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A propos de l’Ukraine : le(s) NPA(s) sont bien dans l’Union sacrée

mardi 27 février 2024

"Troupes françaises, impérialisme français, hors d’Ukraine !" est un slogan que l’on cherchera en vain dans les différents textes écrits par le NPA à propos du deuxième anniversaire de l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe.

Une des pires formes de la participation à l’Union sacrée (soutien de 1914 jusqu’à aujourd’hui des organisations syndicales et politiques réformistes à l’impérialisme français) est celle des partis d’extrême-gauche comme LO ou le NPA, qui y participent tout en la dénonçant sous couvert d’un verbiage anti-capitaliste.

Le NPA de Poutou-Besancenot

Reconnaissons le remarquable travail de clarification politique que fait le NPA de Besancenot, qui par un virage à droite de plus en plus ouvert ne méritera bientôt plus le titre de révolutionnaire (qu’il a enlevé de son nom en 2009) et se placera ouvertement dans le camp réformiste.

Un des derniers textes du NPA : Défendons tous les peuples contre les impérialismes, d’où qu’ils viennent ! est une leçon de chose, un cas d’école, à distribuer dans tous les stages d’initiation au marxisme, niveau 1.

Car pour ce NPA, le "d’où qu’ils viennent" exclut ... celui qui vient de France, l’impérialisme français.

Or c’est à l’aune de la lutte contre l’impérialisme français que se mesure le caractère révolutionnaire d’une organisation française.

Dénoncer seulement les impérialismes 1) russe 2) nord-américain, 3) celui de l’OTAN, de 4) l’Union européenne, 5) d’Israël 6) occidental, est se confondre avec une des tendances de l’Union sacrée, en particulier celle de la CGT et du PCF. Quand on dénonce un de ces impérialismes (et il faut bien sûr le faire) , il faut dénoncer deux fois l’impérialisme français !

Le texte du NPA facilite la critique car la France n’est même pas mentionnée dans le texte ! Or l’impérialisme français est un des bourreaux historiques de la nation ukrainienne, un des principaux, avec les impérialismes russes, allemands et polonais qui ont opprimé l’Ukraine dans l’histoire. Le pont Alexandre III, à la gloire de son régime qui était antisémite et anti-ukrainien, en témoigne en plein Paris.

Le NPA de la Fraction l’Etincelle

Ce deuxième NPA, concurrent du "vrai", utilise un style beaucoup plus centriste, mais est tout autant dans l’Union sacrée que le précédent.

Des textes comme

texte 1 : Troupes russes hors d’Ukraine ! Droit du peuple ukrainien à disposer de lui-même ! Halte aux puissances impérialistes de l’Otan qui transforment en dollars le sang des travailleurs et des peuples !

texte 2 : Même si l’intersyndicale le veut, nous on n’y va pas. Nous ne manifesterons pas en soutien à la politique de l’Otan !

sont très trompeurs, mais également à distribuer dans tous les stages d’initiation au marxisme, niveau 2. Après avoir différencié les révolutionnaires et les réformistes, il faut étudier les centristes, c’est plus difficile mais d’autant plus utile, car ils usurpent le drapeau de Marx, Lénine, Trotsky.

Bien entendu, l’acquis principal du stage niveau 1 (les réformistes dénoncent tous les impérialismes sauf le leur) permet déjà de s’orienter : dans les deux titres ce sont encore des impérialismes "étrangers", qui sont dénoncés, pas l’impérialisme français. "Impérialisme français hors d’Ukraine !" manque dans tous les titres, ou le corps du texte de ces articles.

Dans le texte 1, le terme "impérialisme français" n’apparait pas, et les slogans finaux ne visent ni l’impérialisme français ni son armée :

Non à la guerre impérialiste en Ukraine : retrait immédiat des troupes russes d’Ukraine ! Non aux ingérences impérialistes : retrait des troupes de l’Otan de l’est de l’Europe et du monde !

Des slogans comme Troupes françaises partez du Sénégal comme vous êtres parties du Mali, du Burkina, du Niger ! Impérialisme français, hors de Mayotte ! Troupes françaises hors de Roumanie ! sont introuvables dans ces textes.

