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Les révolutionnaires, les syndicats et l’unité syndicale

mercredi 27 décembre 2023, par Robert Paris

Léon Trotski

La question de l’unité syndicale

(1931)

La question de l’unité des organisations ouvrières n’est pas sujette à une solution unique, adaptée à toutes les formes d’organisation et à toutes les conditions.

La question se résout de la manière la plus catégorique pour le parti. Son indépendance complète est la condition élémentaire de l’action révolutionnaire. Mais même ce principe ne donne pas d’avance une réponse toute faite aux questions : quand et dans quelles conditions doit se faire la scission, ou au contraire l’unité avec un courant politique voisin ? Ces questions sont résolues chaque fois sur la base d’une analyse concrète des tendances et des conditions politiques. Le critère le plus élevé reste en tout cas la nécessité pour l’avant-garde du prolétariat organisé, le parti, de préserver sa complète indépendance et son autonomie sur la base d’un programme d’action distinct.

Mais précisément une telle solution de la question du parti non seulement admet, mais rend en règle générale indispensable une attitude tout à fait différente à l’égard de la question de l’unité des autres organisations de masse de la classe ouvrière : syndicats, coopératives. , les Soviétiques.

Chacune de ces organisations a ses propres tâches et méthodes de travail et, dans certaines limites, indépendantes. Pour le Parti communiste, toutes ces organisations sont avant tout l’arène de l’éducation révolutionnaire de larges sections ouvrières et du recrutement des ouvriers avancés. Plus la masse d’une organisation donnée est grande, plus grandes sont les possibilités qu’elle offre à l’avant-garde révolutionnaire. C’est pourquoi, en règle générale, ce n’est pas l’aile communiste mais l’aile réformiste qui prend l’initiative de diviser les organisations de masse.

Les bolcheviks et les syndicats

Il suffit de comparer la conduite des bolcheviks en 1917 à celle des syndicats britanniques ces dernières années. Non seulement les bolcheviks sont restés dans les mêmes syndicats que les mencheviks, mais ils ont toléré dans certains syndicats une direction menchevik, même après la révolution d’Octobre, bien que les bolcheviks aient eu l’écrasante majorité dans les soviets. Les syndicats britanniques, au contraire, à l’initiative des travaillistes, non seulement chassent les communistes du parti travailliste, mais aussi, dans la mesure du possible, des syndicats.

En France, la scission des syndicats fut aussi la conséquence de l’initiative des réformistes, et ce n’est pas un hasard si l’organisation syndicale révolutionnaire, contrainte de mener une existence indépendante, a adopté le nom d’organisation unitaire. le nom de la centrale syndicale de gauche en France est « Confédération générale unitaire du travail » – Ed.].

Exigeons-nous aujourd’hui que les communistes quittent les rangs de la Confédération générale du travail [la centrale syndicale de droite] ? Pas du tout. Au contraire : l’aile révolutionnaire au sein de la Confédération de Jouhaux doit être renforcée. Mais nous montrons par là seulement que la scission de l’organisation syndicale n’est en aucun cas pour nous une question de principe. Toutes ces objections de principe ultra-gauchistes qui peuvent être formulées contre l’unité syndicale s’appliquent d’abord à la participation des communistes au C.G. de L. Pourtant, tout révolutionnaire qui n’a pas perdu le contact avec la réalité doit reconnaître que la création de fractions communistes dans les syndicats réformistes est une tâche extrêmement importante. L’une des tâches de ces fractions doit être la défense de l’U.G.C. de L. devant les membres des syndicats réformateurs. Cela ne peut se faire qu’en montrant que les communistes ne veulent pas la scission des syndicats, bien au contraire, qu’ils sont prêts à tout moment à rétablir l’unité syndicale.

Si l’on admet un instant que la scission des syndicats est imposée par le devoir des communistes d’opposer une politique révolutionnaire à celle des réformistes, alors on ne peut se limiter à la seule France : il faut exiger que les communistes, indépendamment de le rapport de forces, rompent avec les syndicats réformistes et constituent aussi leurs propres syndicats en Allemagne, en Angleterre, aux Etats-Unis, etc. Dans certains pays, les partis communistes ont effectivement emprunté cette voie. Dans des cas précis, les réformistes ne laissent aucune autre issue. Dans d’autres cas, les communistes commettent une erreur évidente en tombant dans les provocations des réformistes. Mais jusqu’à présent, les communistes n’ont jamais et nulle part motivé la scission des syndicats par l’inadmissibilité en principe de travailler avec les réformistes dans les organisations des masses prolétariennes.

Sans nous arrêter aux organisations coopératives, dont les expériences n’ajouteront rien d’essentiel à ce qui vient d’être dit, nous prendrons comme exemple les Soviétiques. Cette organisation surgit dans l’une des périodes les plus révolutionnaires, où tous les problèmes sont résolus avec le tranchant d’une lame. Peut-on cependant imaginer ne serait-ce qu’un instant la création de soviets communistes comme contrepoids aux soviets sociaux-démocrates ? Cela reviendrait à tuer l’idée même des Soviétiques. Au début de 1917, les bolcheviks restaient au sein des Soviétiques comme une minorité insignifiante. Pendant des mois – et à une époque où les mois comptaient pour des années, voire des décennies – ils ont toléré une majorité conciliationniste au sein des Soviétiques, même s’ils représentaient déjà une majorité écrasante dans les comités d’usine. Enfin, même après la conquête du pouvoir, les bolcheviks ont toléré les mencheviks au sein des soviets alors que ces derniers représentaient une certaine partie de la classe ouvrière. Ce n’est que lorsque les mencheviks se furent complètement compromis et isolés, transformés en clique, que les Soviétiques les chassèrent d’eux.

En Espagne, où dans un avenir proche le mot d’ordre des soviets pourrait déjà être pratiquement mis à l’ordre du jour, la création même des soviets (juntas< a i = 2>), à condition qu’il y ait une initiative énergique et audacieuse des communistes, ne peut être conçu autrement que par la voie d’un accord d’organisation technique avec les syndicats et les socialistes sur la méthode et la périodicité des élections. députés ouvriers. Avancer, dans ces conditions, l’idée de l’inadmissibilité du travail avec les réformistes dans les organisations de masse serait une des formes de sectarisme les plus désastreuses.

Le réformisme et la classe ouvrière

Comment alors concilier une telle attitude de notre part à l’égard des organisations prolétariennes dirigées par les réformistes avec notre évaluation du réformisme en tant qu’aile gauche de la bourgeoisie impérialiste. Cette contradiction n’est pas formelle mais dialectique, c’est-à-dire. celle qui découle du cours même de la lutte des classes. Une partie considérable de la classe ouvrière (sa majorité dans un certain nombre de pays) rejette notre évaluation du réformisme ; dans d’autres pays, elle n’a même pas encore abordé cette question. Tout le problème consiste précisément à amener ces masses à des conclusions révolutionnaires sur la base de nos expériences communes avec elles. Nous disons aux ouvriers non communistes et anticommunistes : « Aujourd’hui, vous croyez encore aux dirigeants réformistes que nous considérons comme des traîtres. Nous ne pouvons et nous ne souhaitons pas vous imposer notre point de vue par la force. Nous voulons vous convaincre. Essayons donc d’éclairer ensemble et d’examiner les méthodes et les résultats de ces combats. » Cela signifie : liberté totale des groupements au sein des syndicats unis où la discipline syndicale existe pour tous.

Aucune autre position de principe ne peut être proposée.
* * *

Le Comité exécutif de la Ligue [Opposition de gauche en France] donne actuellement, à juste titre, la première place à la question du front unique. C’est la seule façon d’empêcher les réformistes, et surtout leurs agents de gauche, les monattistes. d’opposer aux tâches pratiques de la lutte des classes le mot d’ordre formel de l’unité. Vassart [1], en contrepoids à la ligne officielle stérile, a avancé l’idée du front unique avec les organisations syndicales locales. Cette façon de poser la question est juste dans le sens où lors des grèves locales il s’agit avant tout de travailler avec les syndicats locaux et les fédérations spécifiques. Il est également vrai que les échelons inférieurs de l’appareil réformiste sont plus sensibles à la pression des travailleurs. Mais ce serait une erreur de faire une quelconque différence de principe entre les accords avec les opportunistes locaux et ceux avec leurs chefs. Tout dépend des conditions du moment, de la force de la pression des masses et de la nature des tâches à l’ordre du jour.

Il va de soi que nous ne faisons en aucun cas de l’accord avec les réformistes, que ce soit au niveau local ou central, la condition indispensable et préalable à la lutte dans chaque cas spécifique. Nous ne nous orientons pas selon les réformistes mais selon les circonstances objectives et l’état d’esprit des masses. Il en va de même pour la nature des revendications avancées. Il serait fatal pour nous de nous engager d’avance à accepter le front unique selon les conditions des réformistes, c’est-à-dire sur la base de revendications minimales. Les masses laborieuses ne se lèveront pas dans la lutte au nom de revendications qui leur paraîtraient fantastiques. Mais d’un autre côté, si les revendications sont trop restreintes à l’avance, alors les travailleurs peuvent se dire : « Le jeu n’en vaut pas la chandelle. »

La tâche ne consiste pas à proposer à chaque fois formellement le front unique aux réformistes, mais à leur imposer des conditions qui correspondent le mieux possible à la situation. Tout cela exige une stratégie active et manœuvrière. En tout cas, il est incontestable que c’est précisément et seulement ainsi que l’U.G.C. de L. peut modérer jusqu’à un certain point les conséquences de la division des masses en organisations syndicales, qu’il peut rejeter la responsabilité de la scission sur ceux à qui elle appartient réellement et faire valoir ses propres positions de lutte.

