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Discussion d’un article de la Fraction "trotskiste" LO-NPA sur le Covid 19 (1)

jeudi 25 février 2021, par Alex

La fraction LO-NPA a consacré dans sa revue Convergence (numéro 135, janvier 2021) un dossier spécial Covid19.

C’est une très bonne chose. C’est un sujet qui pose beaucoup de questions aux travailleurs, quel que soit leur niveau de conscience politique.

Quelles sont ces questions ? Quelles réponses leur donnent des marxistes à la lumière de leur vision du monde ?

Le dossier de la Fraction nous donne des informations intéressantes. Il nous apprend malheureusement aussi comment des militants qui se disent trotskistes ont des positions très réformistes.

Nous commençons la discussion par celle de l’article 1

Le gouvernement discrédité ?

Le titre de l’article mentionne le « discrédit du gouvernement » ... malheureusement l’article n’aborde absolument pas ce point, ou feint de le faire en se contentant de rappeler l’épisode des masques, comme le font allègrement tous les médias bourgeois, pourtant toujours très dévoués au gouvernement.

Le caractère général de tout l’article est l’absence d’un point de vue de classe, l’absence d’un point de vue politique révolutionnaire. Les termes « travailleurs », « ouvriers » n’apparaissent pas dans l’article. Concernant l’attitude de la population face aux vaccins, ce n’est pas celle des travailleurs en général, des travailleurs du secteur de la santé en particulier qui est évoquée, mais l’attitude « des Français ». Pourquoi reprendre ce terme chauvin qui nous est asséné des milliers de fois par jours dans tous les discours ?

Quelles sont les implications de la gestion gouvernementale de la pandémie dans la lutte des classes ? Aucun de ces sujets n’est abordé.

Certes le mot « capitalistes » est utilisé, mais seulement pour désigner des grands groupes qui souhaitent s’enrichir ; la bourgeoisie capitaliste n’est pas présente en tant que classe sociale qui exerce sa dictature politique sur toute la société. Une classe donc qui non seulement veut s’enrichir, mais garder sa domination politique sur tous les aspects de la vie sociale, dont la santé publique, si besoin est en perdant de l’argent.

Revenons à la question du discrédit du gouvernement : tout d’abord des révolutionnaires doivent être clairs sur ce qu’ils entendent par « discrédit du gouvernement ». Vu que ce gouvernement est celui qui défend les intérêts généraux de la bourgeoisie, est-il discrédité aux yeux de cette classe ? Ou aux yeux des travailleurs ? Ou aux yeux de la petite-bourgeoisie qui est un pilier politique fondamental du régime bourgeois en France ?

Si un discrédit d’un gouvernement est établi, dans quel sens cela pousse-t-il les différentes classes sociales ? Quelle initiative politique (propagande, agitation, organisation) cela doit-il impliquer pour les révolutionnaires vu ce discrédit et comment ce discrédit se manifeste-t-il dans les différentes organisations politiques ou syndicales : apparition d’une aile gauche chez les réformistes, afflux de travailleurs à la CGT, scissions dans la CGT etc ? Ce qui est annoncé en titre n’est pas développé, alors que c’est l’aspect le plus politique de la pandémie qui nous intéresse : quelles conséquences politiques pour la classe ouvrière.

Le titre de l’article semblant se suffire à lui-même, cela sous-entend que tout discrédit du gouvernement serait un pas en avant pour les travailleurs, pas besoin de précision. C’est bien sûr faux.

Au printemps 1917 dans l’Empire russe, l’annonce , l’atermoiement puis le déclenchement par le gouvernement provisoire d’une offensive militaire a discrédité ce gouvernement. Cela fût un progrès dans la direction de la révolution prolétarienne.

En 1927 l’écrasement de la révolution prolétarienne chinoise a discrédité la direction stalinienne, le gouvernement de l’Internationale Communiste, mais cet écrasement a été une catastrophe pour le prolétariat révolutionnaire.

En 1933 la république de Weimar était discréditée. Une politique correcte du PC et du PS aurait pu transformer ce discrédit en révolution prolétarienne. Une politique erronée du PC et du PS a abouti au nazisme.

L’histoire des révolutions et contre-révolutions nous montre donc qu’un discrédit d’un gouvernement peut aboutir à un tournant à gauche ou à droite des exploités, indépendamment de la politique des révolutionnaires. Il peut parfois aussi aboutir à un tournant à gauche ou à droite des exploités, selon que la politique des révolutionnaires sera bonne ou mauvaise. Le « discrédit d’un gouvernement » ne veut donc pas dire grand-chose si l’on ne développe pas tous ces points.

Ce schéma d’étude d’un événement politique comme le prétendu « discrédit du gouvernement » est une des méthodes élémentaires du marxisme. Ensuite, des révolutionnaires peuvent diverger sur la façon d’interpréter des changements d’attitude des travailleurs, peuvent proposer de faire de l’entrisme dans un parti, de former des fractions dans les syndicats, de créer des comités de lutte dans les hôpitaux, de ne rien faire de spécial et d’attendre etc. Une vraie discussion entre révolutionnaires est engagée. L’article de la Fraction LO-NPA est étranger à cette démarche, il est difficile de se placer sur le terrain de la discussion face à des formules seulement politiciennes.

