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Marx et l’argent

vendredi 12 mars 2021, par Robert Paris

Marx et l’argent

Karl Marx dans « Le Capital » :

« Le capital est du travail mort, qui ne s’anime qu’en suçant tel un vampire du travail vivant, et qui est d’autant plus vivant qu’il en suce davantage. »

« Si l’argent, comme dit Augier, vient au monde avec des taches de sang naturelles sur une joue, le capital quant à lui vient au monde dégoulinant de sang et de saleté par tous ses pores, de la tête aux pieds. »

« POUVOIR DE L’ARGENT
DANS LA SOCIÉTÉ BOURGEOISE », KARL MARX, 1844

« Si les sensations, les passions, etc. de l’homme ne sont pas seulement des déterminations anthropologiques au sens étroit, mais sont vraiment des affirmations ontologiques essentielles (naturelles) - et si elles ne s’affirment réellement que par le fait que leur objet est sensible pour elles, il est évident

1º que le mode de leur affirmation n’est absolument pas un seul et même mode, mais qu’au contraire, la façon distincte dont elles s’affirment constitue le caractère propre de leur existence, de leur vie ; la façon dont l’objet existe pour elles constitue le caractère propre de chaque jouissance spécifique ;

2º là où l’affirmation sensible est suppression directe de l’objet sous sa forme indépendante (manger, boire, façonnage de l’objet, etc.), c’est l’affirmation de l’objet ;

3º dans la mesure où l’homme est humain, où donc sa sensation, etc., aussi est humaine, l’affirmation de l’objet par un autre est également sa propre jouissance ;

4º ce n’est que par l’industrie développée, c’est-à-dire par le moyen terme de la propriété privée, que l’essence ontologique de la passion humaine atteint et sa totalité et son humanité ; la science de l’homme est donc elle-même un produit de la manifestation pratique de soi par l’homme ;

5º le sens de la propriété privée - détachée de son aliénation - est l’existence des objets essentiels pour l’homme tant comme objets de jouissance que comme objets d’activité.

L’argent en possédant la qualité de tout acheter, en possédant la qualité de s’approprier tous les objets est donc l’objet comme possession éminente. L’universalité de sa qualité est la toute-puissance de son essence. Il passe donc pour tout-puissant... L’argent est l’entremetteur entre le besoin et l’objet, entre la vie et le moyen de subsistance de l’homme. Mais ce qui sert de moyen terme à ma vie, sert aussi de moyen terme à l’existence des autres hommes pour moi. C’est pour moi l’autre homme.

« Que diantre ! il est clair que tes mains et les pieds

Et ta tête et ton c... sont à toi ;

Mais tout ce dont je jouis allégrement

En est-ce donc moins à moi ?

Si je puis payer six étalons,

Leurs forces ne sont-elles pas miennes ?

Je mène bon grain et suis un gros monsieur,

Tout comme si j’avais vingt-quatre pattes. »

GOETHE : Faust (Méphistophélès)

Shakespeare dans Timon d’Athènes :

« De l’or ! De l’or jaune, étincelant, précieux ! Non, dieux du ciel, je ne suis pas un soupirant frivole... Ce peu d’or suffirait à rendre blanc le noir, beau le laid, juste l’injuste, noble l’infâme, jeune le vieux, vaillant le lâche... Cet or écartera de vos autels vos prêtres et vos serviteurs ; il arrachera l’oreiller de dessous la tête des mourants ; cet esclave jaune garantira et rompra les serments, bénira les maudits, fera adorer la lèpre livide, donnera aux voleurs place, titre, hommage et louange sur le banc des sénateurs ; c’est lui qui pousse à se remarier la veuve éplorée. Celle qui ferait lever la gorge à un hôpital de plaies hideuses, l’or l’embaume, la parfume, en fait de nouveau un jour d’avril. Allons, métal maudit, putain commune à toute l’humanité, toi qui mets la discorde parmi la foule des nations... »

