pour la défense de ses intérêts impérialistes, contre les masses et sur leur dos.
Tandis que l’armée permanente est un chancre qui ronge toute la société, et l’instrument de l’asservissement du peuple par la bourgeoisie, la MILICE OUVRIERE, organisation des travailleurs en armes, est l’instrument de leur émancipation.

1944 PROLÉTAIRES DE TOUS LES PAYS UNISSEZ-VOUS !
ORGANE DU GROUPE COMMUNISTE (IVème INTERNATIONALE)
2ème année nº 36

LA LUTTE DE CLASSES nº 36
Barta

19 septembre 1944

OU VA LA FRANCE ?
A QUI APPARTIENT LE POUVOIR ?

Dans notre dernier numéro nous avons montré comment l’opération appelée "insurrection nationale" n’était qu’une escroquerie politique qui, comme la "révolution nationale" de Pétain, devait faire croire aux travailleurs que ce n’est pas l’Etat bourgeois dans son ensemble et en tant qu’instrument de domination de la classe capitaliste qui est l’ennemi numéro un des masses travailleuses !
Pétain s’en prit à la forme parlementaire de l’Etat, exécrée par les masses de plus en plus et haïe à partir de septembre 1939, et la rendit responsable de tous les désastres qui se sont abattus sur la France, y compris l’effondrement général de juin 1940. Il appela astucieusement DEMOCRATIE la dictature parlementaire des cliques politiques bourgeoises, pour pouvoir ainsi présenter son pouvoir personnel comme un ordre "nouveau". La Résistance s’en prit à la dictature de Pétain, pour mieux sauver les instruments de la dictature de la bourgeoisie sur le prolétariat : la police, l’armée permanente, la bureaucratie, etc... Et si le chef du gouvernement, De Gaulle, se camoufle actuellement derrière des phrases "républicaines" (comme le fit en son temps un certain Louis Bonaparte pour arriver à l’Empire) c’est uniquement pour tromper les masses jusqu’au moment où la situation aura "évolué"...
Voici quatre semaines à peine que le régime "républicain" a remplacé celui de "l’Etat c’est moi", les fumées se dissipent et les choses commencent à montrer leur véritable aspect. De Gaulle affirme s’appuyer sur les lois de la République : mais ces lois de la "République", ce sont les lois scélérates votées depuis 1938 et surtout en 1939-1940 par le Parlement, lois féroces anti-communistes et anti-prolétariennes qui donnent un pouvoir DICTATORIAL au gouvernement bourgeois. En vain l’Humanité (qui fournit au gouvernement de la chair à canon patriotique) se lamente-t-elle sur le manque de démocratie véritable. Comme nous n’avons cessé de l’expliquer, à notre époque de guerres impérialistes et de guerre civile, quand le capitalisme pourrit toute la société, ce n’est pas la forme de l’Etat qui décide de la démocratie, mais à qui appartient le pouvoir : à la bourgeoisie, par des organes éloignés des masses, au-dessus et contre elles (police, etc...), ou aux travailleurs, par des organes non distincts de la masse, qui sont leur émanation directe : les Conseils ouvriers et paysans, organisations du pouvoir des masses en lutte. Grâce aux staliniens, le pouvoir n’a pas un instant cessé d’être entièrement entre les mains de la bourgeoisie, car les masses ne disposent d’aucun organe du pouvoir qui soit leur émanation et leur instrument exclusif contre les entreprises de la bourgeoisie (milices ouvrières, comités d’usine et de quartier, etc...).
De Gaulle réussira-t-il mieux que Pétain ?
Cependant, l’appareil bureaucratico-militaire, en présence d’une crise profonde politique et économique et des bouleversements militaires, ne suffit pas à la bourgeoisie pour mater complètement la classe ouvrière. L’échec de Pétain n’est pas dû au retrait des troupes allemandes – il aurait trouvé l’appui américain s’il avait pu se maintenir, ce fait est actuellement notoire – mais Pétain est resté "suspendu en l’air" parce qu’il n’avait aucun appui du côté des masses. L’appareil bureaucratico-policier n’eût rien de plus pressé à faire que de passer du côté de De Gaulle pour se refaire une "popularité".
Mater complètement le prolétariat, cela seules les troupes fascistes auraient pu le faire. Le fascisme fait plus que réduire le mouvement ouvrier à l’illégalité. Il dissout toute activité des organisations ouvrières quelles qu’elles soient, de telle façon que le mouvement ne peut plus s’organiser, même illégalement, hormis de petits groupes isolés de la classe. Car le fascisme est lui-même un mouvement de masses, de la petite-bourgeoisie en particulier, qui, exaspérée par la crise, est habilement jetée contre les organisations ouvrières par les capitalistes cachés derrière un sauveur "socialiste" et "national" genre Mussolini ou Hitler. Mais la bourgeoisie n’a pas encore réussi à développer en France un mouvement fasciste d’importance décisive.
De Gaulle est en présence de la même tâche que Pétain : instaurer "l’ordre" dans une situation commandée par la guerre et l’épuisement économique, physique et moral de la nation. Ce qui signifie rejeter toutes les difficultés de cette situation sur les masses travailleuses et pauvres : sans attendre, la bourgeoisie s’oppose déjà à la reprise du travail dans des conditions qu’elle n’aurait pas elle-même déterminées.
Contrairement à Pétain, De Gaulle a incontestablement les masses populaires derrière lui. Mais de quoi est faite cette confiance ? Les petits-bourgeois lui font confiance en tant que représentant de leurs aspirations patriotico-chauvines, capable en même temps de s’opposer aux exigences de la classe ouvrière et de mater le communisme. La classe ouvrière, elle, fait confiance au PC, au PS et à la CGT et compte sur eux pour arracher à De Gaulle des réformes substantielles en faveur de la démocratie et des travailleurs !
Cette "confiance" générale cache en réalité un conflit inévitable. En l’absence d’une amélioration économique et diplomatique considérable et immédiate – ce qui est chose exclue – que se passera-t-il ? Les travailleurs patienteront sous la pression des organisations social-patriotes, mais ne pourront pas cesser d’exiger des améliorations constantes, ce qui les poussera de plus en plus loin dans la voie de la lutte anti-capitaliste et pour leur propre pouvoir. De leur côté, les petits-bourgeois, que les capitalistes trompent en attribuant leur misère aux revendications ouvrières, s’exaspéreront. Ne sachant plus à quel saint se vouer, ils seront de plus en plus travaillés par les cadres fascistes, constituant non plus comme avant la guerre des groupes isolés, mais dès aujourd’hui, à l’échelle nationale, la base d’un parti fasciste puissant à qui ne manque plus que la sympathie des masses. Ainsi la situation ne peut se développer que vers des solutions extrêmes : ou la dictature du prolétariat et l’expropriation de la bourgeoisie (solution progressive de la crise), ou l’écrasement du prolétariat par le fascisme, rejet de toute la société vers la barbarie pour le maintien du capitalisme.
De Gaulle ne représente qu’un régime de transition de plus ou moins longue durée, un essai de dictature bonapartiste voulant maintenir l’équilibre entre les classes. Mais, de même qu’en Allemagne, en Espagne, etc..., seul le heurt décisif entre le prolétariat et les organisations fascistes et bureaucratico-militaires de la bourgeoisie décidera de l’issue de la situation.

LE BONAPARTISME DE GAUCHE, FOURRIER DU FASCISME.

Quoique la fonction fondamentale du gouvernement de De Gaulle reste celle du gouvernement Pétain (dictature de la bourgeoisie) cependant, du point de vue dynamique (l’évolution du rapport de forces entre les classes), il représente une nouvelle phase de la lutte de classes en France. La décomposition de l’appareil étatique, en tant qu’instrument centralisé et obéissant normalement au seul gouvernement légal (décomposition due à la pression contradictoire des impérialistes alliés et allemand sur l’Etat français ainsi qu’à la résistance des masses contre celui-ci), rend nécessaire au gouvernement l’appui des organisations ouvrières social-patriotes. En présence des souffrances inouïes infligées aux travailleurs par cinq années de guerre et des innombrables preuves de banditisme de la part des classes dirigeantes vis-à-vis des travailleurs français seule la rentrée en scène des bureaucrates ouvriers social-patriotes peut maintenir pour un certain temps les masses dans "l’ordre" bourgeois et obtenir leur appui pour la continuation de la guerre.
Mais, d’autre part, se maintenir à l’aide des organisations ouvrières conciliatrices, cela implique une certaine légalité de l’action ouvrière. C’est par là que le bonapartisme (dictature bureaucratico-policière) de gauche de De Gaulle se différencie du bonapartisme de droite de Pétain : non par ce qu’il représente de donné à la classe ouvrière, mais par ce que la classe ouvrière peut conquérir, si elle se soustrait à l’influence social-patriote et adopte une politique révolutionnaire intransigeante vis-à-vis de la bourgeoisie.
Sans une politique révolutionnaire, sans une action jusqu’au bout de la classe ouvrière contre la bourgeoisie prenant comme point de départ la légalité de fait, le régime actuel ne serait que le fourrier du fascisme. Agissant tout comme celui de Pétain en faveur de la bourgeoisie (chose déjà évidente six semaines à peine après son installation), le gouvernement bonapartiste "de gauche" fait endosser, aux yeux des larges couches exploitées, la responsabilité de sa politique aux organisations ouvrières dont il a l’alliance ; ce n’est plus l’Etat bourgeois qui apparaît comme le responsable de la nouvelle faillite, mais le socialisme, le communisme, la classe ouvrière... C’est ainsi que Pétain put, en 1940, rendre responsable la classe ouvrière de la politique bourgeoise du Front Populaire, non seulement aux yeux des ennemis de toujours du prolétariat, mais aussi aux yeux des couches pauvres de la population (paysans, petits rentiers, petits commerçants, etc...).
En absence d’une politique révolutionnaire qui dresse les ouvriers contre l’Etat bourgeois (surtout quand il se camoufle "à gauche") le bonapartisme appuyé sur les sommets bureaucratiques de la classe ouvrière ne représente qu’une oscillation dans le rapport des forces entre les camps bourgeois et prolétarien et prépare encore plus sûrement que le bonapartisme de droite (Pétain) la révolte des masses petites-bourgeoises contre le "communisme", "l’anarchie". En effet, la lutte des classes entre les ouvriers et la bourgeoisie appelle une solution décisive pour savoir qui est maître dans la maison, de l’ouvrier ou du patron. Leurs intérêts ne peuvent pas être conciliés, on ne le voit que trop depuis 1934. Si c’est l’ouvrier, il faut que les travailleurs instaurent leur dictature pour en finir avec le sabotage et le banditisme patronal ; mais si les travailleurs ne vont pas jusqu’au bout de la lutte, s’ils cherchent des solutions "moyennes" (qui en fait signifient la paralysie de l’économie), alors ce sont les patrons qui lancent les bandes fascistes à l’attaque en mobilisant la petite-bourgeoisie contre "l’anarchie".
En Allemagne, avant la victoire définitive de Hitler (1933) il y eut de semblables oscillations du pouvoir étatique de droite à "gauche" et de "gauche" à droite, de même qu’en France, depuis février 1934, nous avons connu des oscillations allant du réactionnaire Doumergue vers le "socialiste" Blum (1936) et de Blum vers Daladier (1938-1939) et vers Pétain.
Quand les masses ont successivement expérimenté le régime bureaucratico-militaire sous toutes ses formes, sous la pression des souffrances inouïes que leur inflige le capitalisme (crises, chômage, guerres), elles sont prêtes à adopter une solution extrême : dictature du prolétariat ou "révolution" fasciste. C’est à ce choix inévitable que nous conduit le gouvernement actuel. Voilà pourquoi, si les organisations social-patriotes maintiennent la classe ouvrière dans le sillage de De Gaulle au lieu de la mobiliser pour la dictature du prolétariat, elles préparent pour demain la victoire du fascisme.
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LES SOURCES "IDEOLOGIQUES" DU FASCISME

L’existence d’un grave danger fasciste, malgré la défaite militaire de l’impérialisme allemand en France, nous ne l’inventons pas. Quotidiennement l’Humanité dénonce l’action anti-ouvrière et anti-démocratique (cette dernière provenant directement de l’activité du gouvernement et de l’administration) qui se renforce à une allure de plus en plus rapide.
Après avoir essayé d’attribuer cette action réactionnaire de grande envergure aux "îlots hitlériens" encore subsistant à l’arrière, l’Humanité est obligée d’avouer : "mais l’écrasement militaire de l’Allemagne NE SERVIRAIT DE RIEN à la longue si, PARTOUT (donc en France) le fascisme ne subissait pas un écrasement moral et politique complet" (22/10/44). Ainsi l’Humanité est finalement contrainte d’avouer l’étendue du danger. La classe ouvrière n’est pas simplement devant une tâche militaire (lutte physique) contre des "îlots hitlériens". La classe ouvrière se trouve devant une tâche politique et morale décisive, pour empêcher les éléments du peuple désespérés ou égarés (chômeurs, petits-bourgeois ruinés des villes, paysans) de se laisser attirer dans le camp fasciste et de transformer celui-ci en une force de masses.
Comment les chefs staliniens "écrasent" politiquement le fascisme, nous l’avons vu dans le précédent numéro : ils soutiennent De Gaulle, c’est-à-dire la bourgeoisie. En faisant endosser aux organisations ouvrières les responsabilités de la politique gouvernementale dans une situation catastrophique pour les masses, ils portent de l’eau au moulin fasciste.
Mais les chefs staliniens ont la prétention d’écraser aussi moralement le fascisme, c’est-à-dire son idéologie.
Qu’est-ce que l’idéologie fasciste ? La caractéristique fondamentale du fascisme, c’est l’exaspération du nationalisme. Pourquoi le nationalisme est-il devenu le moyen fondamental de la réaction et du fascisme pour la bourgeoisie, contre les masses exploitées ? C’est parce qu’à notre époque le capitalisme, en créant une économie mondiale, a détruit toute possibilité de vie économique indépendante (nationale) ; dans ces conditions le nationalisme n’est plus une doctrine d’émancipation des peuples, mais une doctrine d’asservissement. Pour les vieilles nations capitalistes (Angleterre, France, Allemagne, Etats-Unis, etc…), le nationalisme n’est pas l’affirmation du droit de ces peuples à disposer d’eux-mêmes, mais de la volonté d’opprimer des peuples plus faibles (Empire pour la France, "espace vital" pour l’Allemagne, etc.). Dans ces conditions, l’exaspération du sentiment nationaliste pousse infailliblement les classes sociales opprimées de ces pays capitalistes (petits-bourgeois et ouvriers) dans les bras de la bourgeoisie, pour une politique impérialiste de domination.
De cette façon, le nationalisme détourne les classes exploitées de leur propre lutte contre la bourgeoisie (lutte de classes) en leur faisant croire que leurs souffrances inouïes ne sont pas dues au régime capitaliste, que la tâche principale n’est pas de renverser leurs propres exploiteurs bourgeois ; il les détourne vers la lutte extérieure pour les "conquêtes civilisatrices", pour la main-mise sur les positions économiques et stratégiques nécessaires à la "mission" spéciale de la nation : images derrière lesquelles se cachent les capitalistes !
Le contre-poison de "l’idéologie" nationaliste ne peut être que l’internationalisme. Il exprime non pas "un vague rêve de solidarité" entre les hommes, mais les intérêts décisifs de toute la population du globe terrestre (en dehors des cliques capitalistes qui dirigent les peuples), il représente l’alliance réelle entre tous les opprimés et exploités contre leurs capitalistes. La victoire de l’idéologie nationaliste ou de l’idéologie internationaliste au sein de la classe ouvrière n’est pas une affaire de "sentiments", mais décide de la guerre ou de la paix dans le monde, de la barbare oppression fasciste et militariste ou de la liberté...
Que font les chefs staliniens pour vaincre l’idéologie du fascisme ?
Ils ont prétendu écraser le fascisme avec ses propres armes idéologiques.
C’est ainsi qu’en Allemagne le PCA voulut concurrencer Hitler, pour le supplanter auprès des masses, sur le terrain nationaliste, et lança lui aussi des mots-d’ordre de "libération nationale" (avant 1933) et de "la lutte contre l’étranger" (contre le traité de Versailles).
En France depuis le pacte Staline-Laval (1935) les chefs staliniens ont glissé progressivement vers la démagogie nationaliste. Ayant repris le mot-d’ordre de "la France aux Français" à l’Action Française, ils en sont arrivés à reprendre "la Marseillaise" aux trusts (Duclos) !
Les chefs staliniens expliquent aux militants de la base que tout cela n’est que de la "tactique", que l’internationalisme doctrinal est difficile à faire rentrer dans la tête des masses et qu’en gagnant les masses à eux avec des mots-d’ordre qui "prennent", ils nous conduiront eux, les chefs, vers le communisme.
Mais le communisme ou le fascisme ne dépendent pas de la volonté des chefs. Ils dépendent du choix final que les masses feront entre le Parti ouvrier ou le Parti de la bourgeoisie.
Comment est déterminé ce choix ? Par la démagogie des Partis en présence ? Non. Mais par la capacité du Parti ouvrier à attaquer la base même de l’exploitation capitaliste, par sa capacité de renverser la bourgeoisie, chose qui n’est possible qu’à l’aide d’une idéologie internationaliste de classe.

Sur le terrain de la démagogie et du nationalisme, c’est le Parti bourgeois qui doit avoir le dessus. La solution prolétarienne (internationaliste) n’étant pas offerte aux masses pour en finir avec un régime qui les étouffe, celles-ci ne se consoleront pas avec des raisonnements sur la tactique, mais se tourneront infailliblement vers les Partis qui sur le terrain du nationalisme et de la démagogie vont jusqu’au bout, c’est-à-dire qui ont la possibilité réelle – parce qu’agents de la bourgeoisie – d’offrir, par des aventures militaires à l’extérieur, une issue pratique au nationalisme.
Sur le terrain nationaliste et de la démagogie chauvine, le Parti ouvrier ne peut devenir un Parti dirigeant du pays. Il ne peut être qu’un Parti donnant des conseils au gouvernement, tâchant de se montrer plus nationaliste que les autres, mais qui ne sera jamais maître dans la maison. Sur le terrain du nationalisme, c’est toujours les Partis bourgeois qui vaincront ; en abandonnant l’idéologie internationaliste, les Partis ouvriers préparent la victoire du fascisme. Voilà pourquoi en Allemagne, quand la question fut posée sur le terrain nationaliste aussi bien par Thaelmann (communiste) que par Hitler, les masses choisirent Hitler, car sur ce terrain c’était Hitler seulement qui pouvait aller jusqu’au bout.
Nous voyons aujourd’hui à quelles catastrophes l’abandon de l’internationalisme par le PCA a conduit le peuple allemand. Nous sommes en France, aujourd’hui, en présence d’un danger aussi grand.
Sur le terrain de la préparation des esprits, les moyens "idéologiques" des staliniens rendent un service décisif aux fascistes. La ligne politique peut être redressée rapidement et les défaites surmontées par la simple volonté de tenir compte des leçons des faits. Mais il en est tout autrement dans le domaine moral de la préparation idéologique. Le poison nationaliste répandu dans les masses ne peut pas être éliminé du jour au lendemain. Il y faut de longues années. Car ce poison est engendré constamment par la propagande bourgeoise et ce n’est qu’après un travail d’années que le Parti communiste peut habituer l’avant-garde ouvrière à une pensée conforme à ses propres intérêts, c’est-à-dire la pensée internationaliste. Dans le domaine de la préparation idéologique les chefs staliniens font donc depuis 1935 tout ce qu’ils peuvent pour préparer la victoire du fascisme.
Mais heureusement, la base du Parti, comme en témoigne le mécontentement croissant parmi les militants du PC, reste fidèle au communisme et chaque fois que se manifeste sur eux l’influence directe du "trotskysme" (communisme véritable) ils se montrent tels qu’ils sont, c’est-à-dire internationalistes.
C’est cette fidélité au communisme, qui subsiste dans l’avant-garde de la classe ouvrière malgré le poison idéologique stalinien, qui est le gage d’avenir le plus précieux.
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LA LUTTE OUVERTE CONTRE LE FASCISME

Ce n’est qu’en ayant exactement compris la véritable nature du fascisme que l’avant-garde ouvrière saura lutter contre cette pire réaction de la société bourgeoise.
Le fascisme surgit constamment de la pourriture et de la décadence de la société capitaliste. Il représente un système de dictature auquel la classe capitaliste a recours pour sauvegarder sa domination menacée, en instaurant le régime politique qui correspond le mieux à sa dictature économique incontrôlée sur la nation. Comment ?
Le système de production basé sur le profit et l’appropriation privée capitaliste ayant abouti à la concentration de toutes les richesses entre les mains d’une poignée de monopoleurs capitalistes, a définitivement voué à la ruine et à la pauvreté les classes intermédiaires, la petite-bourgeoisie. Celle-ci est passée, à notre époque impérialiste, de la tranquillité sociale caractéristique au petit-bourgeois qui en faisait un appui de la démocratie, à la révolte permanente contre l’ordre existant.
La révolte de la petite-bourgeoisie contre l’ordre existant n’est pas par sa nature dirigée contre la classe ouvrière ; elle est de tendance anti-capitaliste. Mais le petit bourgeois ruiné (rentier, petit commerçant, petit paysan, etc...) n’a pas la même position de classe vis-à-vis du capitaliste que l’ouvrier ; celui-ci, tout naturellement, s’oppose sur le lieu de travail à son exploiteur, à son patron, à son capitaliste ; ce qui fait que l’ensemble des ouvriers s’oppose à l’ensemble des capitalistes. Contrairement à la classe ouvrière, la petite-bourgeoisie n’a pas une idée concrète de ce que c’est que le capitalisme.
C’est en tenant compte de cette situation que la bourgeoisie, pour sauver l’ensemble de sa domination, organise par l’intermédiaire des politiciens fascistes, une "lutte anti-capitaliste" dirigée démagogiquement contre des capitalistes isolés : "banquiers juifs", "patrons anti-sociaux", etc... Le fascisme les prend comme boucs émissaires de la crise économique, des louches combinaisons financières, etc... Sur le plan politique il s’en prend à la "démocratie", au système parlementaire, à l’impuissance de ce régime devant la misère des masses (impuissance qui est due au fait que ce régime ne camoufle que la dictature de la bourgeoisie). Mais là où se dévoile la nature du fascisme, c’est qu’il identifie la dictature bourgeoise parlementaire à l’existence des partis ouvriers, des organisations autonomes, politiques ou professionnelles de la classe ouvrière, maudit le "communisme" et "l’anarchie" et sous prétexte de lutter contre le régime pourri, lance ses troupes à l’assaut des organisations de la classe ouvrière.
Le fascisme, instrument politique de la grande bourgeoisie, et qui peut prendre n’importe quelle étiquette et n’importe quel masque, utilise donc la révolte des couches exploitées de la petite-bourgeoisie en les attirant par sa démagogie anti-capitaliste et son apparence de force et d’intransigeance. Mais comme solution aux maux dont souffre la petite-bourgeoisie et l’ensemble des masses exploitées, il ne peut offrir que les aventures guerrières : c’est pourquoi le petit-bourgeois devenu fasciste ressemble à l’homme dont les vêtements ont pris feu et qui se jette dans l’eau qui l’engloutira. Cependant cela permet aux capitalistes de prolonger leur domination.
Mais le prolétariat peut lui aussi utiliser la révolte des masses exploitées petites-bourgeoises et les empêcher de se tourner vers le fascisme ; et il empêche par là-même non seulement son propre écrasement mais aussi celui de toute la nation sous la botte de la dictature.
La classe ouvrière le peut parce qu’elle est la seule force politique et sociale dans la nation qui est réellement capable d’abolir le capitalisme avec ses maux, sa corruption, sa misère. Mais il faut aussi que les autres couches opprimées de la nation puissent s’en rendre compte. Pour cela l’action de la classe ouvrière doit être dirigée contre l’existence même du régime capitaliste, contre les fondements de l’ordre existant, c’est-à-dire l’exploitation capitaliste par la propriété privée des moyens de production. Seule l’expropriation du Capital fera naître une société dans laquelle le petit paysan, le petit rentier, le petit commerçant, etc... seront libérés par l’ouvrier, par le Gouvernement ouvrier et paysan, des maux engendrés par le capitalisme.
Une classe ouvrière prisonnière de la politique bourgeoise (Front Populaire, Résistance, etc...) qui prétend lutter contre le fascisme dans le cadre du régime capitaliste ne peut pas attirer à elle les couches exploitées de la petite-bourgeoisie.
Les politiciens bourgeois et social-traîtres prétendent que pour lutter contre le fascisme, il faut abandonner le programme révolutionnaire et faire front avec la bourgeoisie et la petite-bourgeoisie pour la défense de la "démocratie". Mais ce qui intéresse les couches exploitées de la petite-bourgeoisie ce n’est pas tant la "démocratie", qu’une issue à leurs conditions de vie intolérables. Quant aux ouvriers, la démocratie c’est le droit d’association, de presse, de grève, etc... pour mieux se défendre contre les capitalistes. Or le système bourgeois "démocratique" et ses politiciens maintiennent pour les petits-bourgeois aussi bien que pour les ouvriers l’exploitation et la misère, tandis qu’ils s’efforcent le plus possible de limiter les véritables droits démocratiques. Si bien qu’à la longue les couches exploitées de la petite-bourgeoisie cherchent une issue hors du régime "démocratique" (capitaliste) ; mais cette issue elles ne peuvent pas la trouver du côté du prolétariat si celui-ci, à cause de la politique de ses dirigeants, est cramponné aux "démocrates" c’est-à-dire aux représentants de "gôche" du capitalisme ; elles la chercheront alors du côté fasciste.
De tout ceci il résulte que le principe fondamental de la lutte contre le fascisme est le suivant : pas d’union avec la bourgeoisie de "gauche" sur un programme "démocratique" capitaliste, mais union de tous les démocrates véritables autour de la lutte prolétarienne contre la bourgeoisie.
La petite-bourgeoisie craint-elle cette action, comme le disent les bureaucrates ouvriers ? Rappelons seulement qu’entre le 12 février 1934 et juin 1936, la classe ouvrière, ayant fait montre d’une grande décision d’action qui laissait espérer à l’ensemble de la population laborieuse la lutte décisive pour un régime nouveau, la petite-bourgeoisie fit bloc (surtout dans la lutte) autour de l’action ouvrière. Ce n’est qu’à partir du "il faut savoir finir une grève" de Thorez, pendant les grèves de juin 1936, que l’espoir des masses fut déçu. Les bureaucrates ouvriers ayant trahi le Front Unique prolétarien en faveur d’un front avec Daladier (Front Populaire), ce "front" sombra dans le marasme parlementaire et la désillusion des masses ouvrit la voie à la réaction à partir de 1937.
La véritable lutte contre le fascisme est seulement la lutte anti-capitaliste. C’est donc, comme nous le disions au début, par leur position de classe que les ouvriers se trouvent être les vrais champions de la lutte anti-fasciste. Mais pour que la classe ouvrière constitue pour les couches exploitées petites-bourgeoises un pôle d’attraction dans cette lutte, elle doit réaliser son unité de combat, pour devenir assez forte pour renverser la bourgeoisie. D’autre part elle doit pouvoir défendre un programme capable de satisfaire les revendications de la petite-bourgeoisie, sur le terrain de la lutte révolutionnaire. Comment réaliser cette unité, quel est ce programme qui peut déterminer la petite-bourgeoisie à appuyer une classe ouvrière révolutionnaire ? C’est ce que nous nous proposons d’étudier dans le prochain numéro.
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L’UNITE DE COMBAT DE LA CLASSE OUVRIERE

La lutte contre le fascisme a donc comme première condition l’unité de combat de la classe ouvrière. Mais la classe ouvrière ne possède pas d’organisation politique unique. Elle est dirigée par des partis et des fractions ayant des principes et des méthodes d’action différents et prétendant chacun détenir seul le secret de la délivrance. Les principales tendances dans le camp ouvrier sont le réformisme et la tendance révolutionnaire, entre lesquelles se situent des nuances intermédiaires. Dans les moments de "calme", ces dernières s’efforcent de réaliser une "synthèse" des deux tendances, mais dans les moments de crise, elles se situent le plus souvent dans le camp réformiste. La tendance réformiste et la tendance révolutionnaire se combattent avec acharnement, s’accusant réciproquement des fautes commises et des échecs.
Toute une catégorie d’ouvriers ayant le sain désir de l’unité se laisse tromper par le mirage suscité sur l’unité organique des partis ouvriers, qui permettrait à la classe ouvrière de n’écouter qu’un seul guide.
Cependant réformisme et révolution n’expriment pas deux méthodes différentes pour arriver au même but, mais l’opposition irréconciliable entre les intérêts de classe des millions d’exploités et d’opprimés, et les intérêts d’une minorité ouvrière relativement bien payée et de mentalité profondément embourgeoisée. Détenant un grand nombre de postes de responsables dans les organisations ouvrières ou dans l’administration bourgeoise (syndicats, partis politiques, mairies, sièges de députés, etc…) cette couche domine habituellement l’action ouvrière, l’empêchant, la brisant quand elle menace de bouleverser le système qui leur permet de s’élever au-dessus de leur classe : c’est ainsi qu’en juin 1936 l’aristocratie ouvrière, représentée par la bureaucratie syndicale et politique, parvint à arrêter la poussée des millions d’ouvriers les plus exploités. Le réformisme, en s’efforçant de sauvegarder les intérêts de l’aristocratie ouvrière élevée au-dessus de la masse, défend donc l’ordre bourgeois (qui à son tour engendre le fascisme). L’unité envisagée par le PS et le PC ne serait qu’une assurance supplémentaire de la bureaucratie contre la révolution des masses. La révolution seule permet à ces dernières de renverser le capitalisme et couper ainsi la racine même du fascisme.
Puisque la division en partis de la classe ouvrière provient de la différence d’intérêts existant en son sein et que ce n’est pas cette division en partis qui crée la différence d’intérêts, seule une forme d’organisation englobant directement toute la masse en lutte (et non pas seulement les militants des différents partis) peut unifier l’action de la classe ouvrière. Cette forme d’organisation, ce sont les Comités. Dans les usines et dans les quartiers, les travailleurs, dans des Assemblées générales ou de masse, élisent des délégués, révocables à chaque instant, chargés d’exécuter les mesures votées par les assemblées. Ces comités exécutifs locaux envoient des délégués à la région, qui à leur tour délèguent des responsables nationaux. Ainsi se trouve créé un organisme groupant dans son sein les millions d’exploités en lutte sans nuire à l’unité d’action ; car ce sont les travailleurs eux-mêmes qui déterminent démocratiquement (à la majorité) la politique à suivre dans chaque question donnée. Chaque parti politique peut ainsi faire la preuve de ce que valent pratiquement ses méthodes d’action. Il ne s’agit plus d’étiquette ("réformiste" ou "révolutionnaire"), mais de l’attitude devant des faits que les masses touchent du doigt.
Ce n’est pas à tort qu’on a appelé les Comités (ou Conseils) ouvriers des "Parlements ouvriers". Chaque parti garde son entière liberté d’agitation et de propagande parmi les masses, mais dans l’action pratique il doit faire approuver sa politique par les masses groupées dans les Comités. Mais les Comités ne sont pas un organisme seulement légiférant, ils sont à la fois délibératifs, législatifs et exécutifs.
Les Comités n’ont pas de vertu en soi. C’est selon la politique qui triomphera en leur sein que se décidera le sort de la classe ouvrière. En voici deux exemples : en Russie en 1917, avec le triomphe dans les masses soviétiques de la politique bolchévique (révolutionnaire) sur la politique menchévique (réformiste), les Soviets (nom russe des "Comités") prirent en main tout le pouvoir et les capitalistes furent renversés. En Allemagne en 1918, ce fut la politique réformiste qui triompha dans les Conseils, grâce à la faiblesse politique de la fraction révolutionnaire ; les réformistes s’unirent en un Front populaire avec la bourgeoisie, transmirent tout le pouvoir des Conseils à la bourgeoisie et menèrent finalement à leur liquidation. Le sort de l’Allemagne fut décidé dans le sens fasciste grâce à la trahison réformiste.
Nous exposerons donc la prochaine fois le programme politique que la IVème Internationale propose aux travailleurs révolutionnaires, pour qu’ils puissent soulever les masses ouvrières et populaires contre la bourgeoisie, les unifier réellement dans des Comités d’action et concentrer tout le pouvoir, par la dictature du prolétariat, entre les mains de la classe ouvrière.
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LE PROGRAMME TRANSITOIRE

Le plus important c’est de comprendre les rapports objectifs qui existent entre la lutte révolutionnaire des travailleurs et les intérêts des autres couches exploitées et opprimées de la population. Quand le prolétariat soutient les autres couches exploitées contre leurs exploiteurs, ce n’est pas là de sa part une "ruse" destinée à se faire des alliés temporaires pour mettre la main sur le pouvoir et le concentrer définitivement entre ses mains vis-à-vis d’elles ; la dictature du prolétariat ne peut pas représenter un nouveau pouvoir oppresseur. Le soutien par le prolétariat des autres exploités (quelle que soit la forme de cette exploitation), découle tout naturellement de la nature des intérêts de la classe ouvrière elle-même. Celle-ci ne peut pas lutter contre sa propre exploitation sans affranchir en même temps à tout jamais l’humanité entière de toute exploitation et de toute oppression. La classe ouvrière ne lutte pas pour s’emparer pour elle seulement des moyens de production et donc exploiter par ce moyen la société. En luttant pour l’expropriation de la bourgeoisie, elle n’arrache les moyens de production à celle-ci que pour effectuer leur retour à la société entière. La dictature du prolétariat n’est qu’une forme politique de lutte contre la bourgeoisie dépossédée, c’est un organe de la majorité des travailleurs contre la minorité d’exploiteurs, c’est un organe qui se dissout de lui-même au fur et à mesure que la société devient harmonieuse par la disparition des classes.
Luttant pour leurs revendications, les travailleurs s’affirment donc tout naturellement les champions de tous les exploités et opprimés. C’est eux qui représentent la nation en face d’une minorité de rapaces exploiteurs, si par nation l’on entend les travailleurs des villes et des campagnes sans le sommet exploiteur. Mais le prolétariat à notre époque impérialiste ne peut pas faire prévaloir effectivement les intérêts de la véritable nation travailleuse dans le cadre des frontières capitalistes. Ce n’est que par le renversement de la bourgeoisie dans tous les pays, par les Etats-Unis Socialistes du Monde, que pourront être émancipés les exploités de chaque pays, donc de France. Voilà le point fondamental du programme politique de la classe ouvrière. Dans la pratique bien entendu, ce point du programme ne sera que l’aboutissement final de toute une série d’objectifs économiques et politiques TRANSITOIRES.
Voici les principaux de ces objectifs :
Pour mobiliser en premier lieu la classe ouvrière, il faut lutter pour du travail et une existence digne pour tous, c’est-à-dire l’échelle mobile des salaires, l’échelle mobile des heures de travail (pas de travail excessif d’un côté et le chômage de l’autre, mais répartition du travail existant entre tous les travailleurs), un salaire minimum réellement vital. L’expérience propre des travailleurs leur montrera que le capitalisme ne peut en aucun cas les laisser vivre et ils comprendront la nécessité de s’organiser non seulement dans les Syndicats mais aussi dans les Comités d’usine.
Ceux-ci exigeront : l’abolition du secret commercial (qui constitue le droit divin du patron) et le contrôle ouvrier sur l’industrie dans le but de comprendre d’où viennent les maux qui accablent les travailleurs et que les capitalistes attribuent à la pluie et au beau temps.
L’expropriation de certains groupes de capitalistes, comme le Métro, les chemins de fer, les mines, la production d’énergie, la grosse industrie, l’industrie de guerre. Cet objectif s’impose tellement à l’heure actuelle que le gouvernement capitaliste dépense beaucoup d’encre et procède à beaucoup de mise en scène ("nationalisations", etc...) pour sauver les trusts et les monopoleurs : c’est au prolétariat révolutionnaire de montrer que seul il est capable de réaliser cette expropriation.
La confiscation de tous les bénéfices de guerre, l’expropriation des banques et l’étatisation du système de crédit. Les opérations financières du gouvernement tombent lourdement sur toutes les couches pauvres (avant tout sur les petits rentiers) ; la confiscation des bénéfices de guerre résoudrait les difficultés financières sans accabler la population laborieuse.
La petite bourgeoisie, c’est-à-dire les petites gens des villes et les paysans, est aussi immédiatement intéressée à ces mesures. Enfin les paysans ne seraient plus les éternelles victimes des banques et des spéculateurs de la Bourse. L’alliance entre la ville et la campagne deviendra possible par la suppression des intermédiaires capitalistes qui grugent les paysans et affament les villes. L’échange direct entre les travailleurs producteurs de produits industriels et les paysans rendra la prospérité aux uns comme aux autres, par le soutien des paysans pauvres (crédit à bon marché), l’abolition des hypothèques qui ont remis aux banques la propriété des paysans, le soutien d’un programme de revendications pour les prolétaires agricoles.
Pour mobiliser les femmes et la jeunesse travailleuses, il faut exiger : A travail égal, salaire égal ! Droits politiques intégraux pour les femmes, les jeunes et les soldats !
Soutien des travailleurs immigrés et coloniaux, en premier lieu par la revendication du Statut légal.
Droits démocratiques élémentaires pour tous, comme le droit de grève, d’association, d’expression. Liberté de la presse par la suppression de l’autorisation préalable, de la censure, du monopole des trusts et la répartition proportionnelle du papier par chaque groupe de citoyens constitué.
Ces revendications permettront la mobilisation de toutes les couches exploitées et opprimées autour du prolétariat ; mais elle se heurtera à la résistance du pouvoir de la bourgeoisie, c’est-à-dire de son Etat. Pour lutter contre cet Etat, les révolutionnaires appelleront les masses en lutte à créer leurs propres organes du pouvoir, les Conseils ; par les Milices ouvrières et l’armement du prolétariat, ils lutteront pour le Gouvernement ouvrier et paysan, expression directe et exclusive de ces Conseils. L’ancien appareil étatique de la bourgeoisie ne peut pas être utilisé par les travailleurs. La destruction de la police, de la bureaucratie, etc..., organes de la bourgeoisie qui écrase les masses, enlèvera à celle-ci ses moyens de domination politique.
Ce programme est-il possible ? demandera le sceptique. N’est-il pas trop radical ? Ne pourrait-on se contenter de solutions plus "raisonnables" ? Par ces questions, le sceptique (imbu d’esprit petit-bourgeois) montre qu’il n’a rien compris à notre époque qui est celle des monopoles capitalistes, de l’impérialisme économique. Il faut évidemment une grande énergie révolutionnaire aux masses pour que la réalisation d’un tel programme soit possible. Et les sceptiques voient seulement que les 9/10ème du temps les masses ne déploient pas d’énergie révolutionnaire. Mais c’est seulement parce que la révolution est l’aboutissement historique d’une foule de processus cachés en temps "normal", "pacifique".
La guerre impérialiste a mené la société à un point où il n’est plus possible de vivre comme par le passé. Les masses sont de plus en plus contraintes par la situation objective de trouver en elles l’énergie nécessaire pour se mettre en mouvement. Si les révolutionnaires ont "tort" les 9/10ème du temps, c’est seulement pour avoir raison au moment de la révolution. Celle-ci développe son rythme impétueux en un temps relativement court. Mais cette période suffit pour émanciper à tout jamais l’humanité entière. Voilà pourquoi travailler minutieusement et attendre patiemment son heure sont les qualités les plus précieuses d’un révolutionnaire. Voilà pourquoi aussi, quand la révolution prolétarienne en France les appellera à l’action directe, les partisans de la IVème Internationale seront armés de pied en cap idéologiquement et matériellement pour vaincre l’ennemi capitaliste.

