lundi 4 avril 2022, par
Avant la Physique quantique, c’est-à-dire avant les années 1900, la réponse allait de soi : la physique étudie la réalité et son but est de décrire le mode d’action de la matière et de la lumière. Certes, elle le fait en utilisant le langage particulier des mathématiques mais son but est clairement la connaissance d’un monde objectif qui existe indépendamment de l’observateur et que ce dernier n’influence pas par son observation. Comme aurait dit Einstein, je veux croire que la lune existe même quand je ne l’observe pas et de la même manière que si je ne l’observe pas.
D’ailleurs, pour ce type là d’observation, les physiciens sont toujours d’accord que l’on peut croire dans une réalité objective et dans le fait que la lune n’est pas affectée par notre observation. Les plus durs des physiciens agnostiques diraient que « tout se passe comme si la lune existait objectivement mais rien ne le prouve directement à part nos sens qui peuvent toujours être trompés. »
Et ces physiciens se fondent sur la physique qui s’est développée à partir de l’étude du monde microscopique, matériel comme lumineux. Car cette étude a au moins montré que nos sens nous trompaient sur bien des points. Non seulement, la « réalité » n’est plus apparue de la même manière depuis les développements de la physique quantique mais il est apparu des expériences dans lesquelles c’est le choix de l’observation qui guide le type de réponse de la matière. En simple, on peut dire que, si on met en place un appareillage pour détecter des ondes, on trouve que « la matière, c’est des ondes » et que, si on met en place un appareillage pour détecter des corpuscules, on trouve que « la matière, c’est des corpuscules ». Et il en va exactement de même pour la lumière. On appelle ici, en gros, « matière » tous les fermions et « lumière » tous les bosons.
En fait, avant même les développements de la physique quantique, on avait des doutes sur nos capacités à dire « ce qui se passe quand ».
Ainsi, un rayon lumineux change de direction en traversant en oblique un nouveau milieu. C’est la réfraction. Il est assez difficile de concevoir un tel comportement si on considère que la lumière est portée par des corpuscules. Cela est plus facile si on la considère comme portée par des ondes. Dans le cas de la réflexion d’un rayon lumineux par un miroir, c’est le même problème : difficile d’interpréter ce qui arrive aux corpuscules pour qu’ils entrent un tout petit peu dans le miroir avant d’être réfléchis…
Voici donc des expériences qui nous disent, semble-t-il, que la lumière, c’est des ondes.
Mais l’arrachement des électrons d’un corps par la lumière nous disent exactement l’inverse.
Mais, en physique quantique, il existe des expériences, comme celle des fentes de Young, où ce type de situation, où c’est la manière dont on mèle l’expérience qui décide, onde ou corpuscule, est encore plus marqué.
Notamment, on peut remarquer, dans cette expérience de Young qui met en évidence à la fois le caractère ondulatoire et le caractère corpusculaire de la matière (ou de la lumière), qu’en changeant les conditions de l’expérience, on va favoriser une réponse ou l’autre. La réception des particules sur les écrans indiquent par exemple le caractère corpusculaire (localisé, ponctuel, discontinu) et la répartition des arrivées multiples sur un grand écran indique des interférences, c’est-à-dire le caractère ondulatoire. Si on cherche à savoir ce qui se passe à l’une des fentes, et donc à vérifier qu’un corpuscule y est bien passé, alors les interférences cessent.
Et ce n’est qu’un exemple d’expérience de type quantique. Tous les phénomènes quantiques montrent ce caractère double, à la fois ondulatoire et corpusculaire et tous vont favoriser l’un des caractère si l’expérimentateur cherche à le faire apparaitre.
Un autre aspect troublant de la physique quantique dans sa version de Copenhague : elle semble ne donner que des résultats probabilistes sans donner la physique sous-jacente. Un peu comme une thermodynamique ou une dynamique des fluides sans la physique des molécules… C’est ce qui amenait Einstein à discuter avec la physique de Copenhague en réclamant « la physique sous-jacente ».