Et plus loin

« O toi, doux régicide, cher agent de divorce entre le fils et le père, brillant profanateur du lit le plus pur d’Hymen, vaillant Mars, séducteur toujours jeune, frais, délicat et aimé, toi dont la splendeur fait fondre la neige sacrée qui couvre le giron de Diane, toi dieu visible,& qui soudes ensemble les incompatibles et les fais se baiser, toi qui parles par toutes les bouches [XLII] et dans tous les sens, pierre de touche des cœurs, traite en rebelle l’humanité, ton esclave, et par ta vertu jette-la en des querelles qui la détruisent , afin que les bêtes aient l’empire du monde. »

Shakespeare décrit parfaitement l’essence de l’argent. Pour le comprendre, commençons d’abord par expliquer le passage de Gœthe :

Ce qui grâce à l’argent est pour moi, ce que je peux payer, c’est-à-dire ce que l’argent peut acheter, je le suis moi-même, moi le possesseur de l’argent. Ma force est tout aussi grande qu’est la force de l’argent. Les qualités de l’argent sont mes qualités et mes forces essentielles - à moi son possesseur. Ce que je suis et ce que je peux n’est donc nullement déterminé par mon individualité. Je suis laid, mais je peux m’acheter la plus belle femme. Donc je ne suis pas laid, car l’effet de la laideur, sa force repoussante, est anéanti par l’argent. De par mon individualité, je suis perclus, mais l’argent me procure vingt-quatre pattes ; je ne suis donc pas perclus ; je suis un homme mauvais, malhonnête, sans conscience, sans esprit, mais l’a¬gent est vénéré, donc aussi son possesseur, l’argent est le bien suprême, donc son possesseur est bon, l’argent m’évite en outre la peine d’être malhonnête ; on me présume donc honnête ; je suis sans esprit, mais l’argent est l’esprit réel de toutes choses, comment son possesseur pourrait-il ne pas avoir d’esprit ? De plus, il peut acheter les gens spirituels et celui qui possède la puissance sur les gens d’esprit n’est-il pas plus spirituel que l’homme d’esprit ? Moi qui par l’argent peux tout ce à quoi aspire un cœur humain, est-ce que je ne possède pas tous les pouvoirs humaine ? Donc mon argent ne transforme-t-il pas toutes mes impuissances en leur contraire ?

Si l’argent est le lien qui me lie à la vie humaine, qui lie à moi la société et qui me lie à la nature et à l’homme, l’argent n’est-il pas le lien de tous les liens ? Ne peut-il pas dénouer et nouer tous les liens ? N’est-il non plus de ce fait le moyen universel de séparation ? Il est la vraie monnaie divisionnaire, comme le vrai moyen d’union, la force chimique [universelle] de la société.

Shakespeare souligne surtout deux propriétés de l’argent :

1º Il est la divinité visible, la transformation de toutes les qualités humaines et naturelles en leur contraire, la confusion et la perversion universelle des choses ; il fait fraterniser es impossibilités.

2º Il est la courtisane universelle, l’entremetteur universel des hommes et des peuples.

La perversion et la confusion de toutes les qualités humaines et naturelles, la fraternisation des impossibilités - la force divine - de l’argent sont impliquées dans son essence in tant qu’essence générique aliénée, aliénante et s’aliénant, des hommes. Il est la puissance aliénée de l’humanité.

Ce que je ne puis en tant qu’homme, donc ce que ne peuvent toutes mes forces essentielles d’individu, je le puis grâce à l’argent. L’argent fait donc de chacune de ces forces essentielles ce qu’elle n’est pas en soi ; c’est-à-dire qu’il en fait éon contraire.

Si j’ai envie d’un aliment ou si je veux prendre la chaise de poste, puisque je ne suis pas assez fort pour faire la route à pied, l’argent me procure l’aliment et la chaise de poste, c’est-à-dire qu’il transforme mes vœux d’êtres de la représentation qu’ils étaient, il les transfère de leur existence pensée, figurée, voulue, dans leur existence sensible, réelle ; il les fait passer de la représentation à la vie, de l’être figuré à l’être réel. Jouant ce rôle de moyen terme, l’argent est la force vraiment créatrice.

