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Pourquoi la dynamique du capitalisme se heurte à ses propres limites : son succès lui-même étouffe dans les limites de la propriété privée des moyens de production

vendredi 16 mai 2014, par Robert Paris

Ce que l’effondrement de 2007-2008 signifie fondamentalement : les forces productives humaines ont dépassé le cadre étroit des rapports de production fondés sur la propriété privée des moyens de production

Certes, les défenseurs du système d’exploitation capitaliste ne cessent de vouloir faire croire que 2007 n’a été qu’un accident, qu’une maladie provisoire, soignable, qu’un cycle de recul qui sera suivi d’un cycle de remontée, qu’un phénomène conjoncturel, que le produit d’un petit dysfonctionnement qui sera rapidement réglé si les décideurs se… décident à réguler tout ça !

Tout est fait pour nous amener à minimiser ce qui s’est produit en 2007 et aussi pour nous faire croire que maintenant nous sommes dans d’autres types de problèmes. Mais cela est faux : le monde capitaliste a bloqué son horloge sur la date de 2007 et ne peut plus avancer. Et encore, s’il ne s’est pas complètement effondré en 2008 et depuis, c’est uniquement du fait de l’intervention financière massive des Etats et des banques centrales et pas d’une quelconque reprise économique des investissements privés capitalistes qui aurait relancé la machine. Et tous les investissements privés qui continuent de fonctionner ne le font qu’à condition que l’Etat s’engage et à leur fournir des profits sur la base de fonds publics et pas sur la base de la confiance retrouvée dans les marchés.

Mais dire cela, ce n’est encore que décrire la situation, les conséquences de l’effondrement, et pas aller à la racine des choses, rechercher les causes…

Que s’est-il passé avant 2007 pour que le capitalisme se heurte à un tel mur infranchissable ?

Si on examine les résultats économiques du système capitaliste avant 2007, on peut dire simplement qu’il a atteint un sommet. Jamais il n’a autant pénétré le monde. Jamais il n’y a eu une telle masse de capitaux irriguant l’économie mondiale. Jamais le taux de profit des trusts et des banques n’a été aussi élevé. Jamais les échanges mondiaux n’ont été aussi grands. Jamais la propriété des moyens de production n’a autant été dans les mains des trusts et de l’infime minorité capitaliste. Etc, etc…

Mais, là aussi, dire cela, c’est se contenter des apparences car il y a un autre pôle dans la société capitaliste : c’est celui du salariat ! Et on omet ainsi d’expliquer comment celui-ci se situe à ce moment dans le système mondial.

Où en était arrivée en 2007 la part des salaires par rapport au capital investi ? Ce fameux rapport fondamental en économie capitaliste que Marx appelait v/c.

Le décrochage des deux courbes est très frappant : plus les profits augmentent, plus la part des salaires diminue inexorablement...

« La part des salaires dans les pays développés a baissé en moyenne d’environ 7 points depuis le début des années 1980, ce recul étant plus marqué dans les pays européens »

[Le chapitre 5 du World Economic Outlook du FMI d’avril 2007... : "The labor share in advanced countries has declined by about 7 percentage points, on average, since the early 1980s,with the drop being largest in European countries"]

Les profits augmentent mais les investissements baissent

Ceux qui disent que le capitalisme n’est pas en crise puisque les profits rentrent dans les caisses des possesseurs de capitaux se trompent. Les profits rentrent mais les investissements privés son en berne. L’essentiel des profits part en dividendes et pas en investissements et la locomotive du capitalisme (l’investissement privé) reste en panne.

Revenons à l’idée que v/c dégringole et recherchons les conséquences en termes de composition organique du capital.

Rappelons les termes qu’employait Marx en ce qui concerne ce qu’il appelait « la composition organique du capital » :

c = capital constant

v = capital variable (salaires)

c+v = capital investi

c+v+pl = capital résultant de la production

pl/v = taux de plus-value
Le rapport du capital constant sur le capital total est :

c/c+v = 1/1+k

où k = v/c = l’inverse de la composition organique du capital c/v

Si k est sans cesse en train de baisser, alors le rapport c/c+v s’effondre aussi…

On se souvient que l’explication de Marx consiste à dire que le capitalisme ne produit pas seulement des marchandises mais de la plus value, que celle-ci ne peut être seulement mesurée en grandeur mais en rapport avec le capital investi : « La seule chose qui intéresse le capitaliste est le rapport de la plus-value (de l’excédent de valeur que lui rapporte la vente de ses marchandises) à l’ensemble du capital qu’il a avancé. » (Marx, Le Capital, Livre III, Paragraphe 1)

D’où le taux de profit = pl/c+v = pl/v divisé par c/v + 1

Donc le taux de profit augmente du simple fait que v/c diminue, même à taux de plus value (pl/v) constant.

