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Aux sources des philosophies matérialistes

samedi 23 novembre 2013, par Robert Paris

Aux sources des philosophies matérialistes

L’opposition entre les matérialismes et les idéalismes n’est pas une opposition diamétrale mais dialectique : ils ont besoin l’un de l’autre pour progresser en se combattant.

Le matérialisme et l’idéalisme sont deux courants philosophiques au sein desquels existent de multiples variations très diverses. Les différents matérialismes sont parfois plus éloignés entre eux, sur d’autres plans, qu’ils ne le sont de certains idéalismes. Car la question posée par idéalisme et matérialisme, qu’est-ce qui prime entre la matière et l’esprit, est loin d’être la seule question philosophique que nous pose l’observation du monde. Et il est très différent de la poser de manière métaphysique ou dialectique, de manière figée ou dynamique. Une conception métaphysique matérialiste peut avoir des points communs plus grands avec un idéalisme métaphysique qu’avec un matérialisme dialectique.

Le point commun entre matérialisme et idéalisme consiste à considérer qu’il y a un seul monde qui englobe à la fois la matière et les idées et que ce monde obéit à une même logique globale. Ils s’opposent ainsi aux philosophies dites dualistes, du type de Descartes, pour lesquelles il y a un monde matériel et un monde spirituel.

L’interpénétration de la matière et des idées est une expérience simple de tous les jours. Nous savons que nous ne pouvons appréhender la matière que grâce à nos idées et nous savons aussi que nous ne pouvons avoir des idées qu’à partir d’une expérience matérielle. Cela ne nous dit pas vraiment quel est le premier et quel est le plus fondamental.

L’expérience humaine nous apprend que nous sommes dominés par des lois de la matière et pourtant elle nous apprend aussi que nos idées peuvent transformer notre relation à la matière, notre perception de celle-ci et nos possibilités d’agir sur la matière ou grâce à elle. Là encore, la primauté n’a rien d’évident.

En fait, il faut reconnaître que la preuve par l’expérience d’une primauté de la matière ou de l’esprit n’est pas simpliste ni évidente.

Il y a des preuves de type historique : par exemple, la matière existait avant que l’homme et ses idées existent. La matière nous envoie des informations depuis des zones de l’espace qui existaient bien avant que l’homme soit apparu.

Il y a des preuves de type biologique ou physiologique : par exemple, l’étude du cerveau nous donne des notions sur la base matérielle de nos capacités cérébrales et nerveuses à penser. Mais nos connaissances, sur ce plan, sont encore limitées. Nous ne savons par exemple pas décrypter le langage neuronal du cerveau ni reconstituer le mécanisme de formation physique de la pensée même la plus élémentaire. Même s’il est évident qu’il est impossible de concevoir une pensée sans cerveau, nous ne pouvons prétendre que nos connaissances en neurophysiologie résolvent complètement la question philosophique posée car la nécessité d’une base matérielle à la pensée ne prouve pas irrémédiablement que la pensée elle-même soit matérielle.

Un autre point mérite d’être souligné : la difficulté de définir précisément ce que l’on entend par pensée et ce que l’on entend par matière. Il faut d’ailleurs noter qu’aucune définition ancienne ne pourrait être retenue tant nos connaissances scientifiques, aussi bien sur un thème que sur l’autre, ont profondément changé.

Par exemple, aujourd’hui, lorsque l’on parle de matière pour discuter du matérialisme, on entend parler de tout l’univers physique et l’on englobe sous ce terme toutes les formes de l’énergie physique, à savoir la matière possédant une masse inerte appelés fermions et la « matière » n’en possédant pas (les particules dites virtuelles du vide et les corpuscules de lumière et d’interaction appelés bosons).

Quand on parle du domaine des idées, il y a aussi des manières diverses de les aborder car la théorie des concepts est déjà une manière de fonder une philosophie. Platon l’a bien montré qui a basé là-dessus une des principales philosophies idéalistes du monde. Hegel en a fondé une autre, tout aussi connue et appréciée.

Dans quelles circonstances se trouve-t-on en face de gens qui supposent que ce sont les idées qui mènent le monde et pas le contraire ?

Eh bien, on trouve par exemple ce genre de conception devant tous les phénomènes difficiles à expliquer par des causes matérielles et particulièrement devant les catastrophes. Les esprits sont alors souvent convoqués comme explication par les hommes.

On les trouve aussi face aux rêves. On aura ainsi une interprétation matérialiste des rêves et de l’inconscient et une interprétation spiritualiste comme la religion ou l’ethnopsychiatrie.

Face à l’apparition d’espèces nouvelles ou aux disparitions d’espèces, on aura une interprétation matérialiste du type de celle de Darwin et une interprétation religieuse fondée sur l’idée de création divine.

On croit souvent que les progrès de la science et de la technique ont produit un monde où les idées matérialistes seraient aisément prépondérantes. Encore faudrait-il que la science ait permis de diffuser des thèses philosophiques fondées sur les découvertes des sciences ce qui nécessiterait que les classes dirigeantes aient continué à favoriser le matérialisme pour faire pièce à l’idéalisme, notamment aux religions et conceptions magiques. Mais ce n’est nullement le cas.

Bien au contraire, les classes dirigeantes souhaitent conserver un poids social et politique important aux religions pour que les peuples continuent à y chercher leurs bases idéologiques. Ils ont diffusé de manière prépondérante une thèse selon laquelle la science n’avait pas à se mêler de philosophie et ne devait pas disputer avec les religions et autres mysticismes. Tout au plus un astrophysicien contestera-t-il l’astrologie mais il n’en fera pas de même des religions. Il faut constater que cela n’a pas toujours été le cas et que les Lumières, que Darwin, Pasteur, Freud et Einstein diffusaient des thèses matérialistes et ne se contentaient pas d’observer la nature.

Mieux même, contrairement à ce que croient bien des gens, ces trois auteurs avaient des buts philosophiques matérialistes et ils savaient que leur recherche menait à combattre les thèses spiritualistes et idéalistes et c’est d’abord cela qui motivait leur combat.

Tant pis pour la pensée dominante actuelle selon laquelle la science n’a pas à intervenir sur le terrain philosophique et doit en rester à une conception dite ouverte à toutes les philosophies et qui est en fait fermée à toute discussion philosophique.

Rien d’étonnant du coup que les manières de raisonner spiritualistes et idéalistes aient pu se maintenir malgré les progrès de la science et de la technique. Les scientifiques sont les derniers aujourd’hui à vouloir se mouiller sur ce terrain philosophique et les classes dirigeantes ne veulent pas de ce combat que la bourgeoisie avait pourtant favorisé quand elle avait besoin de changer le monde, idéologiquement autant que socialement et politiquement.

Fondamentalement, il y a une autre raison pour qu’il ne suffise pas d’étudier la matière pour trouver dans cette étude la preuve du caractère premier de la matière sur la pensée : l’étude elle-même reste une pensée humaine et, même si elle se fonde sur l’observation de la réalité physique, elle ne peut jamais s’en contenter et doit développer des concepts, des modèles, des raisonnement et toutes sortes d’abstractions que nous ne trouvons pas dans la nature mais dans notre esprit. Il y a donc en permanence interaction dialectique de la matière et de la pensée au sein de la science sans qu’il soit évident de dire qui commence quoi…

Les scientifiques mécanistes croyaient certes trouver dans des relations de cause à effet une continuité définitivement mortelle pour l’idéologie non fondée sur la matière physique mais ils ont trop simplifié la relation physique elle-même. Ils ont espéré tuer la création en supprimant toute discontinuité de leur discours sur la matière (inerte comme vivante) mais, là encore, leur description est trop sommaire et philosophique erronée. La science a dû retrouver les idées d’émergence de structures nouvelles qui sont des créations sans qu’il y ait besoin d’esprit créateur. Elle a aussi retrouvé la nécessité de la discontinuité au sein de la dynamique.

La science a d’autant moins supprimé la notion de création spirituelle qu’elle-même est une création spirituelle. Einstein n’a pas vu le photon, ni un quanta. Il n’a pas vu la relativité. Pas plus que Newton n’a vu la gravitation. Ces notions sont sorties de leur esprit même si elles sont chargées de correspondre à des lois d’observation.

Il n’y a donc aucune chance que le seul progrès des sciences se charge du combat entre matérialistes et idéalistes, et encore moins le tranchent. Cependant bien des gens ignorent à quel point certains scientifiques ont conçu leur travail d’abord comme une œuvre philosophique matérialiste. C’est le cas de Darwin, de Pasteur ou d’Einstein. Et pourtant très peu de gens les rattachent clairement au matérialisme philosophique qu’ils n’ont cessé de défendre de manière quasiment militante. Ce matérialisme a même été pour ces scientifiques le fondement philosophique conscient de leur recherche. Darwin a développé sa thèse sur l’évolution pour confondre la thèse de l’idéalisme sur le monde vivant. Pasteur n’a cessé de combattre les thèses créationnistes sur la vie. Freud a combattu l’idée que la folie était une action du monde spirituel sur l’homme et développé l’idée qu’il s’agissait d’une action du monde réel : l’hystérie était le produit d’événements traumatiques réels et anciens. Einstein orientait sa recherche en cherchant toujours à rester proche d’un matérialisme réaliste et reprochait notamment à la conception de Copenhague de la physique quantique de s’en éloigner. Chacun d’eux a du mener un véritable combat contre les thèses idéalistes dominantes de leur époque qui étaient issues d’un passé où le féodalisme avait partie liée avec la métaphysique religieuse qui dominait également la philosophie et les sciences. C’est en voulant renverser cet ordre social que la bourgeoisie a favorisé par sa lutte la lutte contre l’idéologie idéaliste des anciennes classes dirigeantes.

Le combat philosophique fait donc partie du combat social de chaque époque. Et, en ce sens, cette lutte a déjà un fondement matérialiste qui est basé sur les questions économiques et sociales, sur les classes sociales en lutte et les intérêts qu’elles défendent.

Non seulement nous souhaitons donc discuter de la validité de l’idéalisme et du matérialisme mais aussi en donner un fondement matérialiste.

Par exemple, quand on étudie l’histoire des idéalismes et qu’on en donne un fondement idéaliste, cela signifie que l’on considère qu’un Chrétien d’aujourd’hui est identique à un Chrétien des origines antiques, à Jérusalem, en Egypte ou à Rome. L’idéaliste considère en effet que l’idée biblique est inchangée alors que le matérialiste considère que le succès de la religion et son développement proviennent des nécessités sociales et politiques de la société de l’époque.

Très souvent, les gens raisonnent en termes idéalistes sur les grands phénomènes politiques et sociaux. Nombre d’entre eux croient qu’à la base de phénomènes comme le capitalisme, la démocratie ou le fascisme, il y aurait l’idée du capitalisme, l’idée de la démocratie et l’idée du fascisme et pensent que ces phénomènes ont localement triomphé du fait que l’idée a gagné la population….

Certains pensent de même en ce qui concerne certains phénomènes matériels difficiles à expliquer et surtout à prédire, comme les phénomènes météorologiques, les tremblements de terre, la pluie, la sécheresse, la foudre, les éruptions volcaniques, etc… Ils y voient parfois l’action des esprits ou des punitions divines.

Bien entendu, la naissance, la vie et la mort, phénomènes qui ne sont pas davantage totalement maitrisables par les sciences, restent des domaines où les hommes prient, croient à des mysticismes autant qu’aux sciences et mêlent souvent les deux.

La prédiction de l’avenir n’étant quasiment jamais une pensée scientifique, ils peuvent encore, dans ce monde dit scientifique, attendre des prédictions de la part de l’astrologie, des diseurs de bonne aventure, des magiciens et autres spiritualistes.

Cependant, plus l’homme dispose de moyens pour agir sur le monde, moins il s’appuie sur des raisonnements fatalistes pour décrire ce qui peut lui arriver au cours des événements. Du moment qu’existe le paratonnerre, refuser de s’en servir en prétendant que c’est un engin diabolique qui déjoue la volonté divine, c’est s’abandonner au fatalisme des éléments naturels.

Mais le fait d’avoir conscience qu’on dispose des moyens d’agir sur notre univers n’est pas seulement disposer des connaissances scientifiques sur la matière et des connaissances techniques pour transformer en notre faveur celle-ci : c’est d’abord et avant tout être capable de comprendre et de transformer les conditions sociales et politiques de notre monde. Et ce n’est pas la seule science qui en donne les moyens.

Quand les hommes sont en pleine lutte pour transformer le monde, se fondent sur leur propre action, ils vont permettre dans le même mouvement de construire des philosophies sur la capacité d’étudier et de transformer la matière et lorsqu’ils vivent la difficulté de transformer le monde et pensent même en être incapables, ils vont se tourner davantage vers les philosophies idéalistes.

