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Les prémisses du socialisme

samedi 21 novembre 2020, par Robert Paris

Les prémisses du socialisme

Léon Trotsky

Le marxisme a fait du socialisme une science ; cela n’empêche pourtant pas certains "marxistes" de faire du marxisme une utopie.

Rojkov [1] , polémiquant contre le programme de socialisation et de coopération, présente de la manière suivante les "prémisses nécessaires de la société future, fermement établies par Marx" :

"Les prémisses objectives matérielles sont-elles déjà réalisées ? demande Rojkov. Elles supposeraient un niveau technique suffisant pour réduire au minimum le mobile du gain personnel et le souci de l’argent comptant (?), de l’effort personnel, de l’esprit d’entreprise et du risque, et qui placerait, par conséquent, la production sociale au tout premier plan. Un tel progrès de la technique est étroitement lié à une domination presque complète (!) de la production à grande échelle dans toutes (!) les branches de l’économie. Ce stade a-t-il été atteint ? Même les prémisses subjectives, psychologiques, comme un développement suffisant, au sein du prolétariat, de la conscience de classe jusqu’au degré nécessaire pour réaliser l’unité spirituelle de la très grande majorité des masses populaires, même cette conscience fait défaut. Nous connaissons, poursuit Rojkov, des associations de producteurs, comme, en France, les fameuses verreries d’Albi et diverses associations agricoles, et pourtant l’expérience française montre mieux qu’aucune autre que les conditions même qui existent dans un pays aussi avancé ne sont pas assez développées pour que prédomine la coopération. Ces entreprises sont seulement d’une taille moyenne, leur niveau technique ne dépasse pas celui des entreprises capitalistes ordinaires ; bien loin d’être au premier plan du développement industriel, de le diriger, elles ne font qu’atteindre une modeste moyenne. C’est seulement lorsque l’expérience des associations individuelles de producteurs indiquera qu’elles jouent un rôle dirigeant dans la vie économique que l’on pourra dire que nous sommes proches d’un nouveau système, que l’on pourra être sûr que les conditions nécessaires à son existence auront été réalisées. [2]"

Avec tout le respect dû aux bonnes intentions du camarade Rojkov, nous devons, avec regret, reconnaître qu’il nous est rarement arrivé de rencontrer une telle confusion à propos de ce qu’on appelle les prémisses du socialisme, même dans la littérature bourgeoise. Il nous va falloir examiner cette confusion, sinon pour Rojkov, au moins pour le problème posé.

Rojkov déclare que nous n’avons pas encore atteint "un degré de développement technique suffisant pour réduire au minimum le mobile du gain personnel et le souci de l’argent comptant (?), de l’effort personnel, de l’esprit d’entreprise et du risque, et qui placerait, par conséquent, la production sociale au tout premier plan".

Il est assez difficile de comprendre ce que signifie ce passage. Ce que Rojkov veut dire, apparemment, c’est, en premier lieu, que la technique moderne n’a pas encore suffisamment chassé le travail humain de l’industrie, en second lieu, que cette élimination supposerait la domination presque complète de grandes entreprises "dans toutes les branches de l’économie", et, par conséquent, la prolétarisation presque complète de la population du pays tout entière. Telles sont les deux prémisses du socialisme qu’il prétend "fermement établies par Marx".

Essayons d’imaginer le fonctionnement des rapports capitalistes tels que, selon Rojkov, le socialisme les trouvera à son avènement. " La domination presque complète des grandes entreprises dans toutes les branches de l’industrie ", cela signifie, sous le capitalisme, nous l’avons déjà dit, la prolétarisation de tous les petits et moyens producteurs tant dans l’agriculture que dans l’industrie, c’est-à-dire la transformation de toute la population en prolétaires. Mais la domination complète du machinisme dans ces grandes entreprises aboutirait à réduire au minimum l’emploi du travail vivant ; par conséquent, l’écrasante majorité de la population du pays - disons 90 % - serait transformée en une armée de réserve vivant aux frais de l’État dans des asiles pour les pauvres. Nous disons 90%, mais rien ne nous empêche d’être logiques et d’imaginer un état de choses dans lequel la totalité de la production consiste en un seul mécanisme automatique, appartenant à un seul cartel et n’ayant besoin, comme travail vivant, que de celui d’un unique orang-outan bien dressé. C’est là, on le sait, la théorie aveuglante de logique du professeur Tougan-Baranovsky [3] . Dans ces conditions, la " production sociale " n’est pas seulement au " tout premier plan ", elle occupe tout le terrain ; et, de plus, la consommation elle aussi est naturellement socialisée, puisque la nation tout entière, excepté les 10 % du trust, vivra sur les fonds publics dans les asiles. Ainsi, derrière Rojkov, apparaît le visage souriant et familier de Tougan-Baranovsky. Le socialisme peut maintenant faire son entrée. La population émerge des asiles et exproprie le groupe des expropriateurs. Ni révolution ni dictature du prolétariat ne sont évidemment plus nécessaires.