C’est le péché capital de l’envie (qui prend la forme des profits liés à la guerre) qui est dénoncé :

Le 13 décembre 2022, la guerre n’avait pas un an, que Macron réunissait, en présence de Zelensky, 700 chefs d’entreprises à l’Élysée. On parlait alors d’un marché d’au moins 100 milliards. En apéritif, pour faire saliver ses convives, Macron mettait sur la table un premier contrat de livraison de 20 000 tonnes de rails produits en France par la société allemande Saarstahl. Aujourd’hui le futur marché de la reconstruction est évalué entre 500 et 600 milliards. Pas seulement les rails et les bâtiments, mais les réseaux d’eau, d’électricité, toutes les infrastructures à reconstruire, les champs et villages à déminer…

Travailleurs de Russie et d’Ukraine, mobilisez vous ... mais sans nous

Certes les profits de guerre sont à dénoncer, mais les profits de paix également. Se contenter de différencier les deux est se limiter à un terrain moral.

Ce qui réunit les deux NPA, c’est que leur internationalisme "à la française" consiste à donner des instructions aux travailleurs d’Ukraine et de Russie ... mais qu’il n’y a aurait rien à faire ici : pas une seule grève contre les trusts français profiteurs de guerre n’est à l’ordre du jour !

Par exemple le NPA de Besancenot appelle à Soutenir la résistance populaire ukrainienne. Et organiser la "résistance populaire" des travailleurs en France ? Pas question.

Dans le texte 1, Michelle Verdier pour la Fraction critique d’ailleurs ce slogan du NPA : on commence à comprendre la motivation des textes de la Fraction, ils sont en grande partie dirigés contre le NPA de Besancenot, élections obligent. Michelle Verdier écrit donc (sous-entendu contre la formule de Poutou) :

La solution ne peut venir [des] ennemis des travailleurs mais de l’irruption indépendante des masses ouvrières. Le mot d’ordre de « soutien à la résistance ukrainienne », sans précision du caractère de classe de cette dernière, ne peut qu’entretenir la confusion, et n’aide pas à la nécessaire mobilisation contre la spirale militaire et guerrière dans laquelle les impérialismes mènent les peuples.

Ainsi pour Michelle Verdier, c’est la nature de classe de la "résistance ukrainienne" qui doit être discutée, mais elle est entièrement d’accord avec Poutou en n’envisageant à aucun moment le fait que la "résistance" devrait également exister en France. Non, pour Michelle Verdier, la lutte contre l’impérialisme russe ne doit surtout pas s’inviter chez nous, elle épingle sur une grande carte d’Etat major des petits drapeaux représentant les "travailleurs" et les "bourgeois" (alors que l’autre NPA utilise les drapeaux nationaux, c’est la seule nuance) , mais chez nous, en France, rien, aucun bataillon appelé à la lutte par les généraux de la Fraction :

La première tâche des marxistes révolutionnaires, dans la période, doit être d’aider à cette irruption des masses sur l’arène politique, en toute indépendance des bourgeoisies nationales.

En Russie, nous affirmons notre solidarité totale avec tous les militants et militantes qui s’opposent au régime de Poutine. Nous exigeons la libération de tous les manifestants et manifestantes emprisonnés.

En Ukraine, nous affirmons notre solidarité avec toutes les luttes ouvrières, contre l’utilisation de la guerre par le gouvernement pour limiter les droits ouvriers et démocratiques.

Non, nous n’avons pas censuré ce texte : alors qu’après les paragraphes "En Russie ..., "En Ukraine ...", on attend impatiemment le paragraphe "En France ... " : rien ne vient.

Une des subtilités du centrisme, c’est donc d’utiliser volontiers les termes "travailleurs", "bourgeois". Mais son accord avec le réformisme vient surtout du fait qu’il ne veut pas le faire pour sonpropre pays, pas plus que les réformistes : or c’est en France que les travailleurs de France peuvent le plus agir, même s’agissant de la question de l’Ukraine.