Cela fonde la nécessité de concevoir le combat philosophique lui-même de manière matérialiste et donc d’y voir non seulement un combat d’idées mais aussi un combat qui fait partie du combat économique, du combat social, du combat politique….

La plupart des histoires du matérialisme ont justement une particularité : celle d’être idéalistes, c’est-à-dire de considérer que les idées matérialistes sont venues du monde des idées et pas de la réalité historique, matérielle et sociale !

L’autre reproche que l’on peut leur faire est d’être métaphysiques et non dialectiques et, par exemple, d’imaginer que le matérialisme est issu du matérialisme et non de son combat avec l’idéalisme…

Nous essaierons de développer ici un point de vue matérialiste et dialectique sur le matérialisme et son histoire.

Que signifie le terme dialectique pour étudier le combat des thèses idéalistes et matérialistes ?

L’inverse d’une conception dialectique de l’histoire des idées consisterait à opposer matérialisme et idéalisme de manière diamétrale (incapable de s’interpénétrer) et de les considérer de manière métaphysique comme le bien et le mal.

Il n’y a pas séparément une histoire des matérialismes d’un côté et une histoire des idéalismes de l’autre, mais une dialectique contradictoire du combat d’idées. Le matérialisme d’une époque est certes lié aux connaissances matérielles de cette époque mais aussi aux matérialismes et idéalismes des époques précédentes dont il tire argument et contre-argument.

C’est en sens que les idées ont une histoire et que l’on peut y voir une transformation des conceptions.

Ainsi, il serait tout à fait erroné de croire que les philosophes matérialistes des Lumières, comme Diderot, D’Alembert, La Mettrie, Helvétius ou D’Holbach auraient inventé le matérialisme, en France, en Europe ou dans le monde.

Le matérialisme est aussi vieux que l’idéalisme et il s’est développé dans toutes les régions du monde.

Bien des gens s’imaginent que dans le passé, il n’y avait que des idéologies religieuses et que c’est la révolution française, et les Lumières comme avant-coureur, qui aurait changé tout cela mais ils se trompent.

L’Europe peut citer, bien avant les Lumières, de très nombreux penseurs matérialistes : Pomponazzi, Francesco de Vicomercato, Bernardino Telesio, Giordano Bruno, Cesare Cremonini, Giulio Cesare Vanini, Laurent Valla, Jean Louis Vivès, Pierre de La Ramée, Francis Bacon, Pierre Gassendi, Robert Boyle, Bernard de Fontenelle, Thomas Hobbes, Gabriel Naudé, Pierre Bayle, John Locke, Cyrano de Bergerac, Rabelais, Léonard de Vinci, etc…

Cela remonte bien avant la renaissance européenne. Cela remonte aux civilisations antiques et même bien avant.
A chaque fois que l’on trouve des restes d’inscriptions ou de dessins des peuples des cavernes, ils prétendent qu’il s’agissait nécessairement de conceptions mystiques ou spirituelles mais ce n’est nullement prouvé. Il peut très bien s’agir de diffusion de connaissances matérielles, les sciences de cette époque : le dénombrement, la géographie, les sciences naturelles, la chasse et cela pouvait être des moyens de noter les connaissances acquises. Et, dans cette philosophie sur la réalité, il importait de raisonner de manière matérialiste dialectique…

Par la suite, les diverses civilisations ont certes connu des grandes religions qui ont été favorisées par les rois et les classes dirigeantes mais il nous est resté suffisamment de grands noms de penseurs matérialistes pour penser que ceux-ci n’étaient pas moins nombreux et leurs systèmes de pensée pas moins développés.

L’antiquité grecque a eu ses penseurs matérialistes :Thalès, Héraclite, Pythagore, Leucippe, Démocrite, Épicure.

L’antiquité de l’Inde a connu de très nombreux penseurs matérialistes comme Chārvāka, Kaṇāda, Kapila, Mahāvīra, Pakhuda Kātyāyana, …

Et on peut de même citer des penseurs matérialistes venus de bien d’autres régions du monde : de Rome, de Chine, d’Irak ou d’Iran, etc…

Dans tous ces cas, les grandes époques de développement philosophiques sont reliées aux grandes époques de transformation économique, politique et sociale de la société. Les idées n’évoluent pas dans un monde éthéré, déconnecté des réalités de leur époque. Ainsi ceux qui prétendent que les Lumières ont produit sur le plan idéologique les idées de la révolution française oublient que la révolution bourgeoise avait commencé avant les Lumières elles-mêmes, notamment avec les révolutions anglaise, suisse ou de Corse. Encore une fois la réalité a été première. Le besoin de fonder une nouvelle idéologie provient de la nécessité de trouver de nouvelles solutions aux problèmes réels, sociaux et politiques d’une époque. « L’humanité ne se pose que des problèmes qu’elle est capable de résoudre. », disait Karl Marx…

Si le matérialisme de Karl Marx est connu, il convient de souvenir qu’il est le produit de plusieurs renversements dialectiques :

 du matérialisme de Spinoza à l’idéalisme de Kant

de l’idéalisme métaphysique de Kant à l’idéalisme dialectique de Hegel

 de l’idéalisme de Hegel au matérialisme de Feuerbach

 des deux précédents au matérialisme de Marx

Et, bien entendu, ceci n’est qu’une simplification du mouvement réel des idées…

Aujourd’hui, on entend souvent des auteurs dire que ces débats philosophiques sont intéressants pour comprendre le passé mais sont de l’histoire ancienne. Ils se trompent : le débat continue. Et il s’agit d’un combat et pas d’une discussion de salon…

Tout d’abord, il existe toujours des scientifiques et des penseurs matérialistes comme Lewontin, Changeux, Prigogine, etc…
Ensuite, tant qu’existent les religions, tant qu’existent les classes sociales, tant que l’homme ne domine pas son univers social, tant que la question de la capacité de l’homme de combattre la fatalité n’est pas réglée, ce combat reste d’une brulante actualité. Sommes-nous dominés par des esprits ou sommes-nous en face d’une réalité matérielle qu’il faut transformer par des moyens matériels ?

Certains militants révolutionnaires considèrent que le débat a déjà eu lieu et qu’il est tranché en faveur du matérialisme. Comme s’il suffisait, pour être matérialiste, de dire : « le matérialisme a eu raison » et de déclarer ensuite le débat philosophique comme dépassé !
Le matérialisme contemporain ne consiste certainement pas à pratiquer un activisme pragmatique remplaçant la pratique du débat philosophique. Ceux qui utilisent pour cela la fameuse phrase de Marx, selon laquelle il considérait que son système de pensée représentait la fin de la philosophie, en font une lecture erronée. Marx annonçait la fin de la philosophie idéologique coupée de la réalité et pas la fin de la philosophie matérialiste inéluctablement reliée aux événements réels. « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe c’est de le transformer. » disait Marx mais il n’en concluait pas qu’il fallait se passer de philosopher. Il affirmait seulement qu’au lieu de se contenter de philosopher sur la philosophie, il fallait philosopher sur l’économie, sur la société, sur la politique…

La suite


Karl Marx dans « l’Idéologie allemande » :

« La production des idées, des représentations et de la conscience, est d’abord directement et intimement mêlée à l’activité matérielle et au commerce matériel des hommes : elle est le langage de la vie réelle. »

« Les idées ne sont rien d’autre que les choses matérielles transposées et traduites dans la tête des hommes. »

Marx dans « Thèses sur Feuerbach » :

« Le principal défaut, jusqu’ici, du matérialisme de tous les philosophes – y compris celui de Feuerbach est que l’objet, la réalité, le monde sensible n’y sont saisis que sous la forme d’objet ou d’intuition, mais non en tant qu’activité humaine concrète, en tant que pratique, de façon non subjective. C’est ce qui explique pourquoi l’aspect actif fut développé par l’idéalisme, en opposition au matérialisme, — mais seulement abstraitement, car l’idéalisme ne connaît naturellement pas l’activité réelle, concrète, comme telle. »

Marx dans « La sainte famille » :

« La philosophie française des Lumières, au XVIIIe siècle, et surtout le matérialisme français n’ont pas mené seulement la lutte contre les institutions politiques existantes, contre la religion et la théologie existantes, mais elles ont tout autant mené une lutte ouverte, une lutte déclarée contre la métaphysique du XVIIe siècle, et contre toute métaphysique, singulièrement celle de Descartes, de Malebranche, de Spinoza et de Leibniz. On opposa la philosophie à la métaphysique, tout comme Feuerbach opposa la lucidité froide de la philosophie à l’ivresse de la spéculation le jour où, pour la première fois, il prit résolument position contre Hegel . La métaphysique du XVIIe siècle qui avait dû céder la place à la philosophie française des Lumières et surtout au matérialisme français du XVIIIe siècle, a connu une restauration victorieuse et substantielle dans la philosophie allemande, et surtout dans la philosophie spéculative allemande du XIXe siècle. D’abord Hegel, de géniale façon, l’unit à toute métaphysique connue et à l’idéalisme allemand, et fonda un empire métaphysique universel ; puis, de nouveau, à l’attaque contre la théologie correspondit, comme au XVIIIe siècle, l’attaque contre la métaphysique spéculative et contre toute métaphysique. Celle-ci succombera à jamais devant le matérialisme, désormais achevé par le travail de la spéculation elle-même et coïncidant avec l’humanisme. Or, si Feuerbach représentait, dans le domaine de la théorie, le matérialisme coïncidant avec l’humanisme, le socialisme et le communisme français et anglais l’ont représenté dans le domaine de la pratique. »

Engels dans « Ludwig Feuerbach » :

« La grande question fondamentale de toute philosophie, et spécialement de la philosophie moderne, est celle ... du rapport de la pensée à l’être, de l’esprit à la nature... la question de savoir quel est l’élément primordial, l’esprit ou la nature... Selon qu’ils répondaient de telle ou telle façon à cette question, les philosophes se divisaient en deux grands camps. Ceux qui affirmaient le caractère primordial de l’esprit par rapport à la nature, et qui admettaient, par conséquent, en dernière instance, une création du monde de quelque espèce que ce fût... formaient le camp de l’idéalisme. »

Engels dans « Ludwig Feuerbach » :

« Ce sont surtout trois grandes découvertes qui ont fait progresser à pas de géant notre connaissance de l’enchaînement des processus naturels : premièrement, la découverte de la cellule en tant qu’unité à partir de laquelle se développe, par multiplication et différenciation, tout l’organisme végétal et animal ; en conséquence non seulement il a été reconnu que le développement et la croissance de tous les organismes supérieurs s’opèrent selon une loi universelle unique, mais encore que la capacité de transformation de la cellule indique la voie par laquelle les organismes peuvent modifier leur espèce, et, par-là, connaître un développement plus qu’individuel. Deuxièmement, la découverte de la transformation de l’énergie, qui nous a montré que toutes les prétendues forces qui agissent tout d’abord dans la nature inorganique, la force mécanique et son complément, l’énergie dite potentielle, la chaleur, le rayonnement, (lumière ou chaleur rayonnante), l’électricité, le magnétisme, l’énergie chimique constituent autant de manifestations différentes du mouvement universel, qui passent de l’une à l’autre selon certains rapports quantitatifs, de sorte que, pour une certaine quantité de l’une qui disparaît, réapparaît une certaine quantité d’une autre, et qu’ainsi tout le mouvement de la nature se réduit à ce processus ininterrompu de transformations d’une forme dans l’autre. - Enfin, la démonstration d’ensemble faite pour la première fois par Darwin, selon laquelle tous les produits de la nature qui nous environnent actuellement, y compris les hommes, sont le produit d’un long processus de développement à partir d’un petit nombre de germes unicellulaires à l’origine, et que ces derniers sont, à leur tour, issus d’un protoplasme ou d’un corps albuminoïdal constitué par voie chimique. Grâce à ces trois grandes découvertes et aux autres progrès formidables de la science de la nature, nous sommes aujourd’hui en mesure de montrer dans leurs grandes lignes non seulement l’enchaînement entre les phénomènes de la nature dans les différents domaines pris à part, mais encore la connexion des différents domaines entre eux, et de présenter ainsi un tableau d’ensemble de l’enchaînement de la nature sous une forme à peu près systématique, au moyen des faits fournis par la science empirique de la nature elle-même. C’était autrefois la tâche de ce que l’on appelait la philosophie de la nature de fournir ce tableau d’ensemble. Elle ne pouvait le faire qu’en remplaçant les rapports réels encore inconnus par des rapports imaginaires, fantastiques, en complétant les faits manquants par des idées, et en ne comblant que dans l’imagination les lacunes existant dans la réalité. En procédant ainsi, elle a eu maintes idées géniales, pressenti maintes découvertes ultérieures, mais elle a également, comme il ne pouvait en être autrement, donné le jour à pas mal de bêtises. Aujourd’hui, où il suffit d’interpréter les résultats de l’étude de la nature dialectiquement, c’est-à-dire dans le sens de l’enchaînement qui lui est propre, pour arriver à un « système de la nature » satisfaisant pour notre époque, où le caractère dialectique de cet enchaînement s’impose, qu’ils le veuillent ou non, même aux cerveaux de savants formés à l’école métaphysique, aujourd’hui, la philosophie de la nature est définitivement mise à l’écart. Toute tentative pour la ressusciter ne serait pas seulement superflue, elle serait une régression. Mais ce qui est vrai de la nature, reconnue également de ce fait comme un processus de développement historique, l’est aussi de l’histoire de la société dans toutes ses branches et de l’ensemble de toutes les sciences qui traitent des choses humaines (et divines). Ici également, la philosophie de l’histoire, du droit, de la religion, etc., consistait à substituer à l’enchaînement réel, et qu’il fallait prouver, entre tes événements, celui qu’inventait le cerveau du philosophe, à concevoir l’histoire, dans son ensemble comme dans ses différentes parties, comme la réalisation progressive d’idées, et naturellement toujours des seules idées favorites du philosophe lui-même. De la sorte, l’histoire s’efforçait inconsciemment, mais nécessairement à atteindre un certain but idéal fixé a priori qui était, par exemple chez Hegel, la réalisation de son Idée absolue, et la marche irrévocable vers cette Idée absolue constituait l’enchaînement interne des événements historiques. A l’enchaînement réel, encore inconnu, on substituait ainsi une nouvelle Providence mystérieuse, - inconsciente ou prenant peu à peu conscience d’elle-même. Il s’agissait par conséquent ici, tout comme dans le domaine de la nature, d’éliminer ces enchaînements fabriqués, artificiels, en dégageant les enchaînements réels ; ce qui revient, en fin de compte à découvrir les lois générales du mouvement qui, dans l’histoire de la société humaine, s’imposent comme lois dominantes. »