« Ainsi qu’on peut s’en rendre compte par l’exemple de l’école ricardienne, il est absolument inexact de considérer les lois du taux du profit comme étant les mêmes que celles du taux de la plus-value. » (Marx, Le Capital, Livre III, Paragraphe 1)

Rappelons l’explication de Marx :

« Il est sans importance pour le capitaliste qu’il avance le capital constant pour retirer un profit du capital variable ou qu’il avance le capital variable pour mettre en valeur le capital constant, qu’il engage de l’argent sous forme de salaires en vue d’augmenter la valeur des machines et des matières premières, ou qu’il l’engage sous forme de machines et de matières premières afin d’exploiter la force de travail. Bien que la partie variable du capital soit seule à créer la plus-value, elle ne le fait qu’à la condition que les autres parties du capital, les instruments de production, soient également avancées. Comme le capitaliste ne peut exploiter le travail que s’il avance du capital constant et qu’il ne peut mettre en valeur le capital constant que s’il avance du capital variable, ces différents éléments s’identifient dans sa conception, et cela d’autant plus facilement que le taux réel de son gain se détermine par le rapport de celui-ci, non pas au capital variable, mais au capital total, par le taux du profit et non par celui de la plus-value. (Nous verrons dans la suite qu’un même taux de profit peut correspondre à différents taux de plus-value). (...)
La seule chose qui intéresse le capitaliste est le rapport de la plus-value (de l’excédent de valeur que lui rapporte la vente de ses marchandises) à l’ensemble du capital qu’il a avancé ; quant au rapport entre cet excédent et les divers éléments de son capital, il ne s’en préoccupe guère et il a même tout intérêt à s’en faire une idée fausse. Bien que l’excédent de la valeur de la marchandise sur le prix de revient naisse dans le procès de production, il ne se réalise que dans le procès de circulation, et comme sa réalisation et son importance sont déterminées par la concurrence et les conditions du marché, c’est aussi dans le procès de circulation qu’il semble prendre naissance. Cependant, qu’une marchandise se vende au-dessus ou au-dessous de sa valeur, il n’en résulte qu’une modification dans la répartition de la plus-value, qui n’affecte ni l’importance ni la nature de cette dernière. En outre, la circulation réelle est non seulement accompagnée des transformations que nous avons étudiées dans le volume II, mais celles-ci y marchent de pair avec la concurrence ainsi qu’avec l’achat et la vente des marchandises au-dessus et au-dessous de leur valeur, qui font que la plus-value réalisée par chaque capitaliste dépend autant de la fraude que de l’exploitation du travail. (...)
Durant le procès de production, la nature de la plus-value n’échappe pas un instant au capitaliste avide du travail d’autrui, comme nous l’avons constaté dans l’étude de la plus-value. Mais le procès de production est passager et se confond continuellement avec le procès de circulation : de sorte que si le capitaliste peut s’assimiler avec plus ou moins de netteté la conception d’un gain né de la production et si, par conséquent, il se rend compte de la nature de la plus-value, cette notion arrive tout au plus à acquérir la même importance que l’idée qui fait résulter la plus-value de la circulation indépendamment de la production, du mouvement du capital en dehors de ses rapports avec le travail. Même des économistes modernes, comme Ramsay, Malthus, Senior, Torrens, invoquent les phénomènes de circulation comme preuve de ce que le capital seul, dans son existence objective et dégagé de ses rapports sociaux avec le travail (rapports sans lesquels il ne serait pas capital), est une source de plus-value. (....)
La transformation de la plus-value en profit par l’intermédiaire du taux du profit n’est cependant que la suite de l’interversion du sujet et de l’objet dans le procès de production, où les forces productives du travail (forces subjectives) prennent l’apparence de forces productives du capital. D’un côté, la valeur, le travail passé qui assujettit le travail présent, est personnifiée dans le capitaliste ; de l’autre côté, l’ouvrier apparaît sous la forme objective de la force de travail, comme une marchandise. Cette interversion, qui se fait déjà sentir dans les rapports simples de la production, est accentuée par les transformations et les modifications qui se manifestent dans le procès de circulation.
Ainsi qu’on peut s’en rendre compte par l’exemple de l’école ricardienne, il est absolument inexact de considérer les lois du taux du profit comme étant les mêmes que celles du taux de la plus-value ou inversement, ce qui répond, il est vrai, à la conception des capitalistes. L’expression pl/C rapporte la plus-value à la valeur de tout le capital avancé, que celui-ci soit consommé ou seulement employé dans la production. Elle représente le degré d’augmentation de valeur du capital tout entier et exprime, pour employer des termes qui correspondent à la nature de la plus-value, le rapport entre la grandeur de la variation du capital variable et la grandeur du capital total avancé. (...)
En employant la terminologie de Hegel, nous pouvons donc dire que l’excédent, lorsqu’il se reflète du taux du profit en lui-même, c’est-à-dire lorsqu’il se caractérise par ce dernier, apparaît comme engendré par le capital, soit annuellement soit dans une période de circulation déterminée.
Bien que la différence quantitative ne porte que sur les taux du profit et de la plus-value et non sur la plus-value et le profit eux-mêmes, le profit est une autre forme de la plus-value, dans laquelle celle-ci dissimule son origine et son existence. Alors que la plus-value met en lumière la relation qui existe entre le capital et le travail, le profit, qui est rapporté au capital tout entier, montre celui-ci en relation avec lui-même et établit la différence entre sa valeur primitive et la nouvelle valeur qu’il s’est créée. Que cette valeur nouvelle ait pris naissance dans les procès de production et de circulation, cela tombe sous le sens ; mais sa genèse reste mystérieuse et semble déterminée par des vertus spéciales et secrètes du capital. Plus nous approfondirons le problème de la mise en valeur, plus les rapports du capital paraîtront mystérieux et moins se révèlera le secret de son organisme interne. »

