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Poutou et Besancenot soutiennent-ils les Gilets jaunes ?

samedi 29 décembre 2018, par Robert Paris

La tendance LO du NPA a publié récemment une liste de directives pour l’action des militants révolutionnaires aux côtés des Gilets jaunes. « Que ne pas faire ? » nous semble être le sous titre qui convient à ce bréviaire.

Les Gilets jaunes rejettent les partis et les syndicats, tous liés à l’Etat incarné par Macron, Etat qu’ils dénoncent et combattent politiquement et économiquement depuis des semaines. Or les conseils de la Fraction nous semblent marqués de ces traits hostiles aux Gilets jaunes qu’on voit chez les partis liés à un système capitaliste entré dans un processus d’auto-destruction : sous-estimation, incompréhension, etc.

Nous commencerons par le premier des principes défendus dans l’article Gilets jaunes ...

Ce qui a déjà été fait :

Des communiqués et des déclarations de solidarité comme l’ont fait Olivier Besancenot et Philippe Poutou. Bien sûr.

Ces lignes nous laissent perplexes. Est-il évident que Besancenot et Poutou soutiennent les Gilets jaunes ? Premièrement il serait nécessaire de donner les références de communiqués ou déclarations. La Fraction a l’ambition louable de faire jouer à ses militants un rôle dans la « direction » du mouvement. Dans ce cas un minimum est nécessaire, une « direction » fournissant en premier lieu des références, mettant à la disposition des militants de base les faits, la chronologie, les déclarations etc :

(...) seul un parti organisé peu se livrer à une vaste agitation, fournir aux agitateurs les directives (et le matériel) nécessaires dans toutes les questions politiques et économiques, mettre à profit chaque succès local de l’agitation pour éclairer tous les ouvriers (...), envoyer les agitateurs dans un milieu ou dans des régions où ils puissent oeuvrer avec le plus de succès. (Lénine, 1899)

De tels communiqués pourraient-être utiles bien sûr aux militants de la Fraction, mais aussi à d’autres militants révolutionnaires. Or y a-t-il des communiqués de Besancenot ou de Poutou qui soient utilisable par les révolutionnaires ?

La Fraction est une fraction, comme son nom l’indique, elle n’est sans doute pas d’accord avec tous les communiqués, déclarations de Besancenot ou Poutou. Nous n’avons pas fait de recherche systématique, car le peu que nous avons lu ou entendu nous semble le pire qui puisse être, et profondément hostile à ce qu’il y a de potentiellement révolutionnaire dans ce mouvement, en particulier l’auto-organisation. Donc même si de « bons » communiqués existent une discussion s’imposerait concernant les tendances contradictoires au sein du NPA, par exemple reflétées par deux déclarations contradictoires d’un même porte-parole. C’est une question d’honnêteté politique ... et justement une des exigences salutaires des Gilets jaunes. Le fait que cette question soit éludée indisposera les Gilets jaunes qui liraient l’article de la Fraction.

Concernant Besancenot, dès le début du mouvement il déclara sur France Info, BFM, etc, que le mouvement des gilet jaunes était certes positif, mais qu’il le resterait si les organisations y prenaient part. Lui et le NPA mettent systématiquement en avant le "mouvement social", les "organisations". Pour les révolutionnaires qui savent lire entre les lignes : le NPA ne tentera pas de déborder la CGT, SUD et autres bureaucraties syndicales. Première erreur de la Fraction : autant que les révolutionnaires, certains des Gilets jaunes savent lire entre les lignes, les sous-estimer est un signe d’une méconnaissance de ce mouvement.

Pourquoi donc ne pas commenter ces prises de position « pro-organisations » de Besancenot, et éventuellement en donner une qui aille dans le sens contraire ? Ces déclarations de Besancenot n’ont pas pu passer inaperçue. Si c’était le cas, elle seront de toute façon répétées, soulignées par des gens qui comme nous et de nombreux Gilets jaunes classent Besancenot dans la catégorie des bureaucrates syndicaux.