Le second signe économique de la maturité d’un pays pour le socialisme, c’est, selon Rojkov, la possibilité pour la production coopérative de prédominer dans ce pays. Même en France, la verrerie coopérative d’Albi n’est pas à un niveau plus élevé que n’importe quelle autre entreprise capitaliste. La production socialiste ne deviendra possible que lorsque les coopératives seront "au premier plan du développement industriel", qu’elles le "dirigeront".

Toute l’argumentation est sens dessus dessous. Si les coopératives ne peuvent prendre la tête du développement industriel, ce n’est pas parce que celui-ci n’est pas allé assez loin, c’est parce qu’il est allé trop loin. Sans aucun doute, le développement économique jette les bases de la coopération, mais de quelle sorte de coopération ? S’il s’agit de la coopération capitaliste, fondée sur le travail salarié, alors chaque usine nous offre le tableau d’une telle coopération. Et l’importance de cette coopération ne fait qu’augmenter avec le développement de la technique. Mais comment le développement du capitalisme peut-il placer les coopératives de camarades "au premier plan de l’industrie" ? Sur quoi se fonde Rojkov pour espérer que les coopératives puissent l’emporter sur les cartels et les trusts, et prendre leur place en tête du développement industriel ? Il est évident que, si cela se produisait, il ne resterait plus alors aux coopératives qu’à exproprier automatiquement toutes les entreprises capitalistes, puis à réduire suffisamment la journée de travail pour pouvoir donner du travail à tous les citoyens, et régler le montant de la production des diverses branches de manière à éviter les crises. Les caractéristiques principales du socialisme seraient alors réalisées. Et, là encore, il est clair que ni révolution ni dictature de la classe ouvrière ne seraient plus nécessaires.

La troisième prémisse est d’ordre psychologique : il faut que "la conscience de classe du prolétariat soit suffisamment développée pour réaliser l’unité spirituelle de la très grande majorité des masses populaires" au sein du prolétariat social-démocrate. Rojkov suppose évidemment que le capitalisme, transformant les petits producteurs en prolétaires, et la masse des prolétaires en armée de réserve du travail, donnera à la social-démocratie la possibilité d’unir et d’éclairer spirituellement "la très grande majorité" (90 % ?) des masses populaires.

C’est là une éventualité aussi impossible dans le monde de la barbarie capitaliste que la domination des coopératives dans le cadre de la compétition capitaliste. Mais, bien entendu, si cela était réalisable, la "très grande majorité" de la nation, unie de conscience et d’esprit, n’aurait nulle peine à abattre les quelques magnats du capital et organiserait, sans révolution ni dictature, une économie socialiste.

Une question se pose alors. Rojkov considère Marx comme son maître. Or Marx, qui venait d’indiquer "les prémisses essentielles du socialisme" dans son Manifeste communiste, considérait la révolution de 1848 comme le prologue immédiat de la révolution socialiste. Il ne faut évidemment pas beaucoup de pénétration pour constater, soixante ans après, que Marx s’est trompé : le monde capitaliste existe encore. Mais comment Marx peut-il avoir fait justement cette erreur-là ? Ne s’est-il pas aperçu que les grandes entreprises ne dominaient pas encore toutes les branches de l’industrie ; que les coopératives de producteurs n’étaient pas encore en tête des grandes entreprises ; que la très grande majorité du peuple n’était pis encore unie sur la base des idées exposées dans le Manifeste communiste ? Si même maintenant, nous le voyons bien, tout cela n’est pas encore réalisé, comment se fait-il que Marx ne se soit pas aperçu qu’en 1848 rien de la sorte n’existait ? En vérité, comparé à beaucoup de nos actuels automates infaillibles du marxisme, Marx n’a été, en 1848, qu’un jeune utopiste !

Encore que le camarade Rojkov ne fasse absolument pas partie des critiques de Marx, il élimine complètement néanmoins du nombre des prémisses essentielles du socialisme, nous l’avons vu, la révolution prolétarienne. Mais Rojkov n’a fait qu’exprimer en les poussant jusqu’à leurs ultimes conséquences des conceptions que partagent, dans les deux tendances de notre parti, bon nombre de marxistes ; c’est pourquoi il importe d’examiner les fondements principiels et méthodologiques des erreurs qu’il a commises.

Observons en passant que l’argumentation de Rojkov fondée sur le destin des coopératives lui est propre. Nous n’avons personnellement jamais ni nulle part rencontré des socialistes qui croyaient, à la fois, que la concentration de la production et la prolétarisation du peuple progressaient de façon simple et irrésistible et que les coopératives de production acquerraient un rôle dominant avant la révolution prolétarienne. Il est beaucoup plus difficile de réunir la réalisation de ces deux prémisses dans l’évolution économique que dans la tête d’un individu ; encore que même ce dernier point nous ait toujours, jusqu’à présent, semblé impossible.