CONTRE LE COURANT

La continuation de la parution clandestine de notre journal au moment où la CGT, le PC et le PS sont "reconnus" par le nouveau gouvernement, pourrait étonner les travailleurs qui ont conservé la foi dans la "légalité républicaine". Rappelons à ces travailleurs, les plus nombreux, que le régime "républicain" couronné par les décrets-lois scélérats de 1939-1940 – toujours en vigueur – soumet la presse à un contrôle qui rend impossible toute expression vraiment libre et réprime férocement tout mouvement ouvrier anti-militariste.
La clandestinité ne date pas de l’occupation allemande. En 1939-1940, malgré la légalité d’une CGT et d’un PS social-patriotes, le PC, qui combattait alors la politique de guerre des gouvernements Daladier et Reynaud, n’était-il pas dans la plus stricte illégalité ? Ses militants n’étaient-ils pas traqués, emprisonnés, torturés par milliers ? La mise à mort pour activité communiste n’avait-elle pas commencée sous le régime républicain dont se réclame De Gaulle ? Si aujourd’hui le PC est redevenu légal, c’est uniquement parce que, comme la CGT et le PS, il livre les travailleurs à la bourgeoisie comme chair à canon pour la poursuite de la guerre impérialiste.
Nous étions aussi, nous Trotskystes, illégaux dès septembre 1939, parce qu’il nous fallait conserver notre entière liberté de mouvement pour combattre la guerre de brigandage impérialiste que notre bourgeoisie avait décidé de mener, guerre qui ne pouvait conduire les peuples de France et de tous les pays qu’aux catastrophes sans nombre dont aujourd’hui encore on ne voit pas la fin.
Et cette indépendance du contrôle bourgeois, c’est-à-dire la clandestinité, nous est comme avant nécessaire, car nous restons fidèles à notre tâche. Ce n’est pas au nom d’un soi-disant "intérêt commun", "national", des masses travailleuses françaises avec la bourgeoisie, que nous avons combattu Hitler et sa machine de guerre impérialiste. C’est au nom de la solidarité internationale des travailleurs que nous avons combattu et la bourgeoisie française, et l’impérialisme allemand. Nous continuons aujourd’hui, quelles que soient les difficultés et les hésitations, quelle que soit l’éventuelle incompréhension de certains ouvriers arriérés. Les événements montreront que nous ne faisons que remplir notre devoir envers la classe ouvrière internationale et en premier lieu envers la classe ouvrière française. Car, sans la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile, sans le renversement de la bourgeoisie, cette guerre sera suivie à bref délai d’autres guerres. (Lénine).

La bourgeoisie essaie aujourd’hui de manœuvrer le mouvement de la IVème Internationale en France en accordant l’autorisation de paraître légalement à un journal qui s’en réclame. Cette manœuvre, nous la dénonçons et nous dénonçons aussi la compromission de ceux qui croient lutter réellement contre la guerre impérialiste avec l’autorisation et sous le contrôle de la censure bourgeoise.
Car on ne peut lutter vraiment contre la guerre sans appeler les choses par leur véritable nom : la guerre, impérialiste (même faite avec l’appui des social-patriotes) ; nos généraux, des cannibales (comme le dit "l’Inter") ; les gouvernements impérialistes, français allemand, anglais, etc..., les ennemis nº 1 de leurs peuples. Et au moment où la tuerie impérialiste et le chauvinisme déchaîné font des ravages terribles, nous ne pouvons pas un instant cesser d’appeler, AVANT TOUT, les soldats des pays belligérants à faire entre nous, travailleurs, la trêve, et la guerre aux tyrans !

Nous utiliserons toutes les possibilités qu’offre la légalité des organisations ouvrières social-patriotes pour renforcer notre mouvement et atteindre les couches les plus larges des travailleurs. Mais si la Lutte de Classes continue, elle, à paraître clandestinement, ce sera jusqu’au moment où les masses ouvrières, convaincues par les faits de l’impossibilité de supporter plus longtemps un régime d’oppression, de misère et de guerre, dresseront devant le pouvoir de la bourgeoisie leur propre pouvoir, le pouvoir des Conseils d’ouvriers et de paysans. ALORS SEULEMENT LES TRAVAILLEURS POURRONT TROUVER DANS LA PRESSE LEGALE LEUR PROPRE PRESSE !

"NATIONALISATION" OU EXPROPRIATION ?

De tous les côtés les hommes des trusts se posent en champions de l’élimination des monopoles et des trusts. Mais quand on y regarde de plus près, on s’aperçoit qu’ici, comme dans tous les autres domaines, la démagogie des hommes des trusts cache leurs intentions d’oppression et d’exploitation du peuple. Ainsi, le programme du C.N.R. approuvé par De Gaulle, ne demande, en tant que mesure contre les trusts, que "l’établissement d’un impôt progressif sur les bénéfices de guerre et plus généralement sur les gains réalisés au détriment du peuple et de la nation pendant la période d’occupation". En outre, "le retour à la nation – mais il n’est pas indiqué comment – des grands moyens de production monopolisés (sources d’énergie, richesses du sous-sol, compagnies d’assurances, grandes banques)". Mais par ailleurs une voix autorisée déclare : "les nationalisations seront des cas d’espèce".
Tout le monde se rappelle encore la comédie des nationalisations de 1936. Encore moins qu’alors les hommes des trusts veulent éliminer leurs maîtres. Si la classe ouvrière veut chasser ceux qui ont mené l’humanité à la catastrophe, elle doit imposer L’EXPROPRIATION SANS RACHAT des grandes compagnies monopoleuses. Pour cette tâche les ouvriers ne doivent faire foi à aucune promesse démagogique, tendant surtout à les éliminer de l’action. L’Humanité écrit : "de la police, en particulier, les milieux nationaux attendent qu’elle sache déjouer toutes les provocations du Comité des Forges" (7/9/44). Quelle dérision ! Ce n’est pas à la police, corps spécialement entretenu par la bourgeoisie pour sa défense, c’est aux ouvriers, dans les usines, les mines et sur les chantiers d’imposer leur contrôle aux capitalistes, en vue de l’expropriation sans rachat ! VIVE LE CONTROLE OUVRIER !

La politique internationale

LE CHOIX QU’IL FAUT FAIRE ...

"La France aussi DOIT occuper l’Allemagne... la France y a un droit particulier" ...
C’est ainsi que quotidiennement l’Humanité revendique pour la France le droit à l’occupation de l’Allemagne. Les staliniens d’aujourd’hui ne peuvent pas plus brutalement et plus cyniquement renier le communisme de la période héroïque, quand, en 1923, la bourgeoisie poursuivait comme criminels l’Humanité pour ses campagnes de presse et les militants du PC pour leurs manifestations contre l’occupation de la Ruhr !
Mais, le rédacteur de l’Humanité se "plaint" par ailleurs et "dénonce" avec une grande vigueur certains projets anglais et américains visant à faire des pays d’Europe occidentale, et de la France en particulier, une "tête de pont" de l’Angleterre et des Etats-Unis.
La "politique" extérieure de Magnien a de quoi satisfaire les aspirations les plus profondes du petit-bourgeois obtus : opprimer soi-même au nom de la "Justice", et crier à l’injustice si LES MEMES exigences impérialistes le touchent lui-même. Car il est évident que l’occupation de l’Allemagne par les Anglo-Américains, avec ou sans la coopération de la France, implique le contrôle de la France. C’est uniquement en contrôlant la France, la Belgique et la Hollande que les Anglo-Américains peuvent établir politiquement et techniquement leur contrôle sur l’Allemagne.
D’ailleurs, d’une façon générale, le capitalisme à son stade impérialiste a non seulement séparé le monde en pays exploiteurs et pays exploités (peuples coloniaux, etc...), mais aussi a soumis les impérialistes plus faibles (Hollande, Belgique, Italie, France, etc...) à la puissance impérialiste mondiale que sont les Etats-Unis. Et Magnien lui-même le reconnaît quand il écrit : "on sait qu’elle-même (l’Angleterre, qui doit contrôler l’Occident européen) sera dans une certaine mesure dans la dépendance de l’Amérique".

D’autre part, la grande question agitée par la presse patriote, c’est le droit pour la France de décider avec les alliés dans les négociations de paix. A cela on répond : "ayez une force matérielle à la hauteur de vos revendications, et après nous verrons..." Ainsi, la Résistance nous avait trompés quand elle prétendait qu’en "se libérant elle-même" la France acquérait des droits et retrouverait une place prédominante dans le camp allié. Cela n’était qu’un début. Le pays appauvri, ruiné, saigné par cinq années de guerre aura une place non pas en raison des sacrifices apportés à la cause alliée, mais "SUIVANT LE RAPPORT DE FORCES" (Lénine), comme cela se passe entre brigands pour partager le butin.
Et voilà pourquoi à nouveau du sang doit être versé non seulement en Europe, mais aussi en Extrême-Orient et partout où l’impérialisme français voudra imposer ses "droits".
Ce n’est donc qu’en s’arrachant aux combinaisons impérialistes, ce n’est qu’en renonçant à se faire l’instrument de la politique impérialiste, ce n’est qu’en renonçant à vouloir opprimer d’autres peuples, que la classe ouvrière arrachera la France à de telles combinaisons et aux maux qui s’en suivent. Si la France doit occuper un jour une place d’honneur dans la grande famille des nations du globe, ce n’est plus en tant que puissance impérialiste, mais par la contribution importante qu’elle aura apportée à la libération définitive du genre humain, à l’établissement de la société socialiste.
A l’alliance avec les impérialistes, substituons l’alliance entre tous les opprimés : A BAS LES SOCIAL-IMPERIALISTES ! VIVENT LES ETATS-UNIS SOCIALISTES D’EUROPE.

POUR UNE VERITABLE DEMOCRATIE !

Dans l’Humanité du 7/9 Marty avoue : La 5ème colonne est entièrement maîtresse des postes décisifs en Afrique du Nord... La 5ème colonne est en majorité dans tous les postes dirigeants de la production industrielle et agricole, des transports par mer et par terre, des administrations. Elle influence même l’armée et la marine. Elle se renforce journellement".
Le 9/9 Marty déclare : "nous ne voulons pas voir ici ce qui se passe en Corse, où, un an après la libération du territoire, rien ne s’est amélioré dans aucun domaine".
Et il s’adresse au gouvernement – le même, celui de De Gaulle – avec cette demande : "l’épuration doit être menée sans faiblesse ici, à Paris, et sans attendre. Demain, il serait trop tard" (l’Humanité, 7/9).
Cependant à Paris et dans la Métropole :
1º L’"épuration", du ressort des cours de justice bourgeoises, n’a aucun caractère de répression vis-à-vis des capitalistes. Mais par ailleurs L’AMNISTIE N’EST PAS ACCORDEE POUR LES DELITS DE 1939-1940 qui marquent encore, pour la justice, seule légale, de la bourgeoisie, des dizaines de milliers de travailleurs communistes.
2º TOUS les leviers de commande économiques (donc politiques) restent aux mains des capitalistes. La situation des masses travailleuses dépend entièrement de leurs décisions. Les "nationalisations" ne sont qu’une phrase.
3º L’état de siège est maintenu et confirmé. En conséquence L’AUTORITE MILITAIRE décide en fait du droit de presse et de réunion. La censure subsiste.
4º La loi du 18 avril 1938 interdisant le port d’armes aux citoyens est confirmée. Cette mesure n’est pas dirigée contre les fascistes, mais contre les ouvriers, car :
a) des attaques à main armée contre les mairies de gauche des XVIIème et XIXème arrondissements, et des tentatives de désarmement des FTP ont été dirigées par les forces officielles de l’ordre, police, garde-mobile (l’Humanité, 15/9).
b) des troupes d’assaut spéciales sont mises sur pied contre les organisations ouvrières (l’Humanité 15/9) sans que le gouvernement s’en émeuve.
Donc, tandis que l’Humanité envoie les travailleurs mourir pour les capitalistes sur les champs de bataille, la bourgeoisie prépare son attaque contre la classe ouvrière.
DRESSONS NOS MILICES OUVRIERES D’USINE ET DE QUARTIER CONTRE LES TENTATIVES DE LA BOURGEOISIE. ARMONS-NOUS ! AYONS NOS PROPRES DEPOTS D’ARMES ! Forgeons le front unique prolétarien pour la défense des exploités, pour la conquête de la véritable liberté : A BAS LA CENSURE ! A BAS L’ETAT DE SIEGE ! A BAS LES COURS MARTIALES ANTI-PROLETARIENNES ! A BAS LES DECRETS-LOIS SCELERATS DE 1938-1940 !

LA LUTTE DE CLASSES nº 38 Organe de l’Union Communiste (IVème Internationale)
Barta

5 novembre 1944

"La bourgeoisie a mené sa société à une banqueroute complète. Elle n’est capable d’assurer au peuple ni le pain ni la paix. C’est précisément pourquoi elle ne peut supporter plus longtemps l’ordre démocratique. Elle est contrainte d’écraser les ouvriers à l’aide de la violence physique". (L. Trotsky, Où va la France)


Devant le coup de force gouvernemental

DRESSONS NOS COMITES OUVRIERS !

FORMONS LES MILICES OUVRIERES !

Par un coup de force, le gouvernement vient de décider le désarmement des milices patriotiques. Dans le camp de la "Résistance" cela a entraîné l’approbation des uns (les bourgeois de "l’ordre") et la protestation platonique des autres (Saillant, les socialistes). L’Humanité proteste "vigoureusement", mais ce n’est quand même en fin de compte qu’une protestation.
Le gouvernement déclare avoir pris cette mesure afin de mettre les milices patriotiques sous le contrôle direct de l’armée et de la police de l’Etat. Ceci étant justifié par le maintien de "l’ordre".
Pourtant, Saillant a déclaré que le C.N.R. projetait de transformer les milices patriotiques en "gardes civiques et républicaines". Et l’Humanité n’a jamais cessé de répéter : "les milices patriotiques ne désirent rien d’autre qu’une collaboration disciplinée avec les Autorités et une collaboration confiante et amicale avec la police rénovée" (30/8/44).
Mais si les milices patriotiques ne sont effectivement qu’une "garde civique et républicaine", dévouée aux intérêts de la patrie, dont le gouvernement est actuellement le maître, POURQUOI CE GOUVERNEMENT PREND-IL CONTRE CELLES-CI DES MESURES DE FORCE ?
"C’est la 5ème colonne !", disent les staliniens. Mais comment un groupe de traîtres et d’espions, formant cette fameuse "5ème colonne" pourrait-il imposer au gouvernement "démocratique" des mesures auxquelles les forces politiques de la Résistance seraient opposées ? OU ALORS IL FAUT AVOUER OUVERTEMENT QUE C’EST LA "5ème COLONNE" QUI EST LE MAITRE DE L’ETAT, et non pas la "démocratie" !
En réalité, ces mesures ont été prises parce que l’Etat bourgeois, même s’il s’intitule "démocratique et républicain", ne peut tolérer aucune force armée qui soit indépendante de lui, sauf les groupements directement aux ordres de la bourgeoisie (fascistes, briseurs de grève, gardes du corps, etc...).
Or, les milices patriotiques sont composées en majorité d’ouvriers, d’exploités qui bien que prisonniers de la politique d’union sacrée des social-patriotes, aspirent quand même à l’abolition de l’injustice et de l’inégalité, à l’amélioration de leur sort. C’est cela pour eux, la défense de la patrie. Mais la patrie bourgeoise ne peut se sauvegarder à l’aide d’un tel patriotisme. La guerre qu’elle mène est une guerre pour l’exploitation de son propre peuple et de peuples plus faibles. Pour mener une guerre de rapine, on ne peut pas tolérer à l’intérieur le désir d’émancipation des esclaves, il faut que les instruments de REPRESSION et de COMMANDEMENT soient bien dans les mains de la bourgeoisie et qu’elle puisse s’en servir à sa guise.
La guerre patriotique mobilisant l’enthousiasme des masses et donnant satisfaction à leurs aspirations n’est possible que si la classe capitaliste a été d’abord renversée et qu’elle n’est plus maître dans le pays. L’Humanité veut mobiliser les ouvriers pour cette guerre des capitalistes, en nous donnant l’exemple de la Russie ou de la Révolution française. Mais la Russie est un pays où la Révolution prolétarienne et la guerre civile ont mis fin au règne des capitalistes. Quant à la France, il est question de la Révolution d’il y a 150 ans, où la bourgeoisie révolutionnaire renversait la féodalité. Mais aujourd’hui c’est la bourgeoisie qu’il s’agit de renverser. Sa domination étant chancelante, la bourgeoisie craint comme la peste tout véritable mouvement d’en bas, même dévié par les social-traîtres vers le patriotisme. En un mot, la bourgeoisie nous frappe uniquement parce que nous sommes des ouvriers et que nos intérêts sont naturellement tout à l’opposé des siens.

Duclos se plaint dans l’Humanité du 31/10 que nous allons vers un "régime pétainiste sans Pétain", que les lois dites républicaines, appliquées par le gouvernement de De Gaulle, ne sont que les lois anti-ouvrières féroces de Daladier. Mais pourquoi alors les staliniens ont-ils fait alliance, et engagé par là la classe ouvrière, avec De Gaulle, le chef de ce pétainisme ? Pourquoi ont-il laissé à ce gouvernement pétainiste l’avantage de gagner du temps et de frapper les ouvriers, au lieu de le dénoncer dès le début et de mettre en garde les ouvriers ? Ce pétainisme était-il difficile à prévoir ? Non ! La Lutte de Classesavertissait les travailleurs le 19 septembre 1944 : "De Gaulle affirme s’appuyer sur les lois de la République : mais ces lois de la "République" ce sont les lois scélérates votées depuis 1938 et surtout en 1939-1940 par le Parlement, lois féroces anti-communistes et anti-prolétariennes qui donnent un pouvoir dictatorial au gouvernement bourgeois".
En novembre 1943 notre journal ([n° 20) disait : "la libération du sol de la patrie par De Gaulle et Cie, signifierait que, plus que jamais, le sol, le sous-sol et tout ce qui recouvre le sol de la France, resterait la propriété des capitalistes... Or, le maintien du régime capitaliste... signifie non seulement le maintien de l’esclavage salarié, mais aussi son aggravation avec les bas salaires et le chômage comme principaux moyens de la bourgeoisie française pour maintenir son exploitation. Si bien que le soutien du Comité d’Alger par les prétendus socialistes et communistes, en reniant le programme socialiste de l’EXPROPRIATION DES EXPROPRIATEURS, doit mener le peuple français à une nouvelle série de souffrances".
Si la classe ouvrière a besoin d’une direction, d’un Etat-major, c’est bien pour prévoir les événements. Or, tandis que nous écrivions les lignes ci-dessus, le PC engageait les ouvriers dans le sillage de De Gaulle, sous prétexte d’une lutte commune pour la "démocratie" !

Le programme du PC ne se différencie pas du programme du gouvernement de De Gaulle. Le gouvernement veut l’ordre et le calme. L’Humanité dit aussi : "il faut à l’arrière une France calme et détendue dans l’intérêt de la défense intérieure et extérieure" (26/9). Le gouvernement désarme les gardes pour instituer à leur place la préparation paramilitaire de la jeunesse sous le contrôle de l’armée. Mais l’Humanité aussi dit (21/10) : "l’acte le plus révolutionnaire est aujourd’hui de faire la guerre". L’Humanité était pour la reconnaissance du gouvernement De Gaulle par les impérialistes alliés et présentait cette reconnaissance comme une condition de la "grandeur" de la France. Or, le communiqué gouvernemental du 29/10 parle de l’urgence du règlement du problème des milices patriotiques, "eu égard à l’ordre public et à la POSITION INTERNATIONALE du pays" : une des premières conséquences de la reconnaissance, c’est l’exigence des impérialistes alliés pour l’instauration de "l’ordre", c’est-à-dire de l’obéissance aveugle du peuple devant la clique des dirigeants avec laquelle ils traitent.
Les social-patriotes ont tort de se plaindre : le gouvernement bourgeois ne fait qu’appliquer un programme dont ils se sont fait les promoteurs au sein des masses ouvrières. Les social-patriotes sont enchaînés à leur politique gouvernementale d’union sacrée et ne peuvent opposer aucune résistance sérieuse aux projets réactionnaires du gouvernement. Voilà pourquoi toute leur action se borne à des protestations et à des compromis.

Avec le désarmement des gardes patriotiques, c’est toute la politique stalinienne qui fait faillite : "la punition des coupables", "la mise en marche de l’industrie", "la parole au peuple". CAR LE DERNIER CONFLIT REVELE QUE DEVANT LE POUVOIR DE LA BOURGEOISIE LA CLASSE OUVRIERE SE TROUVE DESARMEE ET A LA MERCI DES EXPLOITEURS.
Au coup de force gouvernemental, Duclos répond en appelant les ouvriers à s’engager en masse dans les milices patriotiques placées maintenant sous le contrôle gouvernemental. Mais les ouvriers peuvent-ils faire partie d’un organisme et avoir le sentiment d’y œuvrer pour leur propre cause, quand cet organisme est sous la férule du gouvernement, ennemi de la classe ouvrière ?
On ne peut effacer le bilan de la politique social-patriote qu’en renversant cette politique.
Si les ouvriers et les masses exploitées se sont trouvés impuissants dans toutes les questions vitales, c’est parce que la question du pouvoir a été escamotée par les social-patriotes en faveur de De Gaulle. C’est en liaison avec la création d’un pouvoir qui soit le leur propre, que les masses doivent donc envisager toutes les questions se posant à elles.
Les ouvriers doivent obliger les social-patriotes à poser la question du pouvoir sous l’angle du pouvoir ouvrier, c’est-à-dire :

Les milices ouvrières doivent être formées sur la base du lieu de travail et d’habitation et être indissolublement liées à l’ensemble de la classe ouvrière. Elles doivent avoir comme objectif non pas la défense de "l’ordre" en général, mais la défense des usines contre les attaques fascistes, la défense des grèves, des réunions, des syndicats ouvriers, des organisations et de la presse ouvrières. Elles doivent montrer devant le gouvernement une résolution inébranlable, qui seule peut imposer le respect à celui-ci.
Ce n’est que si les Milices se posent des objectifs spécifiquement ouvriers, concernant les intérêts des classes exploitées et non de la nation en général (c’est-à-dire d’abord de la bourgeoisie), que les millions de travailleurs auront la confiance et le dévouement nécessaires pour mettre en échec les tentatives réactionnaires de la bourgeoisie.
Une politique prolétarienne, saine, claire sur les tâches à accomplir et les méthodes à suivre, renforcera et resserrera les rangs du prolétariat. Autour du prolétariat uni dans ses Comités, dans une seule et même action pour la défense des opprimés, contre la politique de réaction, de sabotage et d’affamement de la bourgeoisie, contre tout soutien du gouvernement qui est le suppôt de cette bourgeoisie, se rallieront les millions d’opprimés des villes et des campagnes, qui trouveront dans le prolétariat un guide pour leur lutte. La force du camp prolétarien serait alors invincible. Mais si le prolétariat ne montre pas cette cohésion et cette capacité de lutter, la haute bourgeoisie pourra s’emparer des masses petites-bourgeoises pauvres, déçues, désespérées, pour canaliser leur mécontentement contre le prolétariat : ce serait alors le fascisme.
Les travailleurs français comme autrefois les travailleurs d’Allemagne, se trouvent aujourd’hui à la croisée des chemins : vers la défaite, par l’union sacrée, ou vers la victoire, par une lutte de classe pour les intérêts de tous les exploités et opprimés.
VIVENT LES MILICES OUVRIERES !
VIVENT LES COMITES OUVRIERS !

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LA LUTTE DE CLASSES nº 40
Organe de l’Union Communiste (IVème Internationale)
Barta

12 décembre 1944

"Une classe exploitée sans armes mérite d’être traitée en esclave" (Lénine)

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VIVENT LES TRAVAILLEURS GRECS DEFENSEURS DE LA CAUSE PROLETARIENNE !

Après les fusillades de Belgique, le sang coule à flots à Athènes. Qui donc verse ainsi le sang des travailleurs grecs ? Serait-ce les troupes allemandes en retraite, ou la "toute-puissante" 5ème colonne ? Non ! Voilà deux mois que la Grèce a été libérée, et pour autant qu’il a été fait allusion à la 5ème colonne dans les événements de Grèce, c’est seulement pour accuser les travailleurs grecs d’agir précisément sous son commandement !
Ce sont les troupes du général anglais Scobie et les troupes sélectionnées du gouvernement "démocratique" Papandréou qui mitraillent, bombardent, exécutent les travailleurs hellènes.
Devant ces faits d’une brutalité sans fard, les chefs ouvriers (les bureaucrates qui font carrière au nom des ouvriers) nous disent à peu près ceci : "Nos amis" (Huma du 7/12) les Anglais et le gouvernement émigré de Papandréou les mitraillent et ne veulent pas s’appuyer sur le peuple ; cependant l’action de l’ELAS et de l’EAM n’a pas d’autre but que de former un gouvernement "démocratique" (c’est-à-dire en union avec le même Papandréou et pro-allié) !
L’attitude odieuse de ces prétendus "chefs" sera accueillie avec mépris par les travailleurs qui ont appris quelque chose de l’expérience d’avant-guerre et notamment de la défaite de l’Espagne rouge, vendue par les "démocrates" du camp républicain et assassinée avec la complicité de Paris et de Londres.
De même que les événements d’Espagne décidaient de notre propre sort en France, les événements de Belgique et de Grèce nous donnent l’avertissement : "c’est de toi qu’il s’agit dans cette histoire". Car tandis que Churchill, ce pionnier de l’anti-communisme dès 1919, déclare cyniquement aux Communes : "Je persisterai" (dans l’écrasement des travailleurs grecs), les chefs social-patriotes staliniens et "socialistes" nous disent : ce qui se passe en Belgique et en Grèce doit être évité en France. Notre union nous sauvera. En France plus que jamais union !
Mais la crise politique profonde qui ronge les pays d’Europe épuisés par cinq années de guerre et qui a mené aux événements de Grèce et de Belgique, a précisément sa base dans cette "union" prêchée par les chefs social-patriotes : union avec les Daladier de la "démocratie", union avec le camp impérialiste allié. C’est cette union des chefs ouvriers avec De Gaulle et l’intégration de la France dans le camp impérialiste allié qui nous prépare précisément en France des événements semblables à ceux de Grèce et de Belgique.

Pourquoi, ayant à peine succédé à l’Etat-major allemand et aux gouvernements "collaborateurs" belge et grec, les alliés et les gouvernements "démocratiques" se sont-ils mis à tirer sur le peuple ? L’Humanité du 28/11 affecte une grande surprise : "c’est là une chose vraiment incroyable..." Ces "grands camarades" et "guides géniaux" sont-ils donc plus naïfs qu’un journaliste de province ? Bien entendu ils ne sont pas aussi bêtes. S’ils affectent la surprise, c’est uniquement pour faire oublier que ce sont eux qui ont prêché aux peuples la cause alliée et celle des gouvernements "démocratiques" réfugiés à Londres ou au Caire.
Mais nous, qui ne sommes pas de "grands camarades", nous avons clairement averti les travailleurs dans ["Les Leçons d’Italie", le 10 octobre 1943 : "Ce qui se passe dans le Sud de l’Europe depuis le 25 juillet, c’est l’image des événements qui demain déferleront sur tout le continent... Il doit être maintenant clair pour tous les ouvriers que la lutte des masses, à la première occasion favorable, pour la conquête de la paix, du pain et de la liberté, se heurtera non seulement à la résistance de l’impérialisme allemand, mais également à l’impérialisme allié et à la bourgeoisie des différents pays en dépendant".
Entre la démocratie réelle, c’est-à-dire les travailleurs en armes (Lénine disait : une classe exploitée sans armes mérite d’être traitée en esclave) et la domination de la bourgeoisie, de quelque étiquette qu’elle se couvre, il n’y a pas de cohabitation possible. Churchill est certainement un "démocrate", bien plus il est un des chefs de la "démocratie en lutte contre le fascisme". Cependant sur la véritable démocratie, c’est-à-dire les travailleurs armés pour la défense de leurs droits, il s’exprime ainsi : "la dernière chose au monde qui ait le droit de représenter la démocratie, c’est une foule désordonnée, ce sont des bandes armées d’engins meurtriers, qui prétendent faire la loi..." Papandréou lui est non seulement un "démocrate", mais aussi un "socialiste". Cependant, devant les "foules armées", "démocrates" et "socialistes" agissent de la même façon que les SS. La "démocratie" de Churchill et le "socialisme" de Papandréou ne sont que des phrases creuses qui ne peuvent pas nourrir le ventre affamé des exploités ; c’est pourquoi la possession des armes devient une question de vie et de mort pour ces derniers. C’est pourquoi aussi devant les travailleurs "ne voulant plus être traités en esclaves", c’est-à-dire en armes, TOUT "DEMOCRATE" SE SENT UN MUSSOLINI OU UN HITLER. Les gouvernements soi-disant démocratiques au service de la bourgeoisie ne reculent devant rien pour briser l’élan des ouvriers, pour leur enlever les armes seule garantie de leurs droits, pour les soumettre à la discipline aveugle de l’exploitation capitaliste et à la discipline meurtrière de la guerre impérialiste.
Ce sont ces vérités fondamentales que les chefs staliniens s’évertuent à cacher, car elles démasquent leur politique de trahison à l’égard des exploités.
En effet, qu’ont fait les alliés "démocratiques" des staliniens, en Belgique et en Grèce ? En Belgique, Pierlot dont les staliniens se sont fait les garants devant les masses en participant à son premier Ministère, a mené l’attaque appuyé sur la "démocratie" et au nom de la "démocratie". Les sommets démocratiques de ce qu’on appelle la Résistance ont soutenu Pierlot et son action anti-démocratique. La Résistance a ainsi prouvé sa nature contradictoire : en bas, les masses luttant contre l’exploitation, en haut les partisans de l’impérialisme allié faisant dévier la lutte anti-impérialiste des masses en une lutte impérialiste pro-alliée. Le regroupement politique de la "démocratie" officielle contre les masses travailleuses s’est fait avec le même ensemble que celui de la "démocratie" du Front Populaire, de Daladier à Blum, se tournant contre la classe ouvrière (1939-1940) sous prétexte de lutter contre le PC. En Grèce même regroupement des forces : tandis que toute la politique des staliniens consiste à vouloir contraindre Papandréou à maintenir "l’unité démocratique", TOUTE LA "DEMOCRATIE" OFFICIELLE EST DU COTE DE LA REPRESSION, du côté gouvernemental, qui utilise les bandes fascistes armées sous l’occupation allemande, et le général Zervas, général de la Résistance, commande ses troupes contre les ELAS.