De plus, suggérer que le gouvernement est discrédité « automatiquement » par le fait qu’il n’a pas été brillant pour maîtriser l’épidémie, c’est laisser croire que « l’Etat bourgeois comme nous veut guérir les gens, mais qu’il est incapable de le faire à cause de la cupidité des riches ». C’est donner des illusions dans cet Etat bourgeois.

Remarquons que cette affirmation sur le gouvernement Macron a déjà été faite sur le président brésilien Bolsonaro. Courier International dans son numéro 1535 donne une traduction d’un extrait de la presse brésilienne :

Bolsonaro est-il fini ? Même les alliés du président brésilien commencent à le lâcher, consternés par sa gestion erratique de la crise du coronavirus. Bolsonaro est mort politiquement, affirme cet éditorialise.

Cet article date de mars 2020 ! Bolsonaro a-t-il perdu le pouvoir, les travailleurs, ou leurs organisations ont-ils vraiment progressé ? Pas à notre connaissance. Si c’est le cas, l’article de la Fraction qui porte en titre cette question du « discrédit » d’un des nombreux gouvernements qui n’a pas brillé dans la gestion de la pandémie aurait pu expliquer cette dynamique du Brésil, qui pourrait se reproduire en France ou dans d’autres pays. Ces annonces du « discrédit » sont faites dans le journal Brésilien comme dans la revue Convergences : d’un point de vue politicien, électoral.

Les classes sociales étant absentes, les luttes politiques entre les classes le sont aussi.
Pour la Fraction LO du NPA, la crise du covid n’est pas un épisode dans la lutte des classes, seulement un problème de gestion des institutions scientifiques :

Face à cette crise sanitaire, la réponse semble se trouver dans une science mieux organisée et libérée de l’étau capitaliste de la recherche de profits

Certes, le terme « capitaliste » donne un ton radical à cette phrase, mais celle-ci suggère qu’une libération de l’« étau capitaliste » sans révolution, sans expropriation des trusts du « Big Pharma » est possible. C’est de l’anticapitalisme sans communisme, l’ADN du NPA.

Le fait qu’une dictature policière soit peu à peu mise en place grâce au Covid n’est pas abordé dans l’article.
Une classe dirigeante serait elle capable d’utiliser une épidémie pour donner des coups aux travailleurs, faire mourir des vieux ? La réponse est bien sûr oui. La classe qui nous dirige a du sang sur les mains depuis le début de son existence. Ce fait n’est pas évident à admettre pour beaucoup, seuls des révolutionnaires peuvent aborder ce sujet. Macron aide pourtant à le faire en comparant en permanence la pandémie à la guerre de 14 ! Or tout travailleur conscient sait qu’une guerre ne tombe pas du ciel, elle est déclarée par les gouvernements qui ont contracté volontairement des alliances économiques et militaires. Les bourgeoisies européennes ont utilisé cette guerre de 14-18 pour faire mourir massivement les ouvriers et paysans dont les révoltes montaient. Le nombre de morts n’a pas discrédité Clémenceau aux yeux de la bourgeoisie française, Macron glorifie même les dirigeants de cette guerre. Ce type de question ne se pose pas concernant la présente épidémie ?

Revendiquer une science indépendante ?

On l’a vu pour la Fraction LO du NPA, la crise de la covid19 n’est donc pas un épisode lié à la lutte des classes, seulement un problème dû aux institutions scientifiques entravées par l’« étau capitaliste » :

Face à cette crise sanitaire, la réponse semble se trouver dans une science mieux organisée et libérée de l’étau capitaliste de la recherche de profits

Un marxiste ajouterait que l’étau est constitué en dernier recours par l’Etat capitaliste , sa police et ses armées. C’est cet Etat bourgeois qu’il faut détruire. Détruire un « étau » est tout à fait respectable, Mélenchon l’écrirait. Détruire l’Etat bourgeois ne l’est pas : c’est un des principes fondamentaux d’une politique marxiste, dont la Fraction s’éloigne dans le choix de ses mots, pour se faire accepter des bureaucraties syndicales, du coeur réformiste du NPA.

On ne peut donc que s’étonner de la solution proposée : une science mieux organisée etc.

Des militants amateurs de science sont souvent venus aux idées révolutionnaires en constatant, à partir de 15/16 ans, l’écart entre la force de la science et sa piètre application au service de l’humanité. Ils en viennent à s’intéresser aux liens entre la politique et la science, puis vers 16/17 ans ont compris que la question n’a pas de solution dans le cadre d’une société divisée en classes, car une science « mieux organisée et libérée de l’étau capitaliste de la recherche de profits » est impossible.