Passons maintenant à l’examen de deux autres "prémisses" qui constituent des préjugés plus répandus. Il n’est pas douteux que la concentration de la production, le développement de la technique et l’élévation de la conscience des masses soient des prémisses essentielles du socialisme. Mais ces processus se produisent simultanément ; ils ne se renforcent pas seulement l’un l’autre, mais aussi se retardent et se limitent mutuellement. Chacun de ces processus, à un niveau supérieur, exige un certain développement d’un autre de ces processus, à un niveau inférieur. Mais leur développement complet, pour chacun d’entre eux, est incompatible avec celui des autres.

Le développement de la technique trouve incontestablement sa limite idéale dans un mécanisme automatique unique, extrayant les matières premières au sein de la nature et les déposant aux pieds de l’homme sous forme d’objets de consommation achevés. Si l’existence du système capitaliste n’était pas limitée par les rapports de classe qu’il comporte et la lutte révolutionnaire qui en résulte, nous aurions quelques raisons d’admettre que la technique, en se rapprochant, dans le cadre du système capitaliste, de l’idéal du mécanisme automatique unique, abolirait par là même automatiquement le capitalisme.

La concentration de la production qui résulte des lois de la concurrence a une tendance inhérente à prolétariser la population tout entière. En isolant cette tendance, nous aurions raison de supposer que le capitalisme accomplirait son œuvre jusqu’au bout, si le processus de prolétarisation n’était pas interrompu par une révolution ; mais c’est là ce qui arrivera inévitablement, dans un rapport de forces déterminé, bien avant que le capitalisme n’ait transformé la majeure partie de la nation en armée de réserve, confinée dans des casernes-prisons.

Sans aucun doute, enfin, grâce à l’expérience des luttes quotidiennes et des efforts conscients des partis socialistes, la conscience progresse graduellement ; si nous isolons ce processus, nous pouvons suivre par l’imagination ce développement jusqu’à ce que la majeure partie du peuple appartienne aux syndicats et aux organisations politiques et soit unie par un esprit de solidarité et par un objectif unique. Si ce processus pouvait réellement avoir lieu quantitativement sans être affecté qualitativement, le socialisme pourrait, à un moment donné du XXI° ou du XXII° siècle, être réalisé pacifiquement par un "acte civil" conscient et unanime.

Mais toute la question est que les processus qui constituent les prémisses historiques du socialisme ne se développent pas isolément les uns des autres, mais se limitent mutuellement ; lorsqu’ils atteignent un certain point, qui dépend de nombreuses circonstances, mais est en tout cas très éloigné de leur limite mathématique, ils subissent un changement qualitatif ; leur combinaison complexe engendre alors ce phénomène que nous appelons révolution sociale.

Commençons par le processus mentionné en dernier lieu : le progrès de la conscience. Ce progrès se réalise, nous le savons, non dans des académies où l’on retiendrait artificiellement le prolétariat pour cinquante, cent ou cinq cents ans, mais au cours de la vie même que connaissent, sous tous ses aspects, les ouvriers dans la société capitaliste, sur la base d’une lutte de classe de tous les instants. Le progrès de la conscience du prolétariat transforme cette lutte de classe, elle devient plus profonde, plus enracinée dans les principes, ce qui, à son tour, entraîne une réaction correspondante de la part de la classe dominante. La lutte du prolétariat contre la bourgeoisie a sa propre logique qui, en s’aiguisant, atteindra son dénouement longtemps avant que les grandes entreprises ne commencent à dominer toutes les branches de l’industrie.

En outre, il va de soi que le progrès de la conscience politique dépend de la croissance numérique du prolétariat, et que la dictature du prolétariat présuppose que celui-ci soit devenu assez nombreux pour l’emporter sur la résistance de la contre-révolution bourgeoise. Mais cela ne signifie pas du tout que "la très grande majorité" de la population doive devenir prolétarienne, ni "la très grande majorité" du prolétariat consciemment socialiste. Il est clair, bien sûr, que l’armée consciemment révolutionnaire du prolétariat doit être plus forte que l’armée contre-révolutionnaire du capital, tandis que les couches intermédiaires, douteuses ou indifférentes, de la population doivent être dans une situation telle que le régime de la dictature du prolétariat les attire du côté de la révolution au lieu de les repousser du côté de leurs ennemis ; ce que la politique prolétarienne doit naturellement prendre consciemment en considération.

Et tout ceci, à son tour, présuppose l’hégémonie de l’industrie sur l’agriculture, et la domination de la ville sur la campagne.

Nous allons maintenant entreprendre l’examen des prémisses du socialisme dans l’ordre décroissant de généralité, et dans l’ordre croissant de complexité.