Les staliniens ont prêché aux ouvriers la renonciation à leurs revendications qui provoquent – répètent-ils après les capitalistes – le fascisme, pour sauver au moins la démocratie. Les travailleurs ont attendu patiemment les "libérateurs" pour lesquels ils ont versé leur sang, ils ont renoncé à lutter pour leur propre cause, pour se contenter de la démocratie, c’est-à-dire d’un minimum de bien-être et de liberté. Quelle a été l’œuvre des "libérateurs" alliés et des "démocrates" au pouvoir ? Comme le disait le chef stalinien Marty lui-même, dans les territoires "libérés" "nulle part, rien n’a été changé dans aucun domaine". Les instruments de répression créés par les gouvernements soutenus par les Allemands, sont utilisés tels quels par les gouvernements "démocratiques" ; si en Grèce il s’agissait d’une nécessité pressante, en France c’est par mesure de prévoyance que De Gaulle "transforme les G.M.R. (troupes de répression de Vichy) en G.R.S. – groupes républicains de sécurité (sic).
N’avions-nous pas raison d’écrire (

au moment du débarquement) : "...les masses ont subi dans cette guerre tous les plans des impérialistes. Toutes les cliques politiques à leur service nous ont bercés tour à tour de promesses. Mais les travailleurs savent ce que deviennent ces promesses chaque fois qu’ils aident un clan bourgeois contre l’autre : DE LA MITRAILLE POUR LES OPPRIMES QUI RECLAMENT LEUR DROIT A LA VIE".
A propos de l’attitude des staliniens en Belgique, Le Populaire du 6/12 écrit : "Les communistes posent comme condition de leur appui au cabinet Pierlot qu’il n’y aura pas de bloc de puissances occidentales en Europe". Nous avons ici l’explication pourquoi les staliniens, contrairement à ce qu’ils ont fait en Belgique et en Grèce, continuent à participer en France à un gouvernement qui ne se distingue en rien de celui d’un Pierlot ou d’un Papandréou.
Supposons cependant que De Gaulle ne complote pas contre les masses populaires : qu’il ne se fasse pas le paravent derrière lequel se préparent les forces de répression capitalistes, fascistes et autres ; supposons que par l’armée et la police, il veuille seulement maintenir "l’ordre". Cependant comme les 200 familles (grâce à la politique "démocrate" des staliniens) n’ont pas été expropriées, la source du fascisme reste vivante ; tous les jours nous avons la preuve, entre autres par les attentats qui se multiplient, que les bandes anti-ouvrières sont à l’œuvre. Et le gouvernement, même s’il n’est pas complice de cette activité, ne peut en tout cas pas la réprimer car elle est dirigée par les capitalistes, maîtres de l’administration et de tous les leviers de commande économiques. La classe ouvrière exaspérée peut d’un jour à l’autre riposter à ces attaques et descendre dans la rue – comme cela a été fait par l’unanimité du prolétariat le 12 février 1934, à la suite du 6 février. Mais dans un conflit ouvert, où les masses entreraient en lutte directement par leurs propres moyens, celles-ci seraient aux yeux du général De Gaulle, défenseur de "l’ordre", une "foule désordonnée" (voir Churchill) contre laquelle devraient se liguer tous les représentants de la bourgeoisie (en premier lieu le gouvernement et l’Etat-major allié).

Le capitalisme britannique, appuyé sur les gouvernements collaborateurs Pierlot et Papandréou, mène l’attaque en Belgique et en Grèce dans le but de s’assurer, en matant toute opposition politique dans ces pays, des positions stratégiques sur le Continent ("bloc occidental" contre l’URSS). La "neutralité" américaine n’est que la volonté de Roosevelt d’intervenir comme arbitre dans le conflit.
Personne ne s’est élevé effectivement contre l’action de l’impérialisme anglais en Grèce. Cette action il la mène avec l’appui des chefs travaillistes, misérables social-patriotes qui protestent platoniquement, mais assurent Churchill de leur appui inconditionné jusqu’à la victoire, c’est-à-dire jusqu’au triomphe de l’impérialisme.Cependant il n’y a aucune différence entre l’impérialisme anglais et l’impérialisme allemand ; car il n’y a pas d’impérialisme "démocratique" et d’impérialisme fasciste, il n’y a que l’impérialisme, c’est-à-dire la nécessité pour les quelques vieux pays capitalistes à se disputer périodiquement leurs brigandages sur le dos des peuples. La démocratie, en Angleterre, signifie pour les travailleurs anglais le droit de décider toutes les quelques années quels représentants bourgeois les représenteront et opprimeront au Parlement (Marx). Mais les soldats britanniques, malgré l’étiquette démocratique, on le voit en Grèce, accomplissent la tâche commandée par l’Etat-major de la même façon que les soldats allemands. Est-ce qu’ils ont eu la possibilité de protester contre la tâche que leur a commandée Scobie ? Non. Ils sont enchaînés aussi solidement que les soldats allemands au corps des officiers et à l’Etat-major impérialiste, par la discipline militaire, c’est-à-dire les Cours martiales, et l’abrutissement des casernes. Ici comme partout il faut briser les chaînes idéologiques et matérielles qui font du soldat l’esclave du corps des officiers.
Et nous arrivons ainsi à la différence essentielle qui nous sépare nous, les internationalistes, des social-patriotes. Le 19 septembre Duclos dénonçait les Trotskystes comme les agents de l’impérialisme allemand, parce qu’ils mettaient "les Anglais et les Américains sur le même plan que les Boches" et qu’ils blâmaient "les patriotes s’appliquant à descendre les Allemands".
Nous étions contre l’assassinat des soldats allemands enchaînés à leur Etat-major. Nous étions pour une action qui devait unir les travailleurs français aux travailleurs-soldats allemands, pour briser précisément les chaînes matérielles et morales qui attachaient ces derniers à leur Etat-major. Les staliniens étaient pour la lutte sans distinction contre l’occupant, c’est-à-dire pour enchaîner tous ceux qui portaient l’uniforme allemand à la même nécessité de combattre en bloc le peuple français Les staliniens préconiseraient-ils aujourd’hui en Grèce qu’on descende tout Anglais qui combat le peuple grec ? Quant à nous, nous avons exposé plus haut notre conception : elle est de lutter pour l’union et la fraternisation de tous les travailleurs, quel que soit leur uniforme.
Aujourd’hui il est prouvé par les faits que les Trotskystes avaient raison d’identifier les Etats-majors de tous les pays ; l’Etat-major anglais ne diffère en rien de l’Etat-major allemand dans son attitude vis-à-vis des masses travailleuses. Les Trotskystes avaient raison et les chefs staliniens sont de vulgaires calomniateurs. "Les trotskystes", disaient-ils, "sont des agents de la Gestapo parce qu’ils sont contre les alliés". Voilà qu’aujourd’hui, le chef des alliés, Churchill, fort de l’investiture "démocratique" des staliniens, proclame : "Les éléments de l’ELAS (dirigés par les staliniens) qui nous combattent en Grèce sont dirigés par des Allemands".
Les staliniens sont des calomniateurs sans vergogne, mais les Trotskystes ont cent fois raison quand ils accusaient et accusent les staliniens d’être, malgré tous les coups de pied qu’ils en reçoivent, les agents vulgaires et méprisables de l’impérialisme "démocratique" allié.

Le conflit entre la "démocratie" impérialiste et les masses travailleuses en Belgique et surtout en Grèce, quelles qu’en soient les péripéties immédiates, a déjà une signification révolutionnaire décisive dans la marche de la guerre civile qui, comme la guerre, est engendrée constamment par l’impérialisme : ce conflit déchire le voile idéologique ("démocratie contre fascisme") dont se couvrent les brigands capitalistes pour entraîner les masses sur les champs de bataille.
L’influence de ce conflit ne se limite pas au camp "démocratique" : les travailleurs allemands verront aussi que les peuples d’Europe ne sont pas "anti-boches", mais anti-impérialistes. "L’anti-bochisme n’est qu’une marchandise impérialiste alliée" : les peuples d’Europe qui ont combattu ou qui combattent l’occupation impérialiste allemande, quelles que soient les formules imposées par leurs dirigeants, ne veulent en réalité que se débarrasser de toute exploitation, de toute oppression. "L’Allemagne seule", argument suprême des dirigeants allemands pour la poursuite de la guerre, apparaîtra dès lors aux travailleurs allemands comme une conséquence des relations impérialistes entre les peuples.
Mais si les peuples montrent qu’ils veulent lutter contre le monde impérialiste lui-même, c’est-à-dire gagner la liberté, le pain et la paix contre tous les exploiteurs, dès lors leur union devient, d’une possibilité, un fait déjà existant.
C’est à l’activité révolutionnaire consciente, à la IVème Internationale, d’utiliser ce fait pour mener à la victoire socialiste. Quelle que soit notre faiblesse, les événements travaillent pour nous. Dans la lutte décisive contre l’exploitation barbare et la guerre impérialiste, nous nous renforcerons (et nous nous renforçons déjà), si nous savons exprimer dans notre politique, non pas l’hésitation devant la politique des Partis officiels, mais l’intransigeance et le radicalisme des masses les plus profondes.
Les masses sont cent fois plus à gauche que leurs dirigeants, disait Lénine. Et les travailleurs de Grèce le prouvent effectivement, car ils n’ont pas un instant hésité à combattre les alliés "démocratiques", quand ceux-ci ont montré leur véritable visage.
Dévoiler aux masses, envers et contre tous, le véritable visage de l’impérialisme et de ses serviteurs social-patriotes, être avec elles jusqu’au bout dans la lutte, voilà la tâche des véritables révolutionnaires.
A eux appartient l’avenir, dussent-ils le "payer" des plus grands sacrifices.
En avant avec la IVème Internationale !

 !

LA LUTTE DE CLASSES nº 42
Barta

18 janvier 1945

QUE SE PASSE-T-IL EN AFRIQUE DU NORD ?

Ces temps derniers, certains journaux se sont préoccupés de la situation en Afrique du Nord. Celle-ci est tellement tragique qu’il devenait désormais impossible à la presse "démocrate" de la passer plus longtemps sous silence.
Bien entendu, il ne s’agissait pas pour ces journaux de défendre les indigènes d’Algérie, du Maroc ou de Tunisie, mais de faire appel à la vigilance gouvernementale pour limiter les "abus" ; c’est à cette fin aussi que le C.N.R. décida d’envoyer en Afrique du Nord une "commission d’information".
Cette commission, quoique inoffensive, a été interdite par De Gaulle. Effectivement, à quoi servirait-elle ? Si dans la Métropole le C.N.R. sert de camouflage, d’ornement "démocratique" à la machine gouvernementale bonapartiste de De Gaulle, quel serait son rôle en Afrique du Nord ? Là-bas il ne s’agit nullement d’abus à "réformer", de faire patienter les masses. Un conflit mortel oppose les colons exploiteurs et oppresseurs et les 9/10 de la population indigène. Dans ces conditions, la commission d’enquête du C.N.R., si elle rassurerait "les esprits inquiets" de la Métropole, ne ferait au contraire qu’aggraver la situation politique en Afrique du Nord si elle était prise au sérieux par les indigènes. Car si les indigènes pensaient avoir l’appui de la "démocratie" cela ne pourrait que les inciter encore plus à l’action directe contre les colons.
C’est pourquoi seule la politique des colons est approuvée par le gouvernement : répression colonialiste sans phrases. Ici il n’y a pas de place pour les balivernes du C.N.R. dont l’inutilité devient de plus en plus visible dans la Métropole même, où ses "Comités" (sic) ne font que "suggérer" dans une situation qui appelle de plus en plus une solution radicale.
Cependant, le sort des classes laborieuses de l’Afrique du Nord ne sera pas laissé par les travailleurs de France à la merci du gouvernement de De Gaulle, c’est-à-dire des colons, exploiteurs féroces et fascistes. Les travailleurs savent que si les Nord-Africains sont écrasés par le gouvernement français pour sauver la domination des colons, ceux-ci se serviront de l’Afrique du Nord comme Franco s’est servi des Marocains du Rif : pour écraser les travailleurs de la Métropole et instaurer en France même un régime de terreur ouverte.
La situation en Afrique du Nord
Depuis quatre ans les masses indigènes d’Algérie, de Tunisie et du Maroc sont en proie à la famine et au typhus. L’Afrique du Nord n’a rien à se mettre sur le dos, rien à manger. Des millions d’hommes, de femmes et d’enfants sont en haillons, habillés de chiffons ou de sacs. Il ne s’agit plus pour eux de se vêtir, mais simplement de ne pas choquer la décence. Dans la plupart des familles indigènes, il n’y a qu’un misérable vêtement pour trois ou quatre personnes, vêtement que chacun met à tour de rôle pour sortir.
Quant au ravitaillement, il est inexistant. Les villes où il y a une majorité européenne connaissent les restrictions, mais sont tout de même assurées d’un minimum vital. Mais les campagnes sont littéralement affamées, les campagnes où vivent 95% des indigènes, c’est-à-dire les 9/10 de la population totale. La base de l’alimentation indigène est le couscous. Pour faire du couscous, il faut de la farine. Or, la ration mensuelle allouée à chaque indigène par le ravitaillement est de 3 kg d’orge ou 3 kg de blé, soit 2 kg 500 de farine pour l’orge et l kg 500 à 2 kg pour le blé. Cela représente une moyenne de 50 g. de pain par jour. Il faut ajouter qu’ils n’ont souvent rien d’autre pour compléter cette maigre pitance : peu de légumes, pas de viande. On peut penser que s’ils recevaient pour toute nourriture nos 350 g de pain quotidiens, ils croiraient nager dans l’abondance, tant leur misère est effroyable ! Avant la guerre, le minimum vital pour chaque individu était de 20 à 25 kg de farine par mois. La ration actuelle représente donc à peine les 10% du minimum. De plus, les distributions se font là-bas d’une façon très irrégulière, avec des retards de 2 à 3 mois.
Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner si à l’heure actuelle, comme on l’écrit là-bas, des millions d’êtres humains vivent comme des bêtes, se nourrissent d’herbes et de racines. Il ne faut pas s’étonner si le typhus, "maladie de carence" par excellence, fait rage en Afrique du Nord. Et cela depuis quatre ans ! On estime que dans la seule Algérie il y a eu plus de 30.000 victimes en 1940-1941. Et depuis le nombre des morts par le typhus n’a fait que s’accroître. Tout récemment il y a eu 33 morts en une seule nuit dans un petit village de quelques centaines d’habitants. Un village kabyle qui comprenait 1400 habitants n’en compte plus que 300, soit 1100 victimes. Et pourtant dans la masse, la Kabylie était une des régions les plus résistantes aux épidémies. Mais aujourd’hui le typhus, compagnon inévitable de la famine, n’est pas localisé, il est général.
Jusqu’en 1942 on pouvait penser que cela était le fruit de la politique de Vichy, qui faisait des prélèvements massifs sur l’économie nord-africaine. Mais depuis, ce pays aurait dû connaître les bienfaits de l’intervention américaine, une avalanche de cotonnades et de corned-beef. Or il n’en a rien été et la situation des masses indigènes, comme en France, s’est encore aggravée.
Qu’est-ce que cela veut dire ? Sans doute il serait très facile aux Américains, avec quelques bateaux, de ravitailler les populations nord-africaines. Et les nécessités de la guerre ne sont pas telles qu’elles rendent impossible l’organisation d’un trafic aussi réduit. Mais voilà !
L’impérialisme américain a des visées sur l’Afrique du Nord, et comme l’impérialisme français n’entend ni céder sa place ni composer, il fait crever l’indigène sans l’ombre d’un regret.
Le sort tragique des peuples nord-africains est donc un aspect de la lutte impérialiste. Mais il est d’abord l’aboutissement d’une exploitation impérialiste conduite d’une façon systématique et impitoyable.
En effet, est-ce que les ressources de l’Afrique du Nord ne devraient pas lui permettre de nourrir largement toute sa population ? Sans aucun doute il y a là-bas de tout pour tous. Autrefois, avant la conquête française, l’ensemble de la population nord-africaine était formée de petits et moyens paysans tirant de leurs terres des ressources suffisantes pour leur subsistance. Mais les colons français ont exproprié l’indigène sur une large échelle et réduit les 9/10 de la population à une condition prolétarienne. Elle a abouti à l’extrême paupérisation des masses indigènes et à l’énorme enrichissement des gros colons.
L’exemple le plus typique est celui de l’Algérie. En moins d’un siècle la propriété indigène y est passée de 16 millions d’ha à 7 millions. L’Etat colonial et les gros colons se sont donc approprié 9 millions d’ha. Trois mille gros colons y possèdent près de 2 millions d’ha, c’est-à-dire autant qu’un million et demi de propriétaires indigènes. Six gros vignerons y récoltent plus de 3 millions d’hectolitres de vin. Certaines entreprises capitalistes y possèdent plus de 50.000 ha de terre. Au contraire, 70% de la paysannerie indigène n’ont qu’une moyenne de 2 ha de mauvaises terres.
Ainsi, le résultat le plus évident de la colonisation française est la constitution d’une "féodalité" terrienne et économique vivant de l’exploitation intensive des masses indigènes préalablement expropriées et prolétarisées.
Aujourd’hui 99% des populations indigènes de l’Afrique du Nord sont formées d’ouvriers agricoles, de demi-fellahs et de travailleurs, qui n’ont d’autre ressource que leurs bras pour gagner le pain de leurs nombreuses familles. Il s’est donc constitué dans ce pays une abondante main-d’œuvre qui a longtemps permis aux capitalistes et aux trusts coloniaux de pratiquer une politique de bas salaires : de 3 à 10 frs par journée de 12 à 14 heures de travail.
Avec un salaire journalier de 10 frs, comment nourrir et habiller une famille de 5 personnes, alors que le quintal de blé coûtait 180 frs, le mètre d’étoffe 20 frs, une paire de chaussures 50 à 100 frs ? Aussi bien, la plupart des indigènes se nourrissaient-ils d’orge et de glands, sans manger toujours à leur faim. Ils allaient pieds-nus ou chaussés d’espadrilles et s’achetaient une gandoura par an, qu’ils portaient jusqu’à usure complète.
Donc en temps normal, l’indigène était sous-alimenté et misérablement vêtu. Il n’avait aucune réserve alimentaire ni vestimentaire. Qu’une mauvaise récolte survienne et la faim se transforme en famine et appelle le typhus. La guerre actuelle a eu ainsi pour effet d’aggraver et de généraliser jusqu’à la catastrophe un état de choses endémique, conséquence inéluctable de l’exploitation impérialiste.
Et pourtant il y a encore du blé dans les silos des gros colons et des grosses sociétés. Mais ils ne le livrent pas et l’administration locale qui leur est entièrement dévouée, les laisse faire. Ils préfèrent le vendre au marché noir. Mais ils préfèrent voir le fellah crever de faim, dans l’espoir de le pousser à la révolte, puis d’amener le gouvernement à pratiquer une bonne répression. Et à la faveur de cette répression ils espèrent faire avorter tout projet de réforme en faveur de l’indigène et surtout obtenir un retour à la politique des bas salaires, aux 5 ou 6 francs journaliers d’avant-guerre qui leur assuraient de si substantiels bénéfices.

Telle est la situation de l’Afrique du Nord. Exploitée à outrance par les colons et les capitalistes français maîtres de l’administration, elle ne peut renaître à la vie que par l’expulsion des intrus qui absorbent toute sa substance vitale. C’est ce que veulent les indigènes : c’est-à-dire l’indépendance de l’Afrique du Nord. Il y a là-bas une haine farouche et générale pour l’exploiteur français. Les mouvements nationalistes nord-africains ont pris une ampleur extraordinaire ; des troubles se produisent un peu partout et l’on parle même de l’existence d’un maquis.
Mais, nous répondra-t-on (et c’est un argument souvent invoqué par les chefs staliniens pour expliquer pourquoi ils ne soutiennent plus les Abd-el-Krim de l’Afrique du Nord), dans le monde capitaliste actuel l’Afrique du Nord ne peut pas être indépendante : si la France n’y était pas ce serait l’Amérique ou l’Angleterre qui prendrait sa place ! Argument d’exploiteurs, de capitalistes : "si ce n’est pas moi qui exploite mon ouvrier, ce sera un autre, qui sera peut-être pire". Mais cet argument ne vaut rien. L’indépendance de l’Afrique du Nord n’est pas un cadeau qui tomberait du ciel aux Nord-Africains. Cette indépendance doit être le résultat d’une lutte acharnée menée par les peuples indigènes et les travailleurs métropolitains contre les 200 familles. Victorieux dans cette lutte, l’appui du prolétariat mondial et des autres peuples coloniaux (qui forment l’énorme majorité de la population du globe) les rendra invincibles.
Le prolétariat de France sait qu’un peuple qui en opprime un autre n’est pas un peuple libre. Il rejette entièrement la responsabilité de l’exploitation des peuples de l’Afrique du Nord sur les 200 familles. Au moment où les impérialistes de France, d’Amérique et d’Angleterre commencent à se prendre aux cheveux pour le pillage de l’Afrique du Nord, il proclame hautement le droit de ces peuples à disposer d’eux-mêmes jusques et y compris la séparation de la France. Les travailleurs français savent maintenant qu’à notre époque on ne peut plus maintenir assujetti un peuple qui veut sa liberté et son indépendance.
Pour le droit de l’Afrique du Nord à disposer d’elle-même !
Pour une COMMISSION D’ENQUETE OUVRIERE IMPOSEE au gouvernement !
Pour l’échange économique avec l’Afrique du Nord par l’expropriation des colons monopoleurs et affameurs des indigènes et de la France !
Travailleurs, l’exploitation des colonies maintient vos propres chaînes ; le colonialisme est une pratique capitaliste ! Sur cette question aussi rompons délibérément et radicalement avec le passé. Ainsi seulement l’avenir nous appartiendra !

1945 Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! – LA LUTTE DE CLASSES – Organe de l’Union Communiste (IVème Internationale)
nº 44 - Troisième année -

LA LUTTE DE CLASSES nº 44
Barta

21 février 1945

QUAND LE "NOUVEL ORDRE EUROPEEN"

DEVIENT LA "DECLARATION DE L’EUROPE LIBEREE"...

"Yalta, c’est le coup décisif contre l’Allemagne", a claironné la propagande alliée à la suite du communiqué final des "Trois". "Le dernier espoir de l’Allemagne fasciste s’en va, grâce à l’entente des "3 grands" sur la future organisation de l’Europe".
Ainsi les commentaires "enthousiastes" révèlent en premier lieu que les sacrifices communs imposés par les "trois" à des centaines de millions d’hommes pour "détruire le fascisme" ne les auraient pas empêchés, en cas de mésentente sur la future "organisation" de l’Europe, c’est-à-dire sur le partage des sphères d’influence, de tendre, chacun pour soi, la main à "l’ennemi". La propagande alliée nous rassure complètement : ce "dernier espoir" de l’Allemagne s’est effondré, car les 3 ont réussi à s’entendre.
Puisque c’est à cette entente sur "l’organisation de l’Europe" par Churchill, Roosevelt et Staline que nous devons "définitivement" (?) la "destruction du fascisme" (allemand), voyons en quoi elle consiste, quel est l’avenir des peuples d’Europe (et du monde) décidé en Crimée.
Le "nouvel ordre européen"
Quand Hitler se mit à découper l’Europe suivant les intérêts des capitalistes allemands, il le fit sous prétexte d’organiser un nouvel ordre européen. Il prétendit même avoir unifié l’Europe, pour la seule raison que le labeur de tous les pays était sucé par les tentacules du capital financier allemand. A la place de l’Europe de 1919, le nouvel ordre européen de Hitler ne représentait qu’une aggravation terrible des maux engendrés par le traité de Versailles : découpage d’Etats nouveaux dans la chair vive des nations, nouvelles barrières douanières, appauvrissement terrible des masses, effondrement des monnaies, croissance monstrueuse du militarisme et de l’oppression policière. Hitler procéda au déplacement forcé de populations engendrant des malheurs effroyables pour les masses, et à la déportation par millions de la main-d’œuvre des pays occupés. Ce plan et cette organisation monstrueux, baptisés "nouvel ordre européen" auraient signifié le rejet de l’Europe dans la barbarie. Ils devaient échouer et ont échoué !
La déclaration de l’Europe libérée"
Que signifie la "déclaration de l’Europe libérée" issue de la Conférence des "trois" ? La déclaration est ornée du mot démocratie et proclame la lutte contre le "nazisme". Mais les "trois" affirment en même temps s’être consultés non seulement dans l’intérêt commun de leurs peuples respectifs, mais aussi de ceux de l’Europe "libérée", dont cependant aucun gouvernement n’a été consulté. La "déclaration" des trois "démocrates" est donc un acte de force contre tous les peuples d’Europe ; elle proclame d’ailleurs que créer les conditions de paix, déterminer la situation économique des peuples, constituer des gouvernements et contrôler les élections en Europe, c’est la tâche et la prérogative exclusive des gouvernements américain, anglais et russe.
Et pratiquement dans l’Europe déjà "libérée", nous trouvons la situation suivante : découpage d’Etats nouveaux dans la chair vive des nations (le sort de la Pologne alliée, voilà le sort projeté de l’Europe de demain), autant de barrières douanières que dans "l’ordre nouveau", appauvrissement terrible des masses, la même inflation monétaire, les mêmes militarisme et oppression policière contre les peuples (Grèce, Belgique, France, etc.). Le déplacement forcé de populations et la déportation des travailleurs sont également prévus (Pologne, Italie et Allemagne, etc...).
Toutes ces "mesures" alliées sont bien entendu, justifiées par le prétexte de la destruction du nazisme. Mais quelle victoire démocratique est celle qui, en détruisant (provisoirement, comme en 1918) l’impérialisme allemand, engendre dans le monde entier les mêmes maux que celui-ci avait déjà produits ? L’entente des "trois" contre le "nazisme" ressuscite, pour tous les peuples d’Europe, le nouvel ordre européen de Hitler, baptisé pour la circonstance "déclaration de l’Europe libérée".
Mais tout comme les plans de Hitler, les plans monstrueux des alliés doivent échouer. Malgré les défaites subies par la classe ouvrière, et par conséquent par les peuples coloniaux et opprimés, devant l’impérialisme, les exploités et les opprimés ont cependant encore l’exemple impérissable de la Révolution soviétique de 1917 qui, quel que soit le sort de celle-ci, empêchera l’humanité de se résigner aux plans impérialistes. Et l’exemple révolutionnaire de 1917 sera d’autant plus vite suivi par les travailleurs du monde entier, que les impérialistes ne cesseront de les mener de catastrophe en catastrophe.
La dictature des "trois" et la paix
En effet, la dictature des "trois" assurera-t-elle au moins la paix du monde ? Tout d’abord, leur union n’existe actuellement que pour en finir avec les rivaux impérialistes allemands et japonais, que les "Forces Unies", d’après les estimations officielles alliées, ne pourront vaincre que dans un ou deux ans ! Et déjà cette union en vue d’en finir avec leurs grands rivaux n’a été possible que sur le dos non seulement des colonies et semi-colonies (y compris la Chine), mais aussi sur celui des moyennes et petites puissances capitalistes (France, Belgique, Hollande, etc...). En supposant que les "trois" puissent maintenir leur union pendant longtemps (chose impossible), le monde ne connaîtra pas la paix, mais une lutte acharnée des peuples contre les trois grands. La résistance de l’Europe aux plans des trois ne sera pas moins forte que la résistance de l’Europe à l’ordre nouveau de Hitler. La Grèce nous en fournit un premier exemple. Serait-ce la paix, un monde livré aux expéditions punitives et aux coups d’Etat militaristes ?
Mais cette union est tellement chancelante, que chacun des trois tient en réserve un système d’alliances avec des moyennes et petites puissances, système qui en cas de conflit entre les trois, divisera automatiquement le monde en blocs antagonistes : bloc occidental (Angleterre), union panaméricaine (USA), sphère d’influence russe, etc... Et la guerre impérialiste déferlera à nouveau (si jamais il y a une courte trêve) sur le monde. Cette politique des blocs inclurait à nouveau les impérialismes vaincus parmi les puissances mondiales, comme le démontre l’existence d’un Comité allemand à Moscou, formé de généraux de la Wehrmacht hier encore soutiens solides de Hitler.
Le monde politique oscille entre la dictature de deux ou trois puissances et des blocs antagonistes, parce que l’économie mondiale est dominée par les capitalistes monopoleurs qui ne peuvent se maintenir qu’en se taillant une part de plus en plus grande dans l’exploitation des richesses matérielles et humaines du globe entier (marchés, pétroles, matières premières, colonies, etc...).
Pour une paix véritablement démocratique
Encore plus qu’en 14-18, cette guerre a été menée sous le couvert idéologique de la lutte de la "démocratie contre le fascisme". Cependant les trois chefs de la guerre "libératrice" ont élaboré à Yalta un projet de paix archi-impérialiste. L’impossibilité d’une cohabitation pacifique et fraternelle par une paix démocratique en régime capitaliste, s’avère ainsi définitivement.
En 1939 les travailleurs ont été vaincus dans leur lutte contre la guerre impérialiste ; après tant de sacrifices consentis dans cette guerre pour les capitalistes, ils doivent au moins gagner la paix, une paix véritablement démocratique.
A bas les "réparations" qui maintiendraient pour des générations, sur le dos des masses pauvres des pays vaincus, des charges écrasantes et dont tout le profit irait dans les poches des capitalistes ;
A bas les déportations de travailleurs !
A bas l’occupation étrangère de territoires, qui engendre des conflits terribles entre les peuples (souvenons-nous de l’occupation de la France) ! L’occupation de l’Allemagne, loin de démocratiser celle-ci, ne ferait au contraire que la maintenir derrière les chefs fascistes.
N’oublions pas que le nazisme (fascisme allemand) est né précisément de la résistance au traité de Versailles, à l’occupation et au découpage de territoires allemands. Cette occupation perpétuerait en outre dans tous les pays les bagnes militaires (casernes et usines militarisées) pour tous les travailleurs !
A bas les frontières capitalistes, à bas les annexions !
Droit des peuples à disposer réellement d’eux-mêmes, en premier lieu pour les colonies et semi-colonies, y compris la séparation de leurs oppresseurs.
Mais que les travailleurs se souviennent que "celui qui promet aux peuples la paix "démocratique" sans prêcher en même temps la révolution socialiste, celui qui nie la lutte pour un but total, la lutte dès le temps de la guerre, celui-là dupe les prolétaires" ! (Lénine).

UNE "INTERNATIONALE" AU SERVICE DES MARCHANDS DE CANONS

A Londres s’est réunie une Conférence mondiale des Syndicats. On présente celle-ci comme une nouvelle force pour protéger la classe ouvrière mondiale contre l’exploitation ; ce qui prouve, par un autre côté, cette vérité élémentaire, qu’à notre époque les conditions de vie des ouvriers d’un pays ne peuvent pas être bonnes quand celles du pays voisin sont mauvaises.
Cependant la presse des capitalistes, contre lesquels cette conférence est donc en principe dirigée, l’approuve en termes élogieux. "Quand nos ennemis nous louent, il faut se demander quelle faute on a fait". C’est ce qu’il faut donc chercher.
A la Conférence de Londres, un représentant de la CGT, Saillant, a déclaré : "nous nous refusons à identifier la classe ouvrière de n’importe quel pays avec les dictatures qui l’ont opprimée". Cependant cette Conférence a été intitulée par ses participants même comme une Conférence des "nations alliées". En dehors de celles-ci, sept pays neutres seulement y participaient. Le principe de la participation des pays "ex-ennemis" (l’Italie par exemple, dont la classe ouvrière mène les magnifiques batailles depuis juillet 1943) a été admis après une discussion laborieuse ; mais "si des délégations se présentent, la commission des mandats jugera si elles seront considérées comme membres de droit ou simples observateurs".
Le mode de convocation de la Conférence de Londres, entre "nations alliées" et jetant l’exclusive sur les pays en guerre avec "nos" gouvernements, dément donc entièrement les paroles de Saillant et stigmatise cette conférence comme n’étant nullement une conférence des travailleurs du monde entier indépendamment de leurs gouvernements, mais comme une conférence de bureaucrates convoqués sur ordre de leur propre bourgeoisie et dans des buts dictés par celle-ci.
Le principal mot-d’ordre de la Conférence a été : "faire la guerre". Dans leur pays respectif, les bureaucrates, grâce à ce mot-d’ordre, aident le patronat à exploiter la classe ouvrière avec la plus grande intensité et à faire mener la guerre de la manière la plus énergique, pour les intérêts du capitalisme. Cependant, à côté de cette unanimité nécessaire à la bourgeoisie de tous les pays (faire la guerre) les bureaucrates se sont divisés sur toutes les autres questions en fonction des intérêts de leur propre gouvernement. Le délégué de la CGT, Dupuis, s’adresse pour le compte de la bourgeoisie française aux impérialistes alliés : "Donnez-nous des armes et des équipements, et nous pouvons mettre en campagne un million d’hommes". Citrine, des Syndicats anglais, défendant le point de vue de la bourgeoisie anglaise, n’est pas pour l’annexion des régions industrielles allemandes à la France, mais pour un contrôle "international" (voir anglo-américain). Les plans impérialistes de dépeçage, de déportation de populations et de main-d’œuvre, de militarisation et d’exploitation accrus ont été approuvés par les délégués. Tous, ils sont pour l’anéantissement de "l’ennemi"... allemand. De même que dans tous les pays, les ouvriers payent les crimes de leur bourgeoisie, les bureaucrates syndicalistes veulent faire payer aux ouvriers allemands les crimes de la bourgeoisie impérialiste allemande.
Les intérêts des ouvriers de tous les pays sont absolument identiques. Le rôle des Syndicats serait d’organiser l’action ouvrière, de prendre des mesures pour qu’au moment où le danger menacerait la classe ouvrière d’un pays, les Syndicats des autres pays prennent sa défense, d’entretenir au sein de la classe ouvrière la solidarité internationale dans la lutte contre le capitalisme. Au lieu de cela, les social-chauvins en défendant les intérêts de leurs capitalistes, spoliateurs, rivaux, impérialistes, perpétuent pour la classe ouvrière son rôle de chair à canon. La politique de la bourgeoisie a toujours été : "Si tu veux la paix (à l’intérieur) prépare la guerre (à l’extérieur)". La politique de la classe ouvrière doit être : "guerre à la guerre", guerre à notre propre bourgeoisie fauteur de guerre.
En échange de leur propagande auprès des ouvriers en faveur de la bourgeoisie, les bureaucrates réclament de celle-ci des bénéfices, non pas pour les ouvriers, mais pour eux-mêmes : quelques sièges dans les conférences bourgeoises de discussion pour l’après-guerre. Ils continueront ainsi l’œuvre de duperie de la classe ouvrière, en entretenant les illusions dans les nouvelles SDN, les nouvelles comédies de pacifisme, la "punition des coupables", etc... jusqu’à la prochaine guerre.
Les bureaucrates staliniens, qui sont pour la dissolution de l’ancienne FSI et la création d’une nouvelle, où leur participation serait plus large, reprochent à l’ancienne Centrale de n’avoir pas su empêcher la guerre. En effet, en propageant devant les ouvriers les mensonges de la "lutte des démocraties contre le fascisme" extérieur, des bourgeoisies "pacifiques" et des bourgeoisies guerrières, en brisant la solidarité ouvrière par la haine nationale, les bureaucrates de la IIème Internationale ont permis à la bourgeoisie de se préparer et de déclencher la guerre. Mais quelle autre politique ont donc menée les staliniens, si ce n’est exactement la même ? Qu’est devenue la IIIème Internationale ? Elle a été dissoute et ses membres s’acoquinent aujourd’hui avec ceux de l’ancienne F.S.I. "qui n’a pas su empêcher la guerre".
Et si les social-chauvins n’ont pas su empêcher la guerre, que font-ils aujourd’hui pour mettre fin au carnage ? Pourquoi la Conférence de Londres n’a-t-elle pas lancé un appel de solidarité à la classe ouvrière allemande qui, en 1933, comptait plusieurs millions de militants socialistes et communistes ? S’il n’y avait eu maintenant qu’une chance sur cent pour que cet appel soit entendu, cela aurait encore valu la peine de le lancer, pour qu’il contribue à épargner le sang et les souffrances de millions d’hommes. Mais les social-chauvins sont les représentants vils de leur bourgeoisie qui veut, en asservissant la classe ouvrière allemande, asservir les ouvriers de tous les pays.
Les Syndicats sont l’œuvre de la classe ouvrière à travers des dizaines d’années de lutte ; ils ne sont pas la propriété des bureaucrates. Les ouvriers sauront défendre leurs syndicats en chassant de leur sein les bureaucrates qui s’arrogent le droit de parler en leur nom pour trahir leurs intérêts. C’est pourquoi aussi les ouvriers conscients ne reconnaîtront pas dans les bureaucrates social-chauvins réunis à Londres leurs porte-parole. Ils lutteront avec énergie dans les syndicats pour que ceux-ci surmontent les tendances contre-révolutionnaires de la bureaucratie et servent au combat émancipateur de la classe ouvrière. C’est dans cette voie qu’ils jetteront les bases d’une véritable internationale Syndicale ouvrière.