Un bon communiqué de Besancenot dont la Fraction fait l’apologie, nous pourrions aussi le diffuser, car même s’il était en contradiction avec les déclarations sus-mentionnées, il permettrait peut-être d’appuyer ce qui est positif, d’appuyer les tendances révolutionnaires du NPA, si elles existaient. Mais une déclaration faisant l’éloge de l’auto-organisation contre les bureaucrates de la CGT ou de SUD, nous n’en avons pas connaissance. Besancenot a-t-il lu son livre sur 1917 ?

Quant à P. Poutou le communiqué à propos de la fermeture de son usine Ford où il est délégué CGT nous semble également catastrophique, disons plus clairement : réformiste :

Le bras de fer continue à Ford Blanquefort

Le 27 février, Ford annonçait son désengagement de Blanquefort. Le 7 juin, l’entreprise annonçait sa décision de fermeture et le lancement d’une procédure PSE de fermeture d’usine. Et le 13 décembre, nouvelle journée « noire », Ford annonçait son refus définitif du plan de reprise par Punch, le seul candidat à la reprise. Définitif ? Peut-être pas, car le bras de fer devrait continuer encore un moment.

Il est très difficile d’imaginer la suite de l’histoire. Maintenant que la procédure PSE est terminée, qu’est-il possible d’espérer ? Tout semble en place pour que Ford exécute son plan de fermeture ente janvier 2019, date des premiers départs « volontaires » en préretraite, et octobre, date prévue pour les derniers licenciements. Entretemps la production s’arrêterait en août et, au bout du compte, 872 emplois seraient supprimés.

Tellement facile de licencier

Mais il peut se passer encore des choses. D’abord, pour que Ford puisse « exécuter » son PSE et commencer à faire partir les salariés, il faut d’abord que la Direccte donne son homologation. Elle a 21 jours pour le faire, et il devrait y avoir des arguments pour refuser.Car Ford n’a pas respecté toute la législation qui est pourtant peu contraignante.

Un PSE, malgré ses apparences, c’est quand même un « plan de sauvegarde de l’emploi », ce qui signifie que logiquement il y a la préoccupation de « sauver » au moins quelques emplois. Or Ford depuis le début se moque délibérément de préserver l’activité comme les emplois. Ford a refusé toute recherche réelle de repreneur, même si elle avait sollicité un cabinet dédié à cette tâche, qui a lamentablement (et bizarrement ?) échoué.

Et quand Ford s’est retrouvée, sans le vouloir, avec un projet de reprise dans les pattes, la multinationale a refusé de l’étudier sérieusement. Aucune coopération, ni avec le candidat à la reprise, ni avec l’État. Seulement une longue partie de bras de fer, de tractations, de réunions manquées, de documents non fournis…

Le résultat est sans surprise : la multinationale avait décidé de fermer et se moque de tout le monde, des salariéEs évidemment mais aussi de l’État et même du ministre Le Maire et du président Macron. Oui Ford fait comme bon lui semble. Mais il faut dire que c’est tellement facile de licencier et de fermer une entreprise :il n’y a pas de raison que Ford s’embête avec des formalités !

Impuissance organisée

En réalité, Ford n’est pas pire que les autres multinationales qui font d’énormes profits et qui se sont gavées de subventions publiques pendant des années. Cela se voit davantage, peut-être parce que notre bataille contre la fermeture de l’usine pousse tout le monde ans ses derniers retranchements. Nous dénonçons toujours l’inadmissible,et ainsi nous poussons les pouvoirs publics à ne pas regarder sans rien faire, comme malheureusement cela a été trop longtemps le cas. L’État est bien obligé de chercher une solution, mais avec des moyens très limités !

Cette « impuissance » de l’État est réelle, mais ce sont tous les gouvernements qui ont construit cette impuissance car,peu à peu,au cours des dernières décennies, les « pleins pouvoirs » ont été donnés aux capitalistes comme Ford.