1. Le socialisme n’est pas seulement une question d’égalité dans la distribution, mais aussi de planification dans la production. La production socialiste, c’est-à-dire la production coopérative à grande échelle, n’est possible que si le développement des forces productives est suffisant pour que les grandes entreprises soient plus productives que les petites. Plus les grandes entreprises surclassent les petites, c’est-à-dire plus la technique est développée, et plus avantageuse, au point de vue économique, est devenue la production socialisée ; plus élevé, par suite, doit être le niveau de culture de la population tout entière, conséquence de l’égalité dans la distribution fondée sur la planification de la production.

Cette première prémisse objective du socialisme existe de longue date : depuis que la division sociale du travail a abouti à la division du travail dans la manufacture, et plus encore depuis que la manufacture a fait place à l’usine, au machinisme. Les grandes entreprises sont devenues toujours plus avantageuses : leur socialisation aurait donc toujours davantage enrichi la société. Il est clair que, si tous les ateliers artisanaux étaient devenus la propriété collective des artisans, ceux-ci n’en auraient pas été plus riches d’un liard ; au contraire, la transformation des manufactures en propriété collective des travailleurs parcellaires, comme le passage des usines aux mains des ouvriers qui y sont employés - ou, plus exactement, le passage de tous les moyens de grande production industrielle aux mains de la population tout entière - élèverait incontestablement le niveau de vie du peuple ; et cela d’autant plus que le stade atteint par la production à grande échelle serait plus élevé.

On cite souvent, dans la littérature socialiste, l’exemple de ce député anglais, Bellers[4], qui, en 1696, un siècle avant la conspiration de Babeuf, soumit au Parlement un projet de sociétés coopératives subvenant chacune entièrement aux besoins. Selon Bellers, ces coopératives de production devaient se composer de deux à trois cents personnes. Nous ne pouvons ici discuter sa thèse ; cela n’est d’ailleurs pas nécessaire à notre propos ; ce qui nous importe, c’est que, dès la fin du XVII° siècle, l’économie collective, même conçue en termes de groupes de cent, deux cents, trois cents ou cinq cents personnes, était considérée comme avantageuse du point de vue de la production.

Au commencement du XIX° siècle, Fourier tira les plans de ses "phalanstères", associations de producteurs-consommateurs comptant chacune deux mille à trois mille personnes. Les calculs de Fourier n’ont jamais brillé par leur exactitude ; mais, en tout cas, s’inspirant du développement des manufactures à son époque, il donna à ses communautés économiques une base beaucoup plus large que dans l’exemple cité plus haut. Il est cependant clair que les associations de John Bellers comme les phalanstères de Fourier se rapprochaient beaucoup plus, par leur nature, des communes économiques libres dont rêvent les anarchistes, et dont le caractère utopique ne tient pas à leur "impossibilité" ou au fait qu’elles soient "contre nature" - les communes communistes d’Amérique ont prouvé qu’elles étaient possibles -, mais à ce qu’elles retardent de cent à deux cents ans sur le développement de l’économie. Le développement de la division sociale du travail, d’une part, du machinisme, de l’autre, font qu’aujourd’hui le seul organisme coopératif qui peut utiliser les avantages de la production collective sur une grande échelle, c’est l’État. Bien plus, tant pour des raisons économiques que politiques, la production socialiste ne pourrait rester confinée dans les limites des États individuels.

A la fin du siècle dernier, un socialiste allemand qui ne partageait pas le point de vue marxiste, Atlanticus [5] , a calculé les avantages économiques qui résulteraient de l’application de l’économie socialiste à une unité comme l’Allemagne. Atlanticus ne se distinguait pas du tout par des écarts d’imagination. Ses idées se mouvaient généralement dans le cercle de la routine économique du capitalisme. Il fondait ses arguments sur les ouvrages autorisés d’agronomes et d’ingénieurs modernes. C’est là à la fois la faiblesse et la force de son argumentation car il évite ainsi de tomber dans un optimisme injustifié. Toujours est-il qu’Atlanticus arrive à la conclusion suivante : avec une organisation socialiste convenable de l’économie, en faisant appel aux ressources techniques du milieu de la dernière décennie du XIX° siècle, le revenu des travailleurs pourrait être doublé ou triplé, tandis que la journée de travail diminuerait de moitié.

Il ne faudrait pourtant pas imaginer qu’Atlanticus a été le premier à montrer la supériorité économique du socialisme. La productivité supérieure du travail dans les grandes entreprises, d’une part, les crises économiques venant souligner la nécessité d’une planification de la production, de l’autre, ont constitué des preuves beaucoup plus convaincantes de la nécessité du socialisme qu’Atlanticus avec sa comptabilité. Son mérite est seulement d’avoir chiffré approximativement cette supériorité.

De ce qui précède, nous pouvons conclure que si la croissance ultérieure de la puissance technique de l’homme rend le socialisme toujours plus avantageux, des prémisses techniques suffisantes de la production collective existent déjà depuis cent ou deux cents ans ; et que, à l’heure actuelle, ce n’est pas seulement sur le plan national que le socialisme présente une supériorité technique, mais aussi, et cette supériorité est colossale, à l’échelle mondiale.