LA POLOGNE ENTRE LA TOMBE ET LA PRISON...

Quand en septembre 1939 Hitler attaqua la Pologne, ce fut le pacte liant celle-ci à l’Angleterre qui, par le jeu des alliances (Pologne-Angleterre-France) déclencha la deuxième guerre mondiale. "Le respect de la parole donnée", la "fidélité aux traités", "l’inviolabilité des frontières polonaises", furent invoqués par les gouvernements de Londres et de Paris pour justifier le nouveau massacre.
Quelles étaient ces frontières "inviolables" de la Pologne que tous les partisans de la liberté et de la démocratie devaient soi-disant défendre ?
Le tracé des frontières polonaises par les profiteurs de la première guerre mondiale, les capitalistes de l’Entente, firent de la Pologne le type même de l’Etat réactionnaire. La nation polonaise avait été crucifiée par l’histoire, car depuis 1772 les tsars de Moscou, les empereurs d’Autriche et les rois de Prusse se l’étaient trois fois partagée. Pendant la guerre de 14-18, tant qu’il y eut un tsar en Russie, les alliés, loin de songer à l’indépendance de la Pologne, devaient au contraire livrer à la Russie Constantinople et les Dardanelles. Mais la Révolution prolétarienne victorieuse d’Octobre 17 fit changer la politique des alliés, qui utilisèrent la question polonaise non pas pour libérer la Pologne mais pour en faire un instrument contre les Soviets. C’est ainsi que la Pologne ne fut émancipée que pour se transformer à son tour sous la domination des capitalistes et des hobereaux polonais, en oppresseurs de treize millions de Biélorussiens arrachés à la Russie des Soviets en 1920, d’Allemands (Dantzig) et de minorités nationales, notamment plusieurs millions de Juifs qui subirent de la part des hobereaux polonais le système d’oppression que plus tard Hitler devait porter à la perfection.
C’est cette Pologne disparue en 1939 par l’attaque de Hitler que veut ressusciter la clique capitaliste polonaise de Londres, avec l’appui des alliés. L’avance de l’Armée Rouge a réduit à néant ce plan.
Résolue par la bureaucratie soviétique, la question polonaise fut envisagée par celle-ci suivant un système de sécurité politique et militaire, de modèle capitaliste. La nouvelle Pologne fabriquée à Moscou doit s’étendre en territoire allemand, c’est-à-dire tracer à nouveau des frontières dans la chair vive des nations, dresser les uns contre les autres Polonais et Allemands. Par ce "système" la bureaucratie espère non seulement écraser l’Allemagne, mais maintenir les Polonais sous sa férule. Utilisant dans ce but le Comité polonais dit de Lublin, composé de canailles aussi illustres que celles de Londres, la bureaucratie soviétique infligera à la Pologne, au point de vue national, ce qu’elle a déjà connu dans le passé, tout en maintenant la structure capitaliste de la Pologne !
Pour comprendre la situation ainsi faite à la Pologne, il suffit de rappeler que, voulant plaider l’entente du peuple polonais avec la Russie, Le Populaire citait les paroles suivantes : "Si la Russie est une prison, l’Allemagne est un tombeau".
Mais la Pologne ouvrière et paysanne ne doit pas choisir entre la tombe et la prison. Avec les autres peuples opprimés, avec les exploités du monde entier, les travailleurs polonais prendront la voie de la IVème Internationale. Car cette voie seule, par la révolution mondiale, mène à l’écroulement de l’impérialisme aussi bien allemand qu’allié, et délivrera l’URSS de sa bureaucratie. Dans le cadre des Etats-Unis socialistes d’Europe tendant une main fraternelle à l’URSS régénérée, la Pologne renaîtra à une vie nouvelle et libre. C’est pourquoi la IVème Internationale soutient le droit du peuple polonais à disposer de lui-même non seulement contre les impérialistes de Berlin et de Londres, mais aussi vis-à-vis de la bureaucratie soviétique. Une Pologne capitaliste est vouée définitivement à l’exploitation et à l’oppression ; Vive une Pologne socialiste soviétique, indépendante de la bureaucratie de Moscou  !

"Toute la politique alliée depuis l’automne 1943 donne plutôt l’impression que la révolution interne contre le régime hitlérien leur paraîtrait au fond extrêmement gênante. Ce qu’ils veulent – MEME S’ILS DOIVENT LE PAYER PAR UNE PROLONGATION DE LA GUERRE DE QUELQUES MOIS – est l’anéantissement militaire net et incontestable des armées allemandes..." (Gazette de Lausanne, 14/2/45).

LA LUTTE DE CLASSES nº 47 (numéro spécial) Organe de l’Union Communiste (IVème Internationale).
Barta

08 mai 1945

DE QUI L’INDOCHINE DOIT-ELLE SE LIBERER ?

Depuis que l’impérialisme américain a mis a l’ordre du jour le "trusteeship", moyen par lequel celui-ci veut s’assurer le contrôle des colonies du monde entier, le gouvernement français a "révélé" ses intentions de transformer l’ancien système colonial en une "Union française". Les capitalistes français cherchent, face aux revendications de l’impérialisme américain, à rallier les ouvriers français à une politique colonialiste "style nouveau", celle du "bon patron", du "bon collaborateur". Cette propagande, qui concerne surtout l’Indochine ne représente cependant qu’une nouvelle hypocrisie, parce que ce n’est pas au moyen de phrases nouvelles qu’on peut changer quelque chose à un système qui, pour être "amélioré", demande à être aboli.
Le mot même de colonisation est synonyme de surexploitation, de vol et de terreur. C’est sur cette base que l’impérialisme fonde sa force. C’est de là aussi qu’il tire les surprofits à l’aide desquels il corrompt les "chefs" du mouvement ouvrier officiel, et entretient le lourd et coûteux appareil de répression que les travailleurs de la Métropole voient se dresser devant eux dès qu’ils entrent en lutte contre leurs exploiteurs.
Ce que les capitalistes ont fait en Indochine
En occupant le pays, ils ne l’ont pas élevé en bloc à un niveau de vie et de culture supérieur. Bien au contraire, ils ont pris sous leur protection et se sont appuyés sur la couche exploiteuse indigène la plus haïe et la plus rétrograde : la féodalité, toute puissante chez les peuplades arriérées du Laos et du Cambodge, et dont les restes, en pays annamite, ont été préservés de la liquidation complète par l’administration française.
Directement et par son intermédiaire, les capitalistes français pressurent et écrèment le pays de ses richesses. Les bénéfices qu’ils en extraient sont tels qu’il leur est possible de céder des "miettes" importantes à cette mince couche indigène privilégiée dont ils ont fait une bande de gouverneurs, d’administrateurs et de fonctionnaires-bureaucrates, valets de l’impérialisme, formant ce qu’on appelle le mandarinat.
En qualité de mandarins, ils défendent les intérêts de leurs puissants maîtres et soutiens, et leurs intérêts propres, ceux des propriétaires fonciers.
La vie du peuple.
La classe laborieuse indochinoise se trouve ainsi doublement exploitée, l’exploitation capitaliste sans frein venant s’ajouter à l’exploitation terrienne féodale. Aussi, comme celle de tous les autres peuples coloniaux, a-t-elle un standard de vie bien inférieur au minimum vital.
Ainsi un ouvrier agricole ne gagne qu’un litre de riz ou 1 franc par journée de travail de 12 heures – rien de plus, sauf un "repas" à midi pour chaque journée de travail effective, et un lopin de terre avec une habitation misérable fourni par le propriétaire.
Le paysan ne peut tirer de l’exploitation de sa parcelle de quoi se nourrir et se vêtir, s’il veut payer ses impôts : impôt individuel de 35 frs, ce qui représente un mois de travail, impôt sur le "revenu", taxe sur chaque pied de tabac, sur chaque oranger, etc... qui frappe d’autant plus lourdement l’exploitation agricole qu’elle est plus petite. Et s’il survient une inondation (assez fréquente dans le delta tonkinois), si la récolte est ravagée, mais que la bicoque ne s’en aille pas complètement à l’eau et que son buffle (le cheval en France) lui reste, il faudra que le petit paysan trime encore plus dur pour payer quand même ses impôts, pour éviter la perquisition, la confiscation de ce qui lui reste ou l’emprisonnement.
La situation des ouvriers n’est pas moins terrible. Ceux des plantations de caoutchouc, thé et café, sont pour la plupart nourris et logés par les patrons dans la dépendance complète desquels ils sont ainsi placés. La maladie les frappe d’autant plus durement que les régions de plantations sont de climat très dangereux, surtout pour des travailleurs sous-alimentés.
L’ouvrier d’usine spécialisé gagne de 5 à 10 frs par jour mais il y en a bien peu. La plupart sont des ouvriers non spécialisés dont le salaire ne dépasse pas 2,50 à 3 frs maximum par jour. Quant à l’ouvrière, avec 1,50 fr par journée de travail de plus de 10 h, elle doit pour vivre chercher à compléter ce salaire dérisoire. Hanoï, capitale du Tonkin, est ainsi renommée... pour sa place au 4ème rang dans le monde, dans le "domaine" de la prostitution ! Voilà la civilisation colonisatrice à l’œuvre...
Mille extorsions s’abattent sur la population, dont les plus connues sont peut-être celles découlant de la régie du sel et de celle de l’alcool.
Tout le sel exploité est vendu obligatoirement à l’Etat, au prix de 20 centimes ou 30 centimes le kilo, et celui-ci le revend 70 centimes à la population – y compris à l’ouvrier des salineries. Comment appeler cela autrement que de l’escroquerie ? La population n’a pas non plus le droit de fabriquer de l’alcool de riz pour sa consommation. Un service de douane spécial a été formé pour la lutte contre la fabrication en fraude, et le fraudeur doit payer une amende bien supérieure à tous ses biens. Pourquoi cela ? C’est que l’alcool de riz est vendu à la population à des tarifs "rémunérateurs" par l’administration française qui, dans certaines régions, oblige les autorités indigènes à écouler des quantités d’alcool arbitrairement fixées.
Voilà encore la colonisation civilisatrice à l’œuvre...
Le régime intérieur.
La terreur policière complète et maintient ce régime d’exploitation sans borne. Un Indochinois n’a pas le droit de circuler librement dans son pays et les voyages à l’étranger ne sont autorisés que par faveur, après un sérieux examen de la vie du candidat – sauf lorsque des milliers et des milliers de travailleurs sont arrachés à leurs foyers pour aller rejoindre les travailleurs de la Métropole et mourir avec eux pour le profit des capitalistes.
L’"ordre", c’est-à-dire la dictature arbitraire des capitalistes, est assuré par des soldats marocains, sénégalais, la Légion et une poignée de policiers indigènes. En revanche de nombreux corps d’infanterie indochinoise sont envoyés pour défendre le même "ordre", dans toutes les possessions françaises d’Afrique, de Chine, etc...
Dans ces conditions, la répression de tout mouvement nationaliste et révolutionnaire est impitoyable. Le moindre mouvement est qualifié de "communiste" – la bourgeoisie connaît son ennemi – et aussitôt l’appareil de répression entre en action. Les prisonniers politiques sont gardés par des soldats recrutés parmi les peuplades arriérées des hautes montagnes de l’intérieur, et soumis aux pires traitements. Les méthodes de torture sont très "efficaces" : piqûres d’aiguilles sous les ongles, attache du "coupable" par les deux pouces du pied à un poteau où on le laisse se dessécher au soleil, ingurgitation d’eau salée pour provoquer la soif, enfoncement d’une tige de fer dans la verge, et mille autres procédés aussi sauvages, bien dignes des capitalistes. Nourris de riz mélangé à du poisson pourri, 99% des prisonniers sont ainsi réduits à la mort.
L’oppression sans phrases est combinée avec la mascarade parlementaire. Mais 40.000 Français envoient au Parlement indochinois deux fois plus de députés que 27.000.000 d’indigènes, et encore la presque totalité des candidatures électorales sont-elles choisies par le gouvernement : riches propriétaires fonciers, industriels, etc..., qui d’ailleurs n’ont souvent qu’une connaissance incomplète de la langue française. Lorsque le jeu des "combines" électorales n’arrive pas complètement à empêcher les masses travailleuses de l’Indochine ; de se faire entendre, leur volonté s’exprime par l’envoi de représentants communistes, tels Tran-Van-Trach et Ta-Thu-Thau, candidats de la IVème Internationale élus à Saïgon en 1939, sous l’occupation japonaise.
Depuis quatre ans, deux camps impérialistes oppriment économiquement et nationalement le peuple indochinois. L’occupation japonaise, avec sa dictature capitaliste-féodale n’a pas permis à la classe laborieuse indochinoise d’obtenir un niveau de vie plus élevé. La classe ouvrière a été poussée frénétiquement au travail pour industrialiser l’Indochine (voies de communication, usines) ; ainsi s’est élargie la base du mouvement prolétarien et se préparent des contradictions futures plus terribles entre l’Indochine et la Métropole. Cette industrialisation n’est pas sans profiter aux capitalistes français Ainsi la Compagnie des Tramways Indochinois continua pendant l’occupation à verser des dividendes à ses actionnaires et les Raffineries d’Indochine réalisèrent en 1941 (derniers bilans publiés) le coquet bénéfice de 9.541.158 frs.
Mais les révolutionnaires emprisonnés sont restés dans les bagnes.
Pour obtenir l’appui du peuple dans la guerre, l’impérialisme japonais a proclamé "l’indépendance" de l’Annam, en flattant ainsi l’esprit nationaliste entretenu par l’occupation étrangère. De son côté, l’impérialisme français proclame la création d’une "Union française" accordant aux Indochinois pour l’avenir et aux "élites", c’est-à-dire aux classes riches, propriétaires fonciers et capitalistes, certains droits, et l’espoir de places lucratives dans l’administration ou le gouvernement (députés). En même temps il est vrai, il fait propager l’idée que "tous les territoires ayant appartenu à leurs possesseurs naturels" doivent leur être "rendus le plus tôt possible". Et dans ce nombre... l’Indochine qui certainement, devrait être rendue à la France." (Déclaration de M. Fraser à l’A.F.P., 30/3/45).
Ainsi, de quelque côté qu’ils se tournent, les travailleurs indochinois ne voient que des pillards qui se réclament à grands cris de leur droit "naturel" à les mettre en coupe réglée.
La situation des Indochinois en France.
Lorsqu’en 1939 éclata la deuxième guerre de pillage mondial, 25.000 Indochinois, pour la plupart des paysans, furent arrachés à leurs foyers pour aller travailler en France dans l’industrie de guerre, poudreries et arsenaux, où ils accomplirent les travaux les plus dangereux et les plus malsains, côte à côte avec d’autres ouvriers coloniaux (arabes notamment) – 15.000 restent encore déportés en France, parce que la guerre a empêché leur rapatriement. Et l’Etat – c’est-à-dire les capitalistes – réalise sur eux de gros bénéfices.
Ces exilés vivent en camps, soumis à l’arbitraire le plus complet et à une discipline terroriste qui, comme à Bergerac, comprend souvent des sévices sanglants. Leur approvisionnement est le même en principe que celui de la population civile, mais, échappant à tout contrôle de la part des intéressés, il est "écrémé" successivement par les commandants de Légion, de Groupements, de Compagnies, puis par toute la séquelle des "sous-officiers", des chefs cuisiniers et cuisiniers, qui s’engraissent de la famine des requis.
Et tandis que, d’une année sur l’autre, les travailleurs doivent se contenter de rebuffades et de promesses, leurs dignes chefs sont en mesure de fournir vêtements et brodequins à leurs amis et connaissances.
Qu’importe qu’il gèle en hiver, et que la tuberculose (60% des morts à l’hôpital indochinois de Marseille) décime les effectifs ! L’important, pour les marchands d’esclaves, c’est que "ça rende", c’est-à-dire que la sueur et le sang des travailleurs se transforment entre leurs mains en "bon argent" et grasses richesses. Aussi pressions et vexations s’abattent sur les camps, pour pousser au rendement : diminution des rations des malades, comme à Salin-de-Giraud (Bouches du Rhône), pour les obliger à retourner sur le chantier, travail le dimanche "en prévision des jours de pluie" comme à la Société de Gadones, etc...
Et malheur à qui tombe malade ! L’hôpital le Dantec de Marseille, le "Tombeau des Indochinois", l’attend. Au train où vont les choses, d’ici quelques années, deux bateaux suffiront à rapatrier les survivants des 15.000 déportés...
Pour les travailleurs indochinois, les employeurs versent à l’Etat, pour chaque journée de travail effective, une moyenne de 65 frs. Mais celui-ci paye aux travailleurs un salaire de famine, et les oblige en même temps à déposer à la caisse d’épargne 25 à 30% de leur solde mensuelle (40 à 60 frs), économies forcées qui servent à masquer aux yeux des masses la détresse des travailleurs.

Quelle que soit la barrière que la différence de langue dresse entre travailleurs français et indochinois, cette barrière doit être franchie, car il est indispensable aux uns et aux autres d’unir leurs efforts contre leurs exploiteurs capitalistes. Les masses indochinoises – surtout annamites – possèdent une tradition révolutionnaire riche d’abnégation et d’héroïsme. L’indépendance qu’elles désirent ne saurait être obtenue par les marchandages de mandarins, liés à l’oppression populaire. Elle ne peut être que le résultat d’une lutte acharnée, impitoyable, menée contre les grandes banques, les 200 familles, bref contre les capitalistes. Et c’est précisément la lutte qu’ont à mener aussi les prolétaires français. Ceux-ci savent bien par expérience, qu’un peuple qui en opprime un autre ne saurait être un peuple libre, et doit s’attendre à être opprimé à son tour.
La situation des travailleurs indochinois est si terrible que les social-chauvins eux-mêmes n’ont pu garder le silence. Le CCN de la CGT les a assurés de la "solidarité ardente des travailleurs de France organisés dans la CGT".
Il faut faire une réalité de cette assurance platonique des bureaucrates chauvins (qui par ailleurs ne disent rien de l’Indochine même).
Les travailleurs indochinois exigent :
En France,
LA LIBERATION DES TRAVAILLEURS EMPRISONNES DE BERGERAC ET DE BORDEAUX,
L’ABOLITION DES MESURES D’EXCEPTION ET DU TERRORISME DISCIPLINAIRE DANS LES CAMPS,
LE LIBRE EXERCICE DU DROIT SYNDICAL,
DES SALAIRES QUI LEUR PERMETTENT DE VIVRE.
Pour l’Indochine,
LA TERRE AUX PAYSANS,
LES DROITS POLITIQUES ET SYNDICAUX COMPLETS POUR LES OUVRIERS ET PAYSANS,
UNE ASSEMBLEE CONSTITUANTE ELUE LIBREMENT PAR LES INDOCHINOIS AU SUFFRAGE UNIVERSEL.
Nous, travailleurs de la Métropole, devons appuyer et soutenir entièrement ces revendications et reconnaître en même temps le droit du peuple indochinois à disposer de lui-même, y compris le droit de séparation de la Métropole (c’est-à-dire des capitalistes français).

LA LUTTE DE CLASSES nº 47 Organe de l’Union Communiste (IVème Internationale)
Barta

21 mai 1945

LE SANG COULE EN AFRIQUE DU NORD

Quand il y a quatre mois le C.N.R., ornement démocratique de la "IVème République", faisait la demande – aussitôt repoussée – d’une "commission d’information" sur la situation en Afrique du Nord, notre journal écrivait (n° 42) : "Seule la politique des colons est approuvée par le gouvernement : REPRESSION COLONIALISTE SANS PHRASES. Ici il n’y a pas de place pour les balivernes du C.N.R."
L’aggravation constante de la situation en Afrique du Nord, où les masses en proie à la famine et aux maladies en étaient arrivées à se nourrir d’herbes, l’attitude de l’administration coloniale qui, sur l’ordre des colons, ne trouvait d’autre remède à cette situation que les brimades, les emprisonnements et les provocations, devait aboutir à un conflit sanglant.
Ce conflit que les hypocrites de la Métropole voulaient éviter au moyen de phrases "démocratiques", le gouvernement le prévoyait et s’y préparait de longue date. L’artillerie lourde, les tanks, les avions, dont on poussait la production "parce qu’on en manquait pour vider les poches de l’Atlantique", il les avait mobilisés pour sa besogne réactionnaire. Avec une férocité toute capitaliste la répression s’est abattue sur les masses nord-africaines et a transformé le pays en un vaste ORADOUR-SUR-GLANE.
Cependant que l’impérialisme répondait par les bombardements, les tortures, les viols et les pillages aux manifestations des masses nord-africaines pour le pain et pour la liberté, dans la presse bourgeoise et social-chauvine, ce ne fut qu’un cri pour condamner les indigènes et leur reprocher de s’être laissés guider par les provocateurs de la 5ème colonne.
Mais la lutte a pris une telle envergure et une telle profondeur populaire, que l’Humanité s’est vue obligée d’admettre le 15 mai que la cause des événements était une situation où "on affame les masses musulmanes, on les prive de tout tissu, au point que les femmes de l’intérieur ne peuvent sortir, car elles sont pratiquement nues", comme le disait notre journal dès janvier.
Y a-t-il un remède à cette situation ? L’Humanité demande au gouvernement et notamment au ministère de l’intérieur, de "châtier les traîtres et les provocateurs et pratiquer à l’égard des populations musulmanes une politique d’humanité et de démocratie dans notre intérêt commun" (12 mai).
Cela revient à demander au gouvernement réactionnaire et colonialiste, protecteur des colons et ennemi des fellahs, de se transformer en ami des fellahs et ennemi des colons, de même qu’ici l’Humanité ne cesse de "demander" au gouvernement des trusts de se transformer en gouvernement du peuple. Comme le disait Trotsky, "autant demander du lait à un bouc".
Mais même si le gouvernement, qui a montré qu’il n’était capable que de répression, pouvait prendre quelques mesures économiques en faveur des populations nord-africaines, "à notre époque on ne peut plus maintenir assujetti un peuple qui veut sa liberté et son indépendance".
Si les travailleurs français ne veulent pas apparaître aux yeux des masses nord-africaines comme les soutiens des entreprises coloniales du capitalisme, ils doivent rejeter cette politique et reconnaître sans conditions le droit à l’indépendance totale des peuples arabes de l’Afrique du Nord.
De même que, pour permettre les échanges économiques avec l’Afrique du Nord et combattre la famine, ils doivent soutenir la lutte des masses indigènes pour l’expropriation des colons monopoleurs et l’expulsion de l’administration coloniale au service des trusts.
Le PC, quand il était encore fidèle au communisme, a soutenu Abd-el-Krim dans sa lutte armée contre l’impérialisme français Aujourd’hui l’Humanité demande au gouvernement de "punir comme ils le méritent les chefs pseudo-nationalistes" (19-5).
La IVème Internationale, porte-drapeau de la lutte anti-impérialiste, assure les peuples de l’Afrique du Nord et leurs leaders de toute sa sympathie et de tout son soutien, et leur crie avec tous les ouvriers conscients de France : VIVE L’INDEPENDANCE DE L’AFRIQUE DU NORD !
LA LUTTE DE CLASSES

LA LUTTE DE CLASSES nº 50-51 Organe de l’Union Communiste (IVème Internationale).
Barta

03 septembre 1945

BILAN D’UNE PACIFICATION

41 villages rasés, plus de 10.000 otages exécutés sommairement, 92 condamnations à mort à Constantine, des milliers d’arrestations dans toute l’Algérie, plusieurs milliers d’années de travaux forcés distribuées par des tribunaux militaires : voilà le bilan provisoire de la répression.
Ces massacres, bien dans la tradition du colonel Pelissier, "héros" de la conquête, qui enfuma dans des grottes 8.000 indigènes, femmes et enfants compris, ont leur répercussion en France même.
Depuis le mois d’août, les arrestations se succèdent parmi les Nord-Africains. A Paris, c’est Imache Amar, fondateur de L’Etoile Nord-Africaine, ancien gérant de El Ouma, retour de déportation à laquelle Vichy l’avait livré en tant que communiste – ce sont Maïza, Aït Kaci, secrétaires du P.P.A., le docteur Lacheref qui donnait des conférences médicales – 50 arrestations à Marseille, 25 à Saint-Etienne, 5 à Caen, 8 à Lyon, d’autres à Bordeaux, Lille, etc...
Et comme on ne peut arrêter tout le monde, on reparle de parquer les Nord-Africains de France dans des camps de concentration.
Voilà la réponse de la bourgeoisie à qui exige du pain et la liberté !
Dans leur lutte contre les impérialismes, les travailleurs coloniaux doivent pouvoir compter sur l’appui total des travailleurs français. Ouvrez les prisons ! Libérez Messali Hadj, Ferhat Abbas, Bachir ben Ibrahim et leurs camarades !
On croit mourir pour la patrie...

L’INDOCHINE AUX INDOCHINOIS !

L’ouvrier français ne sait en fait rien de l’Indochine. Ce n’est pas de sa faute. "L’Empire" indochinois n’est qu’une "chasse gardée" réservée aux directeurs de banque, aux grands planteurs de caoutchouc, aux gros colons possédant des mines et aux fonctionnaires coloniaux qui y mènent une vie de seigneurs féodaux.
Cependant, l’ouvrier indochinois est soumis depuis fort longtemps à un régime dont seule l’attitude de l’état-major allemand en Pologne et en U.R.S.S. peut nous donner une idée.
En 1929-30, c’était les massacres de Yên-Bai, de Co-Am dans le Tonkin parce que les paysans réclamaient l’indépendance de leur pays. En 1933, c’était la terreur et la répression sanglante dans le nord de l’Annam parce que les paysans affamés par la sécheresse demandaient la suppression de l’impôt personnel. En 1937, répression sur la classe ouvrière, par la condamnation arbitraire des militants syndicalistes et des leaders des partis politiques indochinois. En 1939, suppression de tous les avantages que les tra-vailleurs indochinois avaient acquis en 1936 : liberté de presse, liberté d’association et de réunion (les droits syndicaux n’ont jamais existé en Indochine).
Depuis que les colons français accueillirent l’armée japonaise pour protéger leurs rapines (la métropole française occupée elle-même n’étant plus assez forte pour les défendre à la fois contre les Indochinois et s’opposer à la main-mise japonaise) la lutte devint très dure du fait de la coalition franco-japonaise. En octobre 1940 soulèvement à Bac-Son ; en novembre 1940, insurrection à Caolanh dans la Cochinchine ; en janvier 1941, manifestation à Dô-Luon dans l’Annam. La répression fut terrible : en 1940, des dizaines de milliers d’Indochinois, femmes et enfants, furent mitraillés à Caolanh. Les survivants de cette localité furent raflés, attachés ensemble par un fil de fer passé à travers la paume de leurs mains et précipités dans le Mékong.
Après les défaites sanglantes de 1940-41, les ouvriers et les paysans indochinois s’organisèrent clandestinement en attendant le jour de l’écroulement nippon pour se libérer du joug colonialiste. Ainsi fut créée la Ligue de l’Indépendance du peuple indochinois – le Viêt-minh – dont le nom nous a été révélé ces temps derniers par la presse bourgeoise.
Le Viêt-minh groupe les partis nationalistes révolutionnaires (anti-impérialistes) poussés en avant par les partis communistes (Trotskistes, et la fraction du P.C. ayant rompu avec la IIIème Internationale), ainsi que des organisations nationales de paysans, d’ouvriers, de soldats, de femmes et de jeunes. Au lendemain de la capitulation nippone, il renversa le gouvernement indochinois créé par les Japonais (Bao-Daï et Tran-Trong-Kin) et prit le pouvoir en mains.
Voici son programme :
1° Election d’une assemblée représentative de toutes les classes de la population dont la tâche serait de dresser une constitution de l’Etat indochinois et d’un gouvernement fondé sur des principes démocratiques
2° Promulgation des droits et privilèges démocratiques pour l’individu ; droit de propriété, liberté d’organisation, liberté de presse, droit d’association, liberté de pensée, etc...
3° Organisation d’une armée nationale
4° Confiscation des biens appartenant aux Japonais, Français et Indochinois fascistes
5° Amnistie générale pour les prisonniers
6° Droits égaux entre les femmes et les hommes
7° Respect des droits des minorités nationales.
Comme on le voit, ce programme reprend les principes de la "déclaration des droits de l’homme" dont tout petit-bourgeois français est sensé être le défenseur. Mais quoique cherchant sa voie en avant dans les traditions du passé révolutionnaire du peuple français, le peuple indochinois se voit attaqué avec le matériel fabriqué par M. Tillon et par M. Diéthelm. C’est que les "droits de l’homme indochinois" excluent la domination des banques françaises et autres sur l’Indochine dont ces ministres défendent les intérêts.Diéthelm demande partout des volontaires pour le corps expéditionnaire en Extrême-Orient. Mais les travailleurs se montrant peu enthousiastes, il fit appel aux prisonniers de droit commun. A Marseille, ces troupes pillaient dans les boîtes de nuit, raflaient les caisses du quartier du port avant de s’embarquer. C’est avec des hommes de cette trempe que Diéthelm et Giaccobi envisagent le rétablissement du "prestige" de la France.
Leclerc voulut obliger les troupes indochinoises retirées d’Allemagne à aller combattre leurs propres frères ; ayant refusé, elles ont été internées dans le Vaucluse.
Pour mener à bien la répression une campagne de calomnies fut lancée par la bourgeoisie contre le peuple indochinois. On a prétendu entre autres qu’il avait reçu des armes des Japonais, mais les journaux annoncèrent eux-mêmes par la suite que c’est tout le contraire qui s’est passé. A Saïgon le commandement anglais avait chargé les Japonais de maintenir l’ordre, de même que Tchang-Kaï-Chek en Chine leur avait intimé l’ordre de garder les armes plutôt que de les rendre aux armées communistes.
Malgré la "paix" qui devait suivre l’effondrement du Japon, M. Diéthelm mobilise. Il est en train de verser le sang en Indochine comme il l’a fait en Afrique du Nord et en Syrie. Les travailleurs indochinois sont cependant décidés à lutter jusqu’au bout avec comme mot d’ordre : "l’Indépendance ou la Mort" ! Pour les secourir les travailleurs français doivent, dans leurs syndicats et leurs partis, faire voter des motions de solidarité avec la révolution indochinoise :
Pour l’indépendance de l’Indochine.
Contre l’envoi du corps expéditionnaire.
Pour l’union entre les travailleurs français et indochinois dans le cadre des Etats-Unis socialistes soviétiques du monde.

Les DEFENSEURS DE LA CIVILISATION

Le colonel Massu du 2° régiment de marche du Tchad, sitôt arrivé en Allemagne, a réuni ses officiers et leur a donné l’ordre "de détruire, de violer, d’incendier". Il se glorifie de n’avoir pas quitté une maison allemande, sans avoir vidé lui-même une nourrice d’essence, sans y avoir jeté l’allumette.
Actuellement ce bourreau, accompagné de ses semblables, fait route pour l’Indochine...

LA LUTTE DE CLASSES nº 53 Organe de l’Union Communiste (IVème Internationale).
Barta

24 octobre 1945

LE SOLEIL LUIT DE L’ORIENT

Avec l’énergie et la cruauté des brigands, les Etats-majors impérialistes coalisés lancent leurs troupes à l’assaut pour mater le soulèvement des peuples coloniaux.
Comme en 1917 contre la Révolution prolétarienne de Russie, les capitalistes anglais, français, japonais et autres, la veille encore ennemis "mortels", ont fait un front commun contre les peuples en lutte pour leur liberté.
Mais malgré la guerre d’extermination des cannibales impérialistes, malgré les bombardements, les incendies et les massacres, les masses insurgées tiennent bon.
D’où leur vient cette volonté irréductible ?
Au Congrès syndical mondial, Rojas, parlant au nom des colonies anglaises des Indes occidentales, a dépeint "le régime abominable qui y sévit, régime de meurtre, de suicide, de sous-alimentation, de racisme. Nous tirons du pétrole de notre sol, a-t-il dit, mais c’est pour emplir les poches de capitalistes de Londres".
Le général de Hauteclocque (Leclerc), le jour où il faisait incendier les villages au nord de Saïgon, "recevait une délégation des planteurs de caoutchouc dont M. Sansen, directeur des Terres Rouges", et les valeurs de la Banque d’Indochine montaient en Bourse de 50 points.
Les peuples coloniaux luttent pour secouer le joug de l’esclavage. Leur courage et leur héroïsme est à la hauteur de leurs souffrances. Est-il une meilleure preuve que les 25.000 travailleurs indochinois de France faisant la grève de la faim pour se solidariser avec leurs représentants jetés en prison ?
* * *
Churchill vient de déclarer à Londres : "Je partage le sentiment de beaucoup de gens qui envisagent l’avenir avec une profonde appréhension et il me semble que les toutes prochaines années décideront de notre place dans le monde. C’est une place qui, une fois perdue, risque de n’être jamais retrouvée" (Monde, 23-10).
Le sinistre représentant de la Compagnie des Indes et des Banques de la City a raison : dans le soulèvement des centaines de millions d’ouvriers et de paysans des colonies se joue le sort de la domination impérialiste : de la continuation des guerres, de l’esclavage et de la barbarie, ou d’une entente pacifique sur la base des Etats-Unis Socialistes du Monde, sans les vampires des trusts et de la finance internationale.
Les ennemis des peuples coloniaux sont nos propres ennemis. Ceux qui commandent l’assaut contre Saïgon sont les mêmes qui font marcher la troupe contre les grévistes de Londres. Ceux qui commandent le corps expéditionnaire français d’Indochine, ce sont le général cagoulard et membre des Ligues fascistes d’Argenlieu, et le général réactionnaire de Hautecloque, baptisé Leclerc pour mieux camoufler ses attaches et ses origines.
Les peuples exploités des Métropoles doivent profiter des immenses difficultés suscitées à l’impérialisme par le soulèvement des peuples coloniaux, pour asséner un coup mortel aux "classes dirigeantes".
Opposons-nous à la guerre impérialiste pour les colonies, en soutenant la guerre des colonies contre l’impérialisme ! Secouons l’incurie des organisations ouvrières qui ne font de la solidarité qu’un vain bavardage. Faisons revivre les temps héroïques où les marins de la Mer Noire faisaient échec à l’intervention des de Wendel et des Schneider contre la révolution russe. Si Marty vieux a oublié Marty jeune, si Tillon-ministre bourgeois envoie des avions pour servir au cagoulard d’Argenlieu, les ouvriers, les marins, les dockers français ont d’autres moyens d’agir. Notre devoir est de suivre l’exemple des dockers d’Australie et de Nouvelle-Zélande qui refusent de charger les navires transportant des troupes et des armes contre les peuples coloniaux !
Le sort des peuples d’Occident et d’Orient est intimement lié. Si le prolétariat occidental doit suivre l’exemple magnifique de courage et de volonté que lui prodiguent les travailleurs coloniaux, l’avant-garde révolutionnaire des peuples coloniaux doit se mettre à l’école du marxisme occidental pour mener à bien la lutte d’émancipation socialiste des colonies.
C’EST POURQUOI, DANS LE REVEIL DES PEUPLES COLONIAUX, NOUS SALUONS L’AUBE DE LA REVOLUTION PROLETARIENNE MONDIALE TRIOMPHANTE.

