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L’origine des mammifères, une victoire évolutive sur les dinosaures ?

dimanche 10 mars 2013, par Robert Paris

Si vous voulez les voir en portrait

Nos premiers ancêtres mammifères ressemblent à des rats, des castors, des hamsters et des écureuils, sont insectivores... et ils sont minuscules ! Issus des synapsides (reptiles mammaliens), leurs descendants monotrêmes sont les premiers mammifères. Ils sont caractérisés par le fait d’être à la fois ovipares et mammifères : ils pondent des œufs mais allaitent leurs petits. Ils apparaissent il y a 166 millions d’années. Les suivants viennent bien après (125 millions d’années) et sont marsupiaux. Chez les marsupiaux, la femelle possède une poche abdominale, sauf exception, appelée aussi marsupium, dans laquelle elle porte son petit après sa naissance. Les placentaires sont beaucoup plus récents (apparition il y a 65 millions d’années). Les embryons se développent entièrement dans le corps de leur mère, et sont alimentés pendant la grossesse grâce au placenta.

On connaît les thèses dites adaptatives, progressives, selon lesquels des processus graduels transformeraient lentement un groupe dans un sens donné, visant un but : l’amélioration du groupement d’êtres vivants afin d’atteindre un certain perfectionnement qui expliquerait lui-même ensuite le fait que ce groupe devienne dominant au sein des espèces vivantes. On se souvient que les dinosaures et les reptiles ont longtemps dominé le monde du vivant et qu’aujourd’hui une certaine image présente les mammifères comme dominants sauf dans les airs où les descendants des dinosaures, les oiseaux, resteraient dominants. Et bien sûr, on connaît la domination d’un mammifère, l’homme, qui domine le tout, présenté comme le sommet de cette évolution soi-disant adaptative dont certains osent prétendre que les capacités cérébrales seraient le produit d’efforts adaptatifs de millions d’années…

Cela pose toutes les questions : comment des espèces, des groupes, des familles d’êtres vivants apparaissent, se multiplient, se diversifient et disparaissent… Et d’autres groupes, familles, espèces ne se multiplient pas, se diversifient moins et ne disparaissent pas quand les autres disparaissaient.

Sur ces questions, les anatomistes, les paléontologues ne parviennent pas toujours aux mêmes conclusions que les biologistes… Les diagrammes en sont changés. La méthode qui tient compte des différents éléments s’appelle le clade.

Ainsi, l’étude biologique montre qu’il n’y a pas eu une seule explosion diversificatrice des mammifères à l’ère tertiaire, il y a 65 millions d’années, mais plusieurs suivant les diverses zones géographiques, il y 130, 100 et 95 millions d’années.

L’étude de l’évolution pose différents problèmes : celui des différentiations moléculaires, celui des modifications déduites sous forme de différentiation des formes, celui des capacités induites, celui des sélections du milieu…

En étudiant les mammifères, comment peut-on se faire une idée sur toutes ces questions ? Par quelles observations peut-on se demander si une espèce évolue lentement dans le sens du progrès ou s’il s’agit d’un autre processus ? Y a-t-il des hypothèses alternatives ?

On se souvient que toute l’œuvre de Stephen Jay Gould, tout en s’appuyant sur la conception évolutionniste de Darwin, consiste à contredire la thèse adaptative progressive, particulièrement enracinée quand il s’agit des mammifères et de l’homme...

Faut-il y voir un progrès ou une diversification en tous sens ? Tout d’abord, au sein de l’espèce, y a-t-il un « sens du progrès » ? Ce serait quel type de progrès ? Celui de certaines capacités ? De certains organes ? De certains types de transformation ? Mais des espèces anciennes de mammifères à celles récentes, y a-t-il un même sens évolutif qui mène à la fois aux baleines et aux dauphins, aux chauves-souris et aux castors actuels, aux éléphants et aux rats, aux antilopes et aux rhinocéros ? On ne voit pas quel organe, quelle capacité particulière, quel sens de l’évolution ?

La question qui se pose ensuite dans la thèse adaptationniste est "adapté", "mieux adapté", "plus adapté" mais adapté à quoi et dans quel but ? Adapté au milieu ? Au milieu vivant ? Au milieu climatique ? Au milieu de sa propre espèce ? De son propre groupe ? En compétition avec les autres groupes ? Tout cela peut exister mais est-ce que cela donne une supériorité ? Et quand le milieu change brutalement, qu’est-ce qui déciderait que telle ou telle espèce sélectionnée pour un autre milieu le deviendrait plus ou moins pour le nouveau milieu. Et s’il y a eu toute une série de changements brutaux au cours de l’évolution, peut-on encre voir cette évolution comme un changement graduel ou comme une série de sauts brutaux coupant des longues périodes sans évolution notable, ces ponctuations dont parle Gould ?