A cause de cela, cet usage abusif de termes de la lutte de classe (les centristes sont pour la lutte de classe à l’étranger, mais pas chez eux) est purement rhétorique, conduisant à des erreurs théoriques. Car dans la question nationale, il n’est pas juste de prétendre comme le fait Michelle Verdier :

Le mot d’ordre de « soutien à la résistance ukrainienne », sans précision du caractère de classe de cette dernière, ne peut qu’entretenir la confusion

Par exemple récemment des militaires du Mali et du Niger ont expulsé l’armée française de leur pays. Les révolutionnaires de France ne peuvent que saluer la défaite de leur impérialismes et exprimer leur "soutien à la résistance nigérienne". Les militaires du Mali et du Niger sont certes entièrement bourgeois. C’est sous le prétexte pseudo-marxiste de ce "caractère de classe" que LO et les deux NPA(s) n’ont jamais utilisé le slogan : "Troupes françaises hors du Niger !", ""Troupes françaises hors du Mali !" Or on est pour la défaite de son propre impérialisme face à l’armée d’une nation opprimée, fût-elle bourgeoise.

Ne pas dire "Troupes françaises hors du Niger" mais crier ""Troupes russes hors d’Ukraine" n’apparait que comme un nationalisme français anti-russe, un "deux poids deux mesures" que les media russes ne se priveront pas d’utiliser.

Le texte 2 de la Fraction est par ailleurs surprenant. Il apparait comme une critique de l’intersyndicale :"Même si l’intersyndicale le veut, nous on n’y va pas. Nous ne manifesterons pas en soutien à la politique de l’Otan !". Ill semble que la Fraction fasse référence à cet appel intersyndical, dommage que, la Fraction n’y fasse pas une référence précise.

Or premièrement cet appel de l’intersyndicale ne mentionne pas l’OTAN ! La Fraction critique l’autre NPA.

Deuxièmement : la Fraction attend beaucoup d’une intersyndicale :

L’appel est signé de la CGC à Solidaires, en passant par la CGT, FO, la FSU, la CFDT et l’Unsa. Tous les logos sont là : une unité exemplaire qu’on aimerait bien connaître pour la solidarité envers les travailleurs et les travailleuses palestiniens…

Alors que Michelle Verdier, dans son texte 1 affirmait :

La solution ne peut venir [des] ennemis des travailleurs mais de l’irruption indépendante des masses ouvrières. Le mot d’ordre de « soutien à la résistance ukrainienne », sans précision du caractère de classe de cette dernière, ne peut qu’entretenir la confusion,

le texte 2 semble donc voir dans l’intersyndicale non pas des "ennemis des travailleurs", comme le font les révolutionnaires, mais "une unité exemplaire qu’on aimerait bien connaître". La communion entre la Fraction et l’intersyndicale est illustré par le fait que l’intersyndicale appelle à "Solidarité avec la résistance des travailleuses et travailleurs ukrainiens !" ; le caractère "ouvrier" que la Fraction cherche dans la "résistance ukrainienne" est calqué sur celui de l’intersyndicale.

La Fraction écrit sur l’intersyndicale :

Comme si l’intersyndicale en avait quoi que ce soit à faire du droit du peuple ukrainien à disposer de lui-même : ce n’est que quand ce droit est instrumentalisé par les grandes puissance que, là, on fait sonner tambour et trompette, alors que pour la Palestine, c’est profil très, très, très bas au moment où un génocide a lieu sous les yeux de toutes et tous. Se mettre à la remorque de l’Otan, la machine de guerre la plus destructrice de tous les temps, et ne rien dire face aux exploits de notre impérialisme… plutôt mourir de honte !