APRES LE OUI-OUI UN MILLION DE VOTANTS ONT REJETE LE REFERENDUM !

Sur à peu près 19.500.000 électeurs ayant participé au vote du 21 octobre, seulement 18.500.000 environ ont répondu au référendum : soit 1 million de bulletins blancs.
Il n’y a pas de meilleure preuve que ce référendum est anti-démocratique que ce chiffre.
En effet, aucun parti ayant participé à la campagne électorale n’a engagé les travailleurs à prendre une attitude hostile vis-à-vis de cette duperie. Au contraire, c’est contre l’avis des Partis pour lesquels ils ont voté que 5% des votants ont boycotté le référendum !
Il n’est pas douteux d’autre part, que si les masses avaient été soutenues davantage dans cette voie, une bien plus grande proportion de travailleurs auraient rejeté le référendum et De Gaulle serait aujourd’hui dans l’impossibilité de se prévaloir de "l’approbation du peuple".
De toute façon, la classe ouvrière n’est pas dupe de ces tromperies anti-démocratiques.
La lutte de classe s’approfondit et s’aggrave tous les jours, malgré "l’union sacrée" proclamée par la bourgeoisie et met infailliblement à l’ordre du jour la création du pouvoir réellement démocratique pour les masses, le pouvoir des Comités (Soviets).
Et l’orage révolutionnaire emportera, avec les chiffons de papier des OUI-OUI, le représentant sénile qui, aujourd’hui, symbolise si bien la domination de la bourgeoisie.
[ici 2 citations extraites de La lutte de classes 52 : Pour une assemblée Constituante souveraine. Boycottage du référendum pétainiste !]

IL FAUT FORGER L’UNITE REVOLUTIONNAIRE

Quand ces lignes paraîtront, les résultats des élections et du "référendum" seront connus.
Tous les Partis ayant fait miroiter aux yeux des masses travailleuses l’espoir d’un changement, d’une voie ouverte vers le mieux-être, celles-ci attendent avec une grande impatience de voir l’Assemblée nouvelle "à l’oeuvre". C’est pour cela, comme l’ont indiqué déjà les élections municipales et cantonales, qu’elles votent à gauche. Cependant, plus que jamais, elles se méfient de Messieurs les Politiciens et "Officiels" ; beaucoup de travailleurs, en quête de solutions radicales, sont dégoûtés même de voter. C’est pourquoi, c’est dans les usines, et non par les urnes, qu’on peut comprendre l’attitude réelle des ouvriers vis-à-vis du Parti qu’ils soutiennent de leur vote.
Il s’agissait précisément, pour un Parti ouvrier réellement au service des masses travailleuses, de les guider hors du labyrinthe du référendum plébiscitaire où les a enfermées la bourgeoisie, de détruire la confiance qu’ont les masses (d’ailleurs de plus en plus minime) dans le système parlementaire ; faute de quoi au lieu de les mener vers une issue on les expose à de nouveaux coups, à de nouvelles désillusions qui engendrent finalement la défaite, inévitable quand les travailleurs se cognent la tête là où les Partis ouvriers leur montrent une issue. Le pire pour la cause ouvrière et socialiste, c’est une politique bourgeoise cachée derrière les "phrases avancées", "démocratiques" et même "révolutionnaires". Il n’est donc pas de tâche plus constante pour les ouvriers conscients que celle d’examiner la politique de ceux qui mènent ou veulent mener la classe ouvrière dans le conflit de plus en plus aigu entre les travailleurs et la bourgeoisie.

De Gaulle face à un "Front Populaire" de capitulards
Au nombre des capitulards devant le plébiscite pétainiste de De Gaulle est venu s’ajouter une nouvelle recrue. Le Parti Communiste Internationaliste, qui agit comme section officielle de la IVème Internationale en France, justifie ainsi son attitude : "Par peur de rompre la collaboration ministérielle avec les agents des trusts, socialistes et communistes français se sont inclinés devant le plébiscite de De Gaulle. Dans ces conditions, le boycottage du référendum et l’absentionnisme ne peuvent que renforcer les partisans de la dictature et leurs dupes... Vous irez donc tous voter (OUI-NON) le 21-10 pour transformer la manœuvre du nouveau Bonaparte en une cuisante défaite de la réaction capitaliste." (Souligné par nous).
Cette explication ne fait que répéter celle de... Cachin : c’est "L. Blum et Francisque Gay qui ont contribué à imposer au peuple de France un référendum inutile et tendancieux" (L’Humanité, 11-10-45). Blum, au nom de De Gaulle, réplique que la faute en est aux Radicaux qui veulent le retour à la Constitution de 1875 !
Voilà pourquoi, du P.C.I. aux Radicaux en passant par les Staliniens, le NON à la 2ème question a créé un "Front populaire" de capitulards devant De Gaulle.
Si les chefs staliniens prétendent défendre la démocratie par les méthodes du Parti radical, la direction du P.C.I. prétend lutter contre le bonapartisme par la méthode stalinienne : voter OUI-NON, réponse qui, d’après le P.C.I. lui-même, n’est dictée que par "la peur de rompre" avec De Gaulle.
Des gens qui attendent, pour mener une politique révolutionnaire que le Parti stalinien (et socialiste !) "n’ait pas peur de rompre" avec les agents des trusts, feraient mieux de renoncer à la doctrine marxiste pour étudier les miracles de l’Ancien et du Nouveau Testament.
Le P.C.I. reproche aux chefs staliniens de compromettre leur OUI-NON en s’alliant avec les Radicaux, et souligne l’intransigeance de son propre programme : mais si le NON à la 2e question "barre" la route à Bonaparte (ne fut-ce que pour l’étape actuelle), alors ce sont les chefs staliniens et non pas la direction du P.C.I. qui ont raison. Dans l’urne tous les NON à la 2e question seront des NON ! Et c’est de la réponse sur un chiffon de papier à la 2ème question que, suivant le crétinisme parlementaire, doit "surgir" Bonaparte !
Mais en réalité, vouloir transformer la manœuvre du nouveau Bonaparte en une défaite cuisante de la réaction capitaliste, par le OUI-NON c’est aussi intelligent que vouloir se défendre d’un bombardement aérien à l’aide d’un parapluie.

En quoi consiste la manœuvre de De Gaulle ?
La véritable manœuvre de De Gaulle, c’est de poser aux masses deux questions qui n’ont aucune influence sur les rapports réels entre les travailleurs d’une part et la monstrueuse machine de l’Etat d’autre part dont chaque organe (police, bureaux) représente un instrument d’asservissement et d’oppression du peuple. Le référendum ne pose pas aux masses des questions vraiment démocratiques comme par exemple : voulez-vous le remplacement de la police par une garde ouvrière  ? Les deux questions posées doivent au contraire camoufler l’oppression étatique en faisant croire que la question cruciale se trouve dans les rapports entre le Chef du gouvernement et l’Assemblée contrôlée par la bourgeoisie.
Or, comme l’a montré le sort de la Chambre souveraine élue en 1936, par crainte des ouvriers, la majorité bourgeoise se dessaisit de toute façon de son "droit de regard" en faveur du chef du gouvernement.
Ne voyons-nous pas en ce moment, même en Angleterre, un gouvernement travailliste obligé de demander à la Chambre les mêmes pouvoirs que De Gaulle demande en France "au peuple", et les obtenir aussi bien que Churchill lorsqu’il était au pouvoir !
Laissant "généreusement" aux masses le soin de décider suivant quel rite juridique il continuera d’exercer le pouvoir souverain et irresponsable, De Gaulle couvre ainsi d’oripeaux démocratiques la dictature sanglante des 200 familles sur les travailleurs français.
Une majorité de NON s’accompagnerait en même temps d’une autre manœuvre contre les libertés des travailleurs, il ferait endosser toutes les responsabilités de l’anarchie capitaliste grandissante à la "démocratie", et compromettrait ainsi définitivement le système représentatif en faveur de la dictature militaire et policière et du fascisme.
La manœuvre de De Gaulle, c’est d’avoir jeté de la poudre aux yeux des masses (aidé en cela par notre "Front populaire" de capitulards) en les faisant participer à un "référendum" truqué. On trompe ainsi souvent les enfants en leur proposant le jeu suivant : pile tu perds, face je gagne ; tu dis OUI, tu auras De Gaulle (chef de l’Etat) ; tu dis NON, tu auras l’Etat (avec De Gaulle pour chef) ! Où est la "défaite cuisante de la réaction capitaliste". Où sont les dupes ?

Du "Marxisme" à la sauce opportuniste
Le P.C.I. propose au P.C. et P.S. le Front unique pour faire élire partout les "Comités de défense de la Constituante" parce que "une Constituante contrôlée par les masses ne pourrait pas être manœuvrée par les trusts, ni dissoute par un nouveau Bonaparte". (Brochure, page 13).
Il est triste de constater un reniement aussi brutal d’une des bases fondamentales du léninisme chez des gens qui agissent officiellement au nom de la IVème Internationale fondée par Léon Trotsky ! "Mille barrières empêchent les masses travailleuses de participer à un parlement bourgeois (et d’ailleurs, dans la démocratie bourgeoise, ce n’est jamais lui qui résout les questions capitales, c’est la Bourse, les banques qui les décident), et les travailleurs savent et sentent à merveille, ils voient et ils touchent du doigt cette vérité, que le parlement bourgeois est une institution étrangère, un instrument d’oppression des prolétaires par la bourgeoisie, l’institution d’une classe hostile, d’une minorité d’exploiteurs". (Lénine : La Révolution prolétarienne et le renégat Kautsky).
Comment faire contrôler une telle Assemblée par les masses ?
Nous ne sommes plus en 1792 quand le contrôle des masses (guidées par la Commune) sur la Convention n’était possible que parce que cette dernière était elle-même l’instrument de la bourgeoisie révolutionnaire alliée au peuple pour balayer le féodalisme.
L’Assemblée qui sortira des prochaines élections sera l’Assemblée de la bourgeoisie impérialiste ; les Comités de masses, élus par les ouvriers en lutte représente le pouvoir naissant de l’Etat prolétarien : il ne peut y avoir entre eux et l’Assemblée des députés bourgeois d’autre contact possible que la guerre civile. Les Comités ne peuvent pas arracher l’Assemblée de la bourgeoisie au contrôle des trusts (!), mais la détruire.
Un appel aux Comités (Soviets), pour en obtenir une Constitution équivaut en réalité à proclamer le boycottage des élections bourgeoises pour la Constituante. Une telle position peut se défendre. Mais l’appel du P.C.I. pour le contrôle de l’Assemblée, élue le 21 octobre par les Comités (Soviets), réduit ces derniers à une caricature, tandis qu’il embellit aux yeux des masses le parlementarisme bourgeois, ce cadavre puant !
Peut-on donc s’étonner que la direction du P.C.I. a été amenée à réclamer la révocabilité, par les électeurs, des députés élus au suffrage universel, c’est-à-dire que, en allant plus loin que le contrôle de l’As-semblée par les Comités, il faut soviétiser l’Assemblée bourgeoise elle-même !
Voilà où on en arrive quand on a peur de s’arracher aux préjugés petits-bourgeois sur le parlementarisme et qu’on essaie honteusement, à l’aide de ces préjugés, de populariser en contrebande les Comités (Soviets).
L’opportuniste allemand Kautsky voulait, lui aussi, marier le feu des Comités (Soviets) ; avec l’eau de l’Assemblée Constituante bourgeoise, élue au suffrage universel, mariage basé sur une "utile" division du travail. C’est donc de ce dernier que devrait se réclamer la direction du P.C.I. et non pas de Léon Trotsky !

Pour la victoire de la IVème Internationale
Dans leur réunion du 13 octobre (14ème arrt), un représentant du P.C.I., à une interpellation stalinienne : "...qu’il ne faut pas parler à tout bout de champ de la grève générale", a répondu : "Ce n’est pas nous qui le disons, c’est La Lutte de Classes". Moins d’une semaine après, le 18 octobre, dans le 5e arrt, un orateur de ce Parti s’est exclamé : "Nous irons jusqu’à (!) la grève générale".
Voilà comment le désarroi idéologique pousse les militants du P.C.I. à une attitude lamentable sur une question aussi décisive.
Il est, en effet, capital de savoir dès maintenant si le P.C.I. est décidé à mettre à l’ordre du jour la grève générale, quel rôle il lui assigne dans le déroulement des événements, et quels sont, par conséquent, ses objectifs. Car, si nous n’avons pas pu empêcher le référendum pétainiste de De Gaulle, il faut néanmoins poursuivre la lutte pour la défense des libertés ouvrières en préparant la grève générale, ce qui sera d’autant plus facile que la situation économique, par l’autre bout, met elle aussi à l’ordre du jour le même moyen de lutte.
Le P.C.I. doit entièrement et sérieusement réviser sa position actuelle qui n’est faite que de contradictions et d’équivoques et qui le met à la remorque des événements et du stalinisme ; ou alors, les révolutionnaires doivent lui tourner le dos pour former un autre Parti capable de défendre avec décision le programme de la IVe Internationale en France.
Si le P.C.I. révise sa position et adopte une perspective nette sur laquelle nous puissions nous mettre d’accord, nous sommes prêts, dans ce cas, à constituer avec lui un Comité de coordination, pour, en commençant par une action commune et en frappant sur le même clou, faire échec à la politique de trahison du P.C., et regrouper tous les révolutionnaires dans un même Parti.
Ce n’est que par cet essai de coordination que l’on peut réduire les divergences entre les deux organisations à des différences strictement réelles et apprécier à leur juste valeur les procédés qui ne résultent que de "l’instinct de concurrence" entre organisations.
L’avenir, en France et dans le monde, appartient à la IVème Internationale !
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Cependant, la seule autorité pouvant statuer à ce sujet, le Congrès mondial de toutes les organisations de la IVème Internationale, n’a pas eu lieu depuis sept années, le dernier s’étant réuni en 1938. Or, les organisations de la IVème en France se sont regroupées après cette date.

Leçon d’un meeting ...
Si toutes les tendances du mouvement ouvrier pouvaient s’exprimer librement, il y a bien longtemps que le stalinisme serait apparu aux yeux des ouvriers comme une trahison de leurs intérêts.
Aussi, Messieurs les agents de la clique bonapartiste de Moscou en France (lisez : les chefs du P.C.F.) recourent-ils depuis des années à des méthodes de gangsters pour empêcher les "Trotskystes" (tous ceux qui veulent honnêtement servir la classe ouvrière) de parler.
Tous les moyens sont bons pour leur imposer silence. Quand on peut, on les fait "disparaître" afin d’éliminer les meilleurs ou simplement, pour effrayer les "autres". Mais comme on ne peut terroriser des militants qui sont décidés à mourir pour le socialisme et comme il est difficile de les assassiner tous, alors, on les empêche de parler dans leurs propres meetings par la méthode bien connue de Hitler qui, comme le raconte Benoist-Méchin, avec 20 tueurs empêchait un meeting de plusieurs centaines de personnes d’avoir lieu.
Voilà les procédés que les Staliniens ont employé dans la plupart des meetings tenus par le Parti Communiste Internationaliste pendant la période électorale. Des équipes staliniennes, conduites par des agents du Guépéou (police politique de Staline) envahirent leurs salles ; ils chassèrent à coups de poings les militants du P.C.I. malgré l’indignation du public, et L’Humanité écrivait le lendemain que c’était la population du quartier qui avait chassé les "Hitléro-Trotskystes" ! Comment se fait-il alors que dans le 14è arrondissement, par exemple, dans un meeting du 13 octobre, la soi-disant "population" du quartier était conduite par un nommé Potier, stalinien, ancien "zazou", habitant Malakoff ?
Nos camarades du P.C.I. ont publié des tracts pour dénoncer à la population ces agissements de gangsters et la conclusion c’est qu’ils vont intenter un procès.
Mais contre de telles méthodes ce ne sont pas les tribunaux qui seront de quelque secours.
Combat raconte par ailleurs que "le camarade Baufrère" a renoncé à faire appel à l’aide de la police pour tenir un meeting, en déclarant que jamais on n’avait vu des révolutionnaires demander l’appui de la police pour parler (mais malheureusement il renonça aussi à tenir le meeting). Mais si on refuse la police pourquoi adopter les tribunaux ? Nous avons pu comprendre ce pourquoi dans un meeting du 19 octobre tenu dans le 14ème.
Les Staliniens ont jeté des militants du P.C.I. à la porte, sans aucune résistance de la part de ceux-ci. Nos camarades présents au meeting adoptèrent une tactique d’opposition et aidèrent des camarades du P.C.I. qui, eux aussi, avaient préféré la lutte, à se dégager. Un fait nous a permis de voir jusqu’à quel point les camarades du P.C.I. restent moralement désarmés en face des brutes staliniennes : deux de nos camarades qui, en se bagarrant contre les Staliniens avaient été jetés dehors, en essayant de rentrer dans la salle se heurtèrent à l’opposition... des camarades du P.C.I. : "Ne donnons pas prétexte à la provocation, camarades"...
Il n’est pas douteux que les organisateurs du meeting auraient pu – s’ils avaient été décidés à défendre leur position (au lieu de l’abandonner sans aucune résistance pour éviter les incidents !) – briser l’intervention stalinienne. Si les dirigeants quittent la salle, ce ne sont pas les ouvriers, malgré leur sympathie pour nous et leur dégoût pour les Staliniens, qui peuvent prendre l’initiative et la responsabilité de répondre aux Staliniens.
Il faut donc opposer aux équipes de gangsters staliniens des équipes ouvrières de protection avec la consigne de rester sur le carreau, plutôt que d’abandonner une salle qui les appuie, parce que des énergumènes staliniens viennent semer la terreur, brûler le drapeau rouge, hisser les drapeaux "alliés" et chanter La Marseillaise contre L’Internationale.
LA LUTTE DE CLASSES

LE COMBAT QUI APPROCHE
Dissimulée provisoirement par la bataille électorale, l’âpre bataille des salaires que les ouvriers livrent depuis des mois va reprendre avec plus de vigueur.
En effet, en même temps que les fondés de pouvoir du capitalisme français préparent la dévaluation du franc qui doit entraîner une nouvelle hausse des prix, ils proclament s’opposer à toute augmentation de salaire. "Car, a déclaré Parodi, si des augmentations de salaire ont été accordées ces derniers temps, c’est parce qu’on nous a en quelque sorte forcé la main. Mais dorénavant il faut qu’on s’en tienne aux salaires actuels et pour longtemps.
Ainsi donc, malgré les dernières hausses des prix qui ont annulé les augmentations de salaires, malgré les nouvelles hausses qui se préparent, la bourgeoisie déclare être décidée à abaisser les salaires à un niveau de famine.

Pour empêcher la riposte des ouvriers, la bourgeoisie et ses agents les réformistes ne cessent de répéter qu’après les effroyables destructions de la guerre, les ouvriers doivent bien se garder de troubler la "reconstruction pacifique", qui est notre seule tâche.
Mais il n’y a là qu’un mensonge. Une reconstruction pacifique devrait avoir pour résultat d’améliorer progressivement, en tout cas de ne pas aggraver un instant la situation des classes laborieuses. Si cependant notre situation empire relativement de jour en jour, c’est parce que la guerre capitaliste se poursuit, ayant seulement changé de forme : le conflit armé a fait place à la guerre économique, dont les différents aspects sont les murs douaniers, l’inflation, l’accroissement des dépenses gouvernementales et des dettes, la lutte pour les marchés, les matières premières et les colonies, etc...
La presse capitaliste relate jour après jour les péripéties de ce conflit acharné.
"La chute du franc (la dévaluation) est nécessaire pour activer la reprise de nos exportations", explique Le Monde. Mais par quoi cette dévaluation a-t-elle été rendue nécessaire ? Par "l’importance du déficit budgétaire, provoqué notamment par l’excès des dépenses militaires et la politique des subventions", c’est-à-dire par l’inflation, répond le même journal. Et il précise aussitôt que "ce déficit budgétaire est incompressible".
En effet : les dépenses militaires, c’est la lutte pour les colonies et les marchés, ce sont les corps expéditionnaires d’Indochine, d’Afrique du Nord, d’Allemagne ; c’est la fabrication intensifiée de tanks et de bombardiers, c’est l’achat de canons à l’étranger (100 millions de dollars, rien qu’en Suède), etc...
Les subventions aussi doivent être continuées et même augmentées, car la spéculation, encouragée par l’inflation, a créé d’immenses difficultés à l’élargissement de la production, étant donné que la cherté des matériaux, des machines, etc., progresse par bonds et empêche les échanges normaux.
Ainsi, l’inflation ne fera que croître, rendant nécessaires de nouvelles dévaluations. Celles-ci ne sont d’ailleurs que la consécration d’un état de fait (avilissement de la monnaie provoquée par l’inflation) et en outre l’occasion pour des opérations fructueuses de la finance internationale, et pour annuler les impôts sur les gros revenus à peine établis.
Suivant l’expression d’un agent des capitalistes, Mendès-France, "nous allons au-devant d’une cascade de dévaluations", et ceci signifie non seulement l’affamement des ouvriers, mais aussi la ruine catastrophique des classes moyennes.
Il faut tirer la conclusion suivante : quelle que soit l’opération, inflation ou dévaluation, le gouvernement capitaliste ne peut pas s’attaquer aux gros monopoleurs, car toutes ces opérations sont au contraire destinées à maintenir leurs profits sur la base de la misère générale.
Mais si pour le gouvernement capitaliste "le déficit budgétaire est incompressible", on peut compresser les salaires.
D’après une statistique officielle, l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux malgré l’inflation et la spéculation, est tombé de 4.859 millions à 1.256 millions et l’impôt général sur les revenus de 3.461 millions à 637 millions. Mais l’impôt cédulaire sur les traitements et les salaires passe de 7.604 millions à 10 milliards 220 millions (de 1944 à 1945).
C’est pourquoi, quand les ouvriers réclament un abattement des impôts sur les salaires ou une augmentation, la bourgeoisie s’écrie qu’augmenter les salaires, c’est nous mener à la ruine !

Les capitalistes mènent la guerre économique et c’est une guerre contre les travailleurs. C’est pour cela que la situation économique s’aggrave, que la "reconstruction pacifique" s’accompagne dans tous les pays de grèves, qu’en Angleterre et en Amérique on fait intervenir la police et l’armée contre les grévistes.
Dans ces conditions, l’argument de l’union sacrée pour la production ("battre la concurrence américaine") vaut autant que l’argument de l’union sacrée pour la guerre. "On croit mourir pour la patrie, on meurt pour les capitalistes". Les social-chauvins disent : "aidons nos capitalistes à lutter contre les capitalistes américains par des bas salaires". Les ouvriers doivent répondre : "luttons ensemble avec les ouvriers américains contre le patronat de nos pays".
Notre organisation vient de rééditer une brochure de Lénine intitulée : "[La catastrophe imminente et les moyens de la conjurer". Les moyens indiqués pour sortir l’économie du marasme en la soustrayant aux spéculations capitalistes, Lénine les dit universellement connus et faciles à réaliser : nationalisation des banques et des grandes industries, monopole du commerce extérieur, suppression du secret commercial, réglementation de la consommation ; à condition que ce soit le peuple travailleur qui ait les leviers de commande.
De leur côté, les dirigeants de la C.G.T. viennent de publier un programme de revendications ouvrières et des mesures radicales, telles que les nationalisations, pour la réalisation desquelles ils vont s’adresser... au gouvernement.
Ainsi ils cachent aux ouvriers que la possibilité ou l’impossibilité de réaliser ces revendications est une question de rapport de forces qui ne peut être résolue que par la lutte. Et au lieu d’unifier les mouvements ouvriers pour leur donner la plus grande force, toute la politique de ces prétendus dirigeants consiste à les freiner et à les paralyser.
Cependant, par suite de la politique menée par la bourgeoisie, les grèves, les protestations, etc., sont tout à fait inévitables dans la situation actuelle et leur importance ne fera que croître. Le gouvernement se prépare à leur faire face : au dernier Conseil de ministres, la question de la réquisition des Services Publics en cas de grève devait être envisagée.
Pour ne pas se laisser battre dispersés, il faut unifier les mouvements ouvriers en une puissante grève générale, qui doit imposer à la bourgeoisie les mesures préconisées par Lénine et reprises dans le programme de revendications de la C.G.T.
Mais il faut éviter que cette nouvelle grève générale ait le sort de celle de 1936. Car si le grandiose mouvement gréviste de 1936 a finalement échoué, c’est parce que les ouvriers ont laissé à l’Etat bourgeois la sauvegarde des conquêtes arrachées aux capitalistes, au lieu de dresser des organismes propres à garantir la classe ouvrière contre le retour offensif inévitable de la bourgeoisie. Il faut être capable de dresser à tout moment le puissant barrage des masses travailleuses, de les remobiliser, de les ramener à la lutte : il faut pour cela que les ouvriers se soudent entre eux, créent des organismes de liaison et de défense – Comités, piquets de grève, et que ces organes prennent un caractère permanent, persistent, s’unifient.
Les ouvriers communistes, socialistes et de toute autre tendance doivent comprendre la responsabilité qui leur incombe : pas d’incurie là où se joue notre sort !
Il faut que la classe ouvrière sache viser loin : elle trouvera l’appui nécessaire pour son action dans "l’atmosphère de révolution ouvrière" qui règne à l’heure actuelle dans tous les pays, dans la sympathie que lui accordent les classes "moyennes" et paysannes écrasées par le capitalisme français et qui cherchent une issue. Si elles ne trouvent pas cette issue dans l’action de la classe ouvrière, elles la chercheront du côté du fascisme.

CAPITALISME DE MONOPOLE
"Dans la période de l’entre deux-guerres le nombre des cartels – dans le monde – s’élevait à 300. Les formes en étaient diverses : cartels-association, consortium, cartels exploitant des brevets. Dans tous les cas, LA FIXATION DES QUOTAS DE PRODUCTION, LA DIVISION DES MARCHES, L’ETABLISSEMENT DES PRIX DEPENDAIENT DE L’INTERET PRIVE DE CES CARTELS." (Le Monde, 29-9-1945).
Londres, 23 octobre. – Une importante personnalité britannique vient de faire savoir que le Gouvernement français avait essayé, il y a quelques mois, de saisir toutes les actions en livres sterling appartenant à des Français (les 200 familles).
Le Trésor britannique n’a pas donné suite à la demande de Paris, en s’appuyant sur le fait que si le ministère des Finances avait réquisitionné les actions en livres appartenant à des Français, il aurait pu ainsi obtenir 50% des actions des affaires de mines, ce qui ne pouvait évidemment satisfaire, ni le Trésor britannique, ni les compagnies de mines anglaises.
Le même personnage a fait remarquer que les possesseurs français d’actions anglaises n’avaient pas lieu de s’inquiéter (du gouvernement français). Il a rappelé que les dividendes des actions n’avaient pas été payés depuis 1940.
Cette personnalité a ajouté que les Français détiennent au moins 25 millions de livres correspondant aux dividendes non payés (15 millions pour les mines, 10 millions pour les autres valeurs) (donc un capital de l’ordre de 30 milliards de francs d’avant-guerre). (Combat, 24-10-45).

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LA LUTTE DE CLASSES nº 54
Barta

14 novembre 1945

VOTRE PAROLE EST D’OR, COLONEL BERNARD !

C’était dans l’intérêt des populations d’outre-mer, que les "démocrates-sincères" disaient agir en réclamant le remplacement de la vieille formule de "l’Empire français", par celle de "l’Union Française". Dans celle-ci, c’en aurait été fini de l’asservissement ; l’unique privilège que la France revendiquait encore, c’était de conduire elle-même les colonies à l’indépendance, chaque territoire étant administré non plus pour le seul bénéfice de la métropole, mais d’abord pour son bien propre, etc...
Les événements d’Afrique du Nord et de Syrie ont montré qu’il n’y avait aucune base réelle pour ces formules bâtardes, que l’on qualifierait d’utopies, s’il n’y avait derrière elles une manoeuvre pour maintenir dans le sillage de la France par de belles promesses, les colonies qui veulent la quitter, s’il n’y avait une manoeuvre dictée par la peur de l’impérialisme américain.
Tout ce que ces beaux projets avaient d’hypocrite est apparu brutalement lorsque les Indochinois ont proclamé leur indépendance. Qui, en effet, a été le premier a s’élever violemment contre leurs "prétentions", en exigeant qu’on leur ferme la bouche ? Le colonel Bernard, de Combat, un des "démocrates-sincères" qui avait le plus abondé en phrases mielleuses.
Son exigence proclamée, le colonel se tut et laissa la parole aux canons.
Or, malgré leurs blindés, leurs avions, leurs bombes incendiaires et leurs communiqués victorieux, les soudards de Leclerc piétinent encore après un mois, aux environs de Saïgon, devant la révolte de tout un peuple décidé à mourir plutôt que reprendre les chaînes. Devant un peuple résolu (comme l’a fait l’U.R.S.S. en face de l’agression hitlérienne) à pratiquer la méthode de la terre brûlée derrière lui.
Or, avec les "Alliés", cela ne va pas tout seul. Les complices anglais qui ont d’autres "difficultés" en Orient, n’accordent qu’une aide insuffisante. La Chine qui a saisi le chemin de fer du Yunnan, s’intéresse fort à Haïphong, porte du Yunnan sur la mer. Et les Américains attendent que les capitalistes français soient chassés pour tenter de glisser leurs dollars "pacifiquement".
Alors, le colonel, se souvenant qu’il est, qu’il a toujours été "démocrate", retrouve la parole, change de ton, déclare que "le gouvernement... ne saurait imposer ses volontés par la force", mais préfère ne pas se demander "ce qui se passera si les nationalistes indochinois maintiennent leurs prétentions et refusent les dons que nous leur offrons".
Plutôt que d’évoquer plus longtemps cette éventualité, il reprend son ton mielleux. Ne s’agit-il pas, puisqu’on n’est pas les plus forts, de persuader l’opinion que l’on pourrait réformer le colonialisme, qu’au fond "il s’agit de concilier les conceptions des Indochinois et les nôtres" (c’est-à-dire celles des colonialistes français), de concilier la mort du peuple indochinois et la vie des banques.
Evidemment, il ne saurait être question de reconnaître l’indépendance totale des Indochinois. Comment, en effet, accorder l’indépendance aux colonies, quand on sait qu’elle est subordonnée "à leur degré de maturité politique et de développement économique et social. Dans un pays comme l’Indochine, où la proportion des illettrés dépasse 80%, où, à l’exception de quelques familles qui ont acquis depuis 50 ans d’immenses domaines, la masse de la population n’a que des revenus infimes et succombe sous le poids des impôts et les exigences des usuriers, le suffrage universel ne conduirait qu’à la domination d’une poignée de privilégiés". Ces arguments-là, les Anglais les répètent depuis 400 ans aux Indes, sans que la misère et le nombre d’illettrés aient diminué !
Sans demander au colonel Bernard ce que ses maîtres et lui-même ont donc fait en 60 ans de colonisation, sans lui rappeler la méthode pratiquée pendant cette période et qui consiste à donner la culture et des titres à quelques-uns pour mieux asservir les autres, souvenons-nous d’un peuple dont les revenus étaient infimes, d’un peuple qui était écrasé d’impôts, dominé par de grands seigneurs terriens, d’un peuple composé de 80% d’illettrés. Un peuple qui a pourtant fait, en 1917, la plus grande révolution et qui a conduit l’U.R.S.S. au tout premier rang des grandes nations.
Cependant, le colonel n’exclut pas les possibilités... lointaines ; la main sur le coeur, il se demande "dans quels délais (la France) est disposée à abandonner ses prérogatives que l’avenir même de l’Indochine l’oblige aujourd’hui à maintenir ?"
Mais, nous n’avons pas accordé tant de place au colonel Bernard, à ce valet du capitalisme, pour lui-même, en réalité quantité négligeable. Nous nous sommes étendus sur sa position pour la comparer à la position des Partis ouvriers officiels.
Ces soi-disant adversaires politiques de Combat, qu’ils dénoncent presque chaque jour comme un organe réactionnaire, que proposent-ils donc de révolutionnaire dans leur programme ? Leur solution, c’est presque mot pour mot celle du colonel. (Ce qui implique, ayant le même programme, qu’ils sont d’accord sur les mêmes arguments).
Dans le programme de la délégation des "gauches", ils parlent du "principe d’égalité", "d’élévation du niveau de vie des populations des territoires d’outre-mer", d’"émancipation PROGRESSIVE", de "préparer d’un commun accord une évolution de ces populations vers une très large autonomie".
Ils veulent, eux aussi, faire donner du lait à un bouc, transformer le "mauvais colonialisme" en un "bon colonialisme".
Alors que les peuples coloniaux, dressés contre un ennemi qui est le nôtre, donnent au prolétariat du monde entier un enseignement héroïque, sur ce qu’est la solidarité entre opprimés (25.000 Indochinois faisant sans exception la grève de la faim pour défendre leur délégation ; les tirailleurs du camp d’Arénas (Marseille) se constituant prisonniers de guerre ; les Chinois de Saïgon décrétant une grève de solidarité ; les grèves des dockers en Australie, à Ceylan, etc.), les social-traîtres montrent l’exemple de la capitulation.
Pas un mot pour exiger l’indépendance, pas un mot pour exiger le retrait immédiat du corps expéditionnaire sous peine de déclenchement d’une grève générale ; pas un mot pour appeler à la grève immédiate les travailleurs, les dockers, les marins qui fabriquent, chargent ou transportent le matériel de guerre.
Au lieu d’un seul acte de solidarité réelle, ces capitulards bavardent et... adoptent le programme des agents du capital.
Votre parole est d’or, colonel Bernard ! Vous avez aidé les travailleurs à voir le véritable visage des "gauches" ; vous avez montré, à votre façon, que seule la IVème Internationale mène la lutte jusqu’au bout !

L’arrivée à Sydney d’un paquebot transportant des troupes hollandaises a été marquée par de vifs incidents. Des centaines de personnes, sous la conduite d’éléments communistes, envahirent le quai, huant les soldats qu’ils traitèrent de "fascistes et d’hitlériens".