La singularité de la situation en France réside dans le fait que deux organisations syndicales y existent séparément depuis de nombreuses années. Face au reflux du mouvement ces dernières années, les gens se sont habitués à la scission, bien souvent elle a tout simplement été oubliée. Mais on pouvait prévoir que le renouveau dans les rangs de la classe ouvrière ferait inévitablement renaître le mot d’ordre de l’unité des organisations syndicales. Si l’on considère que plus des neuf dixièmes du prolétariat français sont hors syndicats, il devient clair qu’à mesure que cette relance s’accentue, la pression des inorganisés va augmenter. Le mot d’ordre de l’unité n’est qu’une des premières conséquences de cette pression. Avec une politique correcte, cette pression devrait être favorable au Parti communiste et à l’U.G.C. de L.

Si, pour la prochaine période, une politique active de front unique constitue la méthode principale de la stratégie syndicale des communistes français, ce serait néanmoins une grave erreur d’opposer la politique du front unique à celle de l’unité du parti. organisations syndicales.

Le problème du Front unique

Il est tout à fait incontestable que l’unité de la classe ouvrière ne peut être réalisée que sur une base révolutionnaire. La politique du front unique est l’un des moyens de libérer les travailleurs de l’influence réformiste et même, en dernière analyse, d’aboutir à une véritable unité de la classe ouvrière. Nous devons constamment expliquer cette vérité marxiste aux ouvriers avancés. Mais une perspective historique, même la plus correcte, ne peut remplacer l’expérience vécue des masses. Le parti est l’avant-garde, mais dans son travail, notamment syndical, il doit pouvoir pencher vers l’arrière-garde. Elle doit en effet montrer aux travailleurs – une fois, deux et même dix fois s’il le faut – qu’elle est prête à tout moment à les aider à reconstituer l’unité des organisations syndicales. Et dans ce domaine, nous restons fidèles aux principes essentiels de la stratégie marxiste : la combinaison de la lutte pour les réformes avec la lutte pour la révolution.

Quelle est aujourd’hui l’attitude des deux confédérations syndicales à l’égard de l’unité ? Aux yeux des larges cercles ouvriers, il doit apparaître entièrement identique. En réalité, les couches administratives des deux organisations ont déclaré que l’unification ne peut être conçue que « par le bas », sur la base des principes de l’organisation concernée. En se couvrant du slogan de l’unité par le bas, emprunté à l’U.G.C. de L., la confédération réformiste exploite l’oubli de la classe ouvrière et l’ignorance de la jeune génération qui ignore l’œuvre de scission de Jouhaux, Dumoulin et Cie. Dans le même temps, les monattistes assistent Jouhaux en se substituant aux tâches de combat du mouvement ouvrier, le seul mot d’ordre de l’unité syndicale. En honnêtes courtisans, ils dirigent tous leurs efforts contre l’U.G.C. de L. afin d’en détacher le plus grand nombre possible de syndicats, de les regrouper autour d’eux et d’entamer ensuite des négociations sur un pied d’égalité avec la confédération réformiste.

Pour autant que je puisse en juger d’après les documents dont je dispose, Vassart s’est exprimé pour les communistes eux-mêmes en proposant le mot d’ordre d’un congrès d’unification des deux confédérations syndicales. Cette proposition a été catégoriquement rejetée ; quant à son auteur, il était accusé d’avoir pris la place de Monatte. Faute de données, je ne peux pas m’exprimer de manière approfondie sur cette discussion. Mais j’estime que les communistes français n’ont aucune raison d’abandonner le mot d’ordre d’un congrès de fusion. Au contraire.

Les monattistes disent : « Les premiers sont des diviseurs aussi bien que les seconds. Nous seuls sommes pour l’unité. Travailleurs, soutenez-nous ». Les réformistes répondent : « Quant à nous, nous sommes pour l’unité par le bas », c’est-à-dire que « nous » permettrons généreusement aux travailleurs de rejoindre notre organisation. Que doit dire la confédération révolutionnaire à ce sujet ? « Ce n’est pas pour rien que nous nous appelons confédération unitaire. Nous sommes prêts, dès aujourd’hui, à réaliser l’unité de l’organisation syndicale. Mais pour cela, les ouvriers n’ont pas du tout besoin de courtisans suspects qui n’ont aucune organisation syndicale derrière eux et qui se nourrissent des scissions comme des asticots sur une plaie purulente. Nous proposons de préparer et de convoquer après un délai déterminé un congrès de fusion sur la base de la démocratie syndicale. »

Cette manière de poser la question aurait immédiatement coupé le terrain sous les pieds des monattistes, qui constituent une formation politique complètement stérile, mais capable de semer une grande confusion dans les rangs du prolétariat. Mais cette liquidation du groupe des courtisans ne nous coûtera-t-elle pas trop cher ? On objectera que si les réformistes consentaient à un congrès d’unité, les communistes y seraient en minorité et l’U.G.C. de L. devrait céder sa place au G.C. de L,.

Une telle considération ne peut que paraître convaincante à un bureaucrate syndical de gauche qui lutte pour son « indépendance », tout en perdant de vue les perspectives et les tâches du mouvement dans son ensemble. L’unité des deux organisations syndicales, même si l’aile révolutionnaire reste pour un temps minoritaire, se révélerait en peu de temps favorable précisément au communisme et seulement au communisme. L’unité des confédérations entraînerait à sa suite un grand afflux de nouveaux membres. Grâce à cela, l’influence de la crise se refléterait au sein des syndicats de manière plus profonde et plus décisive. L’aile gauche pourrait, au sein de la nouvelle vague montante, entamer une lutte décisive pour la conquête de la confédération unifiée. Préférer une majorité sûre dans une confédération syndicale étroite et isolée au travail d’opposition dans une organisation de masse large et réelle, ne peut être fait que par des sectaires ou des fonctionnaires, mais pas par des révolutionnaires prolétariens.

Pour un marxiste réfléchi, il est tout à fait évident que l’une des raisons qui ont contribué aux erreurs monstrueuses de la direction de l’U.G.C. de L. était dû à une situation où des gens comme Monmousseau, Semard et d’autres, sans préparation théorique ni expérience révolutionnaire, se proclamaient immédiatement « maîtres » d’une organisation indépendante et avaient par conséquent la possibilité de l’expérimenter sous les ordres de Losovsky, Manuilsky et Cie. Il est incontestable que si les réformistes n’étaient pas parvenus à un moment donné à la scission de la confédération, Monmousseau et Cie auraient dû compter avec des masses plus larges. Ce seul fait aurait discipliné leur aventurisme bureaucratique. C’est pourquoi les avantages de l’unité auraient été infiniment plus grands aujourd’hui que ses inconvénients. Si, au sein de la confédération unifiée qui regroupe environ un million d’ouvriers, l’aile révolutionnaire reste minoritaire pendant un an ou deux, ces deux années seraient sans doute plus fructueuses pour l’éducation non seulement des syndicalistes communistes, mais de tout le parti. plus de cinq ans de zigzags « indépendants » dans une U.G.C. de L. de plus en plus faible.

Non, ce n’est pas nous, mais les réformistes, qui devrions craindre l’unité syndicale. S’ils consentent à un congrès d’unité – non pas en paroles mais en fait – cela créerait la possibilité de sortir le mouvement ouvrier en France de l’impasse. Mais c’est justement pour cela que les réformistes n’y consentiront pas.

Les conditions de la crise créent les plus grandes difficultés pour les réformistes, principalement dans le domaine syndical. C’est pourquoi ils trouvent si nécessaire de s’abriter derrière leur flanc gauche ; ce sont les courtisans de l’unité qui leur offrent cet abri. Démasquer le travail de division des réformistes et le parasitisme des monattistes est désormais l’une des tâches les plus importantes et les plus indispensables. Le slogan du congrès d’unité peut grandement contribuer à la solution de cette tâche. Lorsque les monattistes parlent d’unité, ils dirigent ce mot d’ordre contre les communistes ; quand l’U.G.C. de L. proposera lui-même une voie vers l’unité, il portera un coup mortel aux monattistes et affaiblira les réformistes. N’est-ce pas très clair ?

Il est vrai que nous savons d’avance que, grâce à la résistance des réformistes, le mot d’ordre de l’unité ne donnera pas aujourd’hui les grands résultats qu’on obtiendrait dans le cas d’une unité réelle des organisations syndicales. Mais un résultat plus limité, à condition d’une politique correcte de la part des communistes, sera sans aucun doute obtenu. Les larges masses ouvrières verront qui est vraiment pour l’unité et qui est contre, et se convaincront que les services des courtisans ne sont pas nécessaires. Il ne fait aucun doute qu’à long terme les monattistes seront réduits à néant, estime l’U.G.C. de L. se sentira plus fort, et le G.C. de L. plus faible et plus instable.

Mais si les choses en sont ainsi, cela ne revient-il pas – non pas à la réalisation d’une unité effective – mais seulement à une manœuvre ? Cette objection ne peut nous effrayer. C’est ainsi que les réformistes évaluent en particulier toute notre politique de front unique : ils déclarent que nos propositions ne sont qu’une manœuvre parce qu’ils ne veulent pas eux-mêmes diriger la lutte.