Karl Marx dans la préface à la « Critique de l’économie politique » :

« Dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté ; ces rapports de production correspondent à un degré de développement donné de leurs forces productives matérielles. L’ensemble de ces rapports de production constitue la structure économique de la société, la base réelle, sur quoi s’élève superstructure juridique et à laquelle correspondent des formes de conscience sociale déterminées. Le mode de production de la vie matérielle conditionne le procès de vie social, politique et intellectuel en général. Ce n’est pas la conscience des homme qui détermine la réalité c’est au contraire la réalité sociale qui détermine leur conscience. A un certain stade de leur développement les forces productives de la société entrent en contradiction avec les rapports de production existants, ou, ce qui n’en est que l’expression juridique, avec les rapports de propriété à l’intérieur desquels elles s’étaient mues jusqu’alors. De formes évolutives des forces productives qu’ils étaient, ces rapports deviennent des entraves de ces forces. Alors s’ouvre une ère de révolution sociale. Le changement qui s’est produit dans la base économique bouleverse plus ou moins lentement ou rapidement toute la colossale superstructure. Lorsqu’on considère de tels bouleversements, il importe de distinguer toujours entre le bouleversement matériel des conditions de production économique - qu’on doit constater fidèlement à l’aide des sciences physiques et naturelles - et les formes juridiques, politiques, religieuses, artistiques ou philosophiques, bref, les formes idéologiques sous lesquelles les hommes deviennent conscients de ce conflit et le mènent à bout. De même qu’on ne juge pas un individu sur l’idée qu’il se fait de lui, de même on ne peut juger une telle époque de bouleversement sur sa conscience de soi ; il faut, au contraire, expliquer cette conscience par les contradictions de la vie matérielle, par le conflit qui existe entre les forces productives sociales et les rapports de production. Une société ne disparaît jamais avant que soient développées toutes les forces productives qu’elle est assez large pour contenir, et jamais de nouveaux et supérieurs rapports de production ne se substituent à elle avant que les conditions d’existence matérielles de ces rapports aient été couvées dans le sein même de la vieille société. C’est pourquoi l’humanité ne se pose jamais que les problèmes qu’elle peut résoudre, car, à regarder de plus près, il se trouvera toujours que le problème lui-même ne se présente que lorsque les conditions matérielles pour le résoudre existent ou du moins sont en voie de devenir . »

Engels dans « Ludwig Feuerbach » :

« Notre conscience, si transcendante qu’elle nous paraisse n’est que le produit d’un organe matériel, corporel, le cerveau. »

Julien Offray de La Mettrie :

« Nous ne connaissons dans les corps que la matière, et nous n’observons la faculté de sentir que dans ces corps : sur quel fondement donc établir un être idéal désavoué par toutes nos connaissances ? »

Diderot dans "Entretien avec D’Alembert" :

« Qu’est-ce que cet œuf ? Une masse insensible avant que le germe y soit introduit ; et après que le germe y est introduit, qu’est-ce encore ? Une masse insensible, car ce germe n’est lui-même qu’un fluide inerte et grossier. Comment cette masse passera-t-elle à une autre organisation, à la sensibilité, à la vie ? Par la chaleur. Qui produira la chaleur ? le mouvement. Quels seront les effets successifs du mouvement ? Au lieu de me répondre, asseyez-vous, et suivons-les de l’œil de moment en moment. D’abord c’est un point qui oscille, un filet qui s’étend et qui se colore ; de la chair qui se forme ; un bec, des bouts d’ailes, des yeux, des pattes qui paraissent ; une matière jaunâtre qui se dévide et produit des intestins ; c’est un animal. Cet animal se meut, s’agite, crie ; j’entends ses cris à travers la coque ; il se couvre de duvet ; il voit. La pesanteur de sa tête, qui oscille, porte sans cesse son bec contre la paroi intérieure de sa prison ; la voilà brisée ; il en sort, il marche, il vole, il s’irrite, il fuit, il approche, il se plaint, il souffre, il aime, il désire, il jouit ; il a toutes vos affections ; toutes vos actions, il les fait. Prétendrez-vous, avec Descartes, que c’est une pure machine imitative ? Mais les petits enfants se moqueront de vous, et les philosophes vous répliqueront que si c’est là une machine, vous en êtes une autre. Si vous avouez qu’entre l’animal et vous il n’y a de différence que dans l’organisation, vous montrerez du sens et de la raison, vous serez de bonne foi ; mais on en conclura contre vous qu’avec une matière inerte, disposée d’une certaine manière, imprégnée d’une autre matière inerte, de la chaleur et du mouvement on obtient de la sensibilité, de la vie, de la mémoire, de la conscience, des passions, de la pensée. »

Plekhanov dans « Le matérialisme militant » :

« On sait qu’il fut un temps où il n’y avait pas encore d’hommes sur notre planète. Et s’il n’y avait pas d’hommes, il est clair qu’il n’y avait pas non plus leur expérience. […] Et cela signifie que la Terre existait en dehors de l’expérience humaine. Mais pourquoi existait-elle en dehors de l’expérience ? Est-ce parce qu’elle ne pouvait pas être l’objet de l’expérience ? Non, elle existait en dehors de l’expérience, tout simplement parce que les organismes capables d’avoir, par leur structure, une expérience n’étaient pas encore apparus. […] La thèse bien connue : "sans sujet, pas d’objet", est radicalement fausse. L’objet ne cesse pas d’exister, même s’il n’y a pas encore de sujet ou s’il n’en existe plus. »

Darwin dans son autobiographie posthume :

« J’ai peine à croire comment quelqu’un pourrait souhaiter que le Christianisme fût vrai ; car en pareil cas la langue simple de ce texte semble montrer que les hommes qui ne croient pas – et parmi eux mon père, mon frère et presque tous mes meilleurs amis – seront punis éternellement. Et c’est une doctrine abominable. »

Darwin dans « De l’origine des espèces » :

« Le vieil argument du dessein dans la nature, tel que le donnait Paley, me paraissait autrefois des plus concluants, il tombe aujourd’hui après qu’a été découverte la loi de sélection naturelle. Nous ne pouvons plus soutenir que, par exemple, l’admirable charnière d’une coquille bivalve a dû être faite par un être intelligent, comme la charnière d’une porte par l’homme. Il semble qu’il n’y a pas plus de dessein dans la variabilité des êtres organiques et dans l’action de la sélection naturelle, que dans la façon dont le vent souffle. Tout dans la nature est le résultat de lois fixées à l’avance. »

Darwin :

« Le vrai matérialisme fait de Dieu une impossibilité, de la révélation une vue de l’esprit, et de la vie future une absurdité. »

« L’incrédulité gagna sur moi très lentement, mais elle fut à la fin, complète, écrit-il dans son Autobiographie. [...] Je n’ai jamais douté depuis, même une seule seconde, que ma conclusion ne fut correcte. »

Darwin dans l’introduction de « La filiation de l’homme » :

« On a souvent affirmé avec assurance que l’origine de l’homme ne pourra jamais être connue : mais l’ignorance engendre plus fréquemment l’assurance que ne le fait la connaissance : et ce
sont ceux qui connaissent peu, et non ceux qui connaissent beaucoup, qui affirment aussi catégoriquement que tel ou tel problème ne sera jamais résolu par la science. »

Claude Lévi-Strauss, dans "Tristes Tropiques" :

« Il faut beaucoup de naïveté ou de mauvaise foi pour penser que les hommes choisissent leurs croyances indépendamment de leur condition. »

Freud dans une conférence :

« L’esprit et l’âme sont des objets de la recherche scientifique exactement de la même manière que n’importe quelle chose étrangère à l’homme. »

Stephen Jay Gould dans « Le renard et le hérisson » :

« Les propriétés qui apparaissent dans un système complexe sous l’effet des interactions non linéaires de ses composants sont dites émergentes – puisqu’elles n’apparaissent pas à un autre niveau et ne sont révélées qu’à ce niveau de complexité. (...) L’émergence n’est donc pas un principe mystique ou anti-scientifique, ni une notion susceptible d’avoir des échos dans le champ religieux (...) C’est une affirmation scientifique sur la nature des systèmes complexes. »

André Comte-Sponville :

« Le matérialisme est un monisme physique. A ce titre, il se définit surtout par ce qu’il exclut : être matérialiste, c’est penser qu’il n’existe ni monde intelligible, ni dieu transcendant, ni âme immatérielle. Ce n’est pas pour autant renoncer aux valeurs ou aux biens spirituels. (…) Etre matérialiste, pour les modernes, c’est d’abord reconnaître que c’est le cerveau qui pense, et en tirer toutes les conséquences. »

Albert Jacquard :

« L’esprit n’est que l’aboutissement de l’aventure de la matière. Il n’a pas d’autre origine que l’ensemble du cosmos. »

Histoire du matérialisme

Un article en anglais sur les philosophies matérialistes en Inde

Physique, matérialisme et dialectique

Lire encore

Les premières expressions humaines n’étaient pas nécessairement une symbolique mystique mais plutôt une description de sentiments humains face à la nature, une description scientifique (de chasseurs) et artistique de celle-ci.

Messages

  • Une thèse couramment diffusée prétend que le matérialisme est un produit des Lumières alors que le premier soulèvement populaire collectiviste et anti-religieux est la révolte des « Zendjs » ou « Zanj » en Arabie. La plus connue est la révolution Zanj de 869 apr. J.-C. à 883 apr. J.-C., qui a conquis un large pouvoir et qui a fini écrasée dans le sang. Elle s’est drapée d’un islam noir. Mais, dès le septième siècle, les esclaves Zanj ont commencé leur révolte sous l’égide de l’anti-religion et l’anti-esclavagisme.

    Zanj, était le nom que l’on donnait en Irak aux esclaves noirs africains originaires de l’Afrique Orientale, (de l’Éthiopie, du Kenya, du Malawi, et surtout de Zanzibar, île d’où vient le nom Zanj). Il y a plus de mille ans, ces esclaves étaient présents en Irak en grand nombre (une dizaine de milliers) et étaient exploités dans les marais salants situés au sud du pays.

  • La pensée la plus idéaliste a des bases matérielles. Si le judaïsme a eu deux expressions différentes au nord (Israël) et au sud (Juda), c’est que le nord était riche, agricole et commerçant et le sud était pauvre et pasteur nomade...

  • En Inde, il faut notamment mentionner Chârvâka. Chârvâka est à la fois le nom d’un penseur indien du VIIe ou du VIe siècle av. J.‑C, et aussi le nom de son système de pensée.

