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Le NPA-Fraction l’Etincelle attaque son ancienne idole "notre candidat P. Poutou" en justice. Ces querelles entre les deux NPA ont-elles un intérêt pour les travailleurs ?
mercredi 13 mars 2024
Résumé des épisodes précédents
Les deux NPA(s) issus de la scission du NPA qui eut lieu au Congrès de ce parti en décembre 2022 se déchirent sur la place publique.
Un des derniers épisodes est le communiqué du 6 mars de la Fraction (dit NPA-C).
Rappelons que la Fraction l’Etincelle a été exclue de LO en 2008 et a rejoint le NPA dès sa fondation en 2009. La Fraction a abandonné peu à peu le terrain du trotskysme pour se convertir à l’anticapitalisme. La Fraction a toujours soutenu P. Poutou "notre candidat" à toutes les élections, sous prétexte qu’il était ouvrier, même alors qu’à des élections régionales Poutou soutenait une candidature commune avec LFI aux élections. La Fraction est pour l’unité avec Poutou et Besancenot, ce sont ces derniers qui veulent se séparer.
Ces querelles entre les deux NPA ont peu d’intérêt pour les travailleurs
Se déchirer en public est-il un échec dans le processus de construction d’un parti de type bolchévik-léniniste ? Pas nécessairement, c’est assez courant.
Mais premièrement, la Fraction ne souhaite pas construire un parti de type bolchévik-léniniste :
Pour les (...) anticapitalistes que nous sommes
Lénine et Trotsky se disaient communistes, pas "anticapitalistes". L’anticapitalisme est un fourre-tout, dont tous les courants sont réactionnaires, sauf le courant réellement communiste. La Fraction s’est convertie à la démarche de la LCR qui en 2009 devint le NPA, faisant disparaitre l’adjectif "communiste" de son appellation. L’adjectif "communiste" est absent également du communiqué de la Fraction.
Deuxièmement, les prétendus désaccords de la Fraction avec le NPA seraient hautement "politiques", alors qu’en fait ils sont surtout politiciens, le seul désaccord s’exprimant à propos des prochaines élections bourgeoises. La politique pour la Fraction ne concerne pas les luttes des travailleurs, mais les élections, la Fraction en fait l’aveu elle même :
Nous favorisons l’unité la plus large entre organisations dans les luttes, mais nous maintenons notre indépendance politique sur le programme, donc notamment à l’occasion des élections.
Ainsi, un programme "indépendant" n’est pas de mise "dans les luttes", mais seulement "à l’occasion des élections" ! Que cela est bien dit ! La sincérité de la Fraction est désarmante.
Au contraire, les révolutionnaires ont un programme "indépendant" (plutôt : prolétarien révolutionnaire) de celui des réformistes dans les luttes : mise en place de comités de grèves, dénonciation des directions syndicales comme agents de la bourgeoisie, dans le mouvement ouvrier, anti-patriotisme, anti-militarisme etc. Or la Fraction n’a jamais défendu aucune politique dans les mouvements, ses désaccords avec le NPA de Poutou ne concernent aucun des mouvements récents (retraites, Palestine etc) !
Certes les révolutionnaires peuvent prêcher "l’union des organisations", mais le B. A. BA est de rappeler que cela se fait dans le cadre d’une politique de Front unique ouvrier, expliqué au IIIème congrès de l’IC. La Fraction n’a pas ce type de politique bolchévique pour référence.
On peut d’ailleurs placer LO, RP dans la liste de ces groupuscules : toutes leurs scissions, excommunications réciproques ne se traduisent jamais par des désaccords dans les mouvements, car ils suivent les directions syndicales. Des querelles qui pour un militant ouvrier n’ont aucune conséquence dans la politique révolutionnaire concernant les luttes les plus élémentaires n’ont pas beaucoup d’intérêt.
La Fraction prétend dénoncer l’alliance du NPA de Poutou avec LFI. Mais en 2021 le NPA (donc la Fraction) se présentait déjà avec LFI (voir par exempleici et ici) et en 2022 Poutou était encore l’idole de la Fraction (voir ici) .