Il serait tout à fait faux de faire une différence de principe entre la politique du front unique et celle de la fusion des organisations syndicales. Pourvu que les communistes conservent la complète indépendance de leur parti, de leur fraction syndicale, de toute leur politique, la fusion des confédérations n’est qu’une forme de la politique du front unique, une forme plus étendue et plus large. En rejetant notre proposition, les réformistes la transforment en « manœuvre ». Mais de notre part, c’est une « manœuvre » légitime et indispensable ; ce sont de telles manœuvres qui entraînent les masses laborieuses.
* * *

Le Comité exécutif de la Ligue, répétons-le, a tout à fait raison lorsqu’il répète avec insistance que l’unité d’action ne peut être différée jusqu’à l’unification des organisations syndicales. Cette idée doit être développée comme elle l’a été jusqu’ici, expliquée et appliquée dans la pratique. Mais cela n’exclut pas le devoir de poser hardiment, à un moment déterminé et bien choisi, la question de la fusion des confédérations (ou même de simples fédérations).

Toute la question consiste à savoir si la direction communiste est désormais capable de réaliser une manœuvre aussi audacieuse. L’avenir nous le dira. Mais si le parti et la direction de l’U.G.C. Les députés de L. refusent aujourd’hui de suivre l’avis de la Ligue – ce qui est le plus probable – il se pourrait bien qu’ils soient obligés de le suivre demain. Il est superflu d’ajouter que nous ne fétichisons pas l’unité syndicale. Nous ne remettons aucune question de lutte à l’unité. Il ne s’agit pas pour nous d’une panacée, mais d’une leçon sur des choses concrètes et importantes qui doivent être enseignées aux travailleurs qui ont oublié ou qui ne connaissent pas le passé.

Pour la participation au congrès d’unité, nous ne posons bien entendu aucune condition de principe.

Lorsque les courtisans de l’unité, qui n’ont pas honte des phrases à bas prix, disent que la confédération unie doit se baser sur le principe de la lutte des classes, etc., ils font des acrobaties verbales dans l’intérêt des opportunistes. Comme si un homme sérieux pouvait demander à Jouhaux et Cie de suivre, au nom de l’unité avec les communistes, la voie de la lutte des classes que ces messieurs ont délibérément abandonnée au nom de l’unité avec la bourgeoisie. Et qu’entendent ces courtisans eux-mêmes, tous ces Monattes, Zyromski et Dumoulins, par « lutte des classes » ? Non, nous sommes prêts à tout moment à nous placer sur la base de l’unité syndicale, non pas pour « corriger » (à l’aide de formules charlatanes) les mercenaires du capital, mais pour arracher les travailleurs à leur influence traîtresse. . Les seules conditions que nous posons ont le caractère de garanties organisationnelles de la démocratie syndicale, en premier lieu la liberté de critique de la minorité, à condition bien sûr qu’elle se soumette à la discipline syndicale. Nous ne demandons rien d’autre et, de notre côté, nous ne promettons rien de plus.

Imaginons que le parti, même si ce n’est pas immédiatement, suive nos conseils. Comment le Comité central doit-il agir ? Il serait d’abord obligé de préparer soigneusement au sein du parti le plan de campagne, de l’examiner dans toutes les fractions syndicales conformément aux conditions syndicales locales, afin que le mot d’ordre de l’unité puisse être efficacement lancé simultanément d’en haut et par le bas. Ce n’est qu’après une préparation et une élaboration minutieuses, après avoir éliminé tous les doutes et malentendus dans ses propres rangs, que la direction de la Confédération unitaire s’adresse à la direction de la Confédération réformiste avec des propositions concrètement élaborées : créer une commission paritaire pour la préparation, dans un délai de deux bouches par exemple, du congrès d’unification syndicale auquel toutes les organisations syndicales du pays doivent avoir accès. Simultanément, les organisations unitaires locales s’adressent aux organisations réformistes locales avec la même proposition, formulée avec précision et concret.

Le Parti communiste développe une large agitation dans le pays, soutenant et expliquant l’initiative de l’U.G.C. de L. L’attention des cercles ouvriers les plus larges, et en premier lieu celle des ouvriers de la Confédération, doit se concentrer pendant un certain temps sur la simple idée que les communistes proposent de réaliser immédiatement l’unité organisationnelle des organisations syndicales. Quelle que soit l’attitude des réformistes. quelles que soient les ruses auxquelles ils recourent, les communistes sortiront avec profit de cette campagne, même si elle ne se réduit, pour la première fois, qu’à une manifestation.

La lutte au nom du front unique ne cesse pas, pendant cette période, une seule minute. Les communistes continuent d’attaquer les réformistes dans les provinces et au centre, s’appuyant sur l’activité croissante des ouvriers, renouvelant toutes leurs offres d’actions de lutte sur la base de la politique du front unique, démasquant les réformistes, renforçant leur propre politique. grades, etc. Et cela pourrait bien arriver dans six mois. Dans un an ou deux, les communistes seront obligés de réitérer leur proposition de fusion des confédérations syndicales et, par là, de mettre les réformistes dans une position plus difficile que la première fois.

La véritable politique bolchevique doit avoir précisément ce caractère à la fois offensif, audacieux et manœuvrier. C’est seulement par cette voie que le mouvement pourra être préservé de la stagnation, purgé des formations parasites, et que l’évolution de la classe ouvrière vers la révolution s’accélérera.

La leçon proposée ci-dessus n’a aucun sens et ne peut aboutir que si l’initiative vient de l’U.G.C. de L. et du parti communiste. La tâche de la Ligue ne consiste naturellement pas à promouvoir de manière indépendante le mot d’ordre du congrès de l’unité, en s’opposant aussi bien à la Confédération unitaire qu’à la Confédération réformiste. La tâche de la Ligue est de pousser le parti officiel et l’U.G.C. de L. sur la voie d’une politique de front unique audacieuse et de les inciter – sur la base de cette politique – à mener au moment opportun – et il y en aura beaucoup à l’avenir – une offensive décisive pour la fusion des les organisations syndicales.

Pour remplir ses missions envers le parti, la Ligue – et c’est son premier devoir – doit aligner ses propres rangs dans le champ du mouvement syndical. C’est une tâche qui ne peut être reportée. Le problème doit être résolu et il le sera.
note de bas de page

1. L’un des dirigeants du parti communiste dans les syndicats rouges qui, après avoir été l’un des porte-étendards les plus éminents de la politique de la « troisième période » du Komintern et le parti français, se sont brouillés sur des questions de politique avec la direction du parti. Son orientation est parfois qualifiée de « semi-trotskyste » par les dirigeants officiels du parti, dans leurs polémiques contre lui. – Éd.


Léon Trotsky

Les erreurs des éléments droitiers de la Ligue dans la question syndicale

Quelques remarques préliminaires

4 janvier 1931

Présentation

Ce texte a été publié dans La Vérité, n° 71, du 16 janvier 1931. La "question syndicale" était en fait discutée depuis les débuts mêmes de la Ligue. Dans le numéro du 1° novembre, Trotsky avait ouvert le débat par un article intitulé "Syndicalisme et communisme" ; Charbit et Rosmer avaient à leur tour apporté leur contribution les semaines suivantes. Le 6 décembre 1929, Pierre Frank, sous le titre : "Pour une fraction des communistes oppositionnels", écrivait : "

Le travail essentiel (de la ligue) est de redresser le parti et, dans quelque domaine que ce soit, son action doit être orientée dans ce but ( ... ). Pour nous, il est illusoire de prétendre redresser le mouvement syndical indépendamment de l’existence d’une organisation politique, parti ou fraction. Les tentatives en ce sens aboutiraient peut être à un mouvement syndicaliste révolutionnaire français."

Il soulignait à ce propos l’absence de liaisons internationales des oppositionnels de la C.G.T.U. Confondant, en fait, parti et syndicat, il prenait position contre la construction d’une tendance révolutionnaire dans le syndicat, en même temps que pour celle d’une fraction contrôlée par l’opposition, alors que, selon Trotsky, la fraction pouvait parfaitement vivre au sein de la tendance. La polémique se poursuivait dans les colonnes de La Vérité contre Monatte et Chambelland : "Qu’est ce que le centrisme ?" (27 juin 1930), "Monatte, avocat des social patriotes" (6 février 1931), "Contribution à la discussion sur le problème de l’unité" (17 avril 1931) sont les textes principaux écrits par Trotsky à ce propos. Nous avons retenu "Les erreurs des éléments droitiers... ", dirigé ouvertement contre les "droitiers" de la Ligue, en l’occurrence Gourget et Collinet.

I

Si l’édifice théorique de l’économie politique du marxisme s’appuie entièrement sur la conception de la valeur comme du travail matérialisé, la politique révolutionnaire du marxisme s’appuie, elle, sur la conception du parti comme avant garde du prolétariat.

Quelles que soient les sources sociales et les causes politiques des fautes et des déviations opportunistes, idéologiquement, elles se ramènent toujours à une compréhension erronée du parti révolutionnaire, de ses relations avec les autres organisations prolétariennes et avec la classe tout entière.

II

La conception du parti comme avant garde prolétarienne suppose son indépendance pleine et inconditionnelle à l’égard de toutes les autres organisations. Les différents accords (bloc, coalition, compromis) avec les autres organisations, inévitables au cours de la lutte de classes, ne sont admissibles qu’à la condition que le parti montre toujours son vrai visage, marche toujours sous son propre drapeau, agisse sous son propre nom et explique clairement aux masses dans quels buts et dans quelles limites il conclut l’accord donné.

III

A la base de toutes les oscillations et de toutes les erreurs de la direction de l’I.C., nous retrouvons une compréhension erronée de la nature du parti et de ses tâches. La théorie stalinienne du "parti bipartite [1]" contredit l’A.B.C. du marxisme. Le fait que l’I.C. officielle ait toléré cette théorie pendant plusieurs années et ne l’ait pas encore aujourd’hui condamnée avec la fermeté nécessaire est le signe le plus net du caractère vicié de toute la doctrine officielle de l’I.C.