    "Je plains ceux qui, renonçant aux plaisirs du monde, cherchent à acquérir des mérites pour être heureux dans l’Au-delà et se plongent dans une mort qui n’en finit pas ; je ne plains pas les autres… Sois sage, Râma, il n’y a de monde que celui-ci, c’est certain ! Jouis du présent et jette derrière toi ce qui ne te plaît pas."

    • Chârvâka est le nom d’un penseur indien du VIIe ou VIe siècle avant J.C., mais aussi de son système de pensée - aussi connu sous le nom de Lokâyata, de loka, le monde, soit la seule chose qui existe véritablement. Il s’agit d’une philosophie matérialiste, athée et hédoniste, qui réfute la théorie de la transmigration et n’admet que la perception comme moyen de connaissance. Ce penseur appartient à la génération qui, par sa remise en cause du brahmanisme et sa négation de l’existence des dieux védiques d’où découle l’absurdité des rites sacrificiels, a ouvert la voie au jaïnisme et au bouddhisme.
      L’une des plus anciennes références au chârvâka se trouve dans le Rig Veda. S’y rapporte aussi le conseil que le brahmane Jâbâli donne à Râma dans le Râmâyana : « Je plains ceux qui, renonçant aux plaisirs du monde, cherchent à acquérir des mérites pour être heureux dans l’Au-delà et se plongent dans une mort qui n’en finit pas ; je ne plains pas les autres... Sois sage, Râma, il n’y a de monde que celui-ci, c’est certain ! Jouis du présent et jette derrière toi ce qui ne te plaît pas. »
      Aucun des textes originaux de cette école - en particulier le Bârhaspatyasûtra, aussi connu sous le nom de Lokâyatasûtra - n’a été préservé, probablement détruits par leurs adversaires brahmanes qui les avaient combattus. Ses principales idées nous sont connues seulement via des fragments cités par ses adversaires hindous et bouddhistes qui en firent la critique dans leurs écrits, parmi lesquels le Chhândogya Upanisad, le Mahâbhârata (Shalya-parva et Shânti-parva), la pièce Prabodhachandrodaya de Krishnamishra, le Sârvadarshanasamgraha (Résumé des conclusions de toutes les doctrines) de Mâdhavâchrya, le Nyâyasûtabhâshya de Pakshilasvâmin Vâtsyâyana, la Nyayakandali de Shrîdhara , la Nyâyamanjarî de Jayanta et le Bhâmati de Vâchaspatimishra.
      Selon la philosophie du Chârvâka, toute connaissance dérive des sens, les écrits religieux n’ont aucun sens et sont du bavardage infantile. Pour les partisans les plus extrêmes de cette pensée, le raisonnement n’est pas une voie de connaissance du monde. Seule la perception importe et ce qui ne peut être perçu n’existe pas, en particulier un autre monde différent de celui offert par les sens. En cela, ils réfutent un concept comme celui de la mâyâ. Les Chârvâkas croient que le monde est composé de quatre éléments : la terre, l’eau, le feu et l’air, et tout ce qui existe dans le monde en est la composition, y compris la conscience, et que la libération est la destruction du corps, la mort étant la fin de tout, matière et conscience. Parmi les quatre buts de la vie décrits par les philosophes hindous, les chârvâkas considèrent que l’artha, l’enrichissement, et le kâma, la satisfaction des passions, sont les deux seuls buts légitimes, rejetant le dharma, le devoir envers l’équilibre du monde, et la moksha, la libération finale de l’âme individuelle.

    • Aucun des textes originaux de cette école - en particulier le Bârhaspatyasûtra, aussi connu sous le nom de Lokâyatasûtra - n’a été préservé, probablement détruits par leurs adversaires brahmanes qui les avaient combattus. Ses principales idées nous sont connues seulement via des fragments cités par ses adversaires hindous et bouddhistes qui en firent la critique dans leurs écrits, parmi lesquels la Chāndogya Upaniṣad, le Mahābhārata (Shalya-parva et Shânti-parva), la pièce Prabodhachandrodaya de Krishnamishra, le Sarvadarshanasamgraha (Résumé des conclusions de toutes les doctrines) de Mâdhava, le Nyâyasûtrabhâshya de Pakshilasvâmin Vâtsyâyana, la Nyayakandali de Shrîdhara, la Nyāyamanjarî de Jayanta et la bhāmatī de Vâchaspatimishra.

      En usage plus général, c’est un système de philosophie indienne qui soutient le scepticisme et refuse les doctrines traditionnelles (comme celles de réincarnation, rendement des rituels etc.)

      Selon la philosophie du Charvaka, toute connaissance dérive des sens, les écrits religieux n’ont aucun sens et sont du bavardage infantile. Pour les partisans les plus extrêmes de cette pensée, le raisonnement n’est pas une voie de connaissance du monde. Seule la perception importe et ce qui ne peut être perçu n’existe pas, en particulier un autre monde différent de celui offert par les sens. En cela, ils réfutent un concept comme celui de la mâyâ. Les Charvaka croient que le monde est composé de quatre éléments : la terre, l’eau, le feu et l’air, et tout ce qui existe dans le monde en est la composition, y compris la conscience, et que la libération est la destruction du corps, la mort étant la fin de tout, matière et conscience. Parmi les quatre buts de la vie décrits par les philosophes hindous, les chârvâkas (selon leurs détracteurs, seule source connue) considèrent que l’artha, l’enrichissement, et le kâma, la satisfaction des passions, sont les deux seuls buts légitimes, rejetant le dharma, le devoir envers l’équilibre du monde, et le moksha, la libération finale de l’âme individuelle

  • Critias (-460,-403) est l’un des premiers penseurs grecs à écrire (du moins d’après les textes que nous possédons) une remise en cause fondamentale des religions. Le texte est un fragment de sa tragédie Sisyphe où il fait tenir au héros les propos suivants :

    « Il fut un temps où la vie des hommes était sans règle, comme celle des bêtes et au service de la force, où les hommes honnêtes n’avaient nulle récompense, ni les méchants, non plus, de punition. Je pense que c’est plus tard que les hommes établirent des lois punitives pour que la justice fût reine sur le genre humain et qu’elle maintînt les débordements en esclavage : on était châtié chaque fois qu’on commettait une faute. Plus tard, encore, comme les lois empêchaient les hommes de mettre de la violence dans les actes commis ouvertement, mais qu’ils en commettaient en cachette, c’est alors, je pense, que, pour la première fois, un homme avisé et de sage intention inventa pour les mortels la crainte de dieux, en sorte qu’il y eût quelque chose à redouter pour les méchants, même s’ils cachent leurs actes, leurs paroles ou leurs pensées. Voilà donc pourquoi il introduisit l’idée de divinité, au sens qu’il existe un être supérieur qui jouit d’une vie éternelle, qui entend et voit en esprit, qui comprend et surveille ces choses, qui est doté d’une nature divine : ainsi, il entendra tout ce qui se dit chez les mortels et sera capable de voir tout ce qui se fait. Si tu médites en secret quelque forfait, celui-ci n’échappera pas aux dieux, car il y a en eux la capacité de le comprendre. »

  • Théodore l’Athée écrit un livre montrant l’inexistence des dieux, document qui ne nous est pas parvenu. Il est mis à mort à Athènes pour athéisme vers -320.

    Euhemere (-330 à -260) présente l’idée selon laquelle les dieux ne sont que des dirigeants et des conquérants du passé, et que leurs cultes et religions ne sont que la continuation de royaumes anéantis et de structures politiques d’un autre temps.

  • Thalès (-625, -547), Anaximandre (vers -610, -546) et Anaximène (-585, -525) ont en commun d’avoir dit que le monde était fondé sur une base matérielle et non spirituelle.

  • Anaxagore (-500, -428) proposa la première théorie atomique, en faisant appel au nous, « l’intelligence éternelle », pour expliquer la mise en ordre du chaos originel.

    Démocrite (470, -370) proposa une explication atomiste du monde qui laissa à la porte toute intervention divine. Les dieux ne sont pas niés mais ils n’interviennent pas, ils sont au même titre que les hommes des combinaisons passagères d‘atomes, donnant parfois des formes stables, voire se reproduisant. Démocrite propose là une explication athée mais il n’était pas lui-même athée car il admettait l’existence des dieux.

  • L’apport essentiel sur l’athéisme dans la deuxième moitié du XVIIe siècle vient non pas de France mais d’Angleterre (Hobbes, Locke,...). La raison en est que la révolution bourgeoise y a cent cinquante d’avance ;

  • A comme absolument athée

    T comme totalement athée

    H comme hermétiquement athée

    é accent aigu comme étonnement athée

    E comme entièrement athée

    pas libre penseur

    athée

    il y a une nuance"

    Jacques Prévert

  • Parménide :

    "L’Etant (ce qui existe) n’a pas été engendré (créé)."

  • Lucrèce :

    « Alors qu’aux yeux de tous, l’humanité traînait sur terre une vie abjecte, écrasée sous le poids d’une religion dont le visage, se montrant du haut des régions célestes, menaçait les mortels de son aspect horrible, le premier un Grec, un homme osa lever ses yeux mortels contre elle, et contre elle se dresser (…) Et par là, la religion est à son tour renversée et foulée aux pieds, et nous, la victoire nous élève jusqu’aux cieux. »

  • Lucrèce :

    « Il faut poser d’abord notre premier principe

    Rien n’est jamais crée divinement de rien.

    Rien ne s’anéantit ; toute chose retourne,

    Par division, aux corps premiers de la matière. »

  • Diagoras de Mélos est un philosophe grec de Mélos, disciple de Démocrite.

    Il avait été esclave, puis affranchi. Ayant été victime d’un parjure qui resta impuni, il s’en prit aux dieux et passa de la superstition à l’athéisme ; ce qui le fit appeler Diagoras l’Athée. Il fut chassé d’Athènes vers 415 av. J.-C., pour avoir tourné en ridicule les mystères d’Éleusis.

    Les Athéniens ayant mis sa tête à prix, il quitta la Grèce vers 400.

  • Au troisième siècle avant J.-C., les philosophes grecs Theodore et Straton de Lampsacus ne croyaient pas non plus aux dieux.

  • Euhemere (-330 à -260) présenta l’idée selon laquelle les dieux n’étaient que des dirigeants et des conquérants du passé, et que leurs cultes et les religions n’étaient que la continuation de royaumes anéantis et de structures politiques d’un autre temps. Il fut ensuite critiqué pour avoir « répandu l’athéisme sur l’ensemble des terres en désignant les dieux comme de vieux concepts »

  • « Les idées reçues qui sont promues habituellement font de « l’Orient » le siège du mysticisme et des valeurs fondamentales, et de « l’Occident » celui de la rationalité, du matérialisme et de l’individualisme, imprégné de l’éclatement des repères et des valeurs. »

    Dr. Pamela Chrabieh

  • « La proposition de Voltaire, qui pourtant était en général un adversaire ardent du matérialisme : « Je suis corps et je pense », aurait sans doute obtenu l’approbation des anciens philosophes grecs. Lorsqu’on commença à admirer la finalité de l’univers et de ses parties, notamment des organismes, ce fut un disciple de la philosophie naturelle ionienne, Diogène d’Apollonie, qui identifia la raison ordonnatrice du monde avec l’élément primordial : l’air.

    Si cet élément avait été purement sensible, si ses fonctions sensitives s’étaient changées en pensées, en vertu de l’organisation de plus en plus compliquée et du mouvement de la matière primordiale, on aurait pu voir se développer dans cette voie un matérialisme rigoureux, peut-être plus solide que le matérialisme atomistique ; mais l’élément rationnel de Diogène est omniscient. De la sorte, l’énigme dernière du monde des phénomènes se trouve reportée à l’origine première des choses.

    Les atomistes rompirent ce cercle vicieux en fixant l’essence de la matière. De toutes les propriétés des choses, ils choisirent, pour les attribuer à la matière, les plus simples, les plus indispensables pour comprendre un fait qui se produit dans le temps et dans l’espace ; et s’efforcèrent de faire sortir de ces propriétés seules l’ensemble des phénomènes. L’école d’Élée peut avoir devancé les atomistes dans cette voie, en séparant les variations trompeuses des phénomènes sensibles d’avec l’élément permanent que la pensée seule peut reconnaître comme l’être unique, véritablement existant. Les pythagoriciens, qui plaçaient l’essence des choses dans le nombre, c’est-à-dire, à l’origine, dans les rapports déterminables numériquement des formes corporelles, ont probablement contribué à ramener toutes les propriétés sensibles à la forme de la combinaison atomistique. Quoi qu’il en soit, les atomistes donnèrent la première idée parfaitement claire de ce qu’il faut entendre par la matière comme base de tous les phénomènes. Une fois ce principe établi, le matérialisme était complété comme première théorie parfaitement claire et logique de tous les phénomènes. »

    Friedrich-Albert Lange

    Histoire du matérialisme, et critique de son importance à notre époque

  • Démocrite :

    « Rien ne vient de rien ; rien de ce qui existe ne peut être anéanti. Tout changement n’est qu’agrégation ou désagrégation de parties. »

  • Démocrite :

    « Le doux, l’amer, la chaleur, le froid, la couleur, n’existent que dans la pensée ; il n’y a, en réalité, que les atomes et le vide. »

  • Diderot dans "Entretien d’un philosophe avec la Maréchale de ***" :

    « LA MARÉCHALE. - N’êtes-vous pas monsieur Diderot ?