La demande existe bien aussi pour celui qui n’a pas d’argent, mais sa demande est un pur être de la représentation qui sur moi, sur un tiers, sur les autres n’a pas d’effet, n’a pas d’existence, donc reste pour moi-même irréel, sans objet. La différence entre la demande effective, basée sur l’argent, et la demande sans effet, basée sur mon besoin, ma passion, mon désir, etc., est la différence entre l’Être et la Pensée, entre la simple représentation existant en moi et la représentation telle qu’elle est pour moi en dehors de moi en tant qu’objet réel.

Si je n’ai pas d’argent pour voyager, je n’ai pas de besoin, c’est-à-dire de besoin réel et se réalisant de voyager. Si j’ai la vocation d’étudier mais que je n’ai pas l’argent pour le faire, je n’ai pas de vocation d’étudier, c’est-à-dire pas de vocation active, véritable. Par contre, si je n’ai réellement pas de vocation d’étudier, mais que j’en ai la volonté et l’argent, j’ai par-dessus le marché une vocation effective. L’argent, - moyen et pouvoir universels, extérieurs, qui ne viennent pas de l’homme en tant qu’homme et de la société humaine en tant que société, - moyen et pouvoir de convertir la représentation en réalité et la réalité en simple représentation, transforme tout aussi bien les forces essentielles réelles et naturelles de l’homme en représentation purement abstraite et par suite en imperfections, en chimères douloureuses, que d’autre part il transforme les imperfections et chimères réelles, les forces essentielles réellement impuissantes qui n’existent que dans l’imagination de l’individu, en forces essentielles réelles et en pouvoir. Déjà d’après cette définition, il est donc la perversion générale des individualités, qui les change en leur contraire et leur donne des qualités qui contredisent leurs qualités propres.

Il apparaît alors aussi comme cette puissance de perversion contre l’individu et contre les liens sociaux, etc., qui prétendent être des essences pour soi. Il transforme la fidélité en infidélité, l’amour en haine, la haine en amour, la vertu en vice, le vice en vertu, le valet en maître, le maître en valet, le crétinisme en intelligence, l’intelligence en crétinisme.

Comme l’argent, qui est le concept existant et se manifestant de la valeur, confond et échange toutes choses, il est la confusion a la permutation universelles de toutes choses, donc le monde à l’envers, la confusion et la permutation de toutes les qualités naturelles et humaines.

Qui peut acheter le courage est courageux, même s’il est lâche. Comme l’argent ne s’échange pas contre une qualité déterminée, contre une chose déterminée, contre des forces essentielles de l’homme, mais contre tout le monde objectif de l’homme et de la nature, il échange donc - du point de vue de son possesseur - toute qualité contre toute autre - et aussi sa qualité et son objet contraires ; il est la fraternisation des impossibilités. Il oblige à s’embrasser ce qui se contredit.

Si tu supposes l’homme en tant qu’homme et son rapport au monde comme un rapport humain, tu ne peux échanger que l’amour contre l’amour, la confiance contre la confiance, etc. Si tu veux jouir de l’art, il faut que tu sois un homme ayant une culture artistique ; si tu veux exercer de l’influence sur d’autres hommes, il faut que tu sois un homme qui ait une action réellement animatrice et stimulante sur les autres hommes. Chacun de tes rapports à l’homme - et à la nature -doit être une manifestation déterminée, répondant à l’objet de ta volonté, de ta vie individuelle réelle. Si tu aimes sans provoquer d’amour réciproque, c’est-à-dire si ton amour, en tant qu’amour, ne provoque pas l’amour réciproque, si par ta manifestation vitale en tant qu’homme aimant tu ne te transformes pas en homme aimé, ton amour est impuissant et c’est un malheur. »

Manuscrits de 1844 :