Pourtant, la seule supériorité technique du socialisme n’a pas du tout suffi à en assurer la réalisation. Ce n’est pas sous une forme socialiste, mais sous une forme capitaliste que, au cours du XVIII° et du XIX° siècle, s’est manifestée la supériorité de la production à grande échelle. Ni les projets de Bellers, ni ceux de Fourier n’ont été appliqués. Pourquoi donc ? Parce qu’il n’existait pas, à leur époque, de forces sociales aptes à les appliquer, et prêtes à le faire.

2. Nous passons maintenant des prémisses technico-productives du socialisme aux prémisses socio-économiques moins générales mais plus complexes. Si nous avions affaire ici, non à une société déchirée par l’antagonisme des classes, mais à une communauté homogène choisissant consciemment la forme de son économie, les calculs d’Atlanticus seraient, sans aucun doute, tout à fait suffisants pour que l’on entreprenne la construction du socialisme. C’est d’ailleurs sous cet angle qu’Atlanticus lui-même, socialiste de type très vulgaire, considérait son œuvre. Or, à l’heure actuelle, c’est seulement dans les limites d’une exploitation privée, personnelle et anonyme, qu’un tel point de vue pourrait s’appliquer. On peut toujours s’attendre à voir un patron d’entreprise accepter n’importe quel projet de réforme économique, tel que l’introduction de nouvelles machines, de nouvelles matières premières, d’un nouveau mode d’organisation du travail, ou d’un nouveau système de rémunération, pourvu seulement qu’on puisse montrer que ce projet présente un avantage commercial. Mais, s’il s’agit de l’économie de la société tout entière, cela ne saurait suffire. Ici, des intérêts opposés sont en conflit. Ce qui est avantageux pour l’un est désavantageux pour l’autre. L’égoïsme d’une classe ne s’oppose pas seulement à celui d’une autre classe ; il est également dommageable à la communauté tout entière. Par conséquent, pour que le socialisme puisse être réalisé, il faut que, parmi les classes antagonistes de la société capitaliste, existe une force sociale qui ait intérêt, du fait de sa situation objective, à le réaliser, et qui soit assez puissante pour pouvoir l’emporter sur la résistance des intérêts hostiles.

L’un des mérites essentiels du socialisme scientifique, c’est d’avoir découvert théoriquement une telle force sociale dans le prolétariat, d’avoir montré que cette classe, qui se développe inévitablement avec le capitalisme, ne peut trouver son salut que dans le socialisme, que toute sa situation la pousse au socialisme et que la doctrine du socialisme ne peut pas, avec le temps, ne pas devenir dans la société capitaliste l’idéologie du prolétariat.

Il est donc facile de comprendre quel énorme pas en arrière fait Atlanticus lorsqu’il affirme qu’une fois qu’on a démontré "qu’en transférant les moyens de production à l’État, on peut, non seulement assurer le bien-être général, mais réduire la journée de travail, il devient indifférent de savoir si la théorie de la concentration du capital et de la disparition des classes intermédiaires de la société est ou non confirmée".

Selon Atlanticus, dès qu’ont été démontrés les avantages du socialisme, "il ne sert de rien de se reposer sur les espoirs que l’on met dans le fétiche du développement économique, il faut faire des recherches étendues et entreprendre ( !) une préparation ample et complète du passage de la production privée à la production étatique ou sociale [6] ".

Lorsqu’il critique la tactique purement oppositionnelle des sociaux-démocrates, et qu’il suggère que l’on "entreprenne" immédiatement la préparation du passage au socialisme, Atlanticus oublie que les social-démocrates n’ont pas encore le pouvoir nécessaire, et que Guillaume II, Bülow et la majorité du Reichstag allemand, encore qu’ayant le pouvoir entre leurs mains, n’ont pas la moindre intention d’introduire le socialisme. Les plans socialistes d’Atlanticus ne sont pas, pour les Hohenzollern, plus convaincants que ne l’étaient, pour les Bourbons de la Restauration, les plans de Fourier, nonobstant le fait que ce dernier trouvait un fondement à ses utopies politiques dans l’imagination passionnée dont il faisait preuve dans le domaine de la théorie économique, cependant qu’Atlanticus, lui, fondait sa politique, non moins utopique, sur une convaincante comptabilité d’épicier, d’une philistinesque sobriété.

Quel est le niveau que doit avoir atteint la différenciation sociale pour que puisse être réalisée la deuxième prémisse du socialisme ? En d’autres termes, quel doit être le poids numérique relatif du prolétariat ? Doit-il constituer la moitié, les deux tiers, ou les neuf dixièmes de la population ? Ce serait une entreprise totalement désespérée que de tenter de définir, de manière purement arithmétique, les limites de cette deuxième prémisse du socialisme. Pour tenter une telle schématisation, il faudrait, en premier lieu, savoir exactement qui il faut inclure dans la catégorie du "prolétariat". Faut-il y inclure la vaste classe des semi-prolétaires, semi-paysans ? Faut-il y inclure les masses de réserve du prolétariat industriel, qui, d’un côté, se fondent dans le prolétariat parasitaire des mendiants et des voleurs, de l’autre remplissent les rues des villes comme petits commerçants, jouant, à l’égard du système économique pris dans son ensemble, un rôle de parasites ? Voilà un problème qui n’est pas simple du tout.