    DIDEROT. - Oui, madame.

    LA MARÉCHALE. - C’est donc vous qui ne croyez à rien ?

    DIDEROT. - Moi-même. »

  • LA MARÉCHALE. - Mais ce monde-ci, qui l’a fait ?

    DIDEROT. - Je vous le demande.

    LA MARÉCHALE. - C’est Dieu.

    DIDEROT. - Et qu’est-ce que Dieu ?

    LA MARÉCHALE. - Un esprit.

    DIDEROT. - Si un esprit fait de la matière, pourquoi de la matière ne ferait-elle pas un esprit ?

  • LA MARÉCHALE. - Mais ce monde-ci, qui l’a fait ?

    DIDEROT. - Je vous le demande.

    LA MARÉCHALE. - C’est Dieu.

    DIDEROT. - Et qu’est-ce que Dieu ?

    LA MARÉCHALE. - Un esprit.

    DIDEROT. - Si un esprit fait de la matière, pourquoi de la matière ne ferait-elle pas un esprit ?

  • « La lutte du matérialisme et de l’idéalisme a-t-elle pu vieillir en deux mille ans d’évolution de la philosophie ? La lutte des tendances ou des lignes de développement de Platon et de Démocrite a-t-elle vieilli ? Et la lutte entre la négation et l’admission de la vérité objective ? Et vieillie de même la lutte des adeptes de la connaissance suprasensible contre ses adversaires ? »

    Lénine, "Matérialisme et empiriocriticisme"

  • « Cogniot nous signale que « certains matérialistes de l’Inde ancienne ont admis que toute chose existante se composait de particules hétérogènes de feu, d’eau, d’air et de terre, contenues, dans l’éther, ils croyaient à l’existence de substances originelles, de matières primordiales, d’où procédaient toutes les substances, tous les corps connus. Des penseurs de la Chine antique ont pareillement posé les « éléments primitifs » parmi lesquels ils comptaient, outre l’eau, le feu, la terre, le métal, et le bois ; ils expliquaient par ces « origines » les impressions du goût, salées, douces, amères etc. Dans le Livre de l’harmonie des ténèbres, il est dit que « la conscience naît des choses et meurt aussi dans les choses ». Les matérialistes chinois défendaient également l’idée de particules primitives contraires, positives et négatives existant dans la nature ». (Georges Cogniot, Le matérialisme gréco-romain, ed. Sociales, 1964, p. 15, voir aussi Ai Siqi Matérialisme dialectique, Matérialisme historique, ed, du Centenaire, 1980, pp. 16 - 21).

    J. Hebert ajoute pour le cas du Japon « comme la plupart des autres cosmogonies le Shintô en visage le passage de l’incréé au créé comme un développement progressif à la fois de la matérialisation et de la multiplicité, mais il est suivi dans un deuxième stade par une confrontation entre les forces positives et les forces négatives et glisse insensiblement dans un troisième stade, vers l’organisation du monde et la protohistoire de l’humanité ». (J. Hebert, cosmogonie japonaise, Paris, Dervy-livres 1977).

    Dans les cosmogonies polynésiennes, on note le principe des « eaux primordiales plongées dans les ténèbres qui se séparaient à l’apparition de la lumière. Alors ciel et terre se forment ». (M. Bucaille, la Bible, le Coran et la Science, Paris, Seghers 1976, p. 150).
    On aurait pu continuer la liste en interrogeant d’autres cosmogonies, entre autres celles des religions africaines dites « traditionnelles » ou « animistes ». Cela ne ferait que renforcer notre conviction à savoir l’existence d’un noyau matérialiste dans ces cosmogonies.

    Pour certains penseurs de l’Antiquité, l’élaboration ou l’acceptation des théories matérialistes va de pair avec la négation des dieux et d’une vie future, c’est le cas des varhaspatyas ou athées [1] de l’Inde. Ainsi « Vrihaspati le fondateur de l’école des athées, attaqua les vedas et les brahmanes, avança que tout le système hindou était une invention des prêtres, occupés à s’assurer à eux-mêmes des moyens d’existence. L’ Agnihotra, dit-il, les trois vedas, les tridandas, l’usage de se frotter de cendres, n’ont d’autre objet que de former un patrimoine en faveur de ceux qui n’ont ni intelligence ni caractère. On ne peut donner d’autre raison des cérémonies que les brahmanes ont instituées pour les morts que leur envie de se procurer un patrimoine, et encore les trois auteurs vedas étaient des bouffons, des misérables, des pervers ». (J. p. Remusat, Essai sur la cosmographie et la cosmogonie des boudhistes d’après les auteurs chinois, Paris, Impr. Roy. 1843, p. 135).
    Tous les penseurs de l’Antiquité n’ont pas eu une attitude aussi radicale que celle de Vrihaspati (ou Brhaspati).

    En effet on a pu noter d’une part que dans beaucoup de ces cosmogonies, un rôle pouvait être laissé aux divinités et que d’autre part chez beaucoup de matérialistes la profession de foi matérialiste s’accommodait avec un respect aux dieux.
    L’étude du cas égyptien et des systèmes matérialistes gréco-latins pourra nous permettre de mieux illustrer notre propos. »

    Boubacar Diop

  • Les Hindous désignent souvent le matérialisme par le terme « lokâyata ».Selon H. de Glasenapp. « le mot n’est pas univoque ; il désigne généralement toute doctrine s’occupant seulement du monde terrestre, que ce soit science naturelle, science économique ou politique. Les matérialistes s’appellent aussi cârvâka... Cârvâka qui aurait été le fondateur ou le principal disciple du fondateur Brhaspati, identifié au dieu védique du même nom, passe pour avoir été le fondateur du matérialisme à l’époque classique »

    H. de Glasenapp, La philosophie indienne.

  • En Inde, Charles Norton Edgecumbe Eliot montre que le jaïnisme était une religion athée :

    « Le jaïnisme est athée et cet athéisme n’est ni une excuse, ni une polémique mais est plutôt acceptée comme constituant une attitude religieuse naturelle. »

  • L’école philosophique antithéiste Chârvâka apparut en Inde vers le XIe siècle av. J.-C.. Il existe d’autres philosophies indiennes généralement classées comme athées, dont la Sāṃkhya et la Mīmāṃsā. Sāṃkhya, école de pensée classée comme une variété orthodoxe (āstika) de l’Hindouisme, nie l’existence de Dieu ou de tout autre être supérieur. Les origines du Cārvāka, fondateur de l’école athée de philosophie indienne, qu’on appelle aussi lokayata (ceux qui croient en l’existence du monde, loka) sont datées de l’an 600 avant JC, bien que certaines dates plus anciennes soient avancées, faisant déjà références aux enseignements de cette école de pensée. La philosophie cārvāka semble avoir disparu peu après l’an 1400. Cette école était hédoniste, et affirmait qu’il n’existait pas de vie après la mort.

  • Dharmakirti, un philosophe bouddhiste du VIIe siècle, dont certains disent qu’il a été influencé par la philosophie cārvāka, écrit :

    « वेद प्रामाण्यं कस्य चित् कर्तृवादः स्नाने धर्मेच्छा जातिवादाव लेप
    संतापारंभः पापहानाय चेति ध्वस्तप्रज्ञानां पञ्च लिङगानि जाड्ये »

    « Croire que les Vedas sont sacrés ou divins, croire à un Créateur pour le monde,

    Prendre son bain dans des eaux sacrées pour gagner le paradis, être fier et vaniteux de sa caste,

    Et réaliser des pénitences pour absoudre ses fautes,

    Sont cinq symptômes de la perte de la Raison. »

  • Makkhali Gosala, était un contemporain de Mahavira et de Gautama Buddha (respectivement les figures centrales du jaïnisme et du bouddhisme). Gosala et ses fidèles ne croyait pas en l’existence d’un dieu créateur.

  • Pour donner une idée sur le niveau du prétendu athée Onfray, on peut lire :

    « Onfray avait recherché le premier athée et avait conclu qu’il s’agisait de l’abbé Meslier (18ème siècle). »

  • Chârvâka est le nom d’un penseur indien, mais aussi de son système de pensée - aussi connu sous le nom de Lokâyata, de loka, le monde, soit la seule chose qui existe véritablement. On ne connaît pas l’époque de son existence mais il est antérieur au Rig Veda (vers le XIIe siècle av. J.-C.).

    Il s’agit d’une philosophie matérialiste, athée et hédoniste, qui réfute la théorie de la transmigration et n’admet que la perception comme moyen de connaissance.

    L’une des plus anciennes références au chârvâka se trouve dans le Rig Veda. S’y rapporte aussi le conseil que le brahmane Jâbâli donne à Râma dans le Râmâyana : « Je plains ceux qui, renonçant aux plaisirs du monde, cherchent à acquérir des mérites pour être heureux dans l’Au-delà et se plongent dans une mort qui n’en finit pas ; je ne plains pas les autres… Sois sage, Râma, il n’y a de monde que celui-ci, c’est certain ! Jouis du présent et jette derrière toi ce qui ne te plaît pas. »

    Le mouvement chârvâka semble s’être éteint vers le XVe siècle et aucun des textes originaux de cette école - en particulier le Bârhaspatyasûtra, aussi connu sous le nom de Lokâyatasûtra - n’a été préservé, probablement détruits par leurs adversaires brahmanes qui les avaient combattus. Ses principales idées nous sont connues seulement par des fragments cités par ses adversaires hindous et bouddhistes qui en firent la critique dans leurs écrits, parmi lesquels le Chhândogya Upanisad, le Mahâbhârata (Shalya-parva et Shânti-parva), la pièce Prabodhachandrodaya de Krishnamishra, le Sârvadarshanasamgraha (Résumé des conclusions de toutes les doctrines) de Mâdhavâchrya, le Nyâyasûtabhâshya de Pakshilasvâmin Vâtsyâyana, la Nyayakandali de Shrîdhara , la Nyâyamanjarî de Jayanta et le Bhâmati de Vâchaspatimishra.

    Selon la philosophie du Chârvâka, toute connaissance dérive des sens, les écrits religieux n’ont aucun sens, du bavardage infantile, et, pour les plus extrêmes d’entre eux, le raisonnement n’est pas une voie de connaissance du monde. Seule la perception importe et ce qui ne peut être perçu n’existe pas, en particulier un autre monde différent de celui offert par les sens. En cela, ils réfutent un concept comme celui de la mâyâ. Les Chârvâkas croient que le monde est composé de quatre éléments : la terre, l’eau, le feu et l’air, et tout ce qui existe dans le monde en est la composition, y compris la conscience, et que la libération est la destruction du corps, la mort étant la fin de tout, matière et conscience. Parmi les quatre buts de la vie décrits par les philosophes hindous, les chârvâkas considèrent que l’artha, l’enrichissement, et le kâma, la satisfaction des passions, sont les deux seuls buts légitimes, rejetant le dharma, le devoir envers l’équilibre du monde, et la moksha, la libération finale de l’âme individuelle.

  • « L’origine ancienne des lokayata/carvaka demeure un mystère, mais les causes expliquant l’origine de l’école elle-même sont beaucoup plus limpides. Comme nous pouvons le constater en datant ses premières apparitions connues dans les textes de ses détracteurs, il semble que la naissance de ce courant coïncide avec le début de l’ère upanisadique (Dasgupta, 1922). Ainsi, même si les motifs principaux de ce mouvement existaient depuis un certain temps, il est possible que ses adhérents aient profité d’un affaiblissement du pouvoir des brahmanes pour les exposer publiquement. Nous ne pouvons sous-estimer le danger que pouvaient courir des gens qui remettaient en question non seulement l’efficacité rituelle brahmanique, mais aussi la validité de toute forme de croyance basée sur des inférences qui ne reposent pas sur l’expérience et l’information sensorielle (i.e. tous types de croyances en des manifestations surnaturelles). Seule une instabilité religieuse et politique considérable pouvait potentiellement donner naissance à une philosophie aussi radicalement différente de celles qui l’ont précédé (Chattopadhyaya, 1972). À ce propos, rappelons que l’athéisme matérialiste et le développement exponentiel des sciences naturelles en Occident a émergé de la diminution des pouvoirs royaux et cléricaux en Angleterre puis, sur le continent européen, dans la chaleur des brasiers de la Révolution. »

    Eric Lécuyer

  • « Les lokayata/carvaka étaient athées, matérialistes et naturalistes ; ils croyaient en la validation du savoir par l’observation et les tests empiriques ; ils estimaient que le corps et la matière qui le constitue soient la source de la conscience, rejetant la possibilité d’une vie après la mort ; ils pensaient que la compréhension du monde passait par la compréhension de ses mécanismes intrinsèques. À ce stade, il nous parait éminemment improbable que les tenants d’un système semblable se soient contentés de faire murir leurs hypothèses dans un univers purement théorique. En fait, nous pensons même que des applications pratiques d’ébauches d’idées précédemment évoquées aient pu fournir l’impulsion nécessaire à l’élaboration d’une philosophie plus sophistiquée, capable de guider l’orientation de recherches subséquentes.