IV

Le crime fondamental de la bureaucratie centriste en U.R.S.S. est sa position fausse en ce qui concerne le parti. La fraction stalinienne tend à inclure administrativement dans les rangs du parti toute la classe ouvrière. Le parti cesse d’être l’avant garde, c’est à dire la sélection volontaire des ouvriers les plus avancés, les plus conscients, les plus dévoués et les plus actifs. Le parti se confond avec la classe telle qu’elle est et perd sa force de résistance à l’égard de l’appareil bureaucratique. D’autre part, les brandlériens et autres suiveurs de la bureaucratie centriste justifient le régime stalinien du parti par l’argument philistin de l’ "ignorance" du prolétariat russe, identifiant de cette manière le parti et la classe, c’est à dire liquidant théoriquement le parti comme Staline le liquide pratiquement.

V

La base de la funeste politique de l’I.C. en Chine était la renonciation à un parti indépendant. Les accords pratiques avec le Kuomintang étaient inévitables pendant une certaine période. L’entrée du P.C. dans le Kuomintang fut une erreur fatale. Plus tard, cette erreur s’est révélée un des plus grands crimes de l’histoire. Le P.C. chinois ne fut créé que pour céder son autorité au Kuomintang. D’avant garde du prolétariat, il se transforma en appendice de la bourgeoisie [2].

VI

La funeste expérience du comité anglo russe reposait entièrement sur l’abandon de l’indépendance du P.C. britannique. Pour que les syndicats soviétiques puissent maintenir le bloc avec les briseurs de grève du Conseil Général, dans l’intérêt d’Etat de l’U.R.S.S., disait on, il fallut priver le P.C. britannique de toute indépendance. Ce résultat fut obtenu par la dissolution effective du parti au sein du "mouvement minoritaire", c’est à dire de l’opposition de gauche dans les trade unions.

VII

L’expérience du comité anglo russe fut malheureusement la moins comprise, même dans les groupes de l’opposition de gauche. Notre exigence de la rupture avec les briseurs de grève apparaissait même dans nos rangs, à quelques uns, comme du sectarisme ; chez Monatte, notamment, c’est dans la question du comité anglo russe que s’est manifesté le plus clairement le péché originel qui devait le conduire dans les bras de Dumoulin. Cette question est pourtant importante du point de vue de ses conséquences : le communisme dans son ensemble, ni l’opposition de gauche en particulier ne pourront se frayer un large chemin s’ils n’ont clairement compris ce qui s’est passé en Angleterre en 1925-26.

VIII

Staline, Boukharine, Zinoviev dans cette question, ils étaient tous solidaires, tout au moins au début ont tenté de substituer au faible P.C. britannique un "courant plus large" qui avait à sa tête, à vrai dire, non des membres du parti, mais des "amis", presque communistes, en tout cas de braves gens et de bonnes relations. Les braves gens, les "chefs" solides ne voulaient pas, bien entendu, se soumettre à la direction d’un faible petit parti communiste. C’était leur droit absolu ; le parti ne peut obliger personne à se soumettre à lui. Les accords entre les communistes et les dirigeants "de gauche", Purcell, Hicks, Cook, sur la base des tâches particulières du mouvement trade unioniste, étaient, bien entendu, tout à fait possibles et dans certains cas indispensables. Mais à une seule condition : le P.C. devait conserver son indépendance complète, y compris au sein des trade unions, agir en son propre nom dans toutes les questions principales, critiquer lorsqu’il le jugeait nécessaire ses alliés "de gauche" et conquérir ainsi pas à pas la confiance des masses [3].

Cette voie, la seule possible, semblait pourtant trop longue et trop incertaine aux bureaucrates de l’l.C. Ils considéraient que, par une action personnelle sur Purcell, Hicks, Cook et les autres, par des conversations de couloir, par des lettres, dans des banquets, par des tapes amicales dans le dos, en se concertant pour s’entendre à l’amiable, ils pourraient entraîner graduellement et presque insensiblement l’opposition de gauche, le "courant large", dans le lit de l’I.C. Pour garantir plus sûrement un tel succès, il ne fallait ni ennuyer, ni exaspérer, ni mécontenter les chers petits amis Purcell, Hicks et Cook par de petites chicanes, par une critique opportuniste ou une intransigeance sectaire. Partant du principe qu’une des tâches du P.C. consistait précisément à ne pas laisser tranquilles, mais au contraire à secouer les centristes et demi centristes, il fallait prendre une décision radicale en subordonnant en fait le P.C. au mouvement minoritaire. Sur la scène des trade unions n’apparaissaient que les dirigeants du mouvement : le P.C. britannique n’existait plus aux yeux des masses.

IX

Qu’a exigé, dans cette question, l’opposition de gauche russe ? Tout d’abord, que soit rendue au P.C. britannique son indépendance complète à l’égard des trade unions. Nous affirmions que c’était seulement sous l’influence des mots d’ordre indépendants du parti, sous l’influence de sa critique ouverte, que le mouvement minoritaire pourrait prendre forme, apprécier plus clairement ses tâches, remplacer ses dirigeants, se consolider dans les trade unions tout en renforçant la position du communisme.

Qu’ont répondu à cette critique Staline, Boukharine, Lozovsky et Cie ?

"Vous voulez pousser le P.C. britannique sur la voie du sectarisme. Vous voulez repousser dans le camp ennemi Purcell, Hicks et Cook. Vous voulez rompre avec le mouvement minoritaire."

Qu’a répliqué l’opposition de gauche ?

"Si Purcell et Hicks rompent avec nous, non parce que nous exigeons d’eux qu’ils se transforment immédiatement en communistes personne n’exige cela mais parce que nous mêmes voulons rester communistes, cela signifiera que Purcell et Cie ne sont pas des amis, mais des ennemis. masqués. Plus vite ils montreront leur véritable nature, mieux ce sera pour les masses. Nous ne voulons absolument pas rompre avec le mouvement minoritaire. Au contraire, nous pensons qu’il faut lui manifester la plus grande attention. Le plus petit pas en avant avec la masse ou une partie de la masse est plus précieux qu’une douzaine de programmes abstraits de cercles d’intellectuels, mais l’attention prêtée aux masses n’a rien à voir avec la capitulation devant ses chefs ou demi chefs provisoires. La masse a besoin d’une orientation et de mots d’ordre justes. Or cela exclut toute conciliation dans le domaine théorique et toute protection accordée aux confusionnistes qui exploitent l’ignorance des masses."

X

Quels furent les résultats de l’expérience britannique de Staline ? Le mouvement minoritaire, embrassant presque un million d’ouvriers, donnait beaucoup d’espoirs, mais portait en lui les germes de sa destruction. Les masses ne connaissaient comme chefs du mouvement que Purcell, Hicks, Cook, à qui Moscou apportait d’ailleurs sa garantie. Ces amis "gauchistes", à la première épreuve sérieuse, ont honteusement trahi le prolétariat. Les ouvriers révolutionnaires ont été désorientés, sont tombés dans l’apathie et ont reporté sur le P.C. lui même leur déception, alors que le parti n’avait constitué qu’un élément passif dans ce mécanisme de trahison. Le mouvement minoritaire disparut presque totalement : le P.C. retourna à l’état de secte impuissante. Ainsi, par suite d’une fausse conception du parti, le plus grand mouvement du prolétariat anglais, qui déclencha la grève générale, non seulement n’a pas réussi à ébranler l’appareil de la bureaucratie réactionnaire, mais l’a au contraire renforcé et a compromis pour longtemps le communisme en Grande Bretagne.

XI

Une des sources psychologiques de l’opportunisme consiste en une impatience superficielle, un manque de confiance dans les progrès graduels de l’influence du parti, un désir de conquérir les masses par des manœuvres d’organisation ou une diplomatie personnelle. De là découlent la politique de combinaisons de couloirs, la politique du laisser faire, de l’étouffement, du renoncement à soi même, de l’adaptation aux idées et aux mots d’ordre d’autrui et enfin le passage complet sur les positions de l’opportunisme. Dans la subordination du P.C. au Kuomintang en Chine, dans la création des partis ouvriers et paysans aux Indes, dans la subordination du parti britannique au mouvement minoritaire, dans tous ces phénomènes se retrouve la même méthode de combinaisons bureaucratiques qui commence par une impatience révolutionnaire superficielle et finit par la trahison opportuniste. C’est, entre autres, pourquoi nous avons constamment insisté ces dernières années sur l’énorme importance de ces exemples de stratégie de l’I.C. du point de vue de l’éducation. Il faut les étudier et, à chaque nouvelle épreuve, les contrôler à nouveau complètement, par seulement pour condamner fautes et crimes historiques, mais pour apprendre à discerner des erreurs identiques dans une nouvelle situation, lorsqu’elles ne sont encore que prévisibles et, par conséquent, lorsqu’on peut encore les éviter.

XII

Il faut le dire carrément : les erreurs de quelques oppositionnels français, membres de la Ligue, dans la question syndicale, révèlent de surprenants traits de ressemblance avec la funeste expérience britannique. Seulement, l’échelle des erreurs, en France, est pour le moment beaucoup plus réduite et ce n’est pas sur la base d’un mouvement de masse qu’elles sont commises. Cela permet à certains camarades de ne pas les remarquer ou de sous estimer leur importance de principe. Cependant, si la Ligue devait permettre également, à l’avenir, que son travail syndical soit mené par des méthodes élaborées par la majorité de l’ancienne direction, les idées et le drapeau de l’opposition de gauche en seraient compromis en France pour longtemps.