Bien des physiciens-philosophes en ont déduit soit une philosophie agnostique (« je ne peux pas connaitre la réalité »), soit une philosophie idéaliste (« ma pensée détermine la réalité que je perçois »), soit une philosophie positiviste (« je me contente de décrire le résultat de mes expériences, je n’ai pas à philosopher plus avant sur une réalité hypothétique et je n’ai pas de moyens de trancher sur son existence ou son inexistence, ou sur son fonctionnement, sans tomber dans la métaphysique »).
Plusieurs types de physiciens-philosophes se sont opposés à ces points de vue, tout en convenant que la physique quantique était une avancée de la science. Ils défendaient une conception réaliste ou matérialiste, en tout cas la pensée qu’existe une réalité objective et que le but des sciences est de la connaitre et aussi la pensée qu’il n’y a aucun obstacle absolu à la connaissance de la réalité et de son fonctionnement.
L’école de Copenhague de la Physique a longtemps fait dominer le point de vue inverse : pas de connaissance de la réalité, seulement des descriptions d’expériences dans des conditions déterminées et pas de philosophie du réel tirée de la physique.
Einstein a longuement défendu une thèse inverse, celle du réalisme. Il a seulement affaibli la position de l’école de Copenhague mais sans remettre en question les découvertes du caractère quantique de la matière/lumière, c’est-à-dire les particularités du niveau quantique (un quanta ou un petit nombre de quanta au niveau microscopique) qui le rendent étonnant par rapport à notre monde habituel (un très grand nombre de quanta, au niveau dit macroscopique).
Cela ne signifie pas que le point de vue de l’école de Copenhague l’ait réellement emporté et nombre de physiciens ne le pensent pas. C’est l’interprétation de la signification des expériences, comme celle de Young ou des expériences de pensée comme celle des EPR ou du chat de Schrödinger qui est en cause.
D’autre part, ce qui a changé la donne, c’est l’étude quantique du vide et cela permet d’interpréter de manière réaliste (avec une réalité de ce que l’on croyait uniquement virtuel) : par les particules et antiparticules éphémères du vide que l’on disait « virtuelles ». Ces dernières s’avèrent non seulement réelles mais la véritable réalité fondamentale du monde matière/lumière. Et elles expliquent les phénomènes quantiques les plus étonnants et renversants. A commencer par le caractère double des particules : à la fois onde et corpuscule. Elle explique que le changement des types d’expériences donne des réponses différentes : quand on interroge la matière/lumière avec des capteurs de corpuscule, on les trouve et quand on cherche les moyens de détecter des ondes, on les trouve également.
En effet, le vide quantique n’est pas vide. Il est plein de particules dites virtuelles qui ont la capacité d’apparaitre et de disparaitre. Elles ont la propriété d’être éphémères et de ne pas être perceptibles directement par nos expériences parce qu’elles existent à un niveau de structure de la matière inférieure.
Mais, direz-vous, si elles ne sont pas perceptibles, elles n’ont pas de réalité objective ?
Eh bien, il ne nous semble pas que la réalité objective doive dépendre des sens humains ou même des expériences humaines mais de la vaste expérience que représente le monde matériel (au sens large, comprenant matière, lumière et vide quantique).
La matière (microscopique) se perçoit elle-même et perçoit la lumière sans passer par des expériences mises en place par l’homme et qui sont à une grande échelle (macroscopique).
Le fonctionnement microscopique que nous pouvons imaginer (physique quantique des champs de type corpusculaire) doit expliquer les phénomènes qui se déroulent dans les expériences par un fonctionnement que les expériences humaines ne peuvent pas réaliser.
Le monde matériel existe-t-il objectivement, en dehors de nos pensées ?
La thèse de l’école de Copenhague
Le point de vue réaliste d’Einstein
Physique, positivisme et agnosticisme
Réalité du monde virtuel du vide