S’il y avait évolution adaptative graduelle propre à un milieu, on s’attendrait que l’ensemble de l’espèce quitte un équilibre donné pour en atteindre un autre, puis un autre. Du coup, quand la nouvelle espèce apparaitrait, l’ancienne aurait graduellement aussi disparu.

Est-ce ce que l’on constate dans les clades de mammifères (comme d’autres groupements d’êtres vivants) ? La réponse est non ! Mêmes pour l’espèce humaine, la réponse est non. Les anciennes formes n’ont pas disparu quand les nouvelles se développent... C’est un peu comme les enfants ne sont pas dans la continuité des parents qui ne disparaissent pas à la naissance !

Chaque espèce est plutôt une singularité qu’une continuité. Chaque groupe ou embranchement aussi...

D’autre part, l’image adaptative suppose des durées d’évolution très longues. Les données paléontologiques démontrent que la radiation des mammifères s’est effectuée en un laps de temps très court et à partir d’une lignée commune amenant ainsi à la large diversification de différents ordres au cours de la fin du Crétacé et du Paléocène (il y a environ -65 à -55 millions d’années).

Ce qui a semblé une évolution adaptative lente provient de l’étude et des comparaisons des os mais on dispose aujourd’hui de bien d’autres critères et notamment ceux issus de la biologie moléculaire et ils donnent de tout autres résultats.

D’autre part, ces études contredisent la notion de domination des mammifères. Sur environ deux millions d’espèces vivantes, les mammifères représentent 4200 espèces soit environ 0,25 % de la diversité de la faune terrestre...

L’image de la succession : dinosaures, reptiles puis mammifères dans laquelle l’explication du « succès » des mammifères proviendrait seulement de la fin des dinosaures est en partie inexacte puisque la succession elle-même n’est pas exacte. Les mammifères sont en fait apparus avant les dinosaures et pas après. Les premiers dinosaures ne feront leur apparition qu’au Carmien, soit début du Trias supérieur alors que les premiers mammifères, les ovipares, feront leur apparition au trias moyen ! Les mammifères marsupiaux apparaissent au jurassique supérieur et les mammifères placentaires apparaissent un peu plus tard, au Crétacé.

Les mammifères sont nés avant les dinosaures. Ils se sont développés bien avant eux. Les fossiles terrestres du début du Permien indiquent que les premiers synapsides, les "Pélycosaures", étaient les vertébrés terrestres les plus communs et les plus répandus en leur temps. Ils ont bien sûr été débordés par l’essor des dinosaures mais ce n’est pas le seul problème qui se soit posé à eux ni nécessairement l’essentiel. La chute des dinosaures n’a pas entraîné spécialement d’explosion des mammifères. L’ essor principal des mammifères serait survenu entre 200.000 et 400.000 ans après la fin des dinosaures….

Ils auraient donc très bien pu se développer, se diversifier, occuper des niches écologiques avant eux et cela n’a pas été le cas. Ce qui est vrai c’est qu’une fois que les dinosaures occupaient l’essentiel des niches écologiques, les mammifères avaient très peu de possibilités de développement et de diversification et que la disparition des dinosaures a été une occasion rêvée de développement pour les mammifères. Mais cela a été le cas parce qu’ils avaient déjà un certain stade développement, ce qu’ils n’avaient pas lors de leur première phase.

Certes, les dinosaures pouvaient chasser des mammifères mais le contraire était aussi possible : voir ici

Contrairement à l’idée que les mammifères ne se seraient développés, n’auraient trouvé des niches écologiques et n’auraient connu une diversification qu’après la disparition des dinosaures, on trouve toute l’évolution des « multituberculés ». Les mammifères connus sous le nom de multituberculés, qui vivaient aux côtés des dinosaures, se sont peut-être diversifiés beaucoup plus tôt qu’on ne le pensait. L’analyse de leurs dents suggère que leur diversité écologique a augmenté quelques 20 millions d’années avant la disparition des dinosaures, il y a 65 millions d’années. Jusqu’ici les paléontologues estimaient que les mammifères n’étaient devenus prospères que suite à cette extinction qui aurait constitué une sorte de déclencheur de la diversification.

