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A lire le 8 mars

jeudi 8 mars 2018

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  • Espagne : des centaines de trains annulés en raison de la grève des femmes !!!!

  • « Le 23 février, c’était la " Journée internationale des Femmes ". On projetait, dans les cercles de la social-démocratie, de donner à ce jour sa signification par les moyens d’usage courant : réunions, discours, tracts. La veille encore, il ne serait venu à la pensée de personne que cette " Journée des Femmes " pût inaugurer la révolution. Pas une organisation ne préconisa la grève pour ce jour-là. Bien plus, une organisation bolcheviste, et des plus combatives, le Comité du rayon essentiellement ouvrier de Vyborg, déconseillait toute grève. L’état d’esprit des masses d’après le témoignage de Kaïourov, un des chefs ouvriers du rayon, était très tendu et chaque grève menaçait de tourner en collision ouverte. Mais comme le Comité estimait que le moment d’ouvrir les hostilités n’était pas encore venu – le parti n’étant pas encore assez fort et la liaison entre ouvriers et soldats étant trop insuffisante – il avait donc décidé de ne point faire appel à la grève, mais de se préparer à l’action révolutionnaire pour une date indéterminée. Telle fut la ligne de conduite préconisée par le Comité à la veille du 23, et il semblait que tous l’eussent adoptée. Mais le lendemain matin, en dépit de toutes les directives, les ouvrières du textile quittèrent le travail dans plusieurs fabriques et envoyèrent des déléguées aux métallos pour leur demander de soutenir la grève. C’est " à contrecœur ", écrit Kaïourov, que les bolcheviks marchèrent, suivis par les ouvriers mencheviks et socialistes-révolutionnaires. Mais du moment qu’il s’agissait d’une grève de masse, il fallait engager tout le monde à descendre dans la rue et prendre la tête du mouvement : telle fut la résolution que proposa Kaïourov, et le Comité de Vyborg se vit contraint de l’approuver. " L’idée d’une manifestation mûrissait depuis longtemps parmi les ouvriers, mais, à ce moment, personne ne se faisait encore une idée de ce qui en sortirait. " Prenons bonne note de ce témoignage d’un participant, très important pour la compréhension du mécanisme des événements.
    On croyait d’avance que, sans le moindre doute, en cas de manifestation, les troupes devraient sortir des casernes et seraient opposées aux ouvriers. Qu’allait-il se passer ? On est en temps de guerre, les autorités ne sont pas disposées à plaisanter. Mais, d’autre part, le soldat de la " réserve ", en ces jours-là, n’est déjà plus celui que, jadis, l’on a connu dans les cadres de l’" active " . Est-il vraiment si redoutable ? A ce sujet, on raisonnait beaucoup dans les cercles révolutionnaires, mais plutôt abstraitement, car personne, absolument personne – on peut l’affirmer catégoriquement d’après tous les documents recueillis – ne pensait encore que la journée du 23 février marquerait le début d’une offensive décisive contre l’absolutisme. Il n’était question que d’une manifestation dont les perspectives restaient indéterminées et, en tout cas, fort limitées.
    En fait, il est donc établi que la Révolution de Février fut déclenchée par les éléments de la base qui surmontèrent l’opposition de leurs propres organisations révolutionnaires et que l’initiative fut spontanément prise par un contingent du prolétariat exploité et opprimé plus que tous les autres – les travailleuses du textile, au nombre desquelles, doit-on penser, l’on devait compter pas mal de femmes de soldats. La dernière impulsion vint des interminables séances d’attente aux portes des boulangeries. Le nombre des grévistes, femmes et hommes, fut, ce jour-là, d’environ 90 000. Les dispositions combatives se traduisirent en manifestations, meetings, collisions avec la police. Le mouvement se développa d’abord dans le rayon de Vyborg, où se trouvent les grosses entreprises, et gagna ensuite le faubourg dit " de Pétersbourg ". Dans les autres parties de la ville, d’après les rapports de la Sûreté, il n’y eut ni grèves, ni manifestations. Ce jour-là, les forces de police furent complétées par des détachements de troupes, apparemment peu nombreux, mais il ne se produisit point de collisions. Une foule de femmes, qui n’étaient pas toutes des ouvrières, se dirigea vers la Douma municipale pour réclamer du pain. Autant demander du lait à un bouc. Dans divers quartiers apparurent des drapeaux rouges dont les inscriptions attestaient que les travailleurs exigeaient du pain, mais ne voulaient plus de l’autocratie ni de la guerre. La " Journée des femmes " avait réussi, elle avait été pleine d’entrain et n’avait pas causé de victimes. Mais de quoi elle était lourde, nul ne se doutait encore dans la soirée.
    Le lendemain, le mouvement, loin de s’apaiser, est doublement en recrudescence : environ la moitié des ouvriers industriels de Pétrograd font grève le 24 février. Les travailleurs se présentent dés le matin dans leurs usines et, au lieu de se mettre au travail, ouvrent des meetings, après quoi ils se dirigent vers le centre de la ville. De nouveaux quartiers, de nouveaux groupes de la population sont entraînés dans le mouvement. Le mot d’ordre " Du pain " est écarté ou couvert par d’autres formules : " A bas l’autocratie ! " et " A bas la guerre ! " Les manifestations ne cessent pas sur la Perspective Nevsky : d’abord des masses compactes d’ouvriers chantant des hymnes révolutionnaires ; puis une multitude disparate de citadins, des casquettes bleues d’étudiants. " Le public en promenade nous témoignait de la sympathie et, aux fenêtres de plusieurs hôpitaux, des soldats nous saluèrent en secouant en l’air ce qui leur tombait sous la main. " Étaient-ils nombreux ceux qui comprenaient la portée de ces gestes de sympathie de soldats malades à l’adresse des manifestants ? Cependant, les Cosaques attaquaient la foule, quoique sans brutalité ; leurs chevaux étaient couverts d’écume ; les manifestants se jetaient de côté et d’autre, puis reformaient des groupes serrés. Point de peur dans la multitude. Un bruit courait de bouche en bouche : " Les Cosaques ont promis de ne pas tirer. " De toute évidence, les ouvriers avaient réussi à s’entendre avec un certain nombre de Cosaques. Un peu plus tard, pourtant, des dragons survinrent, à moitié ivres, beuglant des injures et firent une percée dans la foule, frappant aux têtes à coups de lance. Les manifestants tinrent de toutes leurs forces, sans lâcher pied. " Ils ne tireront pas. " Et, en effet, ils ne tirèrent pas. »

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