" Comme si l’intersyndicale en avait quoi que ce soit à faire de la retraite à 64 ans " : on aurait aimé lire cela de la part de la Fraction alors qu’elle suivait l’intersyndicale dans tous ses appels aux journées d’(in)actions dans la question des retraites. La distinction que fait la Fraction entre la politique des directions syndicales sur les questions d’Ukraine et de Palestine est ridicule : les directions syndicales sont ralliées à l’impérialisme depuis 1914, les nuances concernant chaque épisode sont secondaires. De plus la Fraction avait vanté sur la question de la Palestine l’existence de "comités" : la Fraction a-t-elle fait le lien dans ces comités avec la question d’Ukraine ? Ou ces Comités sont-ils inexistants ?

Deuxième caractéristique gauchiste : nous n’irons pas manifester avec l’intersyndicale dit la Fraction. Mais pourquoi ne pas avoir posé cette question pendant le mouvement des retraites ? La question d’aller ou pas à ces manifs des intersyndicales se pose en toute occasion. Pourquoi plus à l’occasion de l’Ukraine alors que depuis des années la Fraction suit les intersyndicales ? Cela n’a pas de sens si aucune explication n’est donnée.

Il est possible pour des révolutionnaires d’aller à une telle manifestation avec de grandes banderoles :

"Troupes russes hors d’Ukraine ! Impérialisme français, hors d’Ukraine, de Mayotte et du Sénégal !"

A bas Poutine, vive Lénine !

L’armée impérialiste allemande en Ukraine : plus jamais ça !

Les pogroms des armées franco-polonaises à Lvov (1919) : plus jamais ça !

Armée française en Roumanie et en Ukraine : vive les mutineries de 1919 !

A bas le pacte germano-soviétique !

Stepan Bendera ou de Leonid Brejnev, complices ukrainiens de l’impérialisme occidental : plus jamais ça !

Ces slogans sont-ils justes, gauchistes, anachroniques ? C’est à ce stade qu’une réelle discussion commencerait, au niveau 3. Or les deux NPA rejettent les niveaux 1 et 2, ils se placent sur le terrain du réformisme, donc de l’Union sacrée.

La Fraction jette les acquis de base de la lutte des classes : la force des travailleurs c’est la grève aime répéter la Fraction, sans évoquer la possibilité un seul jour de grève en solidarité avec les palestiniens, ou les ukrainiens ... car l’intersyndicale ne le fait pas.
La Fraction jette les acquis de la lutte ouvrière antiimpérialiste- : aucune mention de "l’impérialisme français" dans un dossier sur la question de l’Ukraine !

La IIème internationale nous a appris a nous orienter dans la lutte entre bourgeois et prolétaires ; la IIIème internationale (1919-1922) nous a appris à combattre les réformistes, les centristes, les impérialismes et mettre en oeuvre le droit des nations à disposer d’elles-mêmes.

Ces deux niveaux de base de formation son nécessaires, pour être capable d’avoir aujourd’hui une politique dans cette question.

Conclusion

Les deux NPA(s) avec des langages différents, sont des compagnons de route de l’impérialisme français. Ne les laissons pas y emmener les portraits de Lénine et Trotsky

Messages

  • La Fraction a utilisé ce texte 1 comme base de son éditorial :

    https://www.convergencesrevolutionnaires.org/Troupes-russes-hors-d-Ukraine-Droit-du-peuple-ukrainien-a-disposer-de-lui-meme-22008?navthem=1

    Cet édito ajoute un point sur ce qu’il faudrait faire en France :

    En Russie, nous affirmons notre solidarité totale avec tous les militants et militantes qui s’opposent au régime de Poutine. Nous exigeons la libération de tous les manifestants et manifestantes emprisonnés.

    • En Ukraine, nous affirmons notre solidarité avec toutes les luttes ouvrières, contre l’utilisation de la guerre par le gouvernement pour limiter les droits ouvriers et démocratiques.

    • Ici en France, nous disons : Non à la hausse des budgets militaires ! Non aux ingérences impérialistes : retrait des troupes de l’Otan de l’est de l’Europe et du monde !

    La question du "budget" de l’Etat bourgeois ressemble à un programme gouvernemental comme celui du PC. Les "ingérences impérialistes" de la France au Niger, Sénégal, Mali, Mayotte ne sont pas mentionnées, l’impérialisme français toujours pas. C’est encore l’Otan qui est fustigé.

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