De nombreux arguments montrent que la thèse adaptative n’est pas bonne pour expliquer que les mammifères soient restés en vie et pas les dinosaures. En effet, on pourrait se dire que les mammifères s’étaient peu développés du fait que les dinosaures occupaient l’écosystème et qu’ils se sont contentés de tenir le coup attendant leur heure, heure qui est venue quand leurs "avantages adaptatifs" se sont révélés. Cependant cela ne tient pas car les mammifères étaient nés bien avant les dinosaures et avaient eu toute latitude de se développer alors. D’autre part, les mammifères qui se sont développés ne sont pas vraiment ceux qui avaient survécu à la disparition des dinosaures. Au départ, ils étaient ovipares et marsupiaux alors que ceux qui existent aujourd’hui sont surtout les placentaires, nés bien après la disparition en question... Cette compétition mammifères-dinosaures n’est pas nécessairement une réalité. C’est notre imagination qui met ainsi en avant ce parallèle sans nécessairement qu’il ait eu un sens.

Le seul sens que l’on peut donner à ces raisonnements sur le triomphe des dinosaures puis celui des mammifères puis celui de l’homme est de présenter cette "lutte pour la vie" comme une loi de la nature qui donne à l’homme la prééminence. C’est un but très évident de philosophie sociale et pas le résultat d’une observation du phénomène historique...

L’image qui en résulte de l’évolution des espèces est faussée. Elle suppose un progrès. Elle suppose une continuité. Elle suppose aussi un sens à l’évolution. Or ce que l’on constate, loin d’une espèce de force du progrès, c’est la tendance à la conservation. Gould souligne ainsi l’existence de « stases », c’est-à-dire de phases longues sans grande évolution alors que la thèse gradualiste suppose une évolution continuelle et très infime. Gould cite de multiples travaux, concernant des mammifères comme d’autres espèces, qui dévoilent l’existence de stases, en contradiction donc avec la thèse gradualiste.

Il écrit dans « La structure de la théorie de l’évolution » :