Lire ici le texte entier : La transformation de la plus-value en profit et du taux de plus-value en taux de profit

Quelle est la conséquence de la baisse massive de v/c pour le capital ?

La part des salaires dans les produits fabriqués s’effondre… Mais cela signifie aussi que la plus-value absolue s’effondre car elle est proportionnée à la part des salaires par le rapport pl/v qui ne change pas assez considérablement pour compenser cette chute.

L’augmentation de la part des dividendes signifie que les capitalistes prennent une part de plus en plus considérable des profits, donc qu’ils retirent de plus en plus de capital des investissements…

L’effondrement des investissements privés est causée par l’augmentation de la composition organique du capital c/v (ou chute de v/c, ce qui est identique).

Les profits réalisés hors de la sphère de production vont devenir proportionnellement bien plus grands que dans la sphère de production. La part du capital privé qui ne s’investit pas dans la production grandit. Le capitalisme se transforme en banque…

Mais, en même temps, le coût de l’investissement devient de plus en plus lourd car il englobe un coût des prêts financiers de plus en plus important et un poids croissant des dividendes distribués aux actionnaires. On entre dans une spirale décroissante des investissements productifs...

D’où vient la chute de v/c ?

Elle signifie qu’il faut de moins en mois d’efforts humains pour réaliser autant et plus de production. C’est donc l’efficacité grandie du capitalisme qui cause l’effondrement de v/c et qui est à la racine de l’effondrement des investissements privés.

Elle vient du progrès technologique non suivi de progrès social… C’est-à-dire qu’elle vient d’une progression des capacités de l’homme qui est cantonnée dans la limite de la société fondée sur le propriété privée des moyens de production et non sur la satisfaction des besoins humains…

Augmentation de la composition organique du capital c/v

L’augmentation de la composition organique du capital est cause de désindustrialisation puisque le capital dit mort l’emporte sur le capital dit vivant, celui qui produit de la plus-value...

Quel est le lien entre la hausse de la composition organique du capital et la suraccumulation du capital ?

Pourquoi y aurait-il suraccumulation du capital si les profits augmentent ? L’ensemble profits augmente mais la hausse de la composition organique entraîne la baisse relative des profits productifs. Le fait que les profits montent alors que les investissements baissent signifie que les profits financiers deviennent plus importants que les profits issus de la production. Michel Husson rapporte ainsi : « La part du profit capté par les sociétés financières représente une fraction croissante des profits réalisés par l’ensemble du secteur privé. »

Cela entraîne un blocage du système car le profit peut être partagé comme on veut entre les différentes sphères mais il ne peut être produit que par la sphère productive.