Il eût été criminel de fermer les yeux. Puisqu’on n’a pas réussi à redresser ces erreurs à leur stade initial par des conseils et des mises en garde personnelles, il reste à désigner ouvertement les erreurs et leurs auteurs, afin de redresser la politique par des efforts collectifs.

XIII

A partir d’avril 1930, la Ligue a, en effet, renoncé à mener dans les syndicats un travail indépendant, au profit de l’Opposition Unitaire qui veut elle même avoir sa plate forme particulière, sa direction et sa politique [4]. Dans ces limites, l’analogie est frappante avec l’expérience du mouvement minoritaire en Angleterre. Il faut pourtant dire que dans les conditions françaises quelques traits ont rendu dès le début cette expérience plus dangereuse encore. En Angleterre, le mouvement minoritaire en entier fut plus à gauche que la direction officielle des trade unions. Peut on en dire autant de l’Opposition Unitaire ? Non. Il y a dans ses rangs des éléments qui tendent manifestement vers l’opposition de droite, c’est à dire vers le réformisme, et dont le poids ne nous apparait pas encore clairement.

La principale force de l’Opposition Unitaire est la fédération unitaire de l’enseignement [5]. En France, les enseignants ont de tout temps joué un rôle important dans le mouvement socialiste, syndicaliste et communiste. Parmi les membres de l’enseignement, nous trouverons sans doute beaucoup d’amis. Toutefois, la fédération dans son entier n’est pas une fédération prolétarienne. Par sa composition sociale, la fédération de l’enseignement peut fournir de très bons agitateurs, des journalistes, des personnalités. Mais elle ne peut pas devenir la base d’un mouvement syndical. Tous ses documents témoignent de l’insuffisante clarté de sa pensée politique. Son congrès de Marseille a démontré que les membres de l’enseignement oscillent dans un triangle compris entre le cours officiel, l’opposition de droite et l’opposition de gauche [6]. Nous aurions rendu le plus mauvais des services aux membres de l’enseignement comme au mouvement prolétarien dans son ensemble si nous avions couvert leurs fautes, leurs oscillations, leur imprécision. Malheureusement, telle fut, jusqu’à ces derniers jours, la politique de la rédaction de La Vérité une politique de laisser faire et ce n’était pas par hasard.

XIV

"Vous voulez donc rompre avec l’Opposition Unitaire ?" Poser ainsi la question signifierait que les communistes en tant que tels ne peuvent participer au travail de l’Opposition Unitaire. Mais si c’était vrai, cela aurait signifié tout simplement que l’Opposition Unitaire était une organisation d’ennemis masqués du communisme. Heureusement, il n’en est pas ainsi. L’Opposition Unitaire tout entière n’est ni une organisation communiste ni une organisation anti­communiste, parce qu’elle est hétérogène. Nous devons compter avec cette hétérogénéité dans notre action pratique. Nous pouvons et nous devons manifester la plus grande attention aux groupes et même aux individus qui s’orientent vers le marxisme [7]. Mais à une condition : que, devant les ouvriers et les syndicats, nous agissions au nom de la Ligue communiste, sans admettre aucune censure de nos actions, excepté le contrôle de la Ligue elle même ou du parti tout entier, après le rétablissement de l’unité des rangs communistes.

XV

Dans les rangs de l’Opposition Unitaire se trouvent incontestablement des éléments qui sympathisent beaucoup avec l’opposition de gauche sans être toutefois membres de la Ligue : il faut les rassembler sous notre drapeau. Il y a des éléments non définis qui désirent de toutes leurs forces rester dans cette situation et s’en font une plate forme. Avec eux, nous pouvons conclure des accords tactiques, sur une base définie, tout en conservant une pleine liberté de critique réciproque. Enfin, dans les rangs de l’Opposition Unitaire se trouvent aussi, incontestablement, des éléments étrangers qui s’y sont fourvoyés ou y ont pénétré comme racoleurs pour le compte du réformisme. Ils utilisent l’obscurité pour apporter la décomposition. Plus vite ils seront démasqués et éliminés, tant mieux cela sera pour la cause [8].

XVI

Mais nous sommes, n’est ce pas, pour le travail en commun avec tous les ouvriers, dans les syndicats, sans tenir compte de leurs conceptions philosophiques et politiques ? Certes, mais l’Opposition Unitaire n’est pas une organisation syndicale, c’est une fraction politique ayant pour tâche d’influencer le mouvement syndical. Laissons Monatte et ses amis les popistes agir sous un masque. Les révolutionnaires, eux, agissent ouvertement devant les ouvriers. Dans l’Opposition Unitaire, nous ne pouvons travailler qu’avec ceux qui vont au coude à coude avec nous, dans la même direction que nous, même s’ils ne vont pas jusqu’au bout de notre chemin.

XVII

Certains camarades insistent surtout sur le fait que les communistes doivent lutter pour leur influence dans les syndicats au niveau des idées et non par des moyens matériels. Cette idée, qui peut paraître incontestable, est souvent transformée en lieu commun et vidée de tout contenu. La bureaucratie centriste, elle aussi, déclare bien souvent, et tout à fait sincèrement, que sa tâche est d’influencer par les idées, et non d’exercer une pression matérielle...

Toute la question réside en fin de compte dans l’orientation politique et économique, dans les mots d’ordre et le programme d’action. Si l’orientation est juste, si les mots d’ordre correspondent aux nécessités du moment, alors les masses dans les syndicats n’éprouvent aucune impression de "contrainte". Au contraire, si l’orientation est fausse, si on proclame une politique d’assaut révolutionnaire dans un moment de reflux politique et vice versa, alors il est inévitable que la masse prenne un tel mot d’ordre comme une violence qu’on lui fait subir. La question se résume par conséquent en ces termes : les arguments théoriques de l’opposition de gauche sont ils suffisamment sérieux et profonds, ses cadres sont ils suffisamment éduqués pour apprécier justement la situation et mettre en avant les mots d’ordre correspondants ? Tout cela doit encore être vérifié dans la pratique [9]. Mais, pour cette raison même, il est moins admissible encore de notre part de passer sous silence ou de sous estimer les erreurs et les fautes de nos alliés provisoires et les nôtres.

XVIII

Certains membres de la Ligue, bien que cela paraisse incroyable, protestent contre l’intention inavouée qui serait la nôtre de subordonner l’Opposition Unitaire à la Ligue. Ils ne se rendent pas compte qu’ils s’appuient sur la misérable argumentation que Monatte lance contre le communisme tout entier. Pratiquement, la chose se résume en ce que quelques camarades, travaillant dans les syndicats, veulent avoir pour eux mêmes une pleine indépendance à l’égard de la Ligue ; considérant que par leurs manœuvres, leurs indications et leur diplomatie personnelle ils aboutiront à des résultats que la Ligue n’est pas capable d’atteindre par un travail collectif. D’autres camarades, qui désirent pour eux mêmes dans la presse une indépendance semblable, accueillent favorablement ces tendances. La question se pose : pourquoi ces camarades sont ils entrés dans la Ligue, s’ils n’ont pas confiance en elle ?

XIX

Où en est on, en réalité, avec la "subordination" de l’Opposition Unitaire ? Cette question même est fausse. A la Ligue ne sont subordonnés que ses membres. Tant que la majorité de l’Opposition Unitaire n’est pas membre de la Ligue, il ne peut s’agir que de persuasion, de compromis, de bloc, mais pas de subordination. En vérité, les ennemis de la prétendue subordination de l’Opposition Unitaire à la Ligue exigent la subordination effective de la Ligue à l’Opposition Unitaire. Telle était précisément la situation jusqu’à ce jour. Dans son travail syndical, c’est à dire dans son travail le plus important, la Ligue est subordonnée à l’Opposition Unitaire au bénéfice de laquelle elle a renoncé à toute indépendance. Les marxistes ne peuvent et ne doivent pas tolérer une telle politique un jour de plus.

XX

Certains camarades dirigeants qui ont obstinément mené jusqu’à hier une politique de capitulation déclarent aujourd’hui qu’ils sont "complètement d’accord" avec la nécessité de transformer l’Opposition Unitaire en bloc. En vérité, ils veulent se contenter d’un changement de nom. Plus vite ils "se sont mis d’accord" avec la critique marxiste, plus ils mènent, en vérité, une lutte pour que tout reste comme auparavant. Ils veulent tout simplement exploiter la phraséologie de la critique marxiste pour couvrir l’ancienne politique. Ces méthodes ne sont pas nouvelles, mais le temps ne les rend pas plus attrayantes. Une organisation révolutionnaire serait corrompue pour longtemps, sinon pour toujours, par un poison de duplicité et de fausseté, si elle permettait de masquer une politique opportuniste sous une phraséologie révolutionnaire. Espérons fermement que la Ligue ne permettra pas cela.

Prinkipo, 4 janvier 1931

Notes

[1] Dans la période "droitière" qui précéda la "troisième", l’I.C. s’était efforcée de construire dans toute une série de pays coloniaux ou semi coloniaux des "partis ouvriers et paysans". Pour la critique de cette politique voir le livre de Trotsky : L’I.C. après Lénine.

[2] Dans cet article dirigé contre l’absence de politique de la Ligue dans l’Opposition Unitaire, la comparaison avec l’attitude de l’I.C. en Chine fit bondir les "droitiers", qui reprochèrent à Trotsky d’esquisser une analogie entre Tchang Kaï chek, leader du Kuomintang avant d’être le bourreau des communistes chinois, et... Maurice Dommanget, leader de l’Opposition Unitaire. En fait, rien ne permet de penser que Trotsky était allé plus loin que cette comparaison entre des attitudes initialement proches l’une de l’autre.