« Même dans le cas des lignées réputées illustrer le gradualisme de façon exclusive aux yeux de certains auteurs, on trouve de solides preuves de stases. Gingerich, adepte du gradualisme, avait étudié le petit condylarthre Hyopsodus dans les strates de l’Eocène inférieur du bassin de Big Horn dans le nord-ouest du Wyoming. West n’a cependant trouvé que des stases chez le même genre figurant dans des strates légèrement plus récentes, celles de l’Eocène moyen de la formation de Bridger au sud-ouest du Wyoming. West a conclu : « Les restes fossiles de Hyopsodus trouvés dans la formation de Bridger semblent montrer peu de changements de taille tout au long d’une durée approximative d’un million d’années. Cet état d’équilibre ou stase est le seul aspect évolutif bien apparent chez Hyopsodus tel qu’il figure à Bridger. Schankler a ensuite analysé un autre genre, le condylarthre Phenacodus, figurant dans les mêmes strates du bassin de Big Horn dans lesquelles Gingerich avait collecté ses fossiles afin d’établir l’existence du gradualisme dans différents taxa, et il n’a trouvé que de stases au sein des espèces (avec des transitions brusques entre espèces, cas de figure que Schankler a interprété, correctement à mon avis, comme le résultat probable d’une migration au sein d’une aire locale plutôt que d’une spéciation ponctuationniste in situ). Il a conclu : « La stase à long terme des traits morphologiques et de la taille, observée dans les quatre espèces de Phenacodus, se conforme aux prédictions du modèle d’évolution par équilibres ponctués. En ce qui concerne les mammifères qui intéresse le plus tout le monde, le gradualisme a régné longtemps en tant qu’interprétation incontestée (et souvent tout à fait inconsciente) de l’évolution hominidée. Toute une série de dogmes, historiquement consacrés, depuis les thèses sur les « chaînons manquants » jusqu’à « l’hypothèse d’une seule et unique espèce », reposaient sur le gradualisme en tant que présupposé philosophique. Une ancienne étude de Cronin – que plusieurs de ses coauteurs ne défendraient plus aujourd’hui – avait fait l’erreur classique de considérer le changement régulier dans la même direction d’une série de valeurs moyennes comme preuve quasi incontestable de gradualisme anagénétique. (Ce genre de données ne permet pas de distinguer les marches d’escalier de l’équilibre ponctué de la même figure engendrée par le gradualisme, lorsque les coupes stratigraphiques sont extrêmement incomplètes.) Les archives fossiles des hominidés étant très irrégulières et très loin d’être complètes, elles n’offrent guère de possibilité de mettre correctement à l’épreuve les conceptions de l’équilibre ponctué. Néanmoins, je me réjouis des quelques résultats indiquant sérieusement d’importantes stases chez plusieurs espèces d’hominidés et je suis encore plus satisfait des données de plus en plus convaincantes montrant l’importance des spéciations, apparemment ponctuationnistes, survenues en Afrique dans ce petit clade au cours d’une période cruciale d’un million d’années (il y a environ deux à trois millions d’années) : dans cet intervalle, c’est, semble-t-il, au moins une demi-douzaine d’espèces d’hominidés qui sont apparues… En ce qui concerne les deux autres cas de stase de plus grande durée, il s’agit d’une part de la première espèce d’hominidés pour laquelle on dispose d’une substantielle collection de fossiles, Australopithecus afarensis et d’autre part de l’espèce Australopithecus robustus… Jacobs et Godfrey avaient écrit : « On ne peut plus désormais tranquillement penser que les Hominidae représentent un sanctuaire de l’orthodoxie gradualiste, ne pouvant absolument pas être ébranlé par le ponctuationnisme. » Seulement douze ans plus tard, McHenry a pu affirmer dans la phrase de conclusion de son article de synthèse : « Il est intéressant, cependant, de voir à quel point la plupart des espèces d’hominidés ne connaissent que peu de changements au cours du temps. » (…) Je doute qu’un paléontologiste professionnel quelconque puisse mettre en question la thèse selon laquelle la grande majorité des paléoespèces font leur première apparition dans les archives fossiles de façon brusque à l’échelle des temps géologiques. Ce fait peut être interprété de manières diverses : conception gradualiste classique, cladogénétique de l’équilibre ponctué, anagenèse ponctuée, apparition soudaine par immigration. (…) La distribution géographique étendue de nombreuses lignées de mammifères du Tertiaire supérieur et du Quaternaire fournit plusieurs exemples parfaitement cernables de spéciations allopatriques, suivies de la survie ultérieure de l’espèce ancestrale. Par exemple, Mammuthus trogontherii, l’ancêtre présumé du mammouth laineux, M primigenius, apparaît pour la première fois dans le nord-est de la Sibérie, tandis que son ancêtre présumé, M meriodionalis, continue à survivre en Europe… Dans son article de synthèse, McHenry a déclaré que « dans la plupart des cas, les espèces ancestrales recouvrent dans le temps les espèces descendantes, au cours de l’évolution des homindés, ce qui n’est pas ce que l’on attendrait de transformations graduelles par anagenèse. » Dans l’étude de McHenry des clades des hominidés, la cladogenèse avec persistance des ancêtres permet d’affirmer que la phylogenèse répond au modèle de l’équilibre ponctué… On a révisé la phylogenèse des équidés, la décrivant désormais sous la forme d’un buisson foisonnant de cladogenèses, avec des phénomènes de survie des ancêtres parallèlement à leurs descendants même dans les parties de la séquence que l’on interprétait fermement jadis comme des illustrations typiques du progrès linéaire. Par exemple, Prothero et Shubin ont montré que la transition à l’Oligocène de Mesohippus à Miohippus se conforme à la théorie de l’équilibre ponctué, des stases étant présentes dans toutes les espèces des deux lignées, les transitions se réalisant par des cladogenèses rapides plutôt que des transformations phylétiques, et des recouvrements stratigraphiques s’observant entre les deux genres (une série de strates dans le Wyoming a donné trois espèces de Mesohippus et deux de Miohippus, toutes contemporaines). Prothero et Shubin concluent : « Cela est contraire au mythe entretenu de longue date sur les espèces sur les espèces d’équidés, celles-ci étant conçues comme des parties variant graduellement au sein d’un continuum, et sans distinction réelle entre elles. Dans toute l’histoire évolutive des équidés, celles-ci sont bien distinctes et en stase durant des millions d’années. Examiné « à la loupe », le tableau gradualiste de l’évolution des équidés devient un buisson complexe d’espèces étroitement apparentées se recouvrant stratigraphiquement… Heaton a montré qu’un ca classique d’anagenèse gradualiste supposée chez des rongeurs de l’Oligocène de l’ouest des Etats-Unis représente en réalité un cas de remplacement d’une espèce ancestrale par une espèce descendante. Heaton écrit : « L’analyse statistique de vastes échantillons suggère au contraire que deux espèces étroitement apparentées ont coexisté, et que le changement de taille moyenne que l’on avait pensé représenter une anagenèse correspond en réalité au remplacement d’une espèce par une autre. » (…) Chez de nombreuses espèces, la chronologie de leur apparition sur le mode ponctuationniste peut être établie de façon précise grâce à des données paléontologiques directes. Lister a calculé qu’il avait fallu un maximum de seulement 5000 ans pour l’apparition évolutive au Quaternaire du mammouth laineux sur l’île Wrangel et 6000 ans pour celle du cerf nain de l’île de Jersey… Prothero et Heaton ont étudié l’une des séquences de mammifères fossiles les plus riches et les mieux connus au monde : celle figurant dans le groupe stratigraphique de l’Eocène supérieur et de l’Oligocène de White River, dans les Grandes Plaines, en Amérique, et en particulier dans son affleurement au niveau des Big Badlands dans le Dakota du Sud. A propos de ces fossiles, ces auteurs ont écrit : « Il s’agit de l’un des gisements donnant à voir une évolution mammalienne de la façon la plus dense et la plus compète du monde. (…) La plupart des espèces sont en stase pendant deux à quatre millions d’années en moyenne, certaines prolongeant cet état bien plus longtemps. Seuls trois cas de gradualisme peuvent être observés dans la totalité de cette faune, et ils consistent principalement en des changements de taille. » L’analyse de ces trois cas montre aussi la nature exceptionnelle du gradualisme, même à la petite échelle de chacune de ces trois lignées : le lagomporphe Palaelagus, l’artiodactyle Leptomeryx, l’oréodonte Merycoidodon. (…) Prothero et Heaton ont choisi, en fait, d’étudier à fond la chronofaune de White River parce qu’elle a subi une véritable modification expérimentale (mise en place par le nature) : en plein milieu de sa période d’existence, elle a connu l’un des changements climatiques les plus profonds et les plus rapides du Tertiaire en Amérique du Nord, puisqu’elle a subi « la débâcle climatique du tout début de l’Oligocène », il y a 33,2 millions d’années... Prothero et Heaton écrivent : « Un petit nombre de lignées mammaliennes seulement donna lieu à des spéciations, un nombre un petit peu plus élevé s’éteignit et la vaste majorité (62 sur 70) traversa » et ils concluent « La stase et la résistance au changement sont tellement solides que des espèces ont réellement pu traverser le changement climatique le plus important des 65 derniers millions d’années comme si de rien n’était. »