La Fraction jubile à propos du refus de la part de LFI qu’a essuyé le NPA :
Quand on remplace la lutte des classes par la lutte des places, la défense d’un programme révolutionnaire par le ralliement électoral à la gauche institutionnelle, on s’expose à des déconvenues ! (...)
La FI plaide pour un introuvable capitalisme à visage humain, nous voulons le renverser.
On peut faire remarquer à la Fraction qu’elle même face à LO est exactement dans la même situation que le NPA face à LFI, car LO a éconduit la Fraction qui avait proposé une liste commune à cette organisation. La Fraction fait certes référence au refus de LO dans son communiqué, mais en plaçant ce refus sur un terrain bien supérieur à celui NPA-LFI, or malheureusement ça n’est pas le cas : la Fraction cherche un refuge, comme elle le fit en 2009 au NPA. La Fraction rappelle dans "Qui sommes nous ?" sur son site, que LO en 2008 l’a exclue dans le cadre d’accords LO-PS aux élections. La Fraction est donc comme le vrai NPA, prête à des accords avec la gauche réformiste, même si c’est indirectement à travers un accord avec LO ! Car cette alliance PS-LO, la Fraction ne la dénonce plus, l’a oubliée. La Fraction a tapé (à juste titre) sur LO concernant ces listes avec le PS ... puis propose de s’allier avec LO, justement pour des élections ?
Pourquoi la Fraction n’emploie-t-elle pas les termes "gauche bourgeoise, gouvernementale", mais le terme obscur de "gauche institutionnelle" ? Parce que "bourgeois" implique une rupture claire et nette, or la Fraction, en centriste conséquent, ne peut aller jusqu’à une telle rupture. Mais surtout, le courant LFI, dans les syndicats, n’est plus "institutionnel", la Fraction peut donc fraterniser avec cette gauche et les autres, alors que pour un révolutionnaire prolétarien, un militant d’un courant bourgeois reste un militant d’un courant bourgeois, qu’ils soit dans un parti ou un syndicat.
Le fait que "dans les luttes" la Fraction fraternise avec la gauche bourgeoise qu’elle prétend dénoncer dans les élections est illustré par le récent compte rendu que ce groupuscule fait d’une grève d’enseignants dans le 93.
S’il est un secteur ou tous les partis de gauche (LO, tous les NPA, LFI, PC, PS, EELV etc) sont présents dans les grèves, c’est bien le microcosme enseignant du 93.
Or que sont devenus les militants de cette "gauches institutionnelle" qui plaide pour "un introuvable capitalisme à visage humain" ? Ce NPA de Poutou que la Fraction dénonce ? Des "frères d’armes dans les luttes" ! La Fraction était sincère quand elle reconnaissait n’avoir aucun programme dans les luttes, mais seulement dans les élections. Pour illustrer comment La Fraction fraternise avec cette gauche bourgeoise dans les luttes ("Nous favorisons l’unité la plus large entre organisations dans les luttes"), citons son compte rendu. C’est nous qui soulignons les termes typiques de la prose centriste :
Depuis le lundi 26 février, date du retour des vacances d’hiver sur l’Île-de-France, une grève historique secoue le département de Seine-Saint-Denis dans l’Éducation nationale. Après une semaine de grèves très fortes les 26 et 27 février, reconduites dans beaucoup d’établissements sur toute la semaine, avec des assemblées générales quasi quotidiennes, par bassin, mais aussi départementales, la journée du 7 mars a marqué un nouvel approfondissement dans la mobilisation, avec un taux de grève de 60 % dans le second degré, et de 45 % dans le premier, des taux jamais vus. 4500 manifestants ont défilé à Paris, pour la plupart de Seine-Saint-Denis, mais aussi d’autres départements comme le 95, le 75, le 78 ou le 94. Une assemblée générale a rassemblé plus de 450 personnes à la bourse du travail de Paris, dans une ambiance électrique.