L’INTERNATIONALE ET LA GUERRE

Dans L’Humanité du 3 novembre, Cachin écrivait : "Les trois Grands se sont entendus à Téhéran, à Yalta, à Potsdam. Ils ont résolu de s’en tenir rigoureusement aux prescriptions de la sécurité collective" (l’entente entre les 3 Grands) qui, d’après lui, "fixe les conditions de la paix durable et indivisible".
Ainsi, les social-chauvins osent propager dans la classe ouvrière des mensonges que même la bourgeoisie n’utilise plus. Car, sur les ruines de la guerre à peine assoupie, et pendant que des conflits sanglants continuent dans toutes les parties du monde, il se prépare ouvertement une nouvelle mêlée mondiale. Molotov lui-même, qui dicte à Cachin sa politique de bourrage de crâne, vient de déclarer : "La course aux armements des grandes puissances – qui a lieu actuellement – n’est pas compatible avec les intérêts de la protection de la paix". C’est de cette course aux armements qu’il est question aussi lorsqu’on parle du "secret de la bombe atomique". En réalité ce secret n’existe pas. "A l’époque actuelle, explique Molotov, il n’y a pas de grand secret qui puisse être gardé par un seul pays ou par un groupe de pays". Mais "garder le secret", cela veut dire en langage clair déclencher ouvertement la course aux armements entre les "Alliés". Churchill précise (Monde du 9-11) que "garder le secret" de la bombe atomique pendant 3 ou 4 ans encore, signifie acquérir une supériorité "en ce qui concerne l’utilisation de cette arme". Or, pour acquérir cette supériorité, les mêmes lois de la guerre que nous avons déjà connues, restent valables. "Chaque arme nouvelle, a déclaré Truman le 23 octobre, donnera probablement naissance à une mesure défensive appropriée. La faculté d’utiliser ces armes nouvelles (y compris la bombe atomique) dépendra toujours d’une armée, d’une marine, d’une aviation puissantes, ainsi que des millions d’hommes nécessaires à leur ravitaillement." La bourgeoisie reconnaît ainsi que l’emploi de la bombe atomique n’abrégera pas la guerre, ne "tiendra en respect" personne, elle ne fera qu’augmenter les horreurs de la guerre.
Nous voyons aujourd’hui que l’effondrement de l’Allemagne et du Japon n’a pas mis fin aux convulsions du monde capitaliste. L’armement jusqu’aux dents "pour maintenir la paix" nous maintient dans "un état cent fois plus près de la vraie guerre impérialiste que de la paix, même versaillaise". (Lutte de Classes – n°46).
Chaque ouvrier peut comprendre maintenant l’avertissement que nous donnait Trotsky dès 1937 : "Abandonnée à sa propre logique, la guerre mondiale serait, dans les conditions actuelles de la technique, une méthode compliquée et très coûteuse de suicide de l’humanité. On pourrait obtenir le même résultat d’une ma-nière bien plus simple, c’est-à-dire en enfermant l’humanité dans une cage de la grandeur d’environ un kilomètre cube et en plongeant cette cage dans un des océans. La technique moderne serait tout à fait à même d’accomplir ce "coup bref et décisif" ; il serait bien moins cher que le programme militaire de l’une quelconque des grandes puissances."
Il n’y a qu’une manière de prévenir la catastrophe, c’est d’étrangler l’impérialisme. Car pour celui-ci, "la guerre n’est pas un accident, elle n’est pas "un péché", ... elle est une étape inévitable du capitalisme, une forme aussi naturelle de la vie capitaliste que la paix." (Lénine).
C’est pour cela que dans la lutte d’émancipation des peuples d’Indochine, des Indes, de l’Indonésie, etc..., et partout où se trouve un opprimé en lutte contre l’impérialisme, c’est notre propre cause qui est en jeu. C’est pour cela que la solidarité internationale la plus étroite dans la lutte de tous les opprimés contre l’impérialisme est notre seul salut.
C’est dans ce but que l’avant-garde consciente du prolétariat a créé la Quatrième Internationale, afin d’avoir non seulement un centre politique mais un véritable état-major de coordination pratique des luttes ouvrières internationales. La faible préparation de ses cadres ne lui a pas permis de jouer ce rôle pendant le deuxième conflit impérialiste mondial. Mais nous devons la rendre à bref délai capable de s’opposer avec succès à un rebondissement de la guerre impérialiste. Le devoir de tous les ouvriers conscients c’est de travailler à cette tâche en construisant le Parti révolutionnaire de la IVème Internationale en France, pour hâter l’heure de la révolution victorieuse dans le monde.

La Voix des Travailleurs
Nº 3 – Bulletin inter-usines de l’opposition syndicale
BULLETIN INTERIEUR
Barta

26 novembre 1945

Les bureaucrates et les travailleurs indochinois

Le gouvernement emploie les travailleurs indochinois en France à fabriquer les munitions pour les Leclerc-de Hauteclocque en Indochine. Le 5 novembre, la 43e Compagnie de travailleurs à Marseille est désignée pour ce travail, dans la fonderie nationale Artifex ; consciente de l’usage de ce matériel, elle refuse le travail.
L’administration (Direction des T.I.) fit plus que de mettre les grévistes au chômage : elle leur supprima leur allocation (10 fr. par jour). Les travailleurs demandèrent alors l’intervention de la C.G.T., mais les "chefs ouvriers" se dérobèrent, sous prétexte que le refus de travail n’était pas fondé et qu’il s’agissait d’une grève politique ; donc la C.G.T. ne pouvait rien faire (ils ne sont pour la politique que quand il s’agit de discussions et de manoeuvres).
Les grévistes s’adressèrent alors au reste de la Compagnie qui se solidarisa avec eux en refusant le travail intérieur (bureaux, ravitaillement, corvées, etc...).
Et malgré le lâchage des bureaucrates, ils furent victorieux : ils ont obtenu, grâce à leur union dans la lutte, leurs 10 francs de chômage, et ils ne produisent pas la poudre destinée à tuer leurs parents !

La vraie solidarité ouvrière

Après la grève générale (30 octobre) des travailleurs et militaires indochinois en France pour protester contre la poursuite de la guerre en Indochine, il devint clair que beaucoup de travailleurs français étaient prêts à leur accorder leur appui, comme les travailleurs australiens ont su, par des actes, prouver leur solidarité au peuple indonésien.
Ainsi, à Marseille, des centaines d’ouvriers français travaillent à réparer les croiseurs Marin et Savorgnan de Brazza destinés à l’Indochine. Même en l’absence de directives, ils ont montré leur solidarité avec le peuple indochinois en faisant traîner le travail le plus longtemps possible.
Bien plus, à La Ciotat, les dockers français ont exprimé directement aux travailleurs indochinois leur volonté de se solidariser avec eux par la grève. "Tout est prêt" -ont-ils dit- "et il ne manque qu’un ordre émanant de la C.G.T.".
Qu’attend la C.G.T. ? Que les Hénaff et Frachon cessent les phrases hypocrites et passent à l’action ! Les bureaucrates offrent de bonnes paroles et ont peur : "Nous sommes de coeur avec le peuple indochinois, mais nous ne pourrions pas aller au delà..."
Au delà de quoi donc, sinon de la collaboration avec la bourgeoisie ?

La répression coloniale

Nous reproduisons ci-dessous un tract diffusé par des camarades indochinois :
La répression s’abat à l’heure présente sur l’ensemble des tirailleurs indochinois encasernés en France. Travailleurs français, vous vous êtes sans doute demandé la raison des mesures terroristes des hommes des trusts ? Quel est donc le crime des tirailleurs qu’on désarme, qu’on emprisonne par centaines, qu’on charge à la baïonnette et qu’on fusille ?
Ils ont débarqué en France il y a six ans, venus des coins les plus reculés d’Indochine. On les a armés et poussés au front comme du bétail. Pourquoi se battaient-ils ? On exigeait seulement d’eux qu’ils se fassent tuer. Les survivants ont connu les stalags et le travail sans salaire dans l’organisation Todt.
Sortis des stalags, nous n’avons pas eu les mêmes droits que les autres prisonniers (pas de prime de libération, par exemple). Nous avons demandé au gouvernement de nous démobiliser (ayant connu sept ans de caserne, certains d’entre nous huit et neuf ans de service militaire) et de nous orienter vers les centres de formation et de rééducation professionnels.
On nous a en réponse enrégimentés à nouveau, même les malades, nous faisant travailler pour les patrons français (dans les forêts, salineries, etc...), avec un salaire de 2 frs. par jour. Bien plus on veut nous forcer à entrer dans le corps expéditionnaire pour aller combattre nos frères au pays.
Nous avons demandé au Général Leclerc de nous épargner pareille besogne : on nous a mis dans des camps disciplinaires à Entraigues (Vaucluse), en nous enlevant tous nos effets et en nous privant de nourriture.
Tout cela pour n’avoir pas voulu être infâmes en faisant la guerre à nos familles.
Le 18 octobre dernier, nous avons fait, avec nos compatriotes travailleurs, la grève de la faim pour protester contre l’embarquement de force de nos camarades à Marseille, contre la guerre en Indochine et contre l’arrestation arbitraire des membres de la délégation générale des Indochinois (notre organisation représentative en France). Partout nous avons rencontré la sympathie des travailleurs français – tandis que les officiers colonialistes arrêtent plus de 300 des nôtres et jettent sur nous, désarmés, les gardes-mobiles armés de baïonnettes, comme à Agen où une trentaine d’anciens prisonniers de guerre indochinois furent grièvement blessés.
Les tirailleurs répartis dans les régions de Strasbourg, Mulhouse, Aix-en-Provence, Agen, La Rochelle, Arles, Montpellier ont rendu leurs galons aux bourreaux et gardes-chiourme, demandant la libération de tous leurs camarades arrêtés. Ou alors que l’on interne comme prisonniers de guerre, les 8.000 tirailleurs indochinois !
Car ils estiment que leurs camarades n’ont fait que leur devoir. Ils vous demandent de les soutenir. Ce n’est pas dans des pays éloignés et étrangers que se passent ces choses, c’est ici, en France même.
Par leurs mesures terroristes, les colonialistes veulent faire de nous une machine à répression, bonne contre quiconque ; demain, on tentera d’utiliser contre vous ces tirailleurs : en les défendant aujourd’hui, vous vous défendez vous-mêmes.
Montrez en nous soutenant par tous les moyens en votre pouvoir, que vous n’aiderez pas les crimes des colonialistes et des hommes des trusts. Partout localement, syndicalement et politiquement, aidez-nous à obtenir sans attendre :
LA LIBERATION DE TOUS LES TIRAILLEURS ARRETES.
LA DEMOBILISATION ET LA TRANSFORMATION EN TRAVAILLEURS DE TOUS LES TIRAILLEURS.

L’OCTROI AUX TIRAILLEURS DES MEMES AVANTAGES QUE CEUX AUXQUELS ONT DROIT LES AUTRES PRISONNIERS DE GUERRE, LEUR INSCRIPTION DANS LES CENTRES DE REEDUCATION ET D’APPRENTISSAGE PROFESSIONNELS.
Les Tirailleurs Indochinois en France

LA LUTTE DE CLASSES nº 70
Barta

11 octobre 1946

LA LUTTE OUVRIERE AU JAPON

(Reproduit de The militant du 21-9-46)
Un réveil grandiose du mouvement ouvrier japonais, englobant presque un million de travailleurs, - un tiers des forces ouvrières organisées – a commencé le 10 septembre à Tokyo par une grève générale totale du Syndicat des Marins japonais. Ceci fut suivi peu de jours après par une grève de 556.000 travailleurs de la C.G.T. japonaise et de 330.000 ouvriers agricoles organisés dans le Syndicat National Agraire du Japon.
Cette grève puissante eut lieu face au décret dictatorial promulgué par le général Mac Arthur il y a deux semaines, décret soutenu par le gouvernement marionnette, interdisant "les grèves, abandons de travail et autres formes d’arrêt de travail".
Ce décret de style hitlérien et la menace faite par Mac Arthur d’utiliser les troupes d’occupation comme briseurs de grèves servirent à écraser une grève de trois jours des marins à Sasebo.
Cette semaine, d’après les rapports syndicaux, 3.899 bateaux sont immobilisés, paralysant virtuellement la marine marchande japonaise. Des grèves de sympathie du Syndicat des Travailleurs des ports japonais et du Syndicat des Marins côtiers ajoutèrent 60.000 grévistes aux 54.000 marins de la marine marchande qui avaient quitté les bateaux. Les équipages japonais de huit Liberty Ships qui devaient retourner aux U.S.A., se sont joints à la grève, et six autres équipages se préparent à en faire autant.
LES REVENDICATIONS DES MARINS
Le Syndicat des marins japonais exige une augmentation de 100% des salaires. Et, plus important, ils sont déterminés à empêcher le gouvernement de réaliser sa menace de licenciement de 80% des marins, sans consultations avec les Syndicats.
Le Syndicat déclare que ces licenciements massifs non seulement ne sont pas nécessaires, mais d’après le Christian Science Monitor du 12 septembre, "peuvent être à l’heure actuelle un effort pour arrêter la croissance du mouvement ouvrier sous prétexte de nécessités économiques".
La grève des marins s’étend parce que le mouvement syndical japonais est déterminé à faire échec aux tentatives des impérialistes américains et de leur gouvernement marionnette d’écraser leur force organisée et de faire retourner les ouvriers aux formes de servitude semi-féodale.
Le Congrès des syndicats ouvriers (équivalent du C.I.O. américain) a ordonné aux simples centrales affiliées de se mettre en grève et de tenir bon jusqu’à ce "que le gouvernement réactionnaire de Yoshida s’effondre".
L’ordre de grève a été donné chez les mineurs, métallos, industries chimiques, imprimeurs, électriciens et d’autres corporations. La grève des travailleurs agricoles suivit l’ordre de grève de la C.G.T. japonaise de près, étant donné l’impossibilité d’arriver à un accord entre le Syndicat et les grands propriétaires fonciers sur l’augmentation des salaires et les conventions collectives.
La C.G.T. japonaise a 1 600 000 membres, comprenant 600 000 cheminots. La Fédération Générale des Cheminots a aussi lancé l’ordre de grève après que le gouvernement eut menacé de licencier 75 000 cheminots sous prétexte d’"économies", le même prétexte qui fut utilisé pour menacer les marins de licenciements massifs.
LE GOUVERNEMENT MIS EN ACCUSATION
Les cheminots accusent le gouvernement de s’occuper seulement de réunions au sujet du paiement des bons de défense nationale, émis pendant la guerre, aux dépens des ouvriers. Ces paiements vont aux mêmes profiteurs capitalistes japonais qui firent massacrer les travailleurs durant la guerre impérialiste et qui sont maintenant protégés par Mac Arthur. Le Syndicat se prépare à la grève parce qu’on fait supporter aux travailleurs les "déficits" qui furent faits "dans le but de mener la guerre".
Le gouvernement a reculé devant cette menace de grève et le Ministère des Transports a retiré ses ordres de licenciements. On rapporte que le Syndicat des Cheminots a une attitude de trêve temporaire.

LA LUTTE DE CLASSES nº 71
Barta

18 octobre 1946

LA LUTTE DE CLASSES S’INTENSIFIE AUX COLONIES

Tandis que les gouvernements français et vietnamien signent un "modus vivendi" , la guerre continue là-bas, et chaque jour la presse nous relate des "incidents" où l’artillerie et l’aviation interviennent. Est-ce seulement l’Indochine qui est entrée dans une époque de bouleversement et de soulèvement permanents ? Non. Les grèves d’Egypte font écho à celles d’Iran ; les émeutes du Moyen-Orient répondent à celles d’Afrique du Nord ; les paysans des Philippines et de Corée se battent contre la domination "pacifique" et toute puissante des U.S.A., comme les peuples des Indes Néerlandaises contre la puissance chancelante de la Hollande. Les impérialistes avaient fait de la portion la plus considérable du globe une chasse gardée pour leurs profits. Elle est aujourd’hui le théâtre d’une lutte gigantesque, croissant chaque jour en ampleur et en intensité.
Face à ce mouvement révolutionnaire dont "même la bombe atomique ne saurait venir à bout", les puissances coloniales découvrent la démocratie, et affirment qu’elles ne sont là que pour préparer l’émancipation des peuples colonisés.
Mais en quoi se manifeste cette nouvelle politique "libérale" ? "Impossible d’accorder l’indépendance aux colonies, s’écrient les capitalistes et leurs perroquets fidèles, d’autres capitalistes prendraient notre place !" Mais, en vérité, est-ce contre telle ou telle puissance qu’est menée la lutte émancipatrice des peuples coloniaux ? Non ! Toutes les puissances sont logées à la même enseigne. Comme dit le dicton français : "Notre ennemi, c’est notre maître", et peu importe aux peuples asservis quel est ce maître.
Cependant les puissances colonisatrices voient maintenant se dresser devant elles des rivaux faibles, mais avides : les bourgeoisies indigènes. Celles-ci chassent peu à peu les propriétaires étrangers et mettent la main sur le capital investi par eux. Ainsi, le principal journal des Indes, le Times of India, porte-parole de l’impérialisme anglais, est entièrement contrôlé par des Hindous. Pour sauvegarder l’essentiel de leur domination, les puissances colonisatrices sont obligées de compter avec ces rivaux, et de garantir par des concessions politiques – indépendance formelle dans le cadre de l’Union Française ou du Commonwealth, accession à tous les postes administratifs, etc... – les positions économiques dont la bourgeoisie indigène s’est emparé. Voilà ce que signifie l’accession des "élites" au gouvernement des pays colonisés.
Que vaut cette nouvelle politique "libérale" ? Les événements de chaque jour nous l’apprennent : la guerre s’installe aux colonies de façon permanente, car si la force manque aux impérialistes pour écraser toute résistance, leur politique de concessions mêlées de répres-sion soulève continuellement de nouveaux conflits. Le corps expéditionnaire d’Indochine est bien incapable de venir à bout du Viêt-nam, mais sa présence est une source continuelle d’échauffourées sanglantes.
Pour le peuple de la métropole elle-même, cette politique signifie une misère accrue. L’entretien et le renouvellement du corps expéditionnaire et d’occupation pompent les finances du pays. C’est une source inépuisable d’inflation qui échappe à toute tentative d’"assainissement".
Pourquoi cette "nouvelle" politique coloniale porte-t-elle des fruits aussi amers ? C’est que la bourgeoisie indigène se montre incapable d’endiguer le raz de marée populaire qui, en balayant les "colonisateurs", tarirait une source appréciable de ses profits. Hô-Chi-Minh et Moutet peuvent s’embrasser, Le Monde (19-9) nous apprend que "les "extrémistes mènent une campagne contre le Président Ho-Chi-Minh, et ses adversaires organisent des réunions dans les localités des environs de la capitale." Tandis que les masses la bousculent en avant, la bourgeoisie indigène se raccroche à son adversaire étranger. Devant les grèves égyptiennes et les marches de la faim du Caire, l’ancien Premier Ministre Sedky Pacha déclare : "Nous n’aurions rien à gagner à nous débarrasser de notre alliance avec l’Angleterre." (Monde, 1-10).
Ainsi, dans sa lutte pour l’existence, la population coloniale ne trouve plus seulement devant elle les soldats des impérialistes : elle se heurte à ses propres gendarmes "nationaux". Sectes religieuses et gendarmes égyptiens collaborent dans l’assassinat des ouvriers révolutionnaires ; le gouvernement nationaliste des Indes Néerlandaises jette en prison les leaders communistes ; les militants trotskystes indochinois sont systématiquement assassinés. Devant la répression, les masses paysannes et le jeune prolétariat colonial apprennent à ne plus faire de différence entre ceux qui les exploitent.
Les défenseurs du colonialisme invoquent les liens internationaux qui lient tous les peuples pour s’opposer au mouvement d’émancipation du monde colonial. Sur la base de la domination des capitalistes, cette indépendance s’exprime par la guerre et la misère. Mais sur la base de la lutte contre le capitalisme, cette indépendance est justement l’arme principale aux mains des exploités, car elle permet d’unifier en une seule lutte celle des travailleurs des pays "avancés" et celle des millions d’esclaves coloniaux. Et tandis que les gouvernements colonialistes discutent pour savoir s’il faut "accorder" ou "ne pas accorder" l’indépendance (est-ce à eux de décider ?), c’est cette lutte mondiale qui en décide.
Cependant, dans l’indifférence et la passivité du prolétariat des métropoles, les capitalistes trouvent la possibilité de sauvegarder, à travers le foisonnement des conflits nationaux, leur pillage international.
Comment sortir de cette situation ? Toutes les solutions sont mauvaises, si ce sont les capitalistes qui les appliquent. C’est seulement si à la tête de la France était une force démocratique – le gouvernement des ouvriers et des paysans – qui reconnaisse aux peuples les droits démocratiques élémentaires, y compris le droit de séparation, que le terrain serait déblayé pour une véritable entente entre le peuple de la métropole et ceux des colonies.

Aux Etats-Unis,
POURQUOI NOUS SOUTENONS LES MARINS ET LES CAMIONNEURS NEW-YORKAIS EN GREVE

Discours de Farrel Dobbs du Parti Ouvrier Socialiste (trotskyste). Extrait de The Militant du 21 septembre 1946
Vous avez lu les articles de la presse bourgeoise sur les grèves des marins et des camionneurs. Vous savez qu’une vaste propagande bien financée a été déclenchée pour soulever la colère et tourner le peuple contre les grévistes.
Je vais vous dire les faits que la presse n’a pas imprimé. Je vais vous dire qui est derrière les mensonges et les calomnies contre les grévistes et qui est réellement responsable des restrictions imputées à tort aux grévistes.
L’époque électorale est la saison où les bois sont pleins de soi-disant "amis des travailleurs". Les politiciens des deux plus grands partis, Démocrate aussi bien que Républicain, ont graissé leurs fusils électoraux et ont pris en chasse les votes des travailleurs. Ils ressortent leurs vieilles attrapes les promesses dont ils se servent toujours dans la chasse aux bulletins de vote
Mais, même avant les élections, les faits se chargent d’éprouver leurs promesses. Pendant que Mead et Lehman, Dewey et Ives jurent de leur impérissable amour pour le peuple travailleur, leur parole est éprouvée par de grands événements et de grands combats.
Ici même, dans la ville de New-York, des dizaines de milliers de travailleurs ont été acculés aux plus acharnés combats grévistes pour défendre leur standard de vie. Ces hommes ces pères de famille pour la plupart travaillent à deux des plus dangereux et difficiles métiers. Ils sont marins et camionneurs.
Tout au long de l’année, ils risquent leur vie sur les voies maritimes et sur les grandes routes. Et tout ce qu’ils demandent, ce sont des conditions de travail décentes et un salaire suffisant pour assurer à leur femme et à leurs enfants une vie décente et saine.
Le cas des camionneurs
Prenons le cas des camionneurs. Ces hommes n’ont eu aucune augmentation pendant plus de deux ans. Leur dernière augmentation fut de 2,5 dollars par semaine. Quelqu’un peut-il, en toute conscience, soutenir que même les 30% d’augmentation qu’ils demandent puissent compenser l’augmentation que le coût de la vie a subi pendant l’année dernière ? Le Bureau des Statistiques du Travail des Etats-Unis admet que le coût de la vie s’est élevé de 11% rien que pendant les trois derniers mois, et tout le monde sait que ces statistiques sont au-dessous de la vérité.
Les gros propriétaires de transports routiers n’ont fait que voir leurs profits monter. Pendant toute la guerre, et jusqu’à ces jours, leurs camions ont travaillé jour et nuit. L’industrie routière a reçu une bonne part des fructueux contrats de guerre gouvernementaux.
L’industrie routière est protégée par des lois fiscales qui diminuent l’impôt sur les bénéfices avec des clauses qui couvrent les pertes. Leurs impôts sur les bénéfices ont été beaucoup réduits par le Congrès. Ils sont installés confortablement c’est pourquoi ils peuvent rejeter avec arrogance les revendications des camionneurs. C’est pourquoi ils peuvent les insulter en leur offrant une augmentation d’environ 5 cents de l’heure. C’est pourquoi ils ont délibérément provoqué une grève.
Qui faut-il accuser ?
Avez-vous jamais transporté une charge de 30 tonnes dans un camion routier géant ? Avez-vous jamais essayé de conduire un camion à travers les rues embouteillées d’une ville, ou de descendre une colline gelée ? Avez-vous jamais aidé à charger 80.000 livres sur un camion, et puis aidé à le décharger et cela après avoir conduit pendant des heures ?
Vous ne trouverez pas un seul homme qui ait fait ce métier dangereux et éreintant pour condamner les chauffeurs en grève. Les journaux versent des larmes de crocodile parce que cette grève paralyse l’arrivée du ravitaillement. Ils hurlent au loup même quand le major O’Dwyer – qui n’en crie pas moins au loup lui-même – admet qu’il n’y avait pas de raison de s’alarmer.
S’il y a des restrictions dues à la grève, qui faut-il en accuser ? N’est-ce pas les arrogants patrons des transports routiers qui essaient d’éviter le paiement des augmentations légitimes ? Si les journaux bourgeois, les patrons et le major O’Dwyer sont tellement inquiets au sujet des restrictions, ils peuvent mettre un terme à cette situation à l’instant. Qu’ils satisfassent les justes revendications des travailleurs !
Mais puisque nous parlons de restrictions, je voudrais vous parler de quelques restrictions réelles que personne ne peut imputer aux grèves. Le peuple travailleur de New-York et de tout le pays est privé de viande. Ce manque de viande est provoqué par le stockage délibéré de la viande par le florissant trust de la viande de conserve.
Les grosses maisons de conserves ont fait de stupéfiants bénéfices pendant la guerre.
Ils ont détourné la viande vers le marché noir et violé tous les plafonds des prix. Ils volaient le peuple carrément – ou lui refusaient la viande.
Maintenant, l’O.P.A. a accepté une nouvelle augmentation des prix de vente, de 16 cts à la livre. Mais le trust qui détient la viande a supprimé le ravitaillement en viande comme on ferme un robinet. Une poignée de multimillionnaires accapareurs privent de viande la nation tout entière. Ils rançonnent le peuple par des prix de voleurs. Mais vous n’entendez pas de cris d’indignation à ce propos dans la presse, ou de la part du major O’Dwyer ou de quelqu’autre politicien du Parti Démocrate ou Républicain.
Les menaces d’O’Dwyer
Et maintenant O’Dwyer en vient à menacer les grévistes. Il menace d’employer la force contre eux. N’est-ce pas cela la signification de ses paroles à l’adresse de Daniel J. Tobin, président du Syndicat des Transporteurs, que s’il ne faisait pas cesser la grève, "il est très possible que des dommages et des effusions de sang en résulteraient" ? O’Dwyer est entré en fonctions il n’y a même pas un an, grâce aux votes des travailleurs. Aujourd’hui il menace de répandre leur sang.
O’Dwyer enfourche le cheval rouge. Il peste après les "rouges" et les "communistes". C’est une des plus vieilles méthodes pour essayer de salir les ouvriers en grève.
La grosse majorité des camionneurs a rejeté le compromis proposé par O’Dwyer. Ils ne sont pas en grève pour le plaisir de perdre leur paye. Ils n’opposent pas une telle résistance parce que des communistes ou quelqu’un d’autre les y a invités par un tract. Les hurlements de O’Dwyer sur les "communistes" sont une insulte non seulement à l’intelligence des camionneurs, mais pour tout le peuple travailleur de New-York.
Si par "communistes" O’Dwyer entend les staliniens du P.C. n’a-t-il pas lui-même bien accueilli leur appui et leurs votes aux élections de novembre 1945 ?
Le cas des marins est un autre exemple du double jeu et de l’injustice à l’égard des travailleurs. Dans ce cas, une Commission nommée par le Président Truman a essayé de diminuer les augmentations accordées par les propriétaires des navires eux-mêmes.
Plus de 6.000 hommes de la Marine marchande sont morts en mer durant la guerre. La récompense des survivants fut une diminution de 45 dollars par mois après le jour V. Les armateurs, en récompense, reçurent des centaines de millions de dollars du gouvernement.
... Permettez-moi de dire aux camionneurs, aux marins, à leurs familles : Votre cause est juste ! Vous avez droit à l’appui de tout honnête homme ! Tenez bon ! Votre lutte est la lutte de tous les travailleurs !
THIERRY D’ARGENLIEU RECOMMENCE...

Depuis 8 jours, la guerre, qui n’avait à vrai dire jamais cessé en Indochine, y a été à nouveau ouvertement déclenchée. La ville de Haï-phong, où se sont produits les premiers "incidents", a été bombardée par l’aviation française. Les crédits de guerre, que tout le monde désigne comme la source de l’inflation et de la ruine du peuple français, trouvent ici leur application au bénéfice des planteurs de caoutchouc et de la Banque d’Indochine. Car l’origine des incidents du port de Haïphong n’est autre, selon les informations officielles elles-mêmes, que la création par les autorités militaires françaises, en violation des accords conclus, d’un bureau des douanes et du commerce extérieur excluant toute participation annamite.
Le modus vivendi – l’accord signé par d’Argenlieu et Hô-Chi Minh – est mis ainsi en pièces 20 jours après son entrée en vigueur, parce que les intentions des colonialistes n’étaient que de reconquérir l’Indochine, et que le peuple vietnamien, qui s’était soulevé pour son indépendance au prix de terribles sacrifices, ne pouvait à nouveau se remettre volontairement sous le joug.
Dans France-Soir , le journaliste Pertinax donne en exemple l’Indonésie, où les impérialistes hollandais seraient arrivés, eux, à leurs fins et à un véritable accord ; mais en même temps arrive l’information de Batavia, publiée dans Le Monde (28-11), selon laquelle "...de durs combats continuent à se dérouler aux environs de Semarang, au centre de Java, où les forces hollandaises utilisent l’aviation pour appuyer leur poussée vers l’Ouest".
Les conventions que peuvent signer les impérialistes, en face d’une résistance acharnée, ne sont jamais respectées. Elles ne sont que prétextes à manoeuvres et à tromperies. Les peuples des Indes, d’Indonésie, d’Indochine, l’ont à présent largement expérimenté.
Tout ce que le général clérical d’Argenlieu, successeur en Indochine de cet autre représentant de l’armée "républicaine", de Hauteclocque, avait exécuté jusqu’à présent en application du modus vivendi, cela a été la libération des détenus de la prison de Saïgon (qui ont préféré demander à être dirigés sur le lieu de relégation de Poulo Condor plutôt que de se soumettre à la tromperie du modus vivendi).
Derrière des protestations d’entente et d’amitié, il n’y avait aucune parcelle de vérité. Manoeuvrant contre l’unité et l’indépendance de l’Indochine, l’impérialisme français a procédé à la création de "l’Etat libre" de Cochinchine pour diviser le Viêt-nam, et tellement libre que le président-marionnette, M. Thinh, nommé par d’Argenlieu, a fini par se suicider.
Au moment même où d’Argenlieu concluait l’accord, il déclarait à Saïgon, où il avait son gouvernement "libre", que le modus vivendi ne voulait pas dire indépendance "comme on le dit dans le pays". Et, en remerciant les consuls américain et britannique, il se félicitait de ce que 43 millions de dollars d’excédents d’exportations, provenant de la vente du caoutchouc, avaient été réalisés. En même temps, la plus terrible misère règne dans le pays.
En Indochine, ce ne sont pas les bavards du Parlement qui sont les représentants déclarés du capitalisme français, mais bien le général clérical et son Etat-Major. Il y a quelques mois à peine, un journal français n’était-il pas saccagé à Saïgon pour avoir exprimé des sentiments de sympathie vis-à-vis du peuple viet-namien ?
Aussi les politiciens staliniens et de gauche demandent-ils (en même temps qu’ils votent les crédits pour le corps expéditionnaire), qu’une Commission d’enquête parlementaire soit envoyée pour faire respecter le modus vivendi que d’Argenlieu ne respecte pas. "Le stade des négociations n’est pas dépassé", écrit L’Humanité.
Mais tout ce à quoi a abouti Hô-Chi Minh par ses déclarations d’entente et de collaboration, et en signant lui-même le modus vivendi, cela a été de concourir à l’illusion qu’un modus vivendi était possible entre la domination de l’impérialisme français et l’indépendance du peuple d’Indochine ;. Et c’est grâce à ces illusions créées par lui-même, qu’aujourd’hui les impérialistes se permettent d’accuser le Viêt-nam d’avoir provoqué un conflit, à l’origine duquel ils sont. C’est en répandant ces illusions, en n’expliquant pas que même si une trêve avait été possible, une entente avec l’impérialisme était exclue, que Hô-Chi Minh a trahi la lutte des ouvriers et des paysans et laissé le champ libre aux colonialistes.
La bourgeoisie impérialiste, menacée dans ses privilèges par le soulèvement des peuples coloniaux, essaie de combiner sa politique de violence (qui n’est pas d’aujourd’hui) avec des "ententes" qu’accepte la bourgeoisie indigène, prête à toutes les capitulations, en échange de quelques concessions.
Cependant, aujourd’hui, le gouvernement français se montre inquiet de ce que les "appels au calme" de Hô-Chi Minh ne soient pas écoutés, et qu’il risque d’être débordé par les "extrémistes". Le peuple travailleur d’Indochine, comme l’écrasante majorité des peuples coloniaux aujourd’hui, n’est en effet pas disposé à capituler. Et c’est parce que Hô-Chi Minh représente le compromis de la faible bourgeoisie coloniale, prête à s’entendre avec l’impérialisme, que l’indépendance des peuples coloniaux n’a d’autre garant que la lutte indépendante ouvrière et paysanne. Mais c’est pourquoi aussi le mouvement des peuples opprimés pour conquérir leur liberté contre l’impérialisme ne pourra aboutir qu’en liaison et en même temps que l’émancipation des prolétaires des métropoles, en même temps que la victoire socialiste des prolétaires des pays oppresseurs sur leur propre bourgeoisie.
Mais il ne peut pas non plus être question pour les travailleurs des métropoles de défendre leur niveau de vie, tant que leur propre bourgeoisie gaspillera le plus clair du revenu national dans des entreprises guerrières et colonialistes. Un des aspects les plus importants de la lutte que mène le peuple français en ce moment pour la sauvegarde de sa liberté et de son niveau de vie doit être l’opposition et la lutte contre les expéditions militaires dans les colonies, et l’aide active aux ouvriers et paysans dans leur guerre d’émancipation contre l’impérialisme.