L’importance du prolétariat dépend entièrement du rôle qu’il joue dans la production à grande échelle. Dans sa lutte pour la domination politique, la bourgeoisie s’appuie sur sa puissance économique. Avant de parvenir à s’assurer le pouvoir politique, elle concentre les moyens de production entre ses mains. C’est là ce qui détermine son poids spécifique dans la société. Le prolétariat, lui, en dépit de toutes les fantasmagories des coopérateurs, restera dépourvu des moyens de production tant que la révolution socialiste ne sera pas devenue une réalité. Les moyens de production appartiennent à la bourgeoisie, mais il est seul à pouvoir les mettre en mouvement : de là résulte sa puissance sociale. Du point de vue de la bourgeoisie, le prolétariat est aussi l’un de ces moyens de production qui, tous ensemble, ne constituent qu’un seul mécanisme unifié. Mais le prolétariat est la seule partie de ce mécanisme à ne pas être automatique, et, en dépit de tous les efforts, il ne peut être réduit à la condition d’automate. Sa situation donne au prolétariat le pouvoir de suspendre à volonté, partiellement ou totalement, le fonctionnement même de l’économie de la société, par des grèves partielles ou la grève générale. Il s’ensuit que l’importance du prolétariat - supposée numériquement inchangée - croît en proportion de l’importance des forces productives qu’il met en mouvement ; c’est-à-dire qu’un prolétaire d’une grande usine est, toutes choses égales d’ailleurs, une grandeur sociale plus élevée qu’un ouvrier artisanal, et un ouvrier de la ville une grandeur plus élevée qu’un ouvrier de la campagne. Autrement dit, le rôle politique du prolétariat est d’autant plus important que la production à grande échelle domine la petite production, que l’industrie domine l’agriculture, et que la ville domine la campagne. Considérons l’histoire de l’Allemagne ou de l’Angleterre à l’époque où le prolétariat de ces pays y formait la même fraction de la nation que le prolétariat forme aujourd’hui en Russie : nous verrons que non seulement il ne jouait pas, mais que son importance objective ne lui permettait pas de jouer un rôle comparable à celui que joue, à l’heure actuelle, le prolétariat russe. Il en va de même, nous l’avons vu, pour le rôle des villes. Lorsque, comme c’est actuellement le cas en Russie, la population des villes n’était en Allemagne que les 15 % de celle du pays tout entier, il était impensable de voir les villes allemandes jouer, dans la vie économique et politique du pays, le rôle que jouent aujourd’hui les villes russes. La concentration dans les villes des grandes institutions industrielles et commerciales, et la liaison établie par chemins de fer entre les villes et les provinces ont donné à nos villes une importance qui excède de loin celle qui résulte du seul chiffre de leurs habitants ; leur importance s’est accrue bien davantage que le chiffre de leur population, cependant que l’augmentation de celle-ci, à son tour, a dépassé la croissance naturelle de la population du pays tout entier. En Italie, en 1848, le nombre des travailleurs artisanaux prolétaires et artisans indépendants ensemble - s’élevait à 15 % de la population, c’est-à-dire autant que les artisans et les prolétaires ensemble, en Russie, à l’heure actuelle. Mais leur rôle était incomparablement plus restreint que celui joué, en Russie, par le prolétariat industriel moderne.

C’est donc en vain - cela doit maintenant être clair - que l’on s’efforcerait de définir à l’avance quelle proportion de la population totale doit appartenir au prolétariat au moment de la conquête du pouvoir politique. Nous donnerons plutôt quelques chiffres bruts qui indiquent quelle est, à l’heure actuelle, l’importance numérique relative du prolétariat des pays avancés.

En Allemagne, en 1895, la population active, non compris l’armée, les fonctionnaires et les personnes sans profession définie, était de 20 millions et demi de personnes, dont 12 millions et demi de prolétaires (incluant les salariés de l’agriculture, de l’industrie, du commerce ainsi que les domestiques) ; le nombre d’ouvriers, industriels ou agricoles, était de 10,75 millions. Sur les 8 millions restants, beaucoup étaient en réalité aussi des prolétaires, comme les ouvriers à domicile et les membres de leur famille travaillant avec eux, etc. Le nombre de salariés dans l’agriculture prise à part était de 5,75 millions. La population agricole constituait 36 % de la population entière du pays. Ces chiffres, répétons-le, sont ceux de 1895. Les onze années écoulées depuis ont incontestablement apporté un énorme changement, dans le sens d’un accroissement du rapport entre la population urbaine et la population agricole (qui, en 1882, constituait 42 % du total), du rapport entre le prolétariat industriel et le prolétariat agricole, et, finalement, du montant du capital productif par tête d’ouvrier industriel. Mais les chiffres de 1895 suffisent pour montrer que le prolétariat allemand constituait depuis longtemps déjà la force productive dominante du pays.