Une des premières lectures qui permet à un(e) jeune militant(e) d’approfondir, de se convaincre définitivement sur cette question est de lire les écrits des militants des générations qui l’ont précédé(e), par exemple la Lettre de Kropotkine aux jeunes gens

C’est ainsi que le B. A. BA, même pas du marxisme, mais des idées révolutionnaires appliquées aux sciences s’acquière sur un premier point, qui peut être un point d’entrée dans le mouvement révolutionnaire.

On est donc stupéfait de voir des militants de la Fraction LO-NPA, qui se disent Trotskistes, donner comme idéal une perspective dont le caractère totalement utopique est une des premières vérités de l’école élémentaire du socialisme.

Comment expliquer cette régression ? Tout simplement, l’article que nous commentons n’est qu’une paraphrase de tracts syndicaux sur la crise du Covid 19, le type de tract qui « confirme » à l’occasion de la pandémie la justesse des revendications mises en avant depuis de décennies par les organisations syndicales de la recherche : plus de personnels, de meilleurs salaires, une recherche au service du bien commun.

Ces tracts syndicaux sont souvent utiles. L’auteur de ces lignes les diffuse par milliers pour un travail d’agitation. Le cadre syndical est approprié pour cela, car les Fédérations et Confédérations ne sont pas des organes dirigeants des syndicats, un syndicat n’est pas un parti. Un révolutionnaire peut donc diffuser de tels textes écrits par les fédérations syndicales, tout en précisant qu’il ne croit pas à une recherche indépendante sous le capitalisme, qu’il faut aller plus loin et exproprier les grands groupes capitalistes, car c’est la seule manière de détruire « l’étau » qui entrave tous les progrès potentiels de notre société.

Mais reprendre sans commentaire les formules sur une recherche « indépendante du profit », des révolutionnaires ne peuvent pas le faire dans leur revue de propagande qui se veut marxiste, et où ils peuvent, et c’est le but, exprimer leur point de vue en détail.

Remarquons de plus que certains syndicats sont beaucoup plus radicaux que l’article de la Fraction concernant la pandémie. Des CGT-istes n’ont pas peur de dire (l’écrire est plus difficile) que 400 personnes qui meurent par jour ne dérange absolument pas le gouvernement car ce sont surtout des prolétaires qui meurent.

Le style syndicaliste qui inspire l’article de la Fraction n’est ni lutte-de-classe, ni révolutionnaire.

La critique est aisée mais l’art est difficile disait Boileau. Qu’aurait donc pu écrire un militant du NPA dans un article qui introduit un dossier sur la Covid19 ?
Pourquoi ne pas commencer par reprendre ce qu’il y a de mieux dans la littérature de l’ex LCR ?Parmi tous les vieux écrits de cette organisation, l’un,
La médecine confisquée
est consacré entièrement à la médecine. L’autre Ce que veut la Ligue communiste , comprend une partie qui lui est consacrée. Ces deux ouvrages donnent un très bon point de départ pour donner une idée de la manière dont la lutte des classes se traduit dans le secteur médical. Des slogans élémentaires encore d’actualité sont largement prodigués. Une remise à jour de ces deux textes donnerait un bon point de départ.

La comparaison de ce qu’écrivait la LCR avec l’article que nous venons de commenter montre à quel point la Fraction LO-NPA est non seulement à droite de la LCR des années 70, mais surtout sur un terrain qui dans le vocabulaire n’est plus celui de la révolution, de la lutte de classe et du rôle spécifique du prolétariat dans cette lutte de classe.

Citons quelques passages de ces deux écrits :

  • Non à la fétichisation stalinienne et réformiste de la science
  • La naissance d’un monde nouveau auquel l’énorme majorité de l’humanité aspire confusément ne sera ni le produit naturel du progrès scientifique, ni le résultat d’un retour à la nature conçu comme le rejet de tous les acquis scientifiques et culturels. Il ne pourra naître que de la destruction consciente du système capitaliste, de la conquête du pouvoir par la seule classe qui en se libérant du joug de l’exploitation, libérera l’humanité tout entière : le prolétariat.
  • Qui paie les escrocs ? Les cotisants à la Sécurité Sociale, c’est-à-dire les travailleurs ! L’expropriation sans indemnité ni rachat des trusts pharmaceutiques et des industries chimiques auxquels ils sont liés est une mesure de salubrité publique !
  • En médecine pas de profit. Dans le cadre général de l’expropriation du capital, pour la santé cela signifie l’expropriation sans rachat
     des 20 laboratoires qui font 50% du chiffre d’affaires total
     des grands trusts de l’industrie chimique
     des banques privées
  • Autonomie absolue de la sécurité sociale
  • Gestion de la sécurité sociale par les travailleurs de santé et par les travailleurs, c’est-à-dire expulsion des patrons des conseils d’administration.
  • Expropriation des trusts pharmaceutiques
  • Suppression du secteur hospitalier privé
  • Suppression progressive des cliniques privées. Développement à leur place de maisons médico-chirurgicale, centres publics de soins par quartiers, banlieue, village.

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