LA LUTTE DE CLASSES nº 78
Barta

7 décembre 1946
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LA LUTTE DE CLASSES AUX COLONIES

LE CONFLIT HINDO-MUSULMAN

(EXTRAIT DU "SOCIALIST APPEAL" ORGANE DU R.C.P. ANGLAIS (IVème INTERNATIONALE), MI-OCTOBRE 1946)
Le 16 août vit le début de l’une des pires émeutes religieuses de l’histoire de l’Inde. Quoique presque entièrement confinés à Calcutta et à Bombay, des milliers d’hommes furent tués et des dizaines de milliers blessés dans les conflits hindo-musulmans directement inspirés par la Ligue Musulmane de Jinnah , en signe de protestation contre la formation d’un gouvernement issu du Congrès.
Les rues de Calcutta sont jonchées de cadavres et les hôpitaux sont bondés de blessés.
L’entière responsabilité de ce massacre retombe sur Jinnah et la Ligue musulmane qui ont, par leurs appels à "l’action directe", dressé les musulmans contre les hindous. Ils ont fait le jeu de l’impérialisme britannique.
La domination anglaise, principale cause
En fait, la domination britannique est la cause principale des antagonismes religieux qui règnent aux Indes à l’heure actuelle. Avant l’établissement du vice-roi, les luttes hindo-musulmanes de cette sorte étaient pratiquement inconnues. Les guerres d’Etat à Etat ont pu avoir des meneurs hindous ou musulmans, mais les soldats sortis des deux communautés combattaient aussi bien d’un côté que de l’autre. Les dirigeants musulmans employaient souvent des Hindous à des hautes responsabilités, de même que les dirigeants hindous employaient des Musulmans. Il est aussi vrai que dans les Etats où la domination anglaise ne se manifeste qu’indirectement, les luttes religieuses étaient comparativement rares jusqu’à ces derniers temps.
"Diviser pour régner ! doit être la devise de notre administration des Indes", écrivait l’Asiatic Journal en 1821, et en 1858 cette politique fut reprise officiellement par le Gouverneur général, lord Elphinstone. Tour à tour, on favorisa les Hindous et les Musulmans, on se servait des uns contre les autres, on enfonça entre eux un coin d’acier pour empêcher cette union des opprimés qui aurait rendu impossible la domination anglaise sur les Indes. Comme le nationalisme commençait à faire son chemin parmi les Hindous, l’Angleterre s’en remit de plus en plus aux leaders musulmans et tenta de s’en servir pour arrêter le développement du Congrès National Indien. Au début, ces efforts n’eurent que peu de succès. Mais au début de ce siècle furent prises deux mesures, qui aiguisèrent beaucoup les relations des deux communautés.
La première de ces mesures fut la division de la province du Bengale en deux parties, une musulmane et une hindoue. C’était un acte délibéré dans le but – d’après les propres mots du Statesman, principal organe de l’impérialisme anglais à Calcutta – "d’aider la formation dans l’Est du Bengale d’un pouvoir musulman qui aurait pour effet de faire échec à la force rapidement croissante de la communauté hindoue éduquée".
La seconde mesure prise fut la création d’un système électoral basé sur la communauté religieuse. Comme conséquence directe, l’attention du peuple fut détournée des intérêts économiques et politiques communs et concentrée sur des futilités comme la représentation accordée à chaque communauté. Une représentation privilégiée fut donnée aux Musulmans dans le but d’enfoncer encore plus profondément le coin entre les deux communautés.
La base économique et sociale
Dans le Bengale et le Punjab -provinces de population en majorité musulmane et comprises dans la proposition du "Pakistan" de Jinnah- les propriétaires, les usuriers et les marchands les plus riches sont hindous, tandis que la majorité des Musulmans sont de pauvres paysans, et leurs débiteurs. Là les combats des paysans musulmans contre leurs exploiteurs hindous sont aussi présentés dans la presse impérialiste comme des "troubles religieux".
D’autre part, durant les luttes ouvrières dans les grandes usines de Bombay et de Calcutta, les patrons hindous n’ont pas hésité à faire appel à des jeunes Musulmans pour briser la grève de leurs ouvriers hindous. L’action des grévistes à travers les piquets de grève est aussi rapportée comme "troubles religieux".
Il existe aussi une grande rivalité entre les intellectuels hindous et musulmans des classes moyennes dans la recherche des emplois (fonctionnaires, etc...)
En résumé, le terrain est favorable aux agents provocateurs qui ont avec succès attisé des antagonismes latents. Il est indiscutable que la bourgeoisie hindoue, représentée principalement par le Congrès, a beaucoup appris de l’impérialisme anglais et n’est pas plus gênée que celui-ci pour provoquer des troubles religieux si cela sert ses fins. Ainsi, durant les émeutes du mois d’août, un conflit fut instigué aux filatures de coton de Birla, propriété du plus gros capitaliste hindou, un des principaux soutiens du Congrès. Les tra-vailleurs de Birla ont un passé de luttes héroïques et l’on espérait, en dressant les tra-vailleurs hindous contre les travailleurs musulmans, détruire l’unité de classe des travailleurs. Cet essai échoua et les provocateurs ont satisfait leur soif de sang en molestant un certain nombre de Musulmans isolés, ce qui finit par une tuerie.
Les travailleurs musulmans viennent en aide aux Hindous
En effet, un des caractères des émeutes de Bombay et de Calcutta – sur lequel la presse capitaliste a gardé le silence – fut la discipline des travailleurs qui refusèrent malgré les provocations de participer à la tuerie. A Oriya, 600 et plus, travailleurs hindous furent massacrés. Des travailleurs musulmans se portèrent à leur secours, mais furent eux-mêmes écrasés.
Les actes de violence sont presque entièrement l’œuvre de provocateurs à gages, la population n’y prenant qu’une faible part. En fait, pour obtenir quelque appui parmi les travailleurs musulmans, Jinnah a dû faire usage de slogans anti-impérialistes, et il tente même de dépeindre sa campagne pour le "Pakistan" comme une arme contre l’"Hindou entièrement vendu". Comme le prouvent les élections dans les territoires purement musulmans comme la province du nord-ouest – où le Congrès a obtenu une bonne majorité des votes – les prétentions de Jinnah à représenter les masses musulmanes sont des mensonges manifestes. Dans la lutte pour l’indépendance nationale et pour de meilleures conditions de vie, les travailleurs musulmans et hindous combattent coude à coude le principal ennemi : l’impérialisme anglais.
C’est cette unité croissante de la classe travailleuse des deux communautés – dans les Syndicats et les Ligues paysannes &"8211 ; qui est redoutée non seulement des impérialistes anglais, mais aussi des capitalistes et des propriétaires fonciers hindous et musulmans. Dans cette unité, ils voient non seulement la fin de la domination anglaise, mais la fin de tous les exploiteurs. Pour sauver leurs profits et leur peau, ils doivent perpétuer les rivalités religieuses. "Diviser pour régner" demeure toujours leur maxime.
Les patrons craignent l’union des ouvriers
Cette crainte de la toute-puissance des centaines de millions de travailleurs est la raison de l’entente de Gandhi et Nehru, les représentants de la bourgeoisie nationale, avec l’impérialisme anglais : partager le pouvoir et partager les profits. La bourgeoisie des Indes n’a pas moins besoin que le Capital financier anglais des troupes britanniques pour "préserver l’ordre" aux Indes.
Mais c’est justement cette exploitation commune qui soude les ouvriers et les paysans hindous et musulmans en une union de plus en plus étroite. Dans les syndicats ouvriers et les syndicats paysans il n’y a qu’ouvriers et paysans, sans aucune distinction entre Hindous et Musulmans. Ici il n’y a pas d’électorat différent selon les religions. Ils sont liés par leurs besoins économiques et sociaux communs et leur combat commun pour de meilleures conditions de vie. Pour se libérer de l’exploitation des capitalistes et des propriétaires fonciers, ils forgent unes des armes qui conduira l’Inde vers une véritable émancipation nationale et lui fera prendre sa place comme nation socialiste dans un monde socialiste.
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LA LUTTE DE CLASSES nº 79
Barta

14 décembre 1946
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NOUS ACCUSONS ...

A Nuremberg, devant le tribunal "allié", après les quelques chefs nazis, comparaissent maintenant 23 médecins allemands accusés, selon l’agence United Press, d’avoir "dirigé une organisation de meurtres scientifiques, torturant et gazant des centaines de milliers d’hommes et de femmes..." Le détail de ces "meurtres scientifiques" défie toute imagination normale et dépasse en horreur les cauchemars les plus atroces.
L’Agence américaine, cependant, tait que ces expériences avaient pour but la poursuite de la guerre dont elles constituaient le complément. Il n’est pas difficile de découvrir la raison du silence de l’Agence américaine. En effet, une telle déclaration aurait inévitablement retourné l’accusation contre le Gouvernement américain lui-même. Car, si les dessous de la guerre allemande sont connus grâce à l’expérience mortelle qu’en ont fait les victimes des dirigeants nazis, les dessous de la guerre "alliée", bien que moins connus, ont néanmoins suffisamment été éclairés par les expériences atomiques de Hiroshima et Nagasaki. Effectivement les deux bombes ont été lancées non dans un but immédiatement militaire, mais dans un but purement expérimental et politique – non pour mettre le Japon hors de combat (il l’était déjà) –, mais pour connaître les effets d’un bombardement atomique sur de grandes agglomérations humaines, d’une part, et, d’autre part, pour donner une excuse aux dirigeants japonais, contraints de capituler, vis-à-vis de leur peuple. C’est ce but politique qu’il y a un an, dans La Lutte de Classes n° 50, du 3 septembre 1945, nous avons révélé sur la base d’une déclaration du ministre américain Byrnes. Or, aujourd’hui, cet aveu vient d’être confirmé, à la Chambre des Communes, par M. Attlee : "Une offre de paix a été faite par le Japon le 22 juillet 1945, et la bombe atomique sur Hiroshima a été lancée seulement le 10 août". Une telle déclaration, au moment où on fait passer en jugement 23 médecins allemands pour leurs expériences criminelles sur des êtres humains, risquait d’ouvrir les yeux aux populations trompées par M. Attlee et l’impérialisme allié. C’est pourquoi la presse s’est empressée de démentir le Premier Ministre et de prétendre qu’il y avait eu "une erreur de sténographie". Mais le but expérimental du lancement de la seconde bombe n’en reste pas moins évident. Une seule bombe aurait suffi à rendre le Japon conscient de "l’inutilité de la poursuite de la lutte", si tel avait été le but réel. Mais, en réalité, la bombe atomique a été expérimentée sur Hiroshima et Nagasaki, tuant des centaines de milliers d’êtres humains sans distinction d’âge et de sexe, de la même façon qu’elle l’a été à Bikini, au-dessus et à la surface de la mer.
L’Agence américaine sait tout cela. Elle sait que tout cela peut être retourné facilement contre les gouvernements alliés ; aussi essaie-t-elle de tromper le publlic en élevant le débat à "l’éternelle controverse de la limitation des recherches scientifiques par la conscience sociale". L’un des résultats du procès sera d’établir juridiquement, pour le monde entier, jusqu’où peuvent aller les expériences sur les êtres humains sans devenir criminelles. Ce n’est là qu’une manière, pour la bourgeoisie, de masquer ses responsabilités et ses buts dans la guerre.
La science n’est autre chose que l’effort victorieux de l’homme sur la nature. Elever la science au-dessus de l’homme, c’est trouver un moyen de dissimuler l’utilisation de la science par une classe de possédants qui ne reculent devant rien pour maintenir leur domination.
Car, si ces expériences servaient à la poursuite de la guerre, quelles en étaient cependant les victimes ? Non pas les Blum, Herriot, et autres "grands déportés" bourgeois, traités, au contraire, avec des égards, mais des ouvriers, des paysans, des exploités de toutes nationalités, opprimées et autres. Ainsi, pour écraser la classe ouvrière, les peuples coloniaux, tous les ennemis de sa domination, la bourgeoisie utilise la science. Elle en fait philosophiquement un dieu au-dessus de l’homme et, comme au dieu chrétien moyenâgeux autrefois, elle prétend sacrifier l’homme à la science, aujourd’hui.

Les trotskystes américains, qui trouvent un écho croissant dans les masses ouvrières de leur pays, ont dénoncé le crime que constituait le lancement des bombes atomiques sur le Japon de même qu’ils dénoncent tous les jours les méthodes de l’impérialisme américain dans le monde entier.
Avec les ouvriers américains, les prolétaires de tous les pays accusent les gouvernements alliés d’avoir commis les mêmes crimes contre l’humanité que les dirigeants nazis. Seulement, ce n’est pas le tribunal de Nuremberg qui peut juger ces crimes. Ce seront les travailleurs qui mettront en accusation les dirigeants capitalistes de tous les pays pour leurs crimes contre l’humanité.

LA LUTTE DE CLASSES nº 81
Barta

4 janvier 1947

La lutte ouvrière en Belgique
La grève des dockers d’Anvers

Tandis qu’on nous vante la "baisse des prix", certains journaux rappellent l’exemple du ministre belge Van Acker qui avait, lui aussi, décrété la baisse des prix (10%). Mais il est un autre exemple belge sur lequel ils gardent le silence : c’est celui des luttes ouvrières incessantes et acharnées qui se déroulent là-bas.
Grève générale dans la métallurgie de Gand ; grève des Ateliers de la Dyle à Louvain ; grève de septembre des dockers anversois, gagnant les ports de Bruxelles, Gand et Ostende ; grève des "Produits Chimiques de Tessenderloo ; ; grève, depuis novembre, des constructeurs de navires de l’Escaut ; et du Rupel ; ; la grève de décembre des dockers d’Anvers ; est un chaînon de plus dans la chaîne des combats que les travailleurs belges livrent pour leur existence.
Ils avaient obtenu en septembre dernier la "sécurité d’existence" : soutien de 90 francs pour tout docker qui, se présentant trois fois au local d’embauche, ne pouvait trouver du travail. Mais ce "soutien" misérable lui-même était une charge insupportable au capitaliste, et le ministre du Travail, le "socialiste" Trochet, profita des difficultés rencontrées par de nombreux dockers pour se faire pointer dès 7 heures au bureau d’embauche pour les exclure des allocations.
Les dockers au travail se déclarèrent solidaires de leurs camarades brimés : ils furent débauchés et le patron tenta d’embaucher à leur place des chômeurs. Mais, malgré leur situation critique, ceux-ci se refusèrent à faire les jaunes et le lendemain tout le port était arrêté.
Menaces des patrons et de leurs ministres, intervention de la troupe, manoeuvres et sabotage des bonzes syndicaux ne purent venir à bout de l’obstination des dockers, qui décidèrent de revendiquer une augmentation de 30% équilibrant leurs salaires au niveau de ceux des autres corporations. Ils ont faim et froid, mais tiennent, car ils savent par expérience qu’un recul leur coûterait encore plus cher que mener la bataille jusqu’au bout.
Le ministre communiste Marteaux a suspendu les allocations pour les grévistes, et les caisses du Syndicat – grandes ouvertes lorsqu’il s’agit de bals et d’"oeuvres sociales" – sont fermées pour eux et leurs familles : 40.000 personnes. Mais en face de la coalition de tous les défenseurs du capital et leurs larbins, les dockers tirent leur force de la conscience de la nécessité de leur mouvement et de leur unité dans la lutte.
Est-il admissible que la direction de la F.G.T.B. (la C.G.T. belge) essaye, en refusant tout secours, de les contraindre à capituler ? Est-ce pour cela que les syndiqués payent leur timbre ? Le P.C.I. (parti trotskyste) belge a lancé un appel à tous les travailleurs pour organiser l’aide aux dockers d’Anvers et pour obliger les bureaucrates faillis de la F.G.T.B. à donner aux grévistes l’aide matérielle à laquelle ils ont droit. La lutte continue.

LA LUTTE DE CLASSES nº 83
1er février 1947

Les déclarations de D’Argenlieu
LA GUERRE D’INDOCHINE, UNE GUERRE IMPERIALISTE

Quand, il y a deux mois, l’Etat-Major de d’Argenlieu recommençait une politique de force pour remettre le Viêt-nam sous la coupe incontestée de la Banque d’Indochine, les consignes données à la presse étaient de présenter cette offensive comme "de simples opérations de police". Mais ce n’était là qu’un prétexte pour nous entraîner dans une véritable guerre, et pour masquer le caractère aventuriste de la politique du gouvernement français. (Voir Lutte de Classes n°81).
Aujourd’hui nous sommes en présence des faits. Cette guerre contre un peuple de plus de vingt millions d’hommes et de femmes, décidé tout entier à résister jusqu’au bout aux colonialistes, est en réalité une guerre d’extermination, pour laquelle il faut engager des effectifs et des sommes considérables, et qui condamne le peuple français aux mêmes consé-quences économiques et politiques qui durent déjà depuis 1939.
Des journaux ont calculé, et personne ne les a démentis, que pour réinstaurer "l’ordre" des banquiers français en Indochine, il faudrait y envoyer une armée de 500.000 hommes ! Et encore, dans ce cas, la guerre peut se poursuivre indéfiniment.
Voilà ce qui explique les appels, en apparence inattendus, que d’Argenlieu adresse en ce moment aux "grandes puissances". "La solution du problème indochinois est retardée par le manque d’une politique commune des grandes nations...", vient-il de déclarer à des journaux anglais et américains. "La Grande-Bretagne, la France, les Pays-Bas, et si possible les Etats-Unis, doivent se concerter pour étudier la question et décider d’une politique commune à l’effet d’extirper les idées anti-démocratiques (sic) qui prévalent dans ces territoires" (en Asie).
Nous disons des "appels en apparence inattendus", car l’éventuelle intervention américaine, par exemple, ne nous avait été présentée jusqu’à maintenant que comme un argument de plus pour faire la guerre, afin d’empêcher que d’autres "ne prennent notre place". Cet argument colonialiste a été propagé notamment par L’Humanité, à l’usage des ouvriers auprès desquels on ne pouvait pas utiliser des arguments proprement chauvins.
Mais il n’y a rien d’inattendu dans ces appels de d’Argenlieu. Ils ne font que confirmer que la guerre que mène le peuple d’Indochine est une guerre émancipatrice, devant laquelle les manœuvres des impérialistes, pour s’évincer l’un l’autre, font place à leur solidarité face à un danger qui les menace tous pareillement. L’attitude des impérialistes nous prouve que la guerre du Viêt-nam pour son indé-pendance constitue un facteur de libération de tous les travailleurs et de toute l’humanité.
Cette solidarité des impérialistes ne fait qu’affirmer les intérêts communs, dans cette guerre, des travailleurs des métropoles et des colonies, solidarité d’intérêts dont malheureusement la majorité des travailleurs français n’ont pas conscience. Cependant l’action de d’Argenlieu contre le Viêt-nam s’accompagne de déclarations anti-communistes (qui ne visent pas le ministre de la Défense Nationale Billoux, ou le vice-président Thorez qui l’alimentent en armes et matériel humain), mais la classe ouvrière. La lutte contre les travailleurs d’Indochine est menée par lui en tant que lutte anti-ouvrière en général, et ce ne sont pas là des mots. Alors qu’en Indochine même, les premiers incidents contre le Viêt-nam étaient accompagnés par le sac d’un journal de tendance socialiste à Saïgon, dans la métropole, un deuxième meeting du seul Parti qui s’est effectivement solidarisé avec les travailleurs du Viêt-nam, le Parti Communiste Internationaliste (IVème Internationale), a été à nouveau dispersé à coups de matraques et de violences par les policiers des ministres soi-disant "communistes" et "socialistes".
A la solidarité impérialiste, qui unit les d’Argenlieu aux banquiers de Londres et de New-York et à leurs généraux, il faut opposer la solidarité prolétarienne qui unit les travailleurs de France aux travailleurs du Viêt-nam et à ceux du monde entier. Il faut une solidarité agissante. A bas la guerre de d’Argenlieu ! Vive l’Union libre des peuples métropolitains et coloniaux au sein des Etats-Unis socialistes soviétiques du monde !
GAUTHIER

LA LUTTE DE CLASSES nº 86
Barta

15 mars 1947

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LUTTES OUVRIERES EN ANGLETERRE

L’agitation ouvrière qui s’est accrue par la grève des transports, commencée en janvier dernier sur de simples revendications économiques, s’est transformée en épreuve de force entre le Gouvernement "socialiste" et les ouvriers, ceux-ci ne pouvant frapper les patrons qu’à travers le Gouvernement qui en prenait la défense. Bien que la grève fut "officielle", c’est-à-dire décidée régulièrement par le Syndicat, les grands responsables syndicaux qui ont toujours "l’unité" à la bouche n’hésitèrent pas à rompre la discipline et refusèrent de la soutenir. Si bien que le Secrétaire général du Syndicat, Deakin , dut recourir un jour à une escorte de policiers pour se protéger contre les ouvriers et, dans un meeting, des milliers de délégués exigèrent son départ. "Allez-vous vous laisser influencer par des trotskystes irresponsables ?" rétorqua Deakin. Dans la lutte de classes et les exigences des ouvriers pour des responsables honnêtes, ces gens-là reconnaissent la voix du trotskisme.
Pourtant, le Comité central de grève n’était pas "trotskyste" ; formé des responsables locaux, il était plein de modération et d’inexpérience, effrayé par la vigueur du mouvement qu’il avait à diriger. Aussi s’est-il laissé influencer par les tours de passe-passe des leaders syndicaux et travaillistes, comme nos "syndicalistes purs" de la Presse se sont laissés impressionner par Hénaff et ses pareils.
Ainsi, le Comité de grève lança un appel aux corpo-rations voisines pour leur demander... de ne pas faire grève ! Si cet appel avait été entendu, le Gouvernement serait facilement venu à bout des grévistes. Mais les travailleurs passèrent outre : les dockers et ceux des marchés cessèrent le travail, et le Gouvernement se vit devant la menace d’une grève plus générale encore.
Il tenta d’utiliser les troupes contre les grévistes : cela ne fit qu’aggraver la situation. La solidarité des ouvriers se resserra, d’autres grèves se préparèrent (cheminots, gaz, etc...). D’autre part, bien qu’il eût été fait appel à des contingents sélectionnés, le contact des ouvriers agit sur les soldats qui manifestèrent leur sympathie par de nombreuses collectes, si bien que le Gouvernement fut obligé de retirer la plupart des troupes pour éviter une démoralisation complète : face à l’armée, les grévistes ont vérifié l’efficacité des armes politiques.
Cette solidarité et cette fermeté ouvrières ont battu à la fois les patrons et le Gouvernement. "Que manque l’outil des travailleurs, l’industrie et le pays entier peuvent être paralysés rapidement. La société entière repose sur les épaules des ouvriers. Dès qu’ils cessent le travail, leur véritable place dans la société apparaît." (Socialist Appeal, fév. 47.)
D’autres grèves ont suivi celle des transports (à Glasgow notamment), "officielles" ou "non-officielles", selon que les bureaucrates syndicaux les torpillaient de l’intérieur ou s’y opposaient ouvertement. Mais toutes ont montré le renforcement de la solidarité et de la combativité des travailleurs. La classe ouvrière anglaise se prépare à livrer combat avant que le chômage ne vienne en aide aux patrons et au Gouvernement.

1947 Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! – LA LUTTE de CLASSES – Organe de l’Union Communiste (Trotskyste) n° 90 – 5ème année – bimensuel (B.I.) le n° 4 francs

LA LUTTE DE CLASSES nº 90
Barta

16 mai 1947

QUI L’EMPORTERA ?

Le dernier vote (du vendredi 9 mai), par lequel la direction cégétiste stalinienne a réussi à arrêter la grève générale Renault, consacre-t-il la victoire de cette direction ?
Ce n’est pas par un vote que la grève générale avait éclaté, douze jours auparavant ; c’est un secteur de l’usine comprenant environ 1.500 ouvriers qui, débarrassé des saboteurs "syndicaux" officiels par une lutte intérieure qui durait depuis de longs mois, a entraîné dans l’action toute l’usine.
C’est par une lutte ouverte avec la direction syndicale dans le reste de l’usine que les grévistes du secteur Collas ont conquis l’adhésion des travailleurs de chez Renault. Quelle est l’histoire de cette lutte ? La voici brièvement.
Les 1.500 ouvriers du secteur Collas, en grève le vendredi 25 avril pour une revendication intéressant toute la classe ouvrière, convoquent un meeting général le lundi 28 avril, à la suite duquel, en parcourant les différents ateliers des usines, ils réussissent à faire débrayer un peu partout. Mais c’est seulement environ 12.000 ouvriers des différents départements qui restent en grève. Dans le reste de l’usine (qui compte environ 30.000 personnes), les responsables cégétistes font reprendre le travail aux ouvriers qui, malgré leur mécontentement, sont intimidés par la pression de ces jaunes.
Mais le lendemain mardi, la direction syndicale se sent débordée : pour essayer de reprendre tout le mouvement en mains et de le contrôler, elle utilise une première "manœuvre" en appelant elle-même à la grève générale... d’une heure, pour soi-disant appuyer ses propres négociations avec la direction. Mais une fois en grève, les travailleurs de toute l’usine y restent, refusent de limiter le mouvement à une heure et suivent le secteur Collas et dans la grève et dans ses revendications.
Mais c’était là tout ce que les travailleurs pouvaient faire. Privés, dans presque tous les départements, d’éléments éduqués capables de tenir tête localement à la pression des bureaucrates petits et grands aux ordres des bonzes syndicaux, ils ne peuvent aller de l’avant. Ils sont en grève contre la volonté des dirigeants cégétistes, et c’est à ces derniers que revient, dans beaucoup de secteurs, la direction d’un mouvement dont ils ne veulent pas. C’est là que commencent les "victoires" de la C.G.T.
Sa première victoire ? Mercredi, dans l’après-midi, ils lancent des groupes d’assaut dans l’usine pour intimider les ouvriers, balayer les piquets de grève, disperser l’organisation propre des grévistes qui s’apprêtaient pour le lendemain, 1er mai. Il leur fallait à tout prix empêcher que les autres travailleurs sachent que la grève Renault et ses buts avaient surgi en dehors des ;dirigeants syndicaux ; et malgré leur opposition.
Vis-à-vis du reste de la classe ouvrière, les chefs cégétistes s’efforcent, en effet, de faire croire que ce sont eux qui conduisent le mouvement, que ce sont eux qui revendiquent les 10 francs, etc. Ils réussissent à empêcher les grévistes de manifester le 1er Mai ; mais cette première "victoire" est la première grande défaite de la direction cégétiste dans le secteur le plus important de la classe ouvrière, les usines Renault. Il ne s’agit plus cette fois-ci d’actes de violence contre des vendeurs de journaux qu’on accuse de n’importe quoi ; les travailleurs les ont vus à l’œuvre contre eux-mêmes.
Ils essayent ensuite, le vendredi 2 mai, de consulter "démocratiquement" les ouvriers pour savoir s’ils veulent reprendre le travail avec 3 francs de prime (même pas encore acquise), alors que toute l’usine s’était mise en grève pour les 10 francs sur le taux de base.
Or, le vote du vendredi 2 mai consacre le rapport de forces tel qu’il était apparu dans l’action gréviste du lundi, quand environ 12.000 ouvriers étaient en grève avant l’ordre officiel de la C.G.T. (le vote donne plus de 11.000 pour la grève, 8.000 contre).
La grève entre ainsi dans sa deuxième semaine. Son sort se joue maintenant en dehors de l’usine. Les revendications des grévistes ne peuvent aboutir que par une lutte de l’ensemble de la classe ouvrière, comme en juin 1936, et il faut à tout prix obtenir l’adhésion des autres usines de la région parisienne.
Là encore les staliniens recourent aux mêmes procédés, empêchent les délégués des grévistes de diffuser leur tract devant Citroën, etc. La grève Renault, malgré les mouvements de grève qui éclatent en province et dans certaines usines de Paris, ne réussit pas à entraîner le reste des travailleurs. C’est là la deuxième "victoire" des dirigeants cégétistes, mais avec les mêmes conséquences pour leur avenir. Dans de nombreuses usines (touchées ou non par les grévistes) où les ouvriers voulaient se mettre en grève, ils ont dû recourir à leur égard à la tromperie et à l’intimidation.
Ainsi, le vote du vendredi 9 mai chez Renault, qui donne une majorité pour la reprise du travail sur la base de 3 francs de prime, ne signifie nullement une reprise de confiance dans les Staliniens. Mais il est dû au fait que les ouvriers de chez Renault se sont vus isolés, dans la lutte, du reste de la classe ouvrière.
Malgré son échec, quant aux revendications ouvrières anticapitalistes qu’elle voulait faire prévaloir, la grève Renault est le commencement de la fin pour la direction officielle. C’est dans le bastion le plus important de la classe ouvrière que les dirigeants staliniens sont apparus aux travailleurs pour ce qu’ils sont : des éléments profondément antiprolétariens, obligés de se maintenir par la corruption, par l’intimidation, et par la brutalité ouverte, quand les travailleurs n’ont pas cédé aux deux premières. Un enseignement qui ne pouvait être acquis que dans la pratique, dans l’action, est maintenant assimilé par les travailleurs de chez Renault. Ils ont appris que, pour briser la politique du patronat, de famine pour les masses, il faut d’abord surmonter, par le regroupement et l’organisation, le sabotage stalinien au sein du mouvement ouvrier.

Anticapitalisme et réformisme
HAUSSE DES SALAIRES ET PRIME A LA PRODUCTION

Les dirigeants de la C.G.T. ont été mis devant le fait de la grève générale des usines Renault pour une augmentation de salaire de 10 francs sur le taux de base, comme acompte sur le minimum vital.
Après avoir essayé d’arrêter la grève par des méthodes d’intimidation et de brutalité, les dirigeants de la Fédération des Métaux ont finalement dû reprendre à leur compte, pour tous les métallurgistes, la revendication de 10 francs d’augmentation des grévistes, mais en la présentant sous forme de prime à la production. Ils ont ainsi soutenu le mouvement "comme la corde soutient le pendu". Car, sous le couvert de "leur" revendication, ils ont fait pression sur les ouvriers des autres usines pour qu’ils ne se mettent pas en grève et attendent le résultat de "leurs" négociations. Pendant ce temps-là, chez Renault même, ils ont manœuvré pour la reprise du travail sur la base d’un compromis de 3 francs de prime à la production.
Pourquoi les dirigeants cégétistes ont-ils opposé à la revendication d’augmentation sur le taux de base, telle que l’avaient formulée les ouvriers de Renault, la revendication de la prime au rendement ?
On sait que, pour que la prime à la production atteigne son but au point de vue patronal, il faut qu’elle corresponde à une petite rémunération au-dessus du salaire de base, pour un effort dépassant de beaucoup la production normale ; plus l’ouvrier travaille, moins il est payé proportionnellement à son effort. Il n’est plus possible de faire croire aux ouvriers que leur salaire est lié à la productivité. Chez Renault, la production a augmenté de 150%. Dans la sidérurgie, avec 60% de hauts-fourneaux en marche, la production est au même niveau qu’en 1938. La surexploitation a atteint son maximum, il n’est plus possible d’augmenter les salaires par l’augmentation du rendement, car il y a à cela les limites mêmes de la capacité des machines et de l’effort physique des hommes. Que les ouvriers n’arrivent même pas à tenir la cadence qui leur est actuellement imposée, cela n’est-il pas prouvé par la revendication cégétiste du paiement des temps coulés au taux de base ?
Mais s’il n’est plus possible d’augmenter le salaire par l’augmentation du rendement, la revendication cégétiste de la prime n’est donc pas autre chose qu’une revendication camouflée d’augmentation du salaire, qui ne peut être obtenue autrement que par la pression ouvrière sur le patronat et ses profits. C’est la pression ouvrière de la grève, même trahie, qui a obligé Lefaucheux à accorder les 3 francs chez Renault, alors que, pendant des mois, les démarches de la C.G.T. s’étaient heurtées au refus le plus absolu. Et c’est l’agitation et les grèves ouvrières, suite à la grève Renault, qui ont abouti, dans différentes usines, aux augmentations dont se vantent les dirigeants cégétistes (Panhard : 6 à 10%, Bréguet : 10% + 4 francs, Nevé : 10 frs. + prime progressive, Bahier : 3 frs. + prime, Latil : 4 frs., etc.).
En réalité donc, en camouflant les demandes d’augmentation de salaire sous le nom de "prime à la production", les dirigeants cégétistes voulaient, non seulement réaliser un compromis en faveur du pa-tronat (en offrant aux ouvriers une petite satisfaction à l’aide de laquelle ils regagneraient leur confiance) mais enlever aussi aux revendications ouvrières tout caractère de lutte anticapitaliste ouverte. Leur "revendication" n’est qu’un piège parmi ceux qu’ils ont utilisés pour saboter la lutte ouvrière jusqu’à présent (produire d’abord, blocage des salaires pour faire baisser les prix, etc.).
En se contenant de quelque dérisoire "prime à la production", les ouvriers se retrouveront à bref délai dans la même situation qu’aujourd’hui, du fait même qu’il n’y a, dans ce genre de rémunération, aucune garantie pour l’ouvrier, qu’elle est liée à la notion de rendement et à l’appréciation patronale (révision des temps, etc.).
Pourquoi le patronat s’oppose-t-il à la revendication d’un relèvement des salaires sur le taux de base, selon le minimum vital calculé sur l’indice des prix ? Parce qu’il ne veut pas se lier les mains vis-à-vis des ouvriers, parce qu’il veut garder l’initiative dans la question des salaires, spéculer sur les prix et garder ainsi la possibilité de toujours diminuer le niveau de vie des ouvriers au bénéfice des profits capitalistes, comme il l’a fait jusqu’à maintenant.
Les capitalistes, qui ne peuvent pas admettre que les revendications des ouvriers s’attaquent à leurs profits, prétendent que la hausse des salaires entraîne l’inflation. Mais les grévistes de chez Renault ont répondu à cet argument. Ils ont trouvé dans le bulletin même de la direction patronale l’aveu d’une augmentation de 30% versée aux millionnaires de la sidérurgie, sans qu’il y ait eu augmentation des salaires. Et alors que la part des concessionnaires pour une "Juva" est passée de 17.022 francs en janvier à 20.005 fr. en mars, le coût de la main-d’œuvre directe diminuait de 13.950 à 12.985 francs.
L’inflation gouvernementale suit son cours : le bilan publié par les journaux, avant quelque augmentation de salaire que ce soit, montre 17 milliards de billets nouveaux lancés par l’Etat ; dans ces conditions, qu’est-ce que la "revendication" cégétiste d’une "prime" de 10 fr. dans l’avenir, sinon une duperie ?
"Nous voulons la hausse des salaires par rapport aux profits des capitalistes", disait un tract du Comité de Grève. Et par ailleurs : "...jusqu’à présent, la politique patronale a toujours été de nous faire courir après les prix à l’aide de petites satisfactions partielles, pour calmer notre mécontentement. Notre revendication actuelle, qui est celle du minimum vital, c’est-à-dire pour nous limiter au chiffre de la C.G.T. de 7.000 frs. par mois, 10 frs. d’augmentation sur le taux de base pour 40 heures de travail, doit mettre fin, une fois pour toutes, à cet état de choses. Car l’augmentation que nous réclamons doit être garantie par son adaptation constante aux indices des prix, en fonction de ce qu’il nous faut acheter pour vivre sans mettre en danger notre santé. Nous voulons L’ECHELLE MOBILE DES SALAIRES".
Les ouvriers de chez Renault, qui avaient demandé l’augmentation sur le taux de base comme acompte sur le minimum vital, n’exprimaient donc pas une simple demande d’augmentation de salaire ; leur revendication tendait à mettre un frein aux spéculations des capitalistes et de leur gouvernement sur le dos des travailleurs ; elle engageait la lutte ouvrière dans le sens d’un contrôle des ouvriers sur leurs exploiteurs. Elle montrait une issue aux efforts des travailleurs pour la revalorisation de leur pouvoir d’achat.