La Belgique, avec sa population de 7 millions d’habitants, est un pays purement industriel. Sur 100 personnes ayant une occupation quelconque, 41 appartiennent à l’industrie, au sens strict du terme, et 21 seulement à l’agriculture. Sur 3 millions de personnes, en chiffres ronds, qui exercent un métier, environ 1,8 millions, donc 60%, sont des prolétaires. Ce chiffre deviendrait encore beaucoup plus expressif si nous ajoutions au prolétariat, fortement différencié, les éléments sociaux qui s’y rattachent, les prétendus producteurs "indépendants", qui, indépendants du capital seulement dans la forme, lui sont en réalité enchaînés, les petits fonctionnaires, les soldats, etc.

Mais la première place, pour l’industrialisation de l’économie et la prolétarisation de la population, revient incontestablement à l’Angleterre. En 1901, le nombre de personnes employées dans l’agriculture, l’exploitation des forêts et la pêche était, dans ce pays, de 2,3 millions ; dans l’industrie, le commerce et les transports, de 12 millions et demi.

Nous voyons que, dans les principaux pays d’Europe, la population des villes surpasse en nombre celle des campagnes. Toutefois, sa prépondérance incommensurable ne tient pas seulement à la masse de forces productives qu’elle constitue, mais aussi à la qualité des éléments qui la composent. La ville attire les éléments les plus énergiques, les plus capables et les plus intelligents de la campagne. Cela est difficile à prouver par des statistiques, encore que l’examen de la composition d’âge de la population urbaine, comparée à celle de la population rurale, en fournisse une preuve indirecte. Ce dernier fait a sa signification propre. En Allemagne, on a calculé qu’il y avait en 1896 8 millions de personnes employées dans l’agriculture et 8 millions dans l’industrie. Mais, si l’on divise la population par groupes d’âge, on voit que l’agriculture comptait, entre 14 et 40 ans, un million de personnes valides de moins que l’industrie. Ce sont donc "les vieux et les petits" qui restent surtout à la campagne.

Tout ceci nous amène à conclure que l’évolution économique - la croissance de l’industrie, des grandes entreprises, des villes, du prolétariat en général et du prolétariat industriel en particulier - a déjà préparé le terrain, non seulement pour la lutte du prolétariat pour le pouvoir politique, mais aussi pour la conquête de ce pouvoir.

3. Nous en venons maintenant à la troisième prémisse du socialisme, la dictature du prolétariat. La politique, c’est le plan où les prémisses subjectives viennent recouper les prémisses objectives. Dans certaines conditions techniques socio-économiques précises, une classe adopte consciemment un objectif déterminé : la conquête du pouvoir politique ; elle unit ses forces, évalue la puissance de l’ennemi et apprécie la situation. Même dans cette troisième sphère, cependant, le prolétariat n’est pas absolument libre. Outre les facteurs subjectifs - la conscience, la préparation et l’initiative, dont le développement a, lui aussi, sa logique propre -, le prolétariat, dans l’exécution de sa politique, se heurte à un certain nombre de facteurs objectifs, comme la politique des classes dominantes et des institutions étatiques existantes (telles l’armée, l’école de classe, l’Église d’État), les relations internationales, etc.

Occupons-nous d’abord des conditions subjectives : le degré de préparation du prolétariat pour la révolution socialiste. Il ne suffit naturellement pas que le niveau de la technique rende l’économie socialiste avantageuse au point de vue de la productivité du travail social. Il ne suffit pas non plus que la différenciation sociale fondée sur cette technique ait créé un prolétariat qui, en vertu de son nombre et de son rôle économique, se trouve être la classe principale, et ait objectivement intérêt au socialisme. Il faut, en outre, que cette classe soit consciente de ses intérêts objectifs ; il faut qu’elle comprenne qu’il n’y a pas d’issue pour elle en dehors du socialisme ; il faut qu’elle s’unisse en une armée assez puissante pour conquérir, dans une lutte ouverte, le pouvoir politique.

Il serait stupide, à l’heure actuelle, de nier la nécessité pour le prolétariat de se préparer à une telle tâche. Les vieux blanquistes pouvaient espérer le salut de l’initiative d’organisations conspiratives structurées indépendamment des masses ; seuls, au pôle opposé, les anarchistes peuvent escompter une explosion spontanée, élémentaire, des masses, une explosion dont nul ne puisse dire le but. Les social-démocrates, eux, parlent de la conquête du pouvoir en tant qu’action consciente d’une classe révolutionnaire.