La rétroaction de la hausse de la composition organique (équivalent à la baisse du taux de profit) et de la hausse du taux d’exploitation entraîne une hausse des profits globaux avec chute massive des plus-values dans les secteurs de production.

Marx avait prévu la possibilité d’une suraccumulation du capital qui, selon lui, signifie « une surproduction qui n’intéresserait pas seulement tel ou tel secteur de production mais qui engloberait tous les secteurs de production ».

Le Capital Livre III Tome 1 Chap XV

Il avait étudié la baisse tendancielle du taux de profit (Capital, Livre III, Tome 1, Chap XIII) mais, de son temps, il s’agissait juste d’une des tendances et non d’un facteur général et permanent comme c’est le cas…

Que déduire du fait que v/c se réduise énormément et sans arrêt, que la part des salaires se réduise à portion congrue dans le capital, qu’il faille seulement 0,1% à 10% de la valeur d’un produit pour payer les salaires ? Est-ce que cela signifie que la machine a remplacé l’homme ? Que les salariés sont trop exploités ? Qu’ils ne sont plus nécessaires à la production ? Que les machines coûtent trop cher ? Qu’on a atteint le règne des robots qui vont exclure du travail les êtres humains ?

Non !

Que la productivité du travail a plus augmenté que le fonctionnement social !

Que, dans le cadre de la propriété privée des moyens de production, les capacités technologiques de l’homme deviennent trop importantes pour être intégrables au système.

Que toutes les technologies modernes ne sont plus acceptables pour le système d’exploitation.

Internet mènerait à un accès, libre et gratuit, aux informations, ce que le système n’admet pas. La baisse des temps de travail nécessaires permettrait d’en finir avec l’exploitation de l’homme et la misère de la plupart des peuples mais tel n’est pas le but du système.

Des technologies ultra-performantes sont transformées par le système du profit en armes contre la survie de l’humanité : les laboratoires pharmaceutiques et de manipulations génétiques menacent notre existence afin d’augmenter leur pouvoir et leurs profits. Des technologies industrielles comme le nucléaire, les gaz de schiste, les puits de pétrole en haute mer menacent l’existence de l’homme sur la planète.

A l’époque où des laboratoires vont être capables de manipuler le vivant, et même d’en créer, la propriété privée des travaux est totalement dépassée et le contrôle des peuples absolument indispensable. Le niveau actuel des techniques nécessite nécessite absolument et de manière vitale de passer au socialisme.

Nous avons trop fait progresser nos technologies pour pouvoir rester au sein du système capitaliste.

Ce dernier n’est pas capable de les mettre en œuvre car il est trop gourmand en pourcentages de profits par capital investi pour s’investir dans la production.

Il menace l’ensemble de la planète non pas d’une crise conjoncturelle, d’une récession, d’un recul peu durable mais d’une barbarie encore inconnue qui ne serait même plus le capitalisme que l’on a connu ni aucun des systèmes féodaux précédents.

C’est pire qu’un Afghanistan à grande échelle qui nous attend si on ne sort pas du capitalisme, si on ne lui enlève pas le pouvoir politique et social, si on n’en finit pas avec la propriété privée des moyens de production et des capitaux.

Dès maintenant ce ne sont plus ces capitaux privés ni ces moyens de production en leur mains qui font fonctionner directement la société mais les fonds publics. Dès maintenant, il nous faut envisager un autre avenir que l’individualisme forcené auquel nous pousse le capitalisme, ayant atteint ses limites.

Puisque le grand capital se désinvestit massivement, puisqu’il n’assure plus un emploi à la nouvelle génération, pas même un emploi précaire, puisqu’il se prépare à jeter les peuples les uns contre les autres de manière fasciste, puisqu’il prépare des dictatures fascistes sur toute la planète, il convient de comprendre que le capitalisme a fait son temps et que le moment est venu pour le prolétariat de renouer avec ses grandes avancées révolutionnaires.

Nouvelle crise mondiale et limites du capitalisme

Le capitalisme peut-il s’effondrer de lui-même définitivement ?

A quel mur infranchissable se heurte le développement capitaliste mondial ?

Pourquoi le capitalisme s’autodétruit de manière irrémédiable et pourquoi il est inutile de chercher à le réformer

Pourquoi parler de crise du capitalisme est insuffisant et peut être trompeur pour caractériser la situation actuelle ?

Le capitalisme est-il mort ou vivant ?

La situation actuelle du capitalisme, est-ce une crise classique ou quoi d’autre ?

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