mardi 8 mars 2011
Femme, ma soeur, ta révolution est la mienne !
Quand les femmes s’y mettent, c’est le signe de la révolution sociale ...
Aux origines de la lutte en Egypte
Extrait du Badil, journal indépendant daté du 12 avril :
« Trente femmes appartenant aux familles des personnes incarcérées dans la ville de Mahalla el-Koubra, ont entamé une grève illimitée de la faim, et se sont installées devant le commissariat principal de Mahalla, pour exiger la libération des prisonniers. La municipalité les a déplacées au camp militaire à cause des rassemblements pour la prière et en prévision du déclenchement de manifestations. 3000 ouvriers de la compagnie de teinturerie Nasser ont reconduit leur grève mardi dernier ainsi que les 1200 ouvriers de la compagnie égyptienne de textiles protestant contre l’absence d’égalité avec leurs collègues de la société Misr Fillages et Tissages(1). Les familles des prisonniers ont bloqué la route devant le commissariat principal de Mahalla, dimanche soir dernier, exigeant des informations sur les lieux de rétention de leurs enfants ainsi que leur libération immédiate. 700 citoyens parmi les gens de la région se sont portés solidaires. La sécurité a utilisé les lances à incendie des voitures de pompiers pour disperser le rassemblement« ….
Le monde entier a vu les images des émeutes souvent violentes à Mahalla ces derniers jours. Voitures incendiées, magasins dévastés, écoles mises à sac…Les ouvriers, notamment des industries textiles de cette région, en lutte depuis des mois pour des augmentations de salaires, ne sont sans doute pas les auteurs de tous ces saccages dont ils seront souvent les premières victimes. Mais la recette est aussi éculée ici qu’ailleurs…
Ces manifestations ont fait un mort (un jeune de quinze ans) et plus de 200 blessés dont certains ont été photographiés par la presse ligottés par des menottes à leur lit d’hôpital. Il faut dire que les forces de sécurité ne se sont pas contentées des lances à eau mais ont aussi utilisé les gaz lacrymo, les balles en caoutchouc et réelles, et leurs matraques bien sûr."
Les femmes, défiant tabous et stéréotypes, se sont imposées comme des actrices essentielles dans les différents soulèvements populaires qui secouent des régimes autocratiques du monde arabe.
"Les femmes ont joué et continuent à jouer un rôle à part entière dans les soulèvements et les révolutions dans la région, et ce qui est essentiel, c’est qu’elles sont là en nombre, physiquement, dans les rues", estime Nadim Houry, chercheur chez Human Rights Watch.
"C’est un signe d’espoir", dit-il, soulignant que les femmes "devraient maintenant jouer un rôle clef dans les nouvelles institutions issues de ces révolutions".
Que cela soit en jean-T Shirt ou drapées de noir, des dizaines de milliers de femmes ont fait entendre leur voix, dans les rues de Tunis, du Caire, de Manama ou de Sanaa, réclamant des réformes dans ces pays
A Bahreïn, où des milliers de manifestants majoritairement chiites réclament la chute de la dynastie sunnite des Al-Khalifa, les femmes ont participé en masse à la mobilisation, leur traditionnelles abayas formant un océan noir au sein des manifestations où hommes et femmes défilent séparément.
Dans des pays conservateurs, comme en Libye ou au Yémen, les femmes ont défié les normes sociales pour se joindre à la contestation, défilant dans la rue et parlant ouvertement aux journalistes, face caméra.
"Les femmes jouent un rôle essentiel dans la région (...) et elles ont été un facteur-clé pour le démarrage" de la révolution, estime Tawakoul Karman, une militante yéménite, fer de lance de la mobilisation féminine contre le président du Yémen Ali Abdallah Saleh.
"La révolution vise avant tout à renverser le régime. Mais elle a aussi permis de venir à bout de traditions archaïques, selon lesquelles une femme devait rester à la maison et en dehors de la politique", se réjouit-elle.
"C’est aussi une révolution sociale. Le rôle joué par les femmes permet de créer une nouvelle société. Au Yémen, la révolution a permis aux femmes de trouver une meilleure place," souligne-t-elle.
La parole des femmes ne s’est pas libérée seulement dans la rue.
Si des femmes de toutes les couches de la société ont défilé, les plus jeunes et les plus éduquées se sont aussi tournées vers les nouveaux médias, afin d’appeler au changement dans leur pays.
Asma Mahfouz, une jeune Egyptienne dont le blog vidéo appelant à la mobilisation a connu un énorme succès, est considérée comme l’une des voix ayant déclenché la révolte sans précédent qui a entraîné la chute du président égyptien Hosni Moubarak le 11 février.
"Si quelqu’un pense que les femmes ne devraient pas manifester, qu’il se comporte en homme et ose descendre avec moi dans la rue le 25 janvier", avait notamment lancé la jeune militante, voilée, dans une vidéo en arabe postée sur You Tube.
En Arabie saoudite, où il n’y pas eu de mobilisation massive, des voix commencent cependant à se faire entendre notamment sous des pseudonymes féminins, via Facebook ou Twitter.
"J’appelle les Saoudiennes à agir maintenant. Nos frères saoudiens nous ont trahies, car ce sont des lâches", écrit par exemple #SaudiWomenRevolution.
Si le futur paysage politique de la région est encore très incertain, les soulèvements ont révélé un mécontentement concernant le système tant politique que social, selon les analystes.
"L’important dans les soulèvements en Egypte ou en Libye par exemple, ce n’est pas seulement de se débarrasser du numéro un du régime, de chasser le dictateur", estime M. Houry.
"Il s’agit aussi de se débarrasser de tous les +-ismes+ qui font que cette région est à la traîne : sexisme, confessionnalisme..."