Cette mobilisation est également marquée par de nombreuses réunions d’information qui réunissent un nombre très important de parents : 150 à Aulnay, 150 à Bagnolet, plus d’une cinquantaine au Pré-Saint-Gervais… Samedi 9 mars, une manifestation a réuni plus de 200 personnes entre les villes de Sevran et Aulnay, des enseignants, enseignantes et d’autres agents de l’éducation nationale, mais pour la plupart des parents et également des lycéens et lycéennes.
Cette grève a été préparée depuis plusieurs mois par l’intersyndicale départementale CGT-SUD-FSU-CNT, à laquelle s’est finalement ajouté FO lorsque cette dernière a vu la puissance de la mobilisation, avec des revendications précises : 5200 créations de postes d’enseignants, 175 de CPE, 650 d’AED, pas plus de 20 élèves par classe, et une rénovation urgente du bâti. Mais bien évidemment, si cette mobilisation est si forte, c’est parce qu’elle a rencontré celle, lancée dès avant les vacances, notamment les 1er et 6 février, contre la brutale réforme du « choc des savoirs », avec des « groupes de niveau », qu’ils s’appellent d’ailleurs ainsi dans la bouche d’Attal, ou « groupes de besoin » dans celle de Belloubet. Après celle des lycées, et comme le crient bien des grévistes dans la rue, « c’est la réforme de trop ! » C’est bien pour cela que les collèges jouent un rôle moteur dans la mobilisation. Comme le disent les grévistes et l’intersyndicale : contre le choc des savoirs, il faut un choc des moyens et des salaires !
D’ailleurs, cette mobilisation commence d’ores et déjà à s’élargir au-delà du 93. À l’AG du 7 mars étaient aussi représentés des enseignants du 75 et du 94, mais surtout des collègues de Garges-lès-Gonesse, dans le Val -d’Oise (95), qui ont occupé le rectorat de Versailles pendant quatre jours pour exiger des moyens pour leurs établissements. Une présence remarquée, et qui a été saluée par un slogan scandé dans la salle : 93-95 même combat ! Car oui, au-delà du 93, ces revendications parlent à l’ensemble des collègues qui enseignent dans des établissements de quartiers populaires, à l’ensemble du personnel, à l’ensemble des familles ouvrières qui ne veulent pas que leurs enfants soient victimes du tri social, relégués dans « les classes des nuls » et dans des établissements délabrés et indignes.
L’AG soutenue par l’intersyndicale s’est déclarée ainsi « solidaire de toutes les mobilisations qui se construisent sur l’ensemble du territoire dont des camarades du 75, du 78, du 95 et du 94 sont venu.es témoigner à la bourse du travail de Paris ».
L’AG du 93 a appelé à une journée de grève massive le jeudi 14 mars. Une journée qui, encore, devrait être puissante sur le département, avec des manifestations convergentes sur Bobigny, où se trouve la direction des services de l’Éducation nationale. De son côté, l’AG parisienne a appelé à une journée de grève et d’établissements déserts le 12 mars.
Le 19 mars, l’intersyndicale nationale appelle à journée de grève de toute la fonction publique. D’ores et déjà, l’AG du 93 appelle à reconduire les 20, 21 et 22 mars. Une décision qui a été votée également dans d’autres AG dans d’autres départements, comme en Loire-Atlantique, ou encore dans les Pyrénées-Atlantiques… Oui le département du 93 est emblématique de toutes les attaques contre l’éducation dans les quartiers pauvres, mais pour cette raison, c’est bien la question de l’affrontement avec le gouvernement au niveau national qui se pose !
Aurélien Perenna
La question d’un comité de grève, d’une coordination ne se pose même pas ! Cette grève est "historique" comme le précédent mouvement des retraites, on ne sait jamais trop ce que cet adjectif vient faire là, plusieurs fois pas an. Nous ne savons pas ce que donnera cette grève, mais dirigée par les syndicats elle est très mal partie !
Nous sommes en désaccord programmatique complet avec la Fraction, le lecteur l’aura compris. Pourtant un compte-rendu sincère, pas apologétique d’un tel mouvement du 93 serait précieux, et nous le diffuserions volontiers.