    Comme l’avance Chattopadhyaya, il existe une similitude frappante entre le courant de pensée lokayata/carvaka et le cadre conceptuel de la médecine ayurvédique (Chattopadhyaya, 1981). Dans cette dernière, on remarque d’emblée la place prépondérante accordée à l’empirisme, à la primauté du corps en regard à la santé et à la pensée, à l’équilibre des quatre éléments à l’intérieur de l’individu, etc. Cette discipline est aussi soutenue par une masse considérable de données relatives aux relations entre différents végétaux et minéraux sur l’état de santé des individus. Pour qu’une masse d’information aussi importante soit recueillie, il faut logiquement qu’un nombre suffisant de gens, sur plusieurs siècles, aient jugé opportun de les obtenir. Ainsi, il ne serait pas surprenant que la médecine ayurvédique soit le pendant pratique ou technique de la philosophie lokayata/carvaka : ces deux champs d’activités se sont sans doute nourris mutuellement au fil des siècles (Chattopadhyaya, 1981). »

    Eric Lécuyer

  • Les peuples dits primitifs auraient tous été livrés aux religions dit la thèse officielle !
    Les aborigènes n’avaient pas de religion au sens ou nous l’entendons mais une spiritualité élevée basée sur le temps du rêve. plus de 400 langues et autant de mythes et croyances partagées entre les différentes communauté. Leur civilisation avait crée une société qui procurait à tous les individus une sécurité économique et morale ainsi qu’une raison de vivre transcendante avec au départ les mêmes chances pour tous d’accéder à la connaissance. Ils appartenaient à la terre et non l’inverse...un simple caillou était sacré jusqu’à ce que les britanniques viennent les civiliser !! cherchez l’erreur.

  • Comment se fait-il qu’au contraire de la plupart des philosophes et des historiens, vous sembliez voir des matérialistes partout dans le monde et à de très nombreuses époques ?

    • Le constat que vous faites est exact et il y a plusieurs raisons à cela. Tout d’abord, il y a le fait que notre connaissance du passé lointain en dehors d’Europe et d’Occident est extrêmement récente. De plus, les grands Etats ont développé les grands monothéismes qui ont éradiqué bien des traces des idées du passé et, encore aujourd’hui, ne veulent pas qu’on en parle. Ensuite, les classes dirigeantes d’aujourd’hui préfèrent s’appuyer sur les religions instituées et ne veulent pas reconnaître un tel passé. Il y a également le fait que l’histoire, les sciences et la philosophie, loin d’être neutres, sont tenues par ces classes dirigeantes. Il y a de plus le fait qu’on comprend très mal aujourd’hui ce qu’étaient la place et le rôle des idéologies aux périodes antiques. Cela entraîne des contresens de grande ampleur. Par exemple, on croit que les peuples étaient tenus d’avoir les mêmes croyances que les classes dirigeantes et les clans du pouvoir alors qu’une telle chose est très récente dans l’histoire des sociétés. Par exemple, on parle de la religion des Egyptiens à propos de celle du Pharaon alors que cette dernière ne s’adressait qu’au roi et à un petit cercle autour de lui. Du coup, des idéologies des milieux bourgeois, populaires, commerçants ou paysans, égyptiens ou pas, pouvaient être tout à fait différents sans que cela préoccupe le pouvoir et cela que cela laisse de grandes traces pour les historiens puisque seule la religion du Pharaon et des classes dirigeantes locales était l’objet de monuments et d’écrits qui pouvaient rester à la postérité. D’autres contresens existent à propos des idéologies collectives et sociales comme le fait de présenter toute idéologie comme religieuse. Ainsi, certains auteurs voient de la religion dans toute représentation animale dans les cavernes. C’est un a priori et pas le résultat d’une véritable étude scientifique avec arguments et preuves. L’a priori est même encore plus fort et consiste à implanter l’idée que tous les débuts de l’humanité n’ont connu que la religion du fait du simplisme social et humain, de l’arriération des connaissances et de la compréhension de la nature. Erreur totale : les sociétés antiques n’avaient rien de simpliste. Les êtres humains organisés collectivement avaient des compétences et des connaissances et des systèmes sociaux complexes. Ils étaient seulement ceux d’un autre type de société, avec d’autres activités économiques, sociales et politiques que les nôtres, que nous sommes bien incapables de réaliser et même d’imaginer. Leurs compétences techniques, pour des tâches qui nous sont irréalisables, étaient aussi grandes que les nôtre relativement à notre monde. Ils avaient une connaissance développée et précise de leur monde, naturel et social, que montre leurs dessins et gravures animaux. Et ils avaient aussi les idéologies qui sont inséparables de cette connaissance technique, sociale et politique complexes. Rien ne les empêchait d’avoir des idéologies magiques et religieuses mais rien non plus ne les empêchait d’avoir des capacités intellectuelles par rapport au monde matériel et une philosophie sur celui-ci.

  • Dans son Entretien avec d’Alembert, Diderot expose ainsi ses conceptions philosophiques :

    « ...Supposez au clavecin de la sensibilité et de la mémoire, et dites-moi... s’il ne se répétera pas de lui-même les airs que vous aurez exécutés sur ses touches. Nous sommes des instruments doués de sensibilité et de mémoire. Nos sens sont autant de touches qui sont pincées par la nature qui nous environne, et qui se pincent souvent elles-mêmes ; et voici, à mon jugement, tout ce qui se passe dans un clavecin organisé comme vous et moi. »

    D’Alembert répond que ce clavecin devrait être doué de la faculté de se nourrir et de se reproduire.
    — 
    Sans doute, réplique Diderot. Voyez-vous cet œuf. « C’est avec cela qu’on renverse toutes les écoles de théologie et tous les temples de la terre. Qu’est-ce que cet œuf ? une masse insensible avant que le germe y soit introduit ; et après que le germe y est introduit, qu’est-ce encore ? une masse insensible, car ce germe n’est lui-même qu’un fluide inerte et grossier.

    Comment cette masse passera-t-elle à une autre organisation, à la sensibilité, à la vie ? par la chaleur.

    Qu’y produira la chaleur ? le mouvement. » L’animal sorti de l’œuf est doué de toutes vos affections ; il est capable d’exécuter toutes vos actions. « Prétendrez-vous, avec Descartes, que c’est une pure machine imitative ? Mais les petits enfants se moqueront de vous, et les philosophes vous répliqueront que si c’est là une machine, vous en êtes une autre. Si vous avouez qu’entre l’animal et vous il n’y a de différence que dans l’organisation, vous montrerez du sens et de la raison, vous serez de bonne foi ; mais on en conclura contre vous qu’avec une matière inerte, disposée d’une certaine manière, imprégnée d’une autre matière inerte, de la chaleur et du mouvement, on obtient de la sensibilité, de la
    vie, de la mémoire, de la conscience, des passions, de la pensée. »

    De deux choses l’une, poursuit Diderot : ou bien admettre dans l’œuf quelque « élément caché » qui s’y est insinué on ne sait comment à un certain stade du développement, élément dont on ignore s’il occupe de l’espace, s’il est matériel ou créé à l’instant du besoin — ce qui est contraire au sens commun et aboutit à des contradictions et à des absurdités ; ou bien faire « une supposition simple qui explique tout », à savoir que la sensibilité est une « propriété générale de la matière, ou [un] produit de l’organisation. »

    Et Diderot de répondre à l’objection de d’Alembert que cette supposition admet une qualité essentiellement incompatible avec la matière :

    « Et d’où savez-vous que la sensibilité est essentiellement incompatible avec la matière, vous qui ne connaissez l’essence de quoi que ce soit, ni de la matière, ni de la sensibilité ? Entendez-vous mieux la nature du mouvement, son existence dans un corps, et sa communication d’un corps à un autre ? »

    D’Alembert : « Sans concevoir la nature de la sensibilité, ni celle de la matière, je vois que la sensibilité est une qualité simple, une, indivisible et incompatible avec un sujet ou suppôt divisible. »

    Diderot :

    « Galimatias métaphysico-théologique. Quoi ? est-ce que vous ne voyez pas que toutes les qualités, toutes les formes sensibles dont la matière est revêtue, sont essentiellement indivisibles ? Il n’y a ni plus ni moins d’impénétrabilité. Il y a la moitié d’un corps rond, mais il n’y a pas la moitié de la rondeur... Soyez physicien, et convenez de la production d’un effet lorsque vous le voyez produit, quoique vous ne puissiez vous expliquer la liaison de la cause à l’effet. Soyez logicien, et ne substituez pas à une cause qui est et qui explique tout, une autre cause qui ne se conçoit pas, dont la liaison avec l’effet se conçoit encore moins, qui engendre une multitude infinie de difficultés, et qui n’en résout
    aucune. »

    D’Alembert : « Mais si je me dépars de cette cause ? »

    Diderot : « Il n’y a plus qu’une substance dans l’univers, dans l’homme, dans l’animal. La serinette est de bois, l’homme est de chair. Le serin est de chair, le musicien est d’une chair diversement organisée ; mais l’un et l’autre ont une même origine, une même formation, les mêmes fonctions et la même fin. »

    D’Alembert : « Et comment s’établit la convention des sons entre vos deux clavecins ? »

    Diderot : « ... L’instrument sensible ou l’animal a éprouvé qu’en rendant tel son il s’ensuivait tel effet hors de lui, que d’autres instruments sensibles pareils à lui ou d’autres animaux semblables s’approchaient, s’éloignaient, demandaient, offraient, blessaient, caressaient, et ces effets se sont liés dans sa mémoire et dans celle des autres à la formation
    de ces sons. Et remarquez qu’il n’y a dans le commerce des hommes que des bruits et des actions. Et pour donner à mon système toute sa force, remarquez encore qu’il est sujet à la même difficulté insurmontable que Berkeley a proposée contre l’existence des corps. Il y a un moment de délire où le clavecin sensible a pensé qu’il était le seul clavecin qu’il y eût au monde, et que toute l’harmonie de l’univers se passait en lui. »

    Ces pages furent écrites en 1769.

  • « Nous appelons notre dialectique matérialiste, parce que ses racines ne sont ni dans les cieux (ni dans les profondeurs de notre "libre esprit"), mais dans la réalité-objective, dans la nature. La conscience est née de l’inconscient, la psychologie de la physiologie, le monde organique de l’inorganique, le système solaire de la nébuleuse. A tous les degrés de cette échelle du développement, les changements quantitatifs sont devenus qualitatifs. Notre pensée, y compris dialectique, n’est qu’une des manifestations de la matière changeante. Il n’y a place, dans cette mécanique ni pour Dieu, ni pour le diable, ni pour l’âme immortelle, ni pour les normes éternelles du droit et de la morale. La dialectique de la pensée, procédant de la dialectique de la nature, a par conséquence un caractère entièrement matérialiste.

    Le darwinisme, qui expliquait l’origine des espèces par la transformation de changements quantitatifs en changements qualitatif, a signifié le triomphe de la dialectique à l’échelle de toute la nature organique. Un autre grand triomphe fut la découverte de la table de poids atomiques des éléments chimiques, puis celle de la transformation des éléments les uns dans les autres.

    A ces transformations (des espèces, des éléments, etc.) est étroitement liée la question de la classification, également importante dans les sciences naturelles et dans les sciences sociales. Le système de Linné (18e siècle) , reposant sur l’immutabilité des espèces, se limitait à l’art de décrire et de classer les plantes selon leur aspect extérieur. La période infantile de la botanique est analogue à celle de la logique car les formes de notre pensée se développent, comme tout ce qui est vivant. Ce n’est qu’en rejetant délibérément l’idée de l’immutabilité des espèces, et par l’étude de l’histoire de l’évolution des plantes et de leur conformation, qu’on a pu jeter les bases d’une classification réellement scientifique.