LIRE ICI :

L’origine des mammifères, une victoire évolutive sur les dinosaures ?

Messages

  • « Le sourire du flamant rose » de Stephen Jay Gould :

    « Les extinctions massives ont une influence décisive sur l’histoire de la vie sur terre. Les dinosaures ont disparu il y a 65 millions d’années au cours de l’extinction massive du Crétacé qui a également anéanti presque la moitié des espèces d’invertébrés marins des hauts fonds. Les dinosaures avaient dominé la Terre pendant cent millions d’années et la domineraient probablement encore aujourd’hui s’ils avaient survécu au désastre. Les mammifères apparus à peu près en même temps que les dinosaures passèrent les cent premiers millions d’années de leur vie sous forme de créatures de petite taille habitant les recoins et les niches d’un monde dominé par les dinosaures. Si la mort des dinosaures ne leur avait pas offert cette grande chance, les mammifères seraient aujourd’hui encore des créatures petites et insignifiantes… L’extinction des dinosaures est caractérisée par un point fondamental : la disparition simultanée de très nombreux autres groupes de créatures aux habitats variés, terrestres aussi bien que marins… Dans ce contexte, les spéculations qui tiennent exclusivement compte des dinosaures ignorent une bonne partie du phénomène général en cause… »

  • Neuf espèces de mammifères sur dix auraient disparu en même temps que les dinosaures et bien d’autres habitants de la Terre du Crétacé, animaux ou végétaux. Cependant, ils se seraient ensuite très rapidement diversifiés. Voilà pourquoi les mammifères semblent avoir mieux survécu à cette catastrophe. C’est ce qu’affirme une équipe de paléontologues, qui ajoutent un dossier au long débat sur l’histoire de nos ancêtres à sang chaud.