[3] Les "droitiers" protestèrent également contre cette analogie avec l’attitude des communistes britanniques dans le "mouvement minoritaire" : à la première conférence de l’Opposition Unitaire, Gourget et Collinet étaient intervenus pour défendre, contre le rapport de Dommanget, qu’ils jugeaient "insuffisant", les conceptions de la Ligue dont ils étaient membres. Tous deux avaient d’ailleurs été l’objet d’attaques de membres de l’Opposition Unitaire, qui les rendaient responsables de ce qu’ils appelaient l’"ingérence" de la Ligue dans leur organisation.

[4] C’est dans La Vérité n°34 du I° mai 1930 qu’avait paru le "Manifeste de la fédération unitaire de l’enseignement pour une Opposition Unitaire". L’initiative du manifeste avait été prise à la suite de discussions entre Dommanget et Rosmer. Le manifeste était signé de responsables de la fédération, Aulas, Bouët, Dommanget, Rollo, Serret, de l’ancien secrétaire des produits chimiques, Chabanon, de l’ancien secrétaire des métaux, Poussel, avec réserves, de Cornette, secrétaire de l’U. L. d’Halluin, et de militants de la Ligue comme Frank, des Produits chimiques, et Gourget, du Bois.

[5] Au moment où Trotsky écrivait ces lignes, la direction de la Ligue écrivait de son côté : "D’abord groupée étroitement autour de la fédération de l’enseignement, l’Opposition Unitaire s’est élargie et a trouvé une base ouvrière. C’était là le pas le plus important à franchir."

[6] La majorité issue du congrès de Marseille de la fédération était unie essentiellement par son hostilité à la ligne syndicale du P. C. pendant la "troisième période" : les communistes oppositionnels qui l’animaient étaient orientés soit à gauche comme Gilbert Serret, élu secrétaire général, soit à droite comme Joseph Rollo, qui ralliera en 1934 la C.G.T. réformiste. Elle luttait néanmoins aussi bien contre la fraction dirigée par l’appareil du P.C. que contre les partisans de la Ligue syndicaliste.

[7] L’hétérogénéité de l’Opposition Unitaire était incontestable. L’application des principes de Trotsky par ceux qu’il appelait "aile marxiste" de la Ligue donna cependant de curieux résultats. L’extrême droite de l’O.U. rallia presque immédiatement Monatte et les partisans de l’"indépendance du syndicalisme". Mais les éléments qui, selon l’expression même de Trotsky, "sympathisaient avec l’opposition de gauche sans être membres de la Ligue", allaient prendre leurs distances vis à vis de... la Ligue. Dommanget, Serret, Aulas, rompaient avec Rollo en 1934, mais ne se rapprochaient pas pour autant des trotskystes. Non seulement la Ligue ne devait "rassembler sous son drapeau" aucun militant supplémentaire, mais encore elle allait prolonger la "confusion" dénoncée par Trotsky et se couper durablement de militants qu’elle aurait pu gagner et dont la majorité demeurèrent fidèles à la cause révolutionnaire.

[8] Les "droitiers" de la Ligue retournaient cet argument. Pour eux, c’était "l’aile marxiste", autrement dit la nouvelle direction de la Ligue qui, par ses méthodes, provoquait le regroupement, contre elle, d’éléments ayant pourtant des orientations divergentes. Gourget, Collinet et Vacher écrivaient qu’à la réunion du C.E. de l’O.U. du 29 mars 1931, "le camarade Dommanget, tout en avouant les désaccords qui le séparent, lui, Serret, Bouët et Aulas, de Rollo, n’a pas caché ses opinions sur la direction présente de la Ligue. En fait, malgré ses divergences avec Rollo, le camarade Dommanget fait bloc avec lui contre la Ligue. C’est une des conséquences de la politique de mécanisation sectaire inaugurée par la direction actuelle" (La Vérité, n°87, 8 mai 1931).

[9] La "vérification dans la pratique" fut faite par l’absurde. L’intervention de l’"aile marxiste" détruisait l’Opposition Unitaire sans pour autant lui substituer même un embryon de "fraction syndicale". En 1936, c’est avec les mêmes militants enseignants que les trotskystes allaient tenter de constituer dans la C.G.T. réunifiée une tendance révolutionnaire, autour de l’éphémère Avant garde syndicaliste. A partir de 1937, c’est avec les mêmes militants que le P.O.I. soutient dans la C.G.T. les efforts du "Cercle syndicaliste Lutte de classes". En mai 1938, au congrès des syndicats de la région parisienne, le seul orateur à défendre des positions de classe contre la majorité réformiste et stalinienne et à demander la discussion du mouvement des métallos condamné par l’appareil fut Charbit, ancien militant de la Ligue rallié à Monatte. Enfin et surtout, c’est Gilbert Serret qui devait être au congrès de Nantes de la C.G.T. le porte parole de la minorité révolutionnaire dressée contre l’union sacrée. Il est clair que, dans la discussion de 1931, n’étaient pas remplies les conditions avancées par Trotsky : "Les arguments théoriques de l’opposition de gauche sont-ils suffisamment sérieux et profonds, ses cadres sont-ils suffisamment éduqués ?... "


Léon Trotsky

Syndicalisme et communisme

(14 octobre 1929)

La question syndicale est une des plus importantes pour le mouvement ouvrier, et donc pour l’Opposition aussi. Sans position claire sur cette question, l’Opposition sera incapable de gagner une influence véritable dans la classe ouvrière. C’est pourquoi je crois nécessaire de soumettre ici à la discussion quelques considérations sur la question syndicale.

1. Le Parti communiste est l’arme fondamentale de l’action révolutionnaire du prolétariat, l’organisation de combat de son avant-garde qui doit s’élever au rôle de guide de la classe ouvrière dans toutes les sphères de sa lutte, sans exception, par conséquent mouvement syndical inclus.

2. Ceux qui, par principe, opposent l’autonomie syndicale au leadership du parti communiste, opposent ainsi — qu’ils le veuillent ou non — la partie la plus rétrograde du prolétariat à l’avant-garde de la classe ouvrière, la lutte pour des revendications immédiates à la lutte pour la libération totale des travailleurs, le réformisme au communisme, l’opportunisme au marxisme révolutionnaire.

3. Le syndicalisme français d’avant-guerre, à ses débuts et pendant sa croissance, en combattant pour l’autonomie syndicale, combattit réellement pour son indépendance vis-à-vis du gouvernement bourgeois et de ses partis, parmi lesquels celui du socialisme réformiste et parlementaire. C’était une lutte contre l’opportunisme, par une voie révolutionnaire.

Le syndicalisme révolutionnaire n’a pas à cet égard fétichisé l’autonomie des organisations de masse. Bien au contraire, il a compris et a affirmé le rôle dirigeant de la minorité révolutionnaire dans les organisations de masse, organisations qui reflètent la classe ouvrière avec toutes ses contradictions, ses retards et ses faiblesses.

4. La théorie de la minorité active était essentiellement une théorie inachevée du parti prolétarien. Dans sa pratique, le syndicalisme révolutionnaire était l’embryon d’un parti révolutionnaire contre l’opportunisme, c’était une remarquable esquisse du communisme révolutionnaire.

5. La faiblesse de l’anarcho-syndicalisme, même dans sa période classique, était l’absence d’une base théorique correcte, et donc une mauvaise compréhension de la nature de l’État et de son rôle dans la lutte de classe ; une conception inachevée, incomplète et par conséquent erronée du rôle de la minorité révolutionnaire, c’est-à-dire du parti. De là les erreurs de tactique, comme le fétichisme de la grève générale, ignorant le lien entre le soulèvement et la prise du pouvoir, etc.

6. Après la guerre, le syndicalisme français a trouvé à la fois sa réfutation, son développement et son achèvement dans le communisme. Les tentatives pour rétablir le syndicalisme révolutionnaire tournent maintenant le dos à l’histoire. Pour le mouvement ouvrier, de telles tentatives ne peuvent avoir qu’une signification réactionnaire.

7. Les épigones du syndicalisme transforment (en paroles) l’indépendance de l’organisation syndicale vis-à-vis de la bourgeoisie et des socialistes réformistes en indépendance en général, en indépendance absolue vis-à-vis de tous les partis, parti communiste inclus.

Si, dans sa période d’expansion, le syndicalisme se considérait comme une avant-garde et combattait pour le rôle dirigeant de la minorité d’avant-garde au sein des masses, les épigones du syndicalisme luttent maintenant contre les mêmes souhaits de l’avant-garde communiste, essayant, quoique sans succès, de se baser sur le manque de développement et les préjugés des parties les plus rétrogrades de la classe ouvrière.

8. L’indépendance face à l’influence de la bourgeoisie ne peut pas être un état passif. Elle ne peut que s’exprimer par des actes politiques, c’est-à-dire par la lutte contre la bourgeoisie. Cette lutte doit être inspirée par un programme spécifique qui exige organisation et tactique pour son application. C’est l’union du programme, de l’organisation et de la tactique qui constitue le parti. C’est pourquoi la véritable indépendance du prolétariat vis-à-vis du gouvernement bourgeois ne peut être réalisée sans que le prolétariat mène sa lutte sous la conduite d’un parti révolutionnaire et non d’un parti opportuniste.

9. Les épigones du syndicalisme voudraient nous faire croire que les syndicats se suffisent à eux-mêmes. Théoriquement, ça ne veut rien dire, mais en pratique ça signifie la dissolution de l’avant-garde révolutionnaire dans les masses, dans les syndicats.