    Marx, qui à la différence de Darwin était un dialecticien conscient, a trouvé les bases d’une classification scientifique des sociétés humaines dans le développement des forces productives et la structure des rapports de propriété, qui constituent l’anatomie de la société. Le marxisme a substitué la classification matérialiste dialectique à la classification vulgaire, descriptive des sociétés et des Etats, qui, aujourd’hui encore, fleurit dans les chaires universitaires. Ce n’est qu’en utilisant la méthode de Marx qu’on peut définir correctement le concept d’Etat ouvrier et le moment de sa ruine. »

    Trotsky, L’opposition petite-bourgeoise dans le SWP

  • Comme on le voit, certains auteurs prétendent que la physique actuelle casserait les thèses matérialistes !!!

    Voici un exemple de ce genre de point de vue :

    Lire ici

    Ou bien ceci

  • « D’après la conception matérialiste de l’histoire, le facteur déterminant dans l’histoire est, en dernière instance, la production et la reproduction de la vie réelle. Ni Marx, ni moi-même n’avons jamais affirmé davantage. Si ensuite, quelqu’un torture cette proposition pour lui faire dire que le facteur économique est le seul déterminant, il la transforme en une phrase vide, abstraite, absurde. La situation économique est la base, mais les divers éléments de la superstructure - les formes politiques de la lutte des classes et ses résultats -, les Constitutions établies une fois la bataille gagnée par la classe victorieuse, etc., les formes juridiques, et même les reflets de toutes ces luttes réelles dans le cerveau des participants, théories politiques, juridiques, philosophiques, conceptions religieuses, et leur développement ultérieur en systèmes dogmatiques, exercent également leur action sur le cours des luttes historiques et, dans beaucoup de cas, en déterminent de façon prépondérante la forme. Il y a action et réaction de tous ces facteurs au sein desquels le mouvement économique finit par se frayer son chemin comme une nécessité à travers la foule infinie de hasard. (...) Sinon, l’application de la théorie à n’importe quelle période historique, serait, ma foi, plus facile que la résolution d’une simple équation du premier degré. (...) »

    extrait de lettres d’Engels 1890.

  • Comment pouvez-vous vous dire matérialiste et marxiste et, en même temps, avoir un site qui se revendique du philosophe Hegel qui était un fieffé idéaliste ?

    • Friedrich Hegel, pourtant idéaliste, écrivait dans « Philosophie de la Nature » :

      « Non seulement la philosophie ne peut être qu’en accord avec l’expérience naturelle, mais la naissance et la formation de la science philosophique ont la physique empirique pour présupposition et condition. »

      Le marxiste est clairement matérialiste. Son emprunt à l’idéaliste Hegel a consisté à changer complètement l’ordre hiérarchique entre le monde de la pensée et le monde réel qui était celui d’Hegel.

      Engels écrivait dans « Ludwig Feuerbach » :

      « La grande question fondamentale de toute philosophie, et spécialement de la philosophie moderne, est celle ... du rapport de la pensée à l’être, de l’esprit à la nature... la question de savoir quel est l’élément primordial, l’esprit ou la nature... Selon qu’ils répondaient de telle ou telle façon à cette question, les philosophes se divisaient en deux grands camps. Ceux qui affirmaient le caractère primordial de l’esprit par rapport à la nature, et qui admettaient, par conséquent, en dernière instance, une création du monde de quelque espèce que ce fût... formaient le camp de l’idéalisme. »

  • Certains auteurs considèrent que le matérialisme s’oppose diamétralement à l’idéalisme, et affirment du coup que l’idéalisme ne peut pas faire progresser le matérialisme et inversement. L’affirmation matérialisme devient pour eux une foi définitive sans transformation possible. L’histoire des idées nous montre au contraire un combat permanent changeant sans cesse de forme, d’arguments, de points de vue. Chaque époque renouvelle la forme et le contenu de son combat entre matérialisme et idéalisme, en liaison avec les combats sociaux et politiques de l’époque. Le caractère dialectique de ce combat provient non seulement du fait que les contraires ne suppriment pas définitivement l’un des combattants mais aussi du fait que c’est leur combat qui est la locomotive de l’histoire. Au sein d’un individu, c’est aussi le combat qui est moteur. Cela suppose que chaque individu, même se revendiquant clairement de l’idéalisme ou du matérialisme, prenne conscience que le matérialiste a en lui un idéaliste qui sommeille et inversement… Cette conception n’est pas du relativisme philosophique ni une prétendue ouverture mettant un signe égal entre les différentes philosophies et encore moins un point de vue passif dans le combat philosophique. C’est la reconnaissance de la nécessité du combat entre les contraires pour l’avancée des idées comme pour celle de la société. C’est le point de vue non dialectique de certains matérialistes qui les empêche de comprendre que la philosophie de Hegel ait pu continuer à être déterminante dans la pensée de Marx, même après qu’il ait rompu nettement avec son point de vue idéaliste. Marx est le produit d’une série de contradictions dialectiques, de nombreux combats philosophiques dont les principaux ont été celui de Spinoza, puis de Kant contre Spinoza, de Hegel contre Kant, puis de Feuerbach contre Hegel et enfin de Marx et Engels contre Feuerbach. Dans ces combats, tous n’étaient pas des luttes entre matérialistes et idéalistes et certains contraires ont été plus proches que lointains. Même si, après Marx, nous défendons le matérialisme, nous reconnaissons comme lui que l’idéalisme a souvent été plus dynamique, plus conscient du caractère historique, que le matérialisme. Il est fréquent que des auteurs se disent matérialistes alors qu’ils sont seulement terre à terre, pensant en termes « je ne crois que ce que je vois », ce qui est une forme arriérée du matérialisme car on ne voit pas sans penser… La dialectique suppose au contraire que la pensée et l’être sont profondément imbriqués du moment qu’un cerveau humain les étudie et ce n’est pas en les séparant diamétralement que l’on peut dénouer l’énigme des relations entre être et penser, entre idée et réalité, entre corps et esprit.
    Nous marxistes sommes plus éloignés d’une pensée matérialiste non dynamique, qui sépare diamétralement esprit et matière, que de la pensée de Hegel qui les mêle de manière interactive, même s’il donne le rôle premier à l’esprit. Le dualisme, notamment celui de Descartes qui a la côté en France, est bien plus en retard sur l’évolution des idées philosophiques que l’idéalisme de Hegel qui intègre toutes les avancées des sciences. Le simple fait de mettre chacun d’un côté, la science et la philosophie, chacun pratiquant la courbette et l’indifférence profonde l’un vis-à-vis de l’autre, qui est l’attitude dominante de la pensée en France, est en retard de plusieurs combats philosophiques sur la pensée de Hegel et, du coup, sur celle de Marx… C’est la manière dont interagissent équilibre et non-équilibre qui est le plus indispensable à la pensée scientifique sur le monde. Or ce mode de fonctionnement reste inintelligible sans la pensée de Hegel… Cela ne signifie pas que la pensée philosophique doive en rester à Hegel. Elle ne peut d’ailleurs pas puisqu’elle doit évoluer avec les nouvelles connaissances et les nouveaux combats, philosophiques comme sociaux et politiques. Mais la pensée, comme la réalité, a une histoire et elle ne doit pas effacer ses traces et ses cheminements… Marx n’a pas effacé Hegel comme Hegel n’a pas effacé Kant ni Spinoza.
    De même, Einstein n’a pas effacé Newton ni Leibniz (et encore moins Poincaré et Lorentz) et la physique quantique n’a pas effacé la physique classique. On les enseigne toujours et ce n’est pas par simple goût des références historiques ni comme enseignement épistémologique. La philosophie selon laquelle « seul le résultat final compte » est une philosophie erronée. Le cheminement est indispensable à connaître, aussi bien pour ce qui concerne la pensée que pour la compréhension de la réalité matérielle. Et le combat continue…

  • « Le matérialisme et l’idéalisme diffèrent par les solutions qu’ils apportent au problème des origines de notre connaissance, des rapports entre la connaissance (et le « psychique » en général) et le monde physique ; la question de la structure de la matière, des atomes et des électrons n’a trait qu’à ce « monde physique ». Lorsque les physiciens disent que « la matière disparaît », ils entendent par là que les sciences de la nature ramenaient jusqu’à présent tous les résultats des recherches sur le monde physique à ces trois concepts ultimes : la matière, l’électricité, l’éther ; or les deux derniers subsistent seuls désormais, car on peut ramener la matière à l’électricité et représenter l’atome semblable à un système solaire infiniment petit dans lequel des électrons négatifs gravitent avec une vitesse déterminée (extrêmement grande, comme nous l’avons vu) autour d’un électron positif. On arrive ainsi à ramener le monde physique à deux ou trois éléments au lieu de plusieurs dizaines (dans la mesure où les électrons positifs et négatifs représentent « deux matières fondamentales distinctes », comme s’exprime le physicien Pellat, cité par Rey, l.c., pp. 294‑295). Les sciences de la nature conduisent donc à l’« unification de la matière » (ibid.), tel est le sens réel de la phrase sur la disparition de la matière, sur la substitution de l’électricité à la matière, etc., qui déroute tant de gens. « La matière disparaît », cela veut dire que disparaît la limite jusqu’à laquelle nous connaissions la matière, et que notre connaissance s’approfondit ; des propriétés de la matière qui nous paraissaient auparavant absolues, immuables, primordiales (impénétrabilité, inertie, masse, etc.) disparaissent, reconnues maintenant relatives, inhérentes seulement à certains états de la matière. Car l’unique « propriété » de la matière, que reconnaît le matérialisme philosophique, est celle d’être une réalité objective, d’exister hors de notre conscience. »

    Lénine, Matérialisme et empiriocriticisme

  • « L’école du psychanalyste viennois Freud part tout d’abord de la considération que les forces motrices des processus psychiques les plus complexes et les plus délicats s’avèrent être des nécessités physiologiques. Dans ce sens général, cette école est matérialiste, si l’on écarte la question de savoir si elle ne donne pas une place trop importante au facteur sexuel au détriment des autres facteurs (mais c’est déjà là un débat qui s’inscrit dans le cadre du matérialisme). Pourtant, le psychanalyste n’aborde pas expérimentalement le problème de la conscience, depuis les phénomènes primaires jusqu’aux phénomènes les plus élevés, depuis le simple réflexe jusqu’au réflexe le plus complexe ; il s’évertue à franchir d’un seul bond tous les échelons intermédiaires, de haut en bas, du mythe religieux, de la poésie lyrique ou du rêve, directement aux bases physiologiques de l’âme. Les idéalistes enseignent que l’âme est autonome, que la source de la pensée est un puits sans fond. Pavlov et Freud, par contre, considèrent que le fond de la « pensée » est constitué par la physiologie. Mais tandis que Pavlov, comme un scaphandrier, descend jusqu’au fond et explore minutieusement le puits, de bas en haut, Freud se tient au-dessus du puits et d’un regard perçant, s’évertue, au travers de la masse toujours fluctuante de l’eau trouble, de discerner ou de deviner la configuration du fond. La méthode de Pavlov, c’est l’expérimentation. La méthode de Freud, la conjecture, parfois fantastique. La tentative de déclarer la psychanalyse « incompatible » avec le marxisme et de tourner le dos sans cérémonie au freudisme est trop simpliste, ou plutôt trop « simplette ». En aucun cas nous ne sommes tenus d’adopter le freudisme. C’est une hypothèse de travail qui peut donner — et qui incontestablement donne — des hypothèses et des conclusions qui s’inscrivent dans la ligne de la psychologie matérialiste. La voie expérimentale amène, en son temps, la preuve. Mais nous n’avons ni motif ni droit d’élever un interdit à une autre voie, quand bien même elle serait moins sûre, qui s’efforce d’anticiper des conclusions auxquelles la voie expérimentale ne mène que bien plus lentement. »

    Culture et socialisme de Trotsky

  • « Le véritable ancêtre du matérialisme anglais et de toute science expérimentale moderne, c’est Bacon. La science basée sur l’expérience de la nature constitue à ses yeux la vraie science, et la physique sensible en est la partie la plus noble. Il se réfère souvent à Anaxagore et ses homoioméries, ainsi qu’à Démocrite et ses atomes. D’après sa doctrine, les sens sont infaillibles et la source de toutes les connaissances. La science est la science de l’expérience et consiste dans l’application d’une méthode rationnelle au donné sensible. Induction, analyse, comparaison, observation, expérimentation, telles sont les conditions principales d’une méthode rationnelle. Parmi les propriétés innées de la matière, le mouvement est la première et la plus éminente, non seulement en tant que mouvement mécanique et mathématique, mais plus encore comme instinct, esprit vital, force expansive, tourment de la matière-pour employer l’expression de Jacob Boehme. Les formes primitives de la matière sont des forces essentielles vivantes, individualisantes, inhérentes à elle, et ce sont elles qui produisent les différences spécifiques.