C’est dans l’appréciation, la discussion d’une politique concernant ces mouvements que des militants de différentes organisations, même après des querelles séculaires, pourront poser les bases d’une future organisation commune. Or la Fraction ne fait plus ce travail, le compte rendu ci-dessus est du triomphalisme stalinien, sans valeur, car tout y est décrit, sauf l’âme du mouvement, ses réelles perspectives. La Fraction n’y a aucune politique, ne propose aucun tract que des révolutionnaires pourraient diffuser pour populariser la grève. Car les directions syndicales ne tolèrent pas des tracts concurrents, germes de l’auto-organisation.
La cerise sur le gâteau de ce communiqué du NPA-C, intitulé Méfiez-vous des contrefaçons !, est que le vrai NPA fait exactement le même type de compte-rendu du même mouvement, voir : Éducation nationale : dans le 93, une grève historique qui parle à l’ensemble des collègues, et qui s’étend. On remarquera la marque centriste : "grève historique", les deux NPAs se ressemblent bien.
Donc le vrai NPA fait la promotion de ce mouvement du 93, mais dans ce mouvement, qui parait essentiel aux deux NPA, le NPA- Fraction ne dit pas aux travailleurs de l’éducation Méfiez-vous des contrefaçons !, méfiez vous de Poutou, larbin des directions syndicales, agents de la bourgeoisie dans le mouvement enseignant.
Or c’est dans les luttes qu’il faut dire Méfiez-vous des contrefaçons !, c’est la fonction d’un parti révolutionnaire. Un parti réformiste ne le fait ni dans les AGs ni dans ses publications, un parti centriste ne le fait pas dans les AGs mais seulement dans ses publications confidentielles, pour consolider "l’organisation", en convaincant les adhérents que le parti est "vraiment révolutionnaire", mais que cela va contre le mouvement de dénoncer les directions syndicales en AG (centrisme unitaire type NPA, POI), ou que c’est inutile car "les travailleurs ne comprendraient pas", ils ont une "mentalité d’esclave" (centrisme sectaire type LO).
C’est la définition que Lénine donnait d’un groupuscule : un groupe politique qui ne défend pas ses idées (Méfiez-vous des contrefaçons !) ouvertement devant la masse des travailleurs, mais seulement dans des publications internes, pour ses militants.
Bref, les travailleurs en lutte, comme ceux de l’enseignement du 93 aujourd’hui, n’ont jamais été invités par la Fraction aux débats entre les deux NPAs, ni pendant leurs luttes ni avant ni après. Les travailleurs n’ont donc aucune raison de prendre position pour la Fraction face au vrai NPA.
Conclusion
Toutes les querelles entre les deux NPA concernent peu les militants révolutionnaires car les deux NPAs sont à leur manière une caution des bureaucraties syndicales visant à l’étouffement des germes d’auto-organisation. Un seul NPA suffit largement pour faire l’apologie des intersyndicales !
Deux NPAs donnent seulement l’occasion à tout militant révolutionnaire, pour sa formation, d’observer deux types de centristes, trois avec LO. Dans tous les mouvements récents, ce sont ces centristes qui sont souvent les plus agressifs contre toute intervention dans une AG en faveur de l’auto-organisation, ets ils sont déguisés en révolutionnaires. Ces deux NPAs sont, à ce jour, deux poisons centristes à combattre.
Il est regrettable que ce soit la justice bourgeoise qui soit amenée, sans doute bientôt, à dissoudre le NPA-Fraction pour usurpation de logo, au lieu que ce soient des militants de la Fraction eux-mêmes qui fassent le ménage dans leur organisation en renonçant au programme de 2009 bancal du NPA, qui veut concilier réforme et révolution au niveau d’une organisation.
Des militants ouvriers de la Fraction qui quitteraient la voie de l’anticapitalisme, impasse centriste au mieux, réactionnaire au pire (Hitler était anti-capitaliste), pour revenir à celle du communisme, et laisseraient les carriéristes petits-bourgeois "d’extrême gauche" de leur organisation rejoindre le NPA de Poutou et LFI, feraient oeuvre utile !