Mais bien des idéologues socialistes (idéologues dans le pire sens du terme : celui d’hommes qui mettent toute chose la tête en bas) parlent de préparer le prolétariat pour le socialisme dans le sens de le régénérer moralement. Le prolétariat, et même "l’humanité" en général devraient tout d’abord se dépouiller de leur vieille nature égoïste, l’altruisme devrait dominer la vie sociale, etc. Comme nous sommes encore très loin d’un tel état de choses, et que la "nature humaine" change très lentement, voilà le socialisme différé de plusieurs siècles. Un tel point de vue semble probablement très réaliste et évolutionniste, etc., mais il n’est, en réalité, que le fruit de plates considérations moralisantes. On admet qu’une psychologie socialiste doit se développer avant l’avènement du socialisme ; en d’autres termes, qu’il est possible, pour les masses, d’acquérir une psychologie socialiste sur la base des rapports capitalistes. Il ne faut pas ici confondre l’effort conscient vers le socialisme avec une psychologie socialiste. Cette dernière suppose l’absence de motivations égoïstes dans la vie économique ; cependant que, si le prolétariat aspire au socialisme et lutte pour le socialisme, cela résulte de sa psychologie de classe. Quel que soit le nombre de points communs qu’il puisse y avoir entre la psychologie de classe du prolétariat et la psychologie socialiste sans classe, un gouffre profond ne les en sépare pas moins.

La lutte menée en commun contre l’exploitation engendre de magnifiques traits d’idéalisme, de solidarité et de sacrifice de soi mais, en même temps, la lutte individuelle pour l’existence, l’abîme toujours béant de la pauvreté, la différenciation dans les rangs des travailleurs eux-mêmes, la pression exercée d’en bas par les masses ignorantes et l’influence corruptrice des partis bourgeois ne permettent pas à ces traits magnifiques de se développer pleinement. Néanmoins, bien qu’il reste égoïste et philistin, et sans qu’il dépasse en "valeur humaine" le représentant moyen des classes bourgeoises, l’ouvrier moyen sait par expérience que ses besoins et ses désirs naturels les plus simples ne peuvent être satisfaits que sur les ruines du système capitaliste.

Les idéalistes dépeignent la lointaine génération à venir qui sera devenue digne du socialisme exactement comme les chrétiens dépeignent les premières communautés chrétiennes.

Quelle qu’ait pu être la psychologie des premiers prosélytes du christianisme (et les Actes des apôtres relatent des cas de détournement de la propriété commune), en tout cas, lorsqu’il a commencé à se répandre, le christianisme n’a pas seulement échoué dans ses efforts pour régénérer les âmes de la population tout entière, mais a lui-même dégénéré, devenant matérialiste et bureaucratique ; la pratique de l’instruction fraternelle d’un chrétien par un autre chrétien a cédé la place au papisme, la mendicité errante au parasitisme monacal ; bref, la chrétienté, bien loin de se soumettre les conditions sociales du milieu dans lequel elle se développait, s’y est elle-même soumise. Ce ne fut pas là le fruit de la maladresse ou de l’avidité des Pères de l’Église, mais bien des lois inexorables qui font dépendre la psychologie humaine des conditions de la vie sociale et du travail social ; les Pères de l’Église n’ont fait que démontrer cette dépendance en leur personne.

Si le socialisme voulait créer une nouvelle nature humaine dans les limites de l’ancienne société, il ne serait rien d’autre qu’une nouvelle édition des vieilles utopies moralisantes. Le socialisme n’a pas pour but de créer une psychologie socialiste comme prémisse du socialisme, mais de créer des conditions de vie socialiste comme prémisses d’une psychologie socialiste.

Notes

[1] Nicolas Rojkov (1868-1927), professeur d’histoire à l’université de Moscou, bolchevik en 1905. Voir P. Broué, Le Parti bolchevique, éd. de Minuit, 1963.

[2] Nicolas Rojkov, K agrarnomu voprosu (Sur la question agraire), Saint-Pétersbourg, 1904, p. 21-22.

[3] Ce théoricien révisionniste prétendait démontrer que " la surproduction chronique des moyens de production n’est pas possible "en régime capitaliste, et réfuter la loi de la tendance à la baisse du taux de profit. Cf. Studien zur Theorie und Geschichte der Handelskrisen in EngIand, Iéna, 1901 (Ire édition russe à Saint-Pétersbourg en 1894), et aussi Theoretische Grundlagen des Marxismus, Leipzig, 1905.

[4] John Bellers n’était pas député : c’était un propriétaire terrien quaker, qui publia son projet sous forme d’adresse au Parlement. (Note de l’édition anglaise)

[5] Pseudonyme de Karl Ballod.

[6] Atlanticus, Gosudarstvo budiscago (L’État de l’avenir), Saint-Pétersbourg, Dyélo éd. (Cf. du même, Ein Blick in den Zukunftstaat, Produktion und Konsumption in Sozialstaat, Stuttgart, 1898. – Nd.T.)

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