Alors les cabinets des ministères concernés s’activent, cherchent dans la législation les outils qui permettraient de contraindre un minimum Ford, et c’est toute une gymnastique qui se déploie pour trouver une faille. On sait pourtant qu’il y aurait des solutions plus rapides et plus directes : pourquoi ne serait-il pas possible de prendre des mesures d’autorité comme prendre le contrôle de l’usine ?On appelle ça comme on veut : une réquisition, une expropriation… Et si le nom fait peur, si c’est trop radical, pourquoi ne pas « racheter » l’usine Ford pour 1 euro symbolique ? Pourquoi est-il possible de financer les multinationales avec des aides publiques diverses (CICE, chômage partiel, aides à l’investissements…) et pourquoi tout deviendrait impossible lorsqu’il s’agit de prendre le contrôle d’un outil productif ? Ne peut-on pas considérer que l’usine Ford est déjà en partie publique,après 45 ans passés à faire des cadeaux à la multinationale ?

Continuer la lutte

Alors certes, il y a peu d’espoir de changer la donne. Surtout en l’absence d’une mobilisation d’une majorité de collègues, qui sont désespérés et résignés. Mais notre bataille n’est pas vaine. Il y a trop de fermetures d’entreprises, trop de licenciements, trop de chômage aujourd’hui pour rester sans rien faire. Les pouvoirs publics le savent bien, l’État le sait bien.

Dans les semaines qui viennent, nous allons continuer la lutte pour sauver l’usine et le plus d’emplois possible. Ce n’est pas irréaliste. La situation est particulière, car nous avons des appuis « de luxe » avec les déclarations du ministre Le Maire, celles des collectivités locales, avec la collaboration des services de l’État pour contrecarrer le projet de Ford. On ne sait pas ce que cela va donner, mais on s’accroche avec nos forces et nos moyens. Nos emplois, les 2000 emplois induits, notre avenir, tout cela en vaut la peine.

Philippe Poutou

En plein mouvement des Gilets jaunes, tel Macron lors de son discours télévisé, Poutou ne cite donc pas les Gilets jaunes. Poutou aurait pu envoyer publiquement aux orties le syndicalisme de collaboration de classe, de cogestion du capitaliste incarné par Martinez. Au lieu de cela, la routine syndicale continue. Poutou aurait pu appeler les syndiqués CGT à imiter les Gilets jaunes en défiant, affrontant l’Etat, en appelant à des actions à caractère insurrectionnelles contre l’Etat, à des actions économiques contre Ford. Il aurait pu tenter de créer un Front, une tendance Gilets jaunes dans les entreprises et leurs syndicats. Rien de tout cela !

Ces déclarations de Poutou sont celles d’un syndicaliste réformiste à la recherche d’un Etat-sauveur, le ministre de l’Economie a même complimenté, du haut de la tribune de l’Assemblée, Poutou, ce dernier aurait du s’en inquiéter !

En ne commentant pas le communiqué de Poutou, la Fraction s’incline devant ce réformisme. Dans la brève consacrée à la fermeture de l’usine Ford de Poutou, la Fraction appelle à « continuer » comme avant. Nous ne prétendons pas avoir la formule magique pour empêcher la fermeture de l’usine. Mais quel est l’impact, actuel et potentiel, du mouvement des gilets jaunes sur les luttes contre les fermetures d’usine ? C’est la question que se pose tout révolutionnaire. Poutou était le mieux placé par les circonstances pour être exemplaire, voire devenir un leader ouvrier des Gilets jaunes. Il est clair que Poutou et le NPA dans son ensemble ont une politique de suivisme vis-à-vis de la CGT de Martinez, et s’opposent donc au caractère auto-organisé du mouvement Gilets jaunes. Ils sont dans cette mesure des adversaires des Gilets jaunes. Ils le soutiennent cependant involontairement, et derrière eux la Fraction, en s’inscrivant dans une pratique syndicale réactionnaire qui est une des sources du mouvement, qui alimente l’hostilité, l’énergie du désespoir de certains Gilets jaunes : l’absence d’espoir dans les luttes syndicales, qui de la Loi travail aux mouvement récent des cheminots ont été des échecs.