    Sur 59 espèces étudiées, expliquent ces chercheurs dans l’article publié dans la revue The Journal of evolutionary biology, quatre seulement ont survécu à cette crise, soit 93 % de disparition. Dans le communiqué de l’université de Bath, Nick Longrich, le principal auteur de l’étude, avance que ce taux d’extermination a été jusqu’ici sous-estimé. Il explique que les espèces les plus vulnérables au moment de la catastrophe étaient celles dont les populations étaient peu nombreuses. Leurs fossiles sont donc rares et nombre de ces espèces disparues nous restent inconnues. Les mammifères ont-ils frôlé l’extinction ? En 2014, Thomas Williamson parvenait à un conclusion similaire pour les métathériens, ce groupe de mammifères auquel appartiennent les marsupiaux.

    Après cette crise K-T, les paléontologues britanniques observent, en Amérique du Nord, donc, une forte augmentation du nombre d’espèces de mammifères, mais elle diffère selon les régions. Nick Longrich souligne que les espèces qui apparaissent dans le Montana sont différentes de celles qui voient le jour du côté du Wyoming. Il y voit une augmentation rapide de la diversité des mammifères provoquée par des adaptations à de nouveaux environnements. Là serait l’explication de l’apparente résistance des mammifères à cette crise K-T. « Elle n’est pas due à un faible taux d’extinction mais à une capacité à récupérer et à s’adapter », commente Nick Longrich.

  • Les groupes de mammifères existants aujourd’hui étaient déjà présents au Crétacé, qu’il s’agisse des monotrèmes qui pondent des œufs, des marsupiaux ou des placentaires, mais aussi d’autres groupes disparus comme les multituberculés, Dryolestoidea, et les Gondwanatheria. Tous ont survécu à l’évènement de K-T, bien qu’ils aient enregistré des pertes. Beaucoup de marsupiaux ont disparu, en particulier ceux d’Amérique du Nord et plus particulièrement encore les espèces asiatiques regroupées dans le taxon des deltatheroïdes. Dans les gisements de fossiles de la formation de Hell Creek, au-dessus de la limite K/T, on ne trouve plus de trace d’au moins la moitié des dix espèces de multituberculés ni d’aucune espèce marsupiale parmi les onze présentes avant la limite.

    Les espèces de mammifères ont commencé à se diversifier approximativement 30 millions d’années avant la limite du Crétacé et du Tertiaire. Une radiation évolutive de mammifères s’est produite dans les quelques millions d’années qui ont suivi. La recherche actuelle indique que les mammifères n’ont pas eu d’explosion de diversification au passage de la limite K-T, en dépit des niches écologiques libérées par l’extinction des dinosaures Plusieurs ordres de mammifères ont été interprétés comme se diversifiant juste après la limite K-T, comme les Chiroptera (chauves-souris) et les Cetartiodactyla (un groupe divers qui inclut aujourd’hui les baleines et dauphins et les Artiodactyla), mais des recherches plus récentes concluent que seuls les ordres de marsupiaux se sont diversifiés directement après la limite K-T.

    Les espèces mammifères qui existaient à la limite K-T étaient généralement petites, de taille comparable aux rats ; cette petite taille les aurait aidées à trouver des abris dans des environnements protégés. En outre, on postule que quelques monotrèmes, marsupiaux, et placentaires primitifs étaient semi-aquatiques ou fouisseurs, car il existe encore de nombreuses lignées de mammifères ayant conservé de tels comportements aujourd’hui. Enfin, n’importe quel mammifère semi-aquatique ou creusant des terriers aurait eu la protection additionnelle contre le stress environnemental de la limite K-T.

  • La faune actuelle de mammifères est largement dominée par les placentaires (notre grand groupe) qui comptent environ 4 000 espèces et 114 familles, à côté de 270 espèces et 16 familles de marsupiaux (le groupe des kangourous) et seulement trois espèces et 2 familles de monotrèmes (le groupe des ornithorhynques). A la fin du Crétacé (Campano-Maastrichtien, 85-65 Ma) on n’a recensé jusqu’ici que 150 à 300 espèces et 27 familles de mammifères, dont une dizaine de familles de marsupiaux, et une dizaine de placentaires. Deux mondes vivants successifs sont représentés là : Age des Reptiles du Mésozoïque (lui-même successif de l’äge des Poissons), et Age des Mammifères du Cénozoique.

    Les fossiles montrent que l’évolution entre ces deux mondes s’est faite brutalement avec deux grands événements. D’une part, des extinctions massives à la fin du Crétacé dont la disparition spectaculaire des dinosaures. D’autre part, l’explosion au début du Tertiaire des marsupiaux et des placentaires qui correspond à une radiation adaptative majeure sans équivalent dans l’histoire des mammifères.

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