Plus la masse encadrée par les syndicats est grande, mieux ils peuvent accomplir leur mission. Un parti prolétarien, au contraire, ne mérite son nom que s’il est idéologiquement homogène, dans les limites de l’unité d’action et de l’organisation. Présenter les syndicats comme autosuffisants sous prétexte que le prolétariat aurait déjà atteint sa “majorité”, c’est flatter le prolétariat en le décrivant comme il ne peut pas être en régime capitaliste, qui maintient les masses ouvrières dans l’ignorance, laissant seulement à l’avant-garde prolétarienne la possibilité de traverser toutes les difficultés et d’arriver à une compréhension claire des tâches de sa classe dans leur ensemble.

10. La véritable autonomie, pratique et non métaphysique, de l’organisation syndicale n’est ni perturbée ni diminuée par la lutte d’influence du parti communiste. Chaque syndiqué a le droit de voter comme il le juge utile et d’élire celui qui lui semble le plus digne. Les communistes possèdent ce droit comme les autres.

La conquête de la majorité par les communistes dans les organes directeurs se fait dans le respect des principes de l’autonomie, à savoir la libre autogestion des syndicats. D’autre part, aucun statut de syndicat ne peut empêcher ou interdire le parti d’élire le secrétaire général de la Confédération du travail à son comité central, puisque ici nous sommes entièrement dans le registre de l’autonomie du parti.

11. Dans les syndicats, les communistes sont naturellement soumis à la discipline du parti, quelques soient les postes qu’ils occupent. Ceci n’exclut pas mais présuppose leur soumission à la discipline du syndicat. En d’autres termes, le parti ne leur impose aucune ligne de conduite qui contredirait l’état d’esprit ou les avis de la majorité des membres des syndicats. Dans des cas tout à fait exceptionnels, quand le parti considère impossible la soumission de ses membres à une décision réactionnaire du syndicat, il montre ouvertement à ses membres les conséquences qui en découlent, comme des retraits de responsabilités syndicales, des expulsions, et ainsi de suite.

Avec des formules juridiques sur ces questions — et l’autonomie est une formule purement juridique — on n’arrive à rien. La question doit être posée dans son contenu, c’est-à-dire sur le plan de la politique syndicale. Une politique correcte doit être opposée à une politique erronée.

12. Les caractéristiques du leadership du parti, ses formes et ses méthodes, peuvent différer profondément selon les conditions générales d’un pays donné ou selon sa période de développement.

Dans les pays capitalistes, où le Parti communiste ne possède aucun moyen coercitif, il est évident qu’il ne peut avoir le leadership qu’avec des communistes syndiqués, que ce soit à la base ou aux postes bureaucratiques. Le nombre de communistes aux principaux postes de direction des syndicats n’est qu’un des moyens de mesurer le rôle du parti dans les syndicats. La mesure la plus importante est le pourcentage de communistes syndiqués par rapport à l’ensemble de la masse syndiquée. Mais le critère principal est l’influence générale du parti sur la classe ouvrière, elle-même mesurable par la diffusion de la presse communiste, l’assistance lors des meetings du parti, le nombre de voix aux élections et, ce qui est tout particulièrement important, le nombre d’ouvriers et d’ouvrières qui répondent activement aux appels à la lutte du parti.

13. C’est clair que l’influence du Parti communiste de manière générale, y compris dans les syndicats, se développera au fur et à mesure que la situation deviendra plus révolutionnaire.

Ces conditions permettent une appréciation du degré et de la forme de la véritable autonomie des syndicats, l’autonomie réelle et non métaphysique. En période de “paix”, quand les formes les plus militantes d’action syndicale sont des grèves économiques isolées, le rôle direct du parti dans les syndicats reste au second plan. En règle générale, le parti n’intervient pas dans chaque grève isolée. Il aide le syndicat à décider si la grève est opportune, par son information politique et économique et par son conseil. Il sert la grève par son agitation, etc. Le premier rôle dans la grève revient naturellement au syndicat.

La situation change radicalement quand le mouvement s’élève au niveau de la grève générale et de la lutte directe pour le pouvoir. Dans ces conditions, le rôle dirigeant du parti devient immédiatement direct et ouvert. Les syndicats — naturellement pas ceux qui passent de l’autre côté des barricades — deviennent les appareils de l’organisation du parti qui prend le devant comme dirigeant la révolution, en portant la pleine responsabilité devant la classe ouvrière toute entière.

Dans ce domaine, pour tout ce qui se situe entre la grève économique locale et l’insurrection révolutionnaire de classe, on trouve toutes les formes possibles de relations réciproques entre le parti et les syndicats, les degrés variables de leadership direct et immédiat, etc. Mais en toutes circonstances, le parti cherche à gagner le leadership général en comptant sur la vraie autonomie des syndicats qui, en tant qu’organisations — cela va sans dire — ne sont pas “soumises” à lui.

14. Les faits démontrent que des syndicats politiquement “indépendants” n’existent nulle part. Il n’y en a jamais eu. L’expérience et la théorie indiquent qu’il n’y en aura jamais. Aux États-Unis, les syndicats sont directement liés par leur appareil au patronat industriel et aux partis bourgeois. En Angleterre, les syndicats, qui dans le passé ont principalement soutenu les libéraux, constituent maintenant la base du parti travailliste. En Allemagne, les syndicats marchent sous la bannière de la social-démocratie. En république soviétique, leur conduite appartient aux bolcheviques. En France, une des organisations syndicales suit les socialistes, l’autre les communistes. En Finlande, les syndicats ont été divisés il y a un peu de temps, l’un allant vers la social-démocratie, l’autre vers le communisme. C’est comme ça partout.

Les théoriciens de l’ ”Indépendance ” du mouvement syndical n’ont pas pris la peine jusqu’ici de penser à cela : pourquoi leur slogan non seulement est loin de se réaliser où que ce soit, mais, au contraire, pourquoi la dépendance des syndicats vis-à-vis du leadership d’un parti devient partout la règle, sans exception, et ce ouvertement ? Ceci correspond en fait aux caractéristiques de l’époque impérialiste, qui dévoile toutes les relations de classe et qui, même chez le prolétariat accentue les contradictions entre son aristocratie et ses couches les plus exploitées.

15. L’expression courante du syndicalisme d’autrefois est la prétendue Ligue syndicaliste. Par tous ses traits, elle apparaît comme une organisation politique qui cherche à subordonner le mouvement syndical à son influence. En fait la Ligue recrute ses membres non pas selon les principes syndicaux, mais selon ceux des groupements politiques ; elle a sa plate-forme, faute de programme, et la défend dans ses publications ; elle a sa propre discipline interne dans le mouvement syndical. Dans les congrès des confédérations, ses partisans agissent en tant que fraction politique tout comme la fraction communiste. Pour faire court, la tendance de la Ligue syndicaliste se ramène à une lutte pour libérer les deux confédérations du leadership des socialistes et des communistes et pour les unir sous la direction du groupe de Monatte.

La Ligue n’agit pas ouvertement au nom du droit et de la nécessité pour la minorité avancée de combatte pour étendre son influence sur les masses ; elle se présente masquée par ce qu’elle appelle l’“Indépendance” syndicale. De ce point de vue, la Ligue s’approche du Parti socialiste qui réalise aussi son leadership sous couvert de l’expression “indépendance du mouvement syndical”. Le parti communiste, au contraire, dit ouvertement à la classe ouvrière : voici mon programme, ma tactique et ma politique, que je propose aux syndicats.

Le prolétariat ne doit jamais croire n’importe quoi aveuglément. Il doit juger par son travail. Mais les ouvriers devraient avoir une double et une triple méfiance vers ces prétendants au leadership qui agissent incognito, sous un masque qui ferait croire au prolétariat qu’il n’a besoin d’aucun leadership.

16. Le droit d’un parti politique d’agir pour gagner les syndicats à son influence ne doit pas être nié, mais cette question doit être posée : Au nom de quel programme et de quelle tactique cette organisation agit-elle ? De ce point de vue, la Ligue syndicaliste ne donne pas les garanties nécessaires. Son programme est extrêmement amorphe, de même que sa tactique. Dans ses positions politiques elle agit seulement au fil des événements. Reconnaissant la révolution prolétarienne et même la dictature du prolétariat elle ignore le parti et ses droits, est contre le leadership communiste, sans lequel la révolution prolétarienne risquerait de rester à jamais une expression vide.

17. L’idéologie de l’indépendance syndicale n’a rien de commun avec les idées et les sentiments du prolétariat en tant que classe. Si le parti, par sa direction, est capable d’assurer une politique correcte et clairvoyante dans les syndicats, pas un seul ouvrier n’aura l’idée de se rebeller contre le leadership du parti. L’expérience historique des bolcheviques l’a prouvé.

C’est aussi valable la France, où les communistes ont obtenu 1.200.000 voix aux élections tandis que la Confédération Générale du Travail Unitaire (la centrale syndicale rouge) a seulement un quart ou un tiers de ce nombre. Il est clair que le slogan abstrait de l’indépendance ne peut venir en aucun cas des masses. La bureaucratie syndicale est une tout autre chose. Elle voit non seulement une concurrence professionnelle dans la bureaucratie de parti, mais elle tend à se rendre indépendante du contrôle par l’avant-garde prolétarienne. Le slogan de l’indépendance est, par sa base même, un slogan bureaucratique et non un slogan de classe.

18. Après le fétichisme de l’“indépendance”, la Ligue syndicaliste transforme également la question de l’unité syndicale en fétiche.