Mais cette marque de fabrique des Gilets jaunes semble échapper à la Fraction qui prétend vouloir les diriger ...

Besancenot et les gilets jaunes ?

La Fraction et les gilets jaunes ?

Besancenot à France Inter le 3 décembre 2018 :

« La casse pour la casse, les pillages, brûler des bâtiments, c’est pas ça la révolution". "Donc j’approuve pas. »

« C’est pas la population et les ronds-points qu’il faut continuer à bloquer… »

« Si le mouvement social et le mouvement des gilets jaunes se regardent en chien de faïence encore pendant des jours et des jours, on n’y arrivera pas. »

« Le problème, c’est de savoir comment on dénoue la situation actuelle… »

« Moi, je me sens solidaire d’un mouvement populaire. Solidaire, mais pas populiste. Pas (solidaire) de celui qui dérape, parce que ça je ne le minimise pas : les actes racistes, ou parfois instrumentalisés par l’extrême droite... »

« On n’a pas envie que ça dure. »

Il rajoute un peu plus tard :

« Oui j’irai manifester, sans gilet jaune, car en tant que militant politique j’aurais peur de faire dans la récupération. »

« Au-delà de la couleur du gilet, ça déborde du cadre des gilets jaunes. »

Face aux journées gilets jaunes, Besancenot déclare vouloir « appeler pourquoi pas à des jours de colère rouges cette fois-ci ! En semaine, pour montrer que la mobilisation ne fait que commencer ! » Pourquoi ressent-il absolument le besoin de se séparer, de se distinguer, de diviser ?!!!

Poutou n’est pas plus fameux : « Je suis solidaire des gilets jaunes et je les appelle à s’organiser en jonction avec le mouvement syndical sur des revendications communes comme les augmentations de salaires, la défense des services publics et une juste répartition des richesses ».

Mais Poutou avait dit comprendre la colère de ceux qui se révoltent. Après les propos de Philippe Poutou, le NPA rectifie le tir et dit "ne pas partager la politique des groupes autonomes" !!!!

L’Anticapitaliste, journal du NPA déclare que « Notre classe ne se tiendra pas sage » en présentant un dessin avec des manifestants en… gilets rouges !!!

Le gilet rouge est ce qu’a proposé Martinez de la CGT pour se distinguer des gilets jaunes !!!

La suite

Messages

  • Appeler à des comités gilets jaunes dans les entreprises nuirait à l’opération d’entrisme dans les syndicats des petits appareils d’extrême gauche car les syndicats sont violemment hostiles que la classe ouvrière s’auto-organise et ils se gardent bien de le faire pour défendre leur petit fromage !!!

  • Pas étonnant ! Ces "révolutionnaires" là ont toujours interprété de manière gentille toutes les initiatives pourries des directions syndicales. Ainsi, ils ont prétendu transformer la journée d’inaction du 14 décembre en grève générale. Non pas la transformer en réalité mais en paroles, c’est-à-dire y appeler en faisant comme si cela allait se produire.

    Dans les mobilisations contre la loi travail, il prenaient une résolution de soutien à une journée d’action qui s’exprimait ainsi :

    « La journée d’action, qui se discute à l’échelle des directions syndicales, prend ainsi un tout autre contenu. Elle doit se poser d’emblée non pas comme une journée isolée et folklorique, mais comme le point de départ d’un combat dans la durée et doit se préparer largement, dans chaque lieu de travail, par des assemblées générales qui informent les travailleurs de l’ampleur de l’attaque en cours, commencent à organiser la riposte et exigent l’unité syndicale derrière un plan de lutte pour empêcher l’application de la réforme. »

    Dans les faits, ils n’avaient fait que courir derrière les bureaucraties et leur journée d’inaction non pas folklorique mais catastrophique !!!

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