LA GREVE GENERALE ET LA COLLABORATION DE CLASSES

Jusqu’à la grève Renault, les ministres et chefs staliniens justifiaient leur collaboration gouvernementale par la lutte contre la réaction : il valait mieux collaborer avec les clérico-réactionnaires M.R.P. pour éviter De Gaulle.
Mais leur but était, en réalité, de maintenir l’ordre, eux-mêmes, en tant que serviteurs de la bourgeoisie pour bénéficier des avantages ministériels. C’est pourquoi, ils faisaient au Gouvernement la politique du P.R.L.
Il a suffi que la grève Renault menace de se transformer en grève générale pour que les chefs staliniens découvrent qu’on ne lutte pas contre la réaction en faisant une politique réactionnaire : "Rien ne serait plus dangereux que de glisser, sous le couvert de lutte contre les factieux, à la politique réactionnaire qu’ils préconisent" (Thorez). Ils ont abandonné le Gouvernement pour se "désolidariser" de sa politique réactionnaire.
Mais à peine les chefs staliniens ont-ils quelque peu réussi à maîtriser le mouvement naissant dans le pays que déjà leur collaboration avec le Gouvernement, contre les grévistes, est aussi étroite que quand ils y étaient. C’est ainsi que Daniel Mayer faisait publier le lundi 12 mai le texte suivant : "Si 1.200 ouvriers ne travaillent pas, 1.000 d’entre eux sont dans l’impossibilité de le faire étant donné que 200 ouvriers, déterminés à voir la grève se poursuivre, s’opposent à la fourniture de la force motrice". Le lendemain, mardi, le tract local de la C.G.T., s’adressant aux ouvriers des usines Renault, reprenait mot pour mot ces mensonges. Donc, si "Socialistes" et "Communistes" se querellent dans des articles de journaux pour se rejeter mutuellement les responsabilités, ils collaborent étroitement contre les grévistes. Ils sont tous contre la grève qui, seule, a ouvert de nouvelles perspectives pour la classe ouvrière. Si les "Communistes" sont passés dans "l’opposition", ce n’est que pour mieux briser la lutte autonome des travailleurs. Mais cette manœuvre, loin d’être une surprise pour les marxistes révolutionnaires, a été expliquée longtemps à l’avance par La Lutte de Classes.

FRONT UNIQUE

"Le cabinet chinois a cédé sur l’un des trois points contenus dans l’ultimatum de grève générale adressé par la Fédération des Ouvriers des Entreprises industrielles et des Services publics de Changhaï, qui groupe huit cent mille membres. La Commission des prix, présidée par le premier ministre a consenti à procéder au rajustement des prix et des salaires, ces derniers étant bloqués depuis janvier dernier." (Les journaux).
Des Etats-Unis, où des grèves générales déferlent les unes après les autres, au Japon, où le mouvement ouvrier organisé est la principale force du pays qui tienne tête à l’occupation américaine, de la Ruhr prolétarienne à la Corée "arriérée", le mouvement ouvrier forme une chaîne dans laquelle ne manque pas un seul anneau. A Changhaï, 800.000 ouvriers menacent de se mettre en grève ; en Espagne, il y a grève générale à Bilbao, en France, la grève générale marque des points et jusque dans la Suisse conservatrice et "privilégiée", les "conflits sociaux" se précisent.
Partout, sans exception, la même politique de la bourgeoisie : faire retomber les charges de sa politique de guerre sur le dos des ouvriers, par l’inflation, en bloquant les salaires.
Ce mouvement universel de grèves, c’est la réaction des masses exploitées de tous les pays contre les conséquences de la guerre. Et, de ce fait, ces grèves sont en même temps une lutte contre la guerre que les capitalistes préparent. La 3e guerre mondiale, que les stipendiés de la bourgeoisie nous présentent comme une fatalité pour ôter aux masses travailleuses tout esprit de résistance, voit se dresser devant elle la lutte ouvrière.
Ainsi, d’un côté, les Truman, les Churchill, les Staline avec leur bombe atomique et leur politique de rapine – d’un autre côté, le mouvement ouvrier. Qui l’emportera ? C’est désormais une course de vitesse entre les forces de guerre : la bourgeoisie mondiale – et les forces de paix, le mouvement ouvrier mondial.
Si tous les éléments, qui consciemment s’opposent ou veulent s’opposer à la guerre, rassemblent toute leur énergie pour la mettre au service de la révolution mondiale, la paix triomphera.

L’UNITE

La grève Renault a brusquement fait surgir au grand jour et cristallisé le mécontentement qui couve depuis des années au sein de la classe ouvrière. En montrant leur volonté de ne pas se laisser définitivement réduire à la condition de parias, les travailleurs ont obligé tout le monde, dans toutes les sphères de la société, à prendre ouvertement position.
Dans l’usine même, la démarcation s’est faite non pas en fonction de l’appartenance "politique" des travailleurs, non pas en fonction de leurs conceptions philosophiques, mais uniquement sur la base de la défense de la situation économique des travailleurs. Ce qui a frappé les ouvriers dès les premières heures de la grève, c’est l’unité d’action réalisée par le Comité de Grève. "Moi, disait l’un d’eux, je suis chrétien ; j’ai un copain qui est secrétaire de la J.O.C. Eh bien ! dans son coin, c’est lui qui mène la bagarre. Personnellement, je ne suis pas syndiqué à la C.F.T.C., pourtant, j’ai bien lancé deux mille gars dans la grève. Mais, dans mon coin, c’est un anarchiste qui mène le combat."
– L’essentiel, lui répond un autre (syndiqué à la C.G.T., lui) c’est que nous soyons tous d’accord sur les moyens de défendre notre beefsteak.
– Nous avons sans doute des opinions différentes, mais nous nous connaissons entre nous, et nous savons bien reconnaître ceux qui sont les plus gonflés, les plus capables de nous défendre. Et c’est ceux-là que nous désignons, quelles que soient leurs opinions.
– Eh oui, voilà le vrai front unique des ouvriers.

METHODES STALINIENNES

Au meeting que les bonzes syndicaux avaient organisé le mercredi 30 avril, dans l’île Seguin, la presque totalité des ouvriers étaient présents.
Hénaff, entouré de sa garde du corps, déversait derrière son micro les calomnies habituelles sur le Comité de grève. Mais, lorsqu’un membre du Comité de grève s’approcha pour prendre la parole, les matraqueurs de la garde du corps se ruèrent comme des brutes forcenées sur les grévistes. En approchant Hénaff, on entendit qu’il disait : "Mais tire, tire donc, qu’est-ce que t’attends pour tirer ?..."
Les ouvriers, indignés, se dispersèrent et le reste du discours fut prononcé devant 200 à 300 présents, la claque qui applaudissait aux ordres.
A un contre-meeting du comité de grève, les mêmes brutes, qui, pour la plupart, ne travaillent pas chez Renault, firent le même travail de matraquage des ouvriers. Il s’en fallut de peu qu’un pavé ne soit lancé dans la voiture radio du comité de grève. A 20, ils matraquèrent un jeune vendeur de La Vérité.
Le soir, à 300, barres de fer à la main, ils circulèrent dans l’usine pour expulser les piquets de grève. Mais ils n’osèrent pas se présenter au secteur Collas.
N’étant pas parvenus à briser la grève avec ces méthodes, les Staliniens, le lendemain, s’en déclaraient "démocratiquement" partisans. Mais ils se gardèrent de remplacer les piquets de grève qu’ils avaient expulsés, ouvrant ainsi l’usine à Lefaucheux, qui pouvait se vanter ensuite, dans la presse, d’avoir fait évacuer "sur ordre de la Direction".

SOLIDARITE OUVRIERE

Les bonzes cégétistes ont tout mis en œuvre pour isoler les grévistes, pour empêcher la solidarité ouvrière de se manifester à leur égard. Dans toutes les usines, ils ont employé toutes leurs forces pour empêcher un mouvement général de se déclencher.
Un ouvrier de LMT, écœuré, disait à ses camarades : "Nous sommes des jaunes, ce que nous méritons, ce sont des coups de pied..."
Et dans cette famille ouvrière où le père et le fils travaillent tous deux chez Citroën, la discussion est chaude, tous les soirs, au sujet de la grève. Le père, fatigué, craint les grèves, car ce sont des aventures. La mère a déjà fait l’expérience de trois longues grèves, avec le cortège de misères qu’elles lui ont valu. Elle calcule, suppute ce qu’une nouvelle grève lui vaudrait de souffrances et de privations accrues. Elle est irréductible. Mais tous les soirs, le mari et le fils rentrent à la maison, un peu plus partisans de la lutte : "Que veux-tu, il faut bien y venir, dit le père. Nous ne pouvons en finir qu’avec un mouvement général. Autant le faire maintenant". Et c’est le fils qui a le mot de la fin : "Comprends, maman, on ne peut tout de même pas laisser ces pauvres gars de chez Renault se battre seuls...".
Quelles que soient les trahisons, les déceptions subies, la voix de la solidarité ouvrière n’est pas prête à s’éteindre dans le cœur des travailleurs, conscients de la nécessité d’une lutte organisée et unifiée.

LA GREVE GÉNÉRALE ET LE FASCISME

La politique des social-patriotes consiste à vouloir démontrer à la bourgeoisie leur capacité de gouverner, de maintenir "l’ordre", de "stabiliser" la situation. C’est en raison de cette politique que les social-patriotes au gouvernement se montrent impuissants vis-à-vis de la bourgeoisie et se retournent avec toute leur vigueur contre la classe ouvrière, en accusant les mouvements revendicatifs et grévistes de "faire le jeu de la réaction".
Mais en quoi les grèves peuvent-elles faire le jeu de la réaction.
Ce sont les social-patriotes, qui, en s’efforçant d’endiguer les grèves qui surgissent inévitablement de la situation économique, les condamnent à la dispersion et à l’isolement et les font ainsi apparaître comme des mouvements particuliers à telle ou telle catégorie professionnelle, comme jetant le trouble dans la vie économique en n’apportant aucune issue, comme fauteurs d’" anarchie".
Les social-patriotes apportent ainsi eux-mêmes de l’eau au moulin du fascisme en présentant les mouvements ouvriers contre l’anarchie capitaliste, comme la cause de cette anarchie capitaliste.
Dans ces conditions, il ne suffit pas d’alerter les travailleurs contre la réaction et un nouveau 6 février, il faut avant tout trouver le moyen d’empêcher les social-patriotes d’étrangler le mouvement ouvrier, seule véritable force contre le fascisme.
Si les social-patriotes font le jeu de la réaction et du fascisme par leurs tentatives impuissantes d’endiguer les grèves, la grève générale serait au contraire, en même temps qu’un coup mortel porté au fascisme, le moyen de briser leur politique de collaboration de classe. Elle les obligerait, tout au moins temporairement, de se mettre du côté de la classe ouvrière. Certes, ils ne le feraient que pour ne pas se couper des masses et pour endiguer leur mouvement, comme en 1936 (Thorez : "Il faut savoir finir une grève"). Mais dans ce nouveau combat, la classe ouvrière entrera avec une autre expérience que celle de 1936 et le renforcement des tendances révolutionnaires empêchera les dirigeants traîtres d’arriver à leur fin.
Ce n’est donc pas en faisant défiler les ouvriers, un dimanche, de la Nation à la République, sous le mot d’ordre "produire", que les chefs socialpatriotes feront reculer la réaction et le fascisme.
La tâche principale de l’avant-garde révolutionnaire dans chaque mouvement gréviste de quelque importance (comme dans le cas des fonctionnaires, des imprimeurs, etc.) est avant tout de s’efforcer d’élargir le mouvement pour lui donner l’appui de toute la classe ouvrière, de le transformer en grève générale.
Dans leur propagande et leur agitation, les révolutionnaires doivent faire comprendre aux ouvriers qu’il n’y a aucune autre issue que de se préparer à livrer le combat décisif.
[extrait de Lutte de Classes, 14 février 46]

LA SOURCE DE NOTRE FORCE

"Unité avec les républicains" (les Herriot et les Francisque Gay), crient aujourd’hui P.C.F. et P.S. pour continuer leur politique pourrie de collaboration avec les Partis bourgeois.
"Unité dans les quartiers et les usines", répondront les travailleurs, unité pour défendre notre pain et notre droit à la vie, unité pour organiser la résistance au patronat. Qui sera assez fort pour nous faire courber l’échine, si nous serrons nos rangs fraternellement à la base, sans distinction de tendances politiques, de croyance et de nationalité ? C’est dans CETTE unité que réside notre force. C’est CETTE vérité que ressentait un ouvrier qui disait : "Dans le temps il y avait des grèves, mais aujourd’hui on est amorphe ; ce n’est que par l’action directe qu’on peut faire changer un gouvernement de politique."
Et c’est pourquoi 150 ouvriers, conscients et combatifs, dans quinze grandes usines, peuvent faire infiniment plus pour la classe ouvrière, que 150 députés, réformistes traîtres, dans une Assemblée croupion qui, pour justifier leur existence, n"’arrachent" quelques concessions aux capitalistes qu’au moment où la classe ouvrière elle-même est en branle et les a déjà gagnées par son action directe.
extrait de Lutte de Classes, 14 mai 46

L’ACTION OUVRIERE ET LES "CLASSES MOYENNES"

La grève Renault a soulevé une grande vague d’espoir parmi toutes les couches moyennes de la population.
– Il était temps, entendait-on un peu partout.
– ça ne peut plus durer comme cela, disent les petits commerçants. Ils affament les ouvriers, et nous, ILS veulent nous empêcher de vivre. Avec toutes leurs taxes et leurs impôts, lis nous volent littéralement tout notre gain...
Mais si certains pensaient : "Il était temps, sans quoi ILS auraient réussi à nous faire mourir de faim", d’autres ajoutaient : "sans quoi on aurait eu la révolution".
Dans certaines boutiques, on pouvait entendre des réflexions de ce genre : "C’est la révolution que Thorez et sa bande veulent nous imposer". Et, à propos du problème de la viande : "Le gouvernement est d’accord avec les grossistes ; il protège les trafiquants. C’est pour cela que la viande est si chère. Il faut que les ouvriers réclament du ravitaillement".
Ainsi, aux yeux de larges couches de la population, l’Etat, avec ses tracasseries, son appareil bureaucratique étouffant, l’Etat voleur et affameur, est incarné par les Staliniens. Si "ça n’a jamais été si mal", c’est la faute au "communisme" que ces derniers prétendent représenter. Et toutes les petites gens, exaspérées, tournent leur haine du régime et de la pourriture contre les "Thorez et sa bande, qui s’engraissent sur le dos du peuple".
Mais, actuellement, cette haine n’englobe pas les ouvriers. Ils voient que ceux-ci sont victimes de ce régime au même titre qu’eux. Et c’est encore dans la lutte des travailleurs organisés qu’ils mettent leur espoir. Mais que, demain, cet espoir soit déçu, et ils se tourneront vers "l’homme providentiel" qui leur présentera démagogiquement une issue pour les sauver de la ruine.
Mais le sort des petites gens est lié à celui des ouvriers. Dans la mesure où les travailleurs secoueront le joug de leurs exploiteurs, ils gagneront définitivement à leur cause toutes les couches moyennes, à qui une perspective réelle sera ainsi offerte.
Cest pourquoi le meilleur rempart contre le fascisme, la meilleure défense contre De Gaulle et ses satellites, réside dans la lutte organisée de la classe ouvrière.
LUCIENNE

UNE HISTOIRE DE DEVISES ET DE TRACTEURS

On a dit aux travailleurs : "Pour que la France se relève, il faut produire !" Ils ont produit. Ils ont produit des autos, des tissus, des céréales, etc... mais avant tout pour l’exportation. Car on leur a expliqué que relever la France signifiait enrichir l’Etat en devises étrangères.
Mais ce qu’on ne leur a pas dit, et qu’ils comprennent chaque jour davantage, c’est que l’Etat est pourri du premier au dernier échelon, que le fruit de leur travail sert à faire vivre grassement une poignée de capitalistes affameurs et leur bande de politiciens véreux, que le relèvement de l’économie française passe après les intérêts privés de ces quelques privilégiés.
La meilleure preuve en est l’exemple de la Régie Renault qui continue à fabriquer des autos à perte pour l’exportation, alors qu’en 1946 une demande de 20.000 tracteurs était faite par les paysans français, qui ont reçu, en tout et pour tout, 1.000 tracteurs sur les 2.000 fabriqués en France... Voilà donc à quoi set de produire : les travailleurs qui ont sacrifié leur sueur et leur sang pour améliorer le sort de leurs semblables ont tout juste réussi à créer de nouvelles richesses dont la bourgeoisie est seule à jouir. Ils ont produit mais ils continuent à être mal nourris, mal vêtus, mal logés, pendant que les capitalistes continuent à acquérir des devises sur leur dos. C’est cela le relèvement de l’économie nationale.
DAN

CONVERSATION AVEC UN DEPUTE

– Ah, nous savons que la vie est difficile pour tout le monde. Tenez, moi qui suis député de province, je dois vivre avec 42.000 francs par moi. Eh bien, quand j’ai payé ma secrétaire, mes frais de voiture, mon restaurant, mon hôtel, il me reste 20.000 francs. Et que voulez vous avec 20.000 francs, je dois faire vivre ma famille...
– Eh bien, imaginez que vous soyez ouvrier d’usine. Il vous faudrait, avec 7.800 francs par mois nourrir, vêtir et entretenir votre femme, vos enfants et vous-même, payer-votre loyer et vos impôts, et je vous prie de croire que le percepteur ne nous oublie pas.
Le député lève les bras au ciel, se demandant ce que l’on peut faire avec une telle somme.
En sortant, un ouvrier conclut : "En somme, il a 42.000 francs de salaire de base, plus le boni sous forme de pots-de-vin et indemnités de toutes sortes. Mais, contrairement à nous, son boni, à lui, doit être largement supérieur à son salaire de base".

1947 Nº 6, premier numéro paraîssant après la grève Renault

La Voix des Travailleurs de chez Renault
Barta

20 mai 1947
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CONCLUSIONS SUR NOTRE GREVE

par PIERRE BOIS du Comité de grève Collas
Nous étions entrés en lutte pour arracher les 10 francs sur le taux de base, comme acompte sur le minimum vital calculé sur l’indice des prix. Mais nous avons repris le travail avec l’aumône de 3 francs de "prime".
Les responsables officiels du syndical vantent cette "victoire", cependant déjà annihilée pour les mois à venir par l’inflation (rien que dans les deux dernières semaines, l’Etat vient de mettre en circulation vingt nouveaux milliards de francs-papier). Il n’a pas été question, dans les négociations officielles du syndicat, de garantir notre salaire par L’ECHELLE MOBILE, c’est-à-dire son calcul sur l’indice des prix.
Mais notre lutte, même sabotée, a-t-elle été inutile ? Tout au contraire ! Si nous avons subi un échec PARTIEL quant aux gains immédiats, nous avons, par contre, réussi à renverser complètement la vapeur.
Nous avons tout d’abord prouvé à tous ceux qui nous croyaient mûrs pour la capitulation, résignés aux bas salaires, à l’esclavage économique, que la classe ouvrière n’a rien perdu de sa capacité de lutter, unie pour la défense de ses intérêts vitaux.
Nous avons secoué le joug de nos soi-disant représentants qui, au lieu d’être les défenseurs de nos revendications, étaient devenus nos gardes-chiourme.
Nous avons obligé la direction patronale à reconnaître le principe du PAIEMENT DES HEURES DE GREVE.
Nos revendications, les 10 francs et l’échelle mobile, sont approuvées par la majorité des ouvriers de la France entière (voir les journaux), et la direction syndicale officielle devra lutter réellement pour ces revendications, sinon une deuxième vague ouvrière la jettera elle-même par-dessus bord.
En lançant son appel à la grève générale, le Comité de grève avait affirmé sa conviction que la victoire totale des revendications pouvait être obtenue.
En regard des résultats obtenus, ne pourrait-on pas dire qu’il a été trop optimiste ? Qu’on en juge : il a suffi que deux départements, 6 et 18, continuent la grève, appuyés sur la sympathie active de toute l’usine, pour que la revendication sur laquelle les bonzes syndicaux avaient capitulé – le paiement des heures de grève – soit accordée à toute l’usine. C’est ainsi que nous avons obtenu les 1.600 francs.
Il a suffi, d’autre part, de la grève Renault pour qu’une vague d’augmentations, allant jusqu’à 10 fr., soit accordée dans presque toutes les usines. C’est ainsi que les usines Citroën ont obtenu les 3 francs sans un seul jour de grève.
Il n’y a pas de doute qu’une grève générale aurait arraché la victoire totale.
Mais la grève générale était-elle possible ?
La grève générale manifeste sa réalité tous les jours en province et à Paris. La grève générale ce n’est pas une chose qu’on décrète, c’est un mouvement profond surgi de la volonté unanime de toute la classe ouvrière, quand elle a compris qu’il n’y a pas d’autres moyens de lutte. En présence de cette volonté de la classe ouvrière, on peut seulement agir de deux façons : soit, comme l’a fait le Comité de grève, donner le maximum de forces à l’action ouvrière en unifiant en un seul combat livré par la classe ouvrière pour des objectifs communs : LA GREVE GENERALE ; soit, comme la fraction dirigeante de la C.G.T. et de la C.F.T.C., fractionner les luttes ouvrières, les séparer artificiellement les unes des autres. Les mener dans l’impasse des primes.
Or, de même que la grève Collas, le vendredi 25 avril, avait entraîné dans la lutte toute l’usine Renault, la continuation de la grève dans toute l’usine aurait entraîné dans la lutte ouverte toute la classe ouvrière.
De la lutte que nous venons de mener, il reste prouvé que la grève est l’arme revendicative essentielle des travailleurs. Il reste prouvé également que, quelles que soient les manoeuvres intéressées, pour ou contre la grève, de tous les pêcheurs en eau trouble, la volonté unanime des travailleurs est capable de triompher de tous les obstacles.
Dans nos prochaines luttes, nous entrerons mieux préparés et nous obtiendrons ce que nous n’avons pu obtenir cette fois-ci.

Liberté et discipline ouvrières

Les "responsables" syndicaux s’agitent. Mais ce n’est pas pour déjouer les manoeuvres de la direction qui essaie de se rattraper. Ils déploient une grande activité... en faisant circuler des tracts contre les "provocateurs" avec toutes sor-tes d’insinuations et de calomnies. Mêlant le vrai et le faux, ils visent avant tout les ouvriers qui, à l’encontre du sabotage de la section syndicale, ont tenu bon dans la grève, et particulièrement les départements 6 et 18 (secteur Colas). Tous les ouvriers ont pu voir le comportement anti-démocratique des dirigeants de la section syndicale pendant la grève.
Aussi, ces derniers essaient-ils, maintenant, par tous les moyens, de discréditer le Comité de grève, dont ils n’osent et ne peuvent cependant pas mettre en cause aucun de ses membres. Leur grossière calomnie ne prend pas. Mais en l’utilisant quand même, ils veulent démoraliser les ouvriers et faire le jeu de patrons. La preuve de leur mauvaise foi et de leurs intentions malhonnêtes, c’est qu’ils s’adressent aux "pouvoirs publics" (qui sont toujours du côté des patrons) pour "ouvrir une enquête sur les perturbateurs".
Mais il y a un moyen très simple de démasquer les provocateurs, s’il y en a. C’est de former dans l’usine même des commissions d’ouvriers pris dans la rang et chargés d’enquêter. Aux départements 6 et 18, les ouvriers ne connaissent pas de provocateurs. Si les dirigeants politiciens du syndicat ont des documents, qu’ils les apportent aux 6 et 18 ; qu’ils les montrent et qu’ils s’adressent directement aux ouvriers qui sont assez grands pour juger eux-mêmes.
Nous demandons, d’autre part, que les dirigeants syndicaux rendent compte de l’utilisation des sommes encaissées pour le soutien de la grève.
Voilà le moyen. Mais ils se garderont bien de l’utiliser. Et s’ils ne veulent pas utiliser ce procédé démocratique, c’est qu’ils sont de vulgaires calomniateurs qui veulent cacher, par la calomnie, leur travail antiouvrier.
Dans l’usine : ni Gestapo, ni Guépéou, ni police ; liberté et discipline ouvrières.

LE LIVRE JAUNE SUR LES ORIGINES DE LA GUERRE

Pour masquer sa domination, son oppression, ses brigandages, la bourgeoisie française couvre la réalité d’images destinées à tromper les masses.

Tout opprimé sait ce qu’il en est de la liberté, de la fraternité, de l’égalité qu’exaltent les classes dirigeantes de ce pays. On libère les cagoulards, on emprisonne par milliers les ouvriers, mais les journaux à solde continuent de parler d’une guerre contre "l’oppression". Les impôts écrasent les pauvres, les riches font des super-bénéfices de guerre, mais M. Reynaud loue l’esprit d’abnégation des "Français". La bourgeoisie essaie aussi de cacher derrière le croque-mitaine de l’agresseur les véritables causes de la guerre. Les laquais des capitalistes tendent tous leurs efforts vers ce but. Le livre jaune fait partie de la nécessité d’une lutte jusqu’au bout pour la "défense de la patrie" et du "droit international" (défense des petits peuples).

Une fois pris dans le dédale des argumentations diplomatiques du gouvernement capitaliste, l’ouvrier, le paysan, le pauvre est perdu. Car incontestablement Hitler est "l’agresseur". Et, s’il ne l’était pas, on trouverait encore le moyen de le prouver puisque la censure de l’état de siège dirigée contre les organisations ouvrières empêche les masses de faire aucun contrôle. Mais le fait de savoir "qui a commencé" intéresse peu les exploités. Les ouvriers en grève doivent-ils faire cause commune avec leur patron parce que celui-ci leur prouvera que son concurrent l’industriel X est en train de lui rafler une bonne affaire ? Les ouvriers poursuivront la lutte jusqu’à gain de cause : de leur cause. Voilà sur quoi le "livre jaune" est complètement muet. La question essentielle pour les exploités reste : quel que soit celui qui a commencé, le peuple a-t-il intérêt à soutenir cette guerre ?

Les scribes des feuilles bourgeoises posent cette question comme s’il s’agissait de savoir ce qu’on fera de "la victoire". Cela, nous le savons très bien. La victoire qui a coûté en 14-18, 13 millions de vies humaines, a été ce que la guerre elle-même a été : une victoire impérialiste et la "paix" une paix impérialiste. La guerre présente est-elle une guerre impérialiste ? De la réponse à cette question dépend le soutien ou le rejet par les masses du conflit actuel.

On essaie de présenter cette guerre comme une guerre pour la défense des petits peuples ou peuples agressés. Quelle dérision ! Nous n’avons pas entendu "parler" d’aider l’héroïque peuple albanais, l’Abyssinie membre de la S.D.N., la Chine membre de la S.D.N. Cela viendra sans doute si l’Italie et le Japon entrent dans le camp impérialiste adverse.

Mais l’impérialisme anglo-français qui opprime l’Inde, l’Irlande, le Maroc, l’Algérie, l’Indochine, les peuples arabes, noirs, jaunes sur tous les continents ? La défense des petits peuples doit principalement s’appliquer contre l’impérialisme anglo-français.

La guerre actuelle comme la dernière est une guerre impérialiste. Les déclarations officielles sur "le désir de paix" se réduisent simplement à ceci : l’Allemagne n’a plus de colonies ; celles-ci sont entre les mains des monopolisateurs anglo-français. Sous une apparence de désintéressement, ce n’est en réalité qu’une lutte pour la conservation des pillages antérieurs. On comprend bien que le groupe anglo-français ne faisant que conserver, ne peut pas être "agresseur". Mais la lutte pour conserver son droit au pillage reste une lutte réactionnaire...

" La propriété privée basée sur le travail du petit patron, la libre concurrence, la démocratie, tous ces mots-d’ordre dont les capitalistes et leur presse se servent pour tromper les ouvriers et les paysans sont restés bien loin en arrière. Le capitalisme s’est transformé en un système universel d’oppression coloniale et d’étranglement financier de l’énorme majorité de la population du globe par une poignée de pays "avancés". Et le partage de ce butin a lieu entre deux ou trois rapaces universellement puissants, armés de pied en cap, qui entraînent dans leur guerre pour le partage de leur butin toute la terre ! " (Lénine, "l’Impérialisme").

" On ne saurait concevoir, en régime capitaliste, d’autres bases pour le partage d’influence, des intérêts, des colonies, etc... que la force des participants au partage, car il ne peut y avoir en régime capitaliste de développement égal des entreprises, des trusts, des branches d’industrie, des pays. L’Allemagne était, il y a un demi-siècle, une misérable nullité, si on compare sa force capitaliste à celle de l’Angleterre d’alors ; il en était de même du Japon comparativement à la Russie. Est-il "admissible" de supposer que dans une vingtaine d’années le rapport de forces entre les puissances impérialistes reste inchangé ? Chose absolument inadmissible. Aussi les alliances inter-impérialistes... ne sont-elles que des trêves entre les guerres. Les alliances pacifiques préparent la guerre et surgissent à leur tour de la guerre... sur une seule et même base, celle des liens et rapports impérialistes entre l’économie et la politique mondiale. " (Lénine, 1918).

Ces quelques lignes expliquent non seulement Munich, mais aussi ce que pourrait être un nouveau compromis, "une paix juste" : une trêve entre ce conflit et le prochain. Il ne reste aux masses qu’un seul moyen pour en finir avec la guerre : la révolution prolétarienne, le renversement du capitalisme qui l’engendre, LA TRANSFORMATION DE LA GUERRE IMPERIALISTE EN GUERRE CIVILE !

Une autre raison invoquée pour cette guerre, c’est la soi-disant "communauté nationale". Mais sous le couvert de la phraséologie, la bourgeoisie profite de la guerre pour serrer impitoyablement la vis, et fait retomber sur les classes pauvres tout le poids de la guerre (prélèvements, heures supplémentaires, impôts, vie chère, chasse à l’étranger). Elle impose aux masses coincées entre deux dangers, "la grande pénitence", leur revanche sur juin 1936. La défense nationale c’est le droit pour la bourgeoisie d’exploiter les masses. La lutte "contre Hitler" (contre la concurrence capitaliste allemande) importe moins à la bourgeoisie, que la sauvegarde de son "droit" d’exploitation illimité du prolétariat. Les ouvriers sauront tirer pour eux la conclusion suivante : pour pouvoir nous défendre contre Hitler (impérialisme allemand) nous devons d’abord en finir avec nos propres exploiteurs, les capitalistes français. Une fois la classe ouvrière maître des usines, le paysan de son champ, nous pourrons vraiment abattre Hitler en aidant nos frères travailleurs d’Allemagne à s’émanciper à leur tour. Toute autre voie serait pour nous une duperie. L’union avec nos propres exploiteurs ne nous épargne pas ce que Hitler nous réserve. Ne vaut-il mille fois mieux fraterniser avec nos frères exploités d’Allemagne, au lieu de nous entre-égorger pour le profit des capitalistes internationaux ? Tout compte fait, rester fidèles au vieux mot-d’ordre : PROLETAIRES DE TOUS LES PAYS UNISSEZ-VOUS !

Ainsi parviendrons nous aux ETATS-UNIS SOCIALISTES d’Europe et du monde – la paix sans l’oppression.

"La crise actuelle de la civilisation mondiale est la crise de la direction prolétarienne. Les ouvriers avancés réunis autour de la IVème Internationale montrent à leur classe la voie pour sortir de la crise. Ils lui proposent un programme fondé sur l’expression internationale de la lutte émancipatrice du prolétariat et de tous les opprimés en général. Ils lui proposent un drapeau sans tâche aucune".

(Programme de la IVème Internationale, Septembre 1938)

Messages

  • Que dit Barta par rapport à l’armée rouge, le régime stalinien pendant la 2ème guerre mondiale ?

    Suite à un début de problème posé par un militant, il me semble utile de lire ou relire les textes, plus haut de 1942 et celui de 43 qui a pour titre :

    "LES VICTOIRES DE L’ARMEE ROUGE SERONT LES VICTOIRES DU SOCIALISME
    SI LES OUVRIERS DES PAYS CAPITALISTES D’EUROPE
    ACCOMPLISSENT LA REVOLUTION PROLETARIENNE"

  • Y en a-t-il qui croient encore que nous étions du côté des "bons" contre les "méchants" dans cette Seconde guerre ? il faudrait être bien dupe pour continuer à le croire. Churchill a avoué avoir déclenché la guerre : "Nous sommes entrés en guerre de notre propre chef, sans avoir été directement attaqués." ("We entered the war of our own free will, without ourselves being directly assaulted.") (Guild Hall Speech, juillet 1943) Il a aussi admis que les bombardements de cibles civiles allemandes n’étaient pas une thérapie anti-fasciste mais qu’il s’agissait de protéger les acquis de la haute finance ! "Cette guerre n’était pas seulement pour éliminer le fascisme en Allemagne, mais plutôt de s’approprier les marchés allemands." ("The war was not just a matter of the elimination of Fascism in Germany, but rather of obtaining German sales markets.") (mars 1946) "Le crime impardonnable de l’Allemagne avant la seconde guerre mondiale a été d’avoir tenté d’extirper sa puissance économique du système d’échange mondial, ce qui enlèverait à la finance mondiale l’opportunité de faire des profits" ("Germany’s unforgivable crime before the second world war was her attempt to extricate her economic power from the world’s trading system and to create her own exchange mechanism which would deny world finance its opportunity to profit.") (communication à Lord Robert Boothby, in "Sidney Rogerson, Propaganda in the Next War", préface à la seconde édition, 2001.) Il a même admis qu’il s’agissait de détruire la nation allemande ! "Vous devez comprendre que cette guerre n’est pas contre Hitler ou le National Socialisme, mais contre la force du peuple allemand, qu’il faut écraser une fois pour toutes, sans égard au fait qu’il soit entre les mains d’Hitler ou d’un prêtre jésuite" ("You must understand that this war is not against Hitler or National Socialism, but against the strength of the German people, which is to be smashed once and for all, regardless of whether it is in the hands of Hitler or a Jesuit priest") (lu dans Emrys Hughes, "Winston Churchill - His Career in War and Peace", p. 145 ; propos rapporté par Adrian Preissinger, "Von Sachsenhausen bis Buchenwald", p. 23). "L’Allemagne est trop forte. Nous devons la détruire ("Germany is too strong. We must destroy her") (novembre 1936). Le 11 mai 1940, les bombardiers de la Royal Air Force (R.A.F.) sont les premiers à raser des cibles civiles, dans ce cas-ci contre l’Allemagne : "Churchill a ordonné une série de raids nocturnes sur Berlin dans le but précis d’éviter les attaques allemandes dans l’espace aérien londonien. Après que Berlin ait été attaqué six fois, l’aviation allemande a reçu l’ordre d’attaquer Londres, et, comme Churchill l’avait anticipé, la pression sur les frappes aériennes a été allégée. Alors ont commencé les blitz d’attaques" ("Churchill ordered a series of night raids on Berlin for the specific purpose of diverting German attacks from the airfields of London. After Berlin was attacked six times, the German air force was ordered to attack London, and, as Churchill anticipated, the pressure on the airfields was relieved. Thus began the blitz") (Benjamin Colby, "Twas a Famous Victory", p.173). Le 8 juillet 1940, il affirmait que ce dont l’Allemagne a besoin, c’est : une attaque asolument dévastatrice et exterminatrice sur le territoire allemand par de très gros bombardiers : "une attaque absolument dévastatrice, exterminatrice par de très lourds bombardiers sur le territoire allemand..." ("an absolutely devastating, exterminating attack by very heavy bombers on the Nazi homeland...") (cité par Geoffrey Wheatcroft, Spectator, 29 septembre 1979). "Je ne veux pas entendre de suggestions sur comment détruire l’économie et la machinerie de guerre ; ce que je veux ce sont des suggestions sur comment nous pouvoir griller les réfugiés allemands en fuite de Breslau." ("I do not want suggestions as to how we can disable the economy and the machinery of war ; what I want are suggestions as to how we can roast the German refugees on their escape from Breslau.") (Cité dans Juan Maler, "Die Unvollendete", p. 27)

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