Il va de soi que le maintien de l’unité des organisations syndicales a d’énormes avantages, tant du point de vue des tâches quotidiennes du prolétariat que de celui de la lutte du Parti communiste pour étendre son influence sur les masses. Mais les faits montrent que dès que l’aile révolutionnaire dans les syndicats remporte ses premiers succès, les opportunistes prennent la voie de la scission. Les relations paisibles avec la bourgeoisie leur sont plus chères que l’unité du prolétariat. C’est le constat incontestable des expériences de l’après-guerre.

Nous, communistes, avons toujours intérêt à démontrer aux ouvriers que la responsabilité du dédoublement des organisations syndicales incombe complètement à la social-démocratie. Mais il ne s’en suit pas que la formule creuse de l’unité nous serait plus importante que les tâches révolutionnaires de la classe ouvrière.

19. Huit ans se sont écoulés depuis la scission syndicale en France. Pendant ce temps, les deux organisations se sont certainement liées avec les deux partis politiques mortellement ennemis. Dans ces conditions, penser pouvoir unifier le mouvement syndical par la simple bonne parole de l’unité serait se bercer d’illusions. Déclarer que sans unification préalable des deux centrales syndicales non seulement la révolution prolétarienne mais même une lutte de classe sérieuse seraient impossible, revient à faire dépendre l’avenir de la révolution de la clique corrompue des réformistes syndicaux.

En fait l’avenir de la révolution dépend non pas de la fusion des deux appareils syndicaux, mais de l’unification de la majorité de la classe ouvrière derrière des slogans révolutionnaires et des méthodes révolutionnaires de lutte. Aujourd’hui l’unification de la classe ouvrière est seulement possible par la lutte contre les collaborateurs de classe qui se trouvent non seulement dans les partis politiques mais aussi dans les syndicats.

20. Le véritable chemin de l’unité révolutionnaire du prolétariat se situe dans le redressement, l’expansion et la consolidation de la C.G.T.U. révolutionnaire et dans l’affaiblissement de la C.G.T. réformiste.

Il n’est pas exclu, mais, bien au contraire très probable, qu’à l’heure de sa révolution, le prolétariat français écrira la lutte avec deux confédérations : derrière l’une se trouveront les masses et derrière l’autre l’aristocratie du travail et la bureaucratie.

21. La nouvelle opposition syndicale ne veut évidemment pas aller sur le chemin du syndicalisme. En même temps, elle se sépare du parti — non avec l’idée d’un certain leadership, mais avec le parti en général. Ce qui signifie tout simplement se désarmer idéologiquement et retomber dans le corporatisme.

22. L’opposition syndicale dans l’ensemble est très variée. Mais elle est caractérisée par quelques traits communs qui ne la rapprochent pas de l’opposition communiste de gauche mais, au contraire, s’opposent à elle.

L’opposition syndicale ne lutte pas contre les actes désinvoltes et les méthodes erronées du leadership communiste, mais contre l’influence du communisme sur la classe ouvrière.

L’opposition syndicale ne lutte pas contre une vision gauchiste de la situation et de ses perspectives mais agit, en fait, à l’opposé de toute perspective révolutionnaire.

L’opposition syndicale ne combat pas contre des méthodes caricaturales d’antimilitarisme mais propose une orientation pacifiste. En d’autres termes, l’opposition syndicale se développe manifestement dans un état d’esprit réformiste.

23. Il est complètement faux d’affirmer que ces dernières années — contrairement à ce qui s’est produit en Allemagne, en Tchécoslovaquie et dans d’autres pays — on n’a pas constitué en France une aile droite au sein du camp révolutionnaire. Le point principal est que, abandonnant la politique révolutionnaire du communisme, l’opposi­tion de droite en France, conformément aux traditions du mouvement ouvrier français a pris un caractère syndical, cachant de cette façon sa physionomie politique. Au fond, la majorité de l’opposition syndicale représente l’aile droite, comme le groupe de Brandler en Allemagne, les syndicalistes tchèques qui après la scission ont pris une position clairement réformiste, etc.

24. On peut chercher à objecter que toutes les considérations précédentes ne seraient valables qu’à la condition que le parti communiste ait une politique correcte. Mais cette objection n’est pas fondée. La question des rapports entre le parti, qui représente le prolétariat comme il devrait être, et les syndicats, qui représentent le prolétariat tel qu’il est, est la question la plus fondamentale du marxisme révolutionnaire. Ce serait une erreur de rejeter la seule réponse possible à cette question seulement parce que le parti communiste, sous l’influence de raisons objectives et subjectives à propos desquelles nous avons parlé plus d’une fois, conduit maintenant une politique erronée envers les syndicats, comme dans d’autres domaines. Une politique correcte doit être opposée à une politique erronée. C’est dans ce but que l’opposition de gauche s’est constituée en fraction. Si l’on considère que le Parti communiste français dans sa totalité est dans un état complètement irrécupérable — ce que nous ne pensons pas — un autre parti doit lui être opposé. Mais la question de la relation du parti à la classe ne change pas d’un iota par ce fait.

L’opposition de gauche considère qu’il est impossible d’influencer le mouvement syndical, de l’aider à trouver une orientation correcte, de l’imprégner avec des slogans corrects, sans passer par le parti communiste (ou une fraction pour le moment) qui, à côté de ses autres attributs, est le laboratoire idéologique central de la classe ouvrière.

25. La tâche bien comprise du Parti communiste ne consiste pas seulement à gagner en influence sur les syndicats, tels qu’ils sont, mais à gagner, par le biais des syndicats, une influence sur la majorité de la classe ouvrière. Ce n’est possible que si les méthodes utilisées par le parti dans les syndicats correspondent à la nature et aux tâches de ces derniers. La lutte d’influence du parti dans les syndicats se vérifie objectivement dans le fait qu’ils prospèrent ou pas, qu’ils augmentent le nombre de leurs syndiqués et au-delà leurs relations avec les masses les plus larges. Si le parti paie le prix de son influence dans les syndicats par leur amoindrissement et par le dernier des fractionnismes — convertissant les syndicats en auxiliaires du parti pour des objectifs ponctuels et les empêchant de devenir des organisations de masse — les relations entre le parti et la classe sont erronées. Il n’est pas nécessaire d’épiloguer sur les causes d’une telle situation. Nous l’avons fait plus d’une fois et nous le faisons chaque jour. La nature changeante de la politique communiste officielle reflète sa tendance aventuriste à se vouloir maître de la classe ouvrière dans les plus brefs délais, par tous les moyens (mises en scène, inventions, agitation superficielle, etc).

On ne s’en sortira pourtant pas en opposant les syndicats au parti (ou à la fraction) mais dans la lutte sans compromis pour changer complètement la politique du parti comme celle des syndicats.

26. L’Opposition de gauche doit indissolublement lier les questions du mouvement syndical aux questions de la lutte politique du prolétariat. Elle doit donner une analyse concrète du stade actuel de développement du mouvement ouvrier français. Elle doit donner une évaluation, tant quantitative que qualitative, du mouvement actuel des grèves et de ses perspectives par rapport aux perspectives du développement économique de la France. Il est inutile de dire qu’elle rejette complètement la perspective de la stabilisation du capitalisme et de la paix pour les prochaines décennies. Elle procède à partir d’une évaluation de notre époque en tant que révolutionnaire. Elle émerge de la nécessité d’une préparation adéquate de l’avant-garde prolétarienne devant des retournements non seulement probables mais inévitables. Son action la plus ferme et la plus implacable est dirigée contre les rodomontades soi-disant révolutionnaires de la bureaucratie centriste, contre l’hystérie politique qui ne tient pas compte des conditions et qui confond aujourd’hui avec hier ou avec demain ; plus fermement et résolument encore doit-elle se positionner contre les éléments de la droite qui reprennent sa critique et s’y dissimulent afin d’introduire leurs tendances dans le marxisme révolutionnaire.

27. Une nouvelle délimitation ? De nouvelles polémiques ? De nouvelles scissions ? Ce seront les lamentations des âmes pures mais fatiguées, qui voudraient transformer l’Opposition en une retraite calme où l’on pourrait tranquillement prendre congé des grandes tâches, tout en préservant intact le nom de révolutionnaire “ de gauche ”. Non ! Nous leur disons, à ces âmes fatiguées : nous ne voyageons certainement pas sur la même route. La vérité n’a pourtant jamais été la somme de petites erreurs. Une organisation révolutionnaire n’a pourtant jamais été composée de petits groupes conservateurs, cherchant avant tout à se démarquer les uns des autres. Il y a des époques où la tendance révolutionnaire est réduite à une petite minorité dans le mouvement ouvrier. Mais ces époques n’exigent pas des arrangements entre les petits groupes pour se cacher mutuellement leurs péchés mais exigent au contraire une lutte doublement implacable pour une perspective correcte et une formation des cadres dans l’esprit du marxisme authentique. Ce n’est qu’ainsi que la victoire est possible.

28. Pour autant l’auteur de ces lignes est personnellement concerné et doit admettre que la notion qu’il a eue du groupe de Monatte quand il a été expulsé d’Union Soviétique s’est avérée être trop optimiste, donc fausse. Pendant plusieurs années, l’auteur n’a pas eu la possibilité de suivre l’activité de ce groupe. Il l’a jugée de par ses souvenirs. Les divergences se sont avérées plus profondes et plus aiguës qu’on pouvait le supposer. Les derniers événements ont montré au-delà du doute que sans démarcation idéologique claire et précise de la ligne du syndicalisme, l’Opposition communiste en France n’ira pas de l’avant. Les thèses ici proposées ne sont qu’une première étape dans l’élaboration de cette démarcation, prélude à la lutte réussie contre le baragouin révolutionnaire et la nature opportuniste de Cachin, Monmousseau et compagnie.

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