    « Chez Bacon, son fondateur, le matérialisme recèle encore, de naïve façon, les germes d’un développement multiple. La matière sourit à l’homme total dans l’éclat de sa poétique sensualité ; par contre, la doctrine aphoristique, elle, fourmille encore d’inconséquences théologiques.

    « Dans la suite de son évolution, le matérialisme devient étroit. C’est Hobbes qui systématise le matérialisme de Bacon. Le monde sensible perd son charme original et devient le sensible abstrait du géomètre. Le mouvement physique est sacrifié au mouvement mécanique ou mathématique ; la géométrie est proclamée science principale. Le matérialisme se fait misanthrope. Pour pouvoir battre sur son propre terrain l’esprit misanthrope et désincarné, le matérialisme est forcé de mortifier lui-même sa chair et de se faire ascète. Il se présente comme un être de raison, mais développe aussi bien la logique inexorable de l’entendement.

    « Partant de Bacon, Hobbes procède à la démonstration suivante : si leurs sens fournissent aux hommes toutes leurs connaissances, il en résulte que l’intuition, l’idée, la représentation, etc., ne sont que les fantômes du monde corporel plus ou moins dépouillé de sa forme sensible. Tout ce que la science peut faire, c’est donner un nom à ces fantômes. Un seul et même nom peut être appliqué à plusieurs fantômes. Il peut même y avoir des noms de noms. Mais il serait contradictoire d’affirmer d’une part que toutes les idées ont leur origine dans le monde sensible et de soutenir d’autre part qu’un mot est plus qu’un mot et qu’en dehors des entités représentées, toujours singulières, il existe encore des entités universelles. Au contraire, une substance incorporelle est tout aussi contradictoire qu’un corps incorporel. Corps, être, substance, tout cela est une seule et même idée réelle. On ne peut séparer la pensée d’une matière qui pense. Elle est le sujet de tous les changements. Le mot infini n’a pas de sens, à moins de signifier la capacité de notre esprit d’additionner sans fin. C’est parce que la matérialité seule peut faire l’objet de la perception et du savoir que nous ne savons rien de l’existence de Dieu. Seule est certaine ma propre existence. Toute passion humaine est un mouvement mécanique, qui finit ou commence. Les objets des instincts, voilà le bien. L’homme est soumis aux mêmes lois que la nature. Pouvoir et liberté sont identiques.

    « Hobbes avait systématisé Bacon, mais sans avoir fondé plus précisément son principe de base, aux termes duquel les connaissances et les idées ont leur origine dans le monde sensible. C’est Locke qui, dans son Essai sur l’entendement humain, a donné un fondement au principe de Bacon et de Hobbes.

    « De même que Hobbes anéantissait les préjugés théistes du matérialisme baconien, de même Collins, Dodwell, Coward, Hartley, Priestley, etc., firent tomber la dernière barrière théologique qui entourait le sensualisme de Locke. Pour le matérialiste tout au moins, le déisme n’est qu’un moyen commode et paresseux de se débarrasser de la religion »

    Voilà ce qu’écrivait Marx à propos de l’origine britannique du matérialisme moderne. Si les Anglais d’aujourd’hui n’apprécient pas particulièrement l’hommage ainsi rendu à leurs ancêtres, ce n’en est que plus triste ! Il n’en reste pas moins indéniable que Bacon, Hobbes et Locke sont les pères de cette brillante pléiade de matérialistes français qui, en dépit des victoires sur terre et sur mer remportées sur la France par les Anglais et les Allemands, firent du XVIIle siècle le siècle français par excellence, même avant son couronnement par la Révolution française, dont nous essayons encore, tant en Angleterre qu’en Allemagne, d’acclimater les résultats

    Il n’y a pas à le nier : l’étranger cultivé qui, vers le milieu du siècle, élisait domicile en Angleterre, était frappé d’une chose, et c’était ce qu’il ne pouvait s’empêcher de tenir alors pour la stupidité et la bigoterie religieuse de la respectable classe moyenne anglaise. Quant à nous, nous étions à cette époque tous matérialistes ou tout au moins des libres penseurs très avancés ; il nous paraissait inconcevable que presque tous les gens cultivés pussent ajouter foi à toutes sortes d’impossibles miracles et que même des géologues, comme Buckland et Mantell, fassent violence aux objets de leur science pour qu’ils ne soient pas trop en contradiction avec les mythes de la Genèse : tandis que pour rencontrer des hommes osant se servir de leurs facultés intellectuelles en matière religieuse, il fallait aller parmi les gens incultes, le peuple des « crasseux », comme on les dénommait, parmi les travailleurs spécialement parmi les socialistes oweniens.

    Mais, depuis. l’Angleterre s’est « civilisée ». L’exposition de 1851 sonna le glas de son exclusivisme insulaire : elle s’est graduellement internationalisée pour la nourriture, les moeurs et les idées ; à tel point que je me prends ;i souhaiter que certaines coutumes et habitudes anglaises fassent autant de chemin sur le continent, que d’autres coutumes continentales en ont fait ici. N’importe, l’introduction et les progrès de l’huile à salade, (que seule l’aristocratie connaissait avant 1851, se sont accompagnés d’une fâcheuse propagation du scepticisme continental en matière religieuse et le résultat en est que l agnosticisme, sans être encore tenu pour aussi « comme il faut » que l’Église d’Angleterre, est placé, en ce qui regarde la respectabilité, presque sur le même plan que le baptisme, mais incontestablement au-dessus de l’Armée du salut. Je ne puis m’empêcher de songer que, dans ces circonstances, ce sera une consolation pour beaucoup qui déplorent et maudissent sincèrement les progrès de l’incroyance d’apprendre que ces « lubies de fraîche date » ne sont pas d’origine étrangère et « fabriquées en Allemagne », ainsi que beaucoup d’autres objets d’usage courant, mais qu’elles sont incontestablement tout ce qu’il y a de plus Vieille Angleterre et que les Anglais d’il y a deux cents ans qui les mirent au monde allaient bien plus loin que n’osent le faire leurs descendants d’aujourd’hui. »

    Engels, Socialisme scientifique et utopique

  • Xénophane :

    « Les hommes ont peint les dieux à leur image… Si les bœufs et les chevaux et les lions avaient des mains et pouvaient, avec leurs mains, peindre et produire des œuvres comme les hommes, les chevaux peindraient des figures de dieux pareilles à des chevaux, et les bœufs pareilles à des bœufs. »

  • Chârvâka :

    « Je plains ceux qui, renonçant aux plaisirs du monde, cherchent à acquérir des mérites pour être heureux dans l’Au-delà et se plongent dans une mort qui n’en finit pas ; je ne plains pas les autres... Sois sage, Râma, il n’y a de monde que celui-ci, c’est certain ! Jouis du présent et jette derrière toi ce qui ne te plaît pas. »

    Aucun des textes originaux de cette école - en particulier le Bârhaspatyasûtra, aussi connu sous le nom de Lokâyatasûtra - n’a été préservé, probablement détruits par leurs adversaires brahmanes qui les avaient combattus. Ses principales idées nous sont connues seulement via des fragments cités par ses adversaires hindous et bouddhistes qui en firent la critique dans leurs écrits, parmi lesquels le Chhândogya Upanisad, le Mahâbhârata (Shalya-parva et Shânti-parva), la pièce Prabodhachandrodaya de Krishnamishra, le Sârvadarshanasamgraha (Résumé des conclusions de toutes les doctrines) de Mâdhavâchrya, le Nyâyasûtabhâshya de Pakshilasvâmin Vâtsyâyana, la Nyayakandali de Shrîdhara , la Nyâyamanjarî de Jayanta et le Bhâmati de Vâchaspatimishra.
    Selon la philosophie du Chârvâka, toute connaissance dérive des sens, les écrits religieux n’ont aucun sens et sont du bavardage infantile.

  • Kaṇāda :

    Un siècle avant Démocrite, le philosophe indien Kanada propose une conception atomique de la matière. Il semble que l’atomisme Grec ne soit pas une copie mais qu’il ait été indépendamment développé en Grêce pour répondre aux paradoxes des éléates, et aux problèmes posés par la théorie de l’infinie divisibilité de la matière d’Anaxagore (voir Lucrèce, livre I). En fait, les atomes de Kanada présentent bien des différences avec ceux de Démocrite. Pour Kanada, les atomes sont manipulés par un Dieu transcendant, alors que pour Démocrite, ils sont l’être absolu (le vide étant le non-être) et donc existent par eux-mêmes. L’atomisme de Kanada n’est pas vraiment un matérialisme au sens occidental. D’autre part, il y a 9 sortes d’atomes chez Kanada alors que pour Démocrite, il y en a une infinité.

  • Kapila, auteur du Sânkhya primitif, paraît avoir attaqué dans ses procédés, dans ses résultats et dans ses dogmes la doctrine des théologiens. C’est lui qui fit cette première tentative d’émancipation, au nom de la raison humaine ; mais sa raison, non encore dirigée par des méthodes bien conçues, se porta tout d’abord aux derniers excès de la négation. Selon Kapila, c’est d’une substance primitive (avyaktam) que le monde est sorti, et non d’une émanation de Brâhma ; et c’est aussi de ce principe insaisissable qu’est issue l’âme, soit sous sa forme universelle, soit dans les individus

  • Diderot dans « Pensées philosophiques » :

    « On demandait un jour à quelqu’un s’il y avait de vrais athées. Croyez-vous, répondit-il, qu’il y ait de vrais chrétiens ? »

    Diderot démontrant ainsi que la religion est dans l’état d’esprit d’une époque et pas dans la force de l’écrit :

    « La religion de Jésus-Christ, annoncée par des ignorants, a fait les premiers chrétiens. La même religion, prêchée par des savants et des docteurs, ne fait aujourd’hui que des incrédules. »

  • Chers Amis,
    Je serai heureux de vous adresser un petit essai philosophique "Introduction au Déterminisme Universel".
    Merci de m’indiquer l’adresse mail où vous le fare parvenir.
    Bien cordialement
    Gilbert GUSTINE
    gilbert.gustine@sfr.fr

  • Pouvez-vous citer des philosophes chinois matérialistes ?

  • On peut citer par exemple Mozi et un grand nombre de ses disciples.

    voir ici

  • Materialism developed, possibly independently, in several geographically separated regions of Eurasia during what Karl Jaspers termed the Axial Age (approximately 800 to 200 BC).

    In Ancient Indian philosophy, materialism developed around 600 BC with the works of Ajita Kesakambali, Payasi, Kanada, and the proponents of the Cārvāka school of philosophy. Kanada became one of the early proponents of atomism. The Nyaya–Vaisesika school (600 BC - 100 BC) developed one of the earliest forms of atomism, though their proofs of God and their positing that consciousness was not material precludes labelling them as materialists. Buddhist atomism and the Jaina school continued the atomic tradition.

    Xunzi (ca. 312–230 BC) developed a Confucian doctrine centered on realism and materialism in Ancient China.[citation needed]

    Ancient Greek philosophers like Thales, Anaxagoras (ca. 500 BC – 428 BC), Epicurus and Democritus prefigure later materialists. The Latin poem De Rerum Natura by Lucretius (ca. 99 BC – ca. 55 BC) reflects the mechanistic philosophy of Democritus and Epicurus. According to this view, all that exists is matter and void, and all phenomena result from different motions and conglomerations of base material particles called "atoms" (literally : "indivisibles"). De Rerum Natura provides mechanistic explanations for phenomena such as erosion, evaporation, wind, and sound. Famous principles like "nothing can touch body but body" first appeared in the works of Lucretius. Democritus and Epicurus however did not hold to a monist ontology since they held to the ontological separation of matter and space i.e. space being "another kind" of being, indicating that the definition of "materialism" is wider than given scope for in this explanation.

    Chinese thinkers of the early common era said to be materialists include Yang Xiong (53 BC – AD 18) and Wang Chong (c AD 27 – AD 100).

    Later Indian materialist Jayaraashi Bhatta (6th century) in his work Tattvopaplavasimha ("The upsetting of all principles") refuted the Nyaya Sutra epistemology. The materialistic Cārvāka philosophy appears to have died out some time after 1400. When Madhavacharya compiled Sarva-darśana-samgraha (a digest of all philosophies) in the 14th century, he had no Cārvāka/Lokāyata text to quote from, or even refer to.[5]

    In early 12th-century al-Andalus, the Arabian philosopher, Ibn Tufail (Abubacer), wrote discussions on materialism in his philosophical novel, Hayy ibn Yaqdhan (Philosophus Autodidactus), while vaguely foreshadowing the idea of a historical materialism.[6]

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