Pouvoir de l’argent dans la société bourgeoise

Si les sensations, les passions, etc. de l’homme ne sont pas seulement des détermi­na­tions anthropologiques au sens [étroit] [174] , mais sont vraiment des affirmations ontologiques essentielles (naturelles) - et si elles ne s’affirment réellement que par le fait que leur objet est sensible pour elles, il est évident 1º que le mode de leur affirmation n’est absolument pas un seul et même mode, mais qu’au contraire, la façon distincte dont elles s’affirment constitue le caractère propre de leur existence, de leur vie ; la façon dont l’objet existe pour elles constitue le caractère propre de chaque jouissance spécifique ; 2º là où l’affirmation sensible est sup­pres­­sion directe de l’objet sous sa forme indépendante (manger, boire, façonnage de l’objet, etc.), c’est l’affirmation de l’objet ; 3º dans la mesure où l’homme est humain, où donc sa sensation, etc., aussi est humaine, l’affirmation de l’objet par un autre est également sa propre jouissance ; 4º ce n’est que par l’industrie développée, c’est-à-dire par le moyen terme de la propriété privée, que l’essence ontologique de la passion humaine atteint et sa totalité et son humanité ; la science de l’homme est donc elle-même un produit de la manifestation pratique de soi par l’homme ; 5º le sens de la propriété privée - détachée de son aliénation - est l’exis­tence des objets essentiels pour l’homme tant comme objets de jouissance que comme objets d’activité.

L’argent en possédant la qualité de tout acheter, en possédant la qualité de s’approprier tous les objets est donc l’objet comme possession éminente. L’universalité de sa qualité est la toute-puissance de son essence. Il passe donc pour tout-puissant... L’argent est l’entremetteur entre le besoin et l’objet, entre la vie et le moyen de subsistance de l’homme. Mais ce qui sert de moyen terme à ma vie, sert aussi de moyen terme à l’existence des autres hommes pour moi. C’est pour moi l’autre homme.

Que diantre ! il est clair que tes mains et les pieds

Et ta tête et ton c... sont à toi ;

Mais tout ce dont je jouis allégrement

En est-ce donc moins à moi ?

Si je puis payer six étalons,

Leurs forces ne sont-elles pas miennes ?

Je mène bon grain et suis un gros monsieur,

Tout comme si j’avais vingt-quatre pattes.

GOETHE : Faust (Méphistophélès) [175]

Shakespeare dans Timon d’Athènes [176] :

De l’or ! De l’or jaune, étincelant, précieux ! Non, dieux du ciel, je ne suis pas un sou­pi­rant frivole... Ce peu d’or suffirait à rendre blanc le noir, beau le laid, juste l’injuste, noble l’infâme, jeune le vieux, vaillant le lâche... Cet or écartera de vos autels vos prêtres et vos serviteurs ; il arrachera l’oreiller de dessous la tête des mourants ; cet esclave jaune garantira et rompra les serments, bénira les maudits, fera adorer la lèpre livide, donnera aux voleurs place, titre, hommage et louange sur le banc des sénateurs ; c’est lui qui pousse à se remarier la veuve éplorée. Celle qui ferait lever la gorge à un hôpital de plaies hideuses, l’or l’embaume, la parfume, en fait de nouveau un jour d’avril. Allons, métal maudit, putain commune à toute l’humanité, toi qui mets la discorde parmi la foule des nations...

Et plus loin :

O toi, doux régicide, cher agent de divorce entre le fils et le père, brillant profana­teur du lit le plus pur d’Hymen, vaillant Mars, séducteur toujours jeune, frais, délicat et aimé, toi dont la splendeur fait fondre la neige sacrée qui couvre le giron de Diane, toi dieu visible,& qui soudes ensemble les incompatibles et les fais se baiser, toi qui parles par toutes les bouches et dans tous les sens, pierre de touche des cœurs, traite en rebelle l’humanité, ton esclave, et par ta vertu jette-la en des querelles qui la détruisent, afin que les bêtes aient l’empire du monde.

Shakespeare décrit parfaitement l’essence de l’argent. Pour le comprendre, commençons d’abord par expliquer le passage de Gœthe :

Ce qui grâce à l’argent est pour moi, ce que je peux payer, c’est-à-dire ce que l’argent peut acheter, je le suis moi-même, moi le possesseur de l’argent. Ma force est tout aussi grande qu’est la force de l’argent. Les qualités de l’argent sont mes qualités et mes forces essentielles - à moi son possesseur. Ce que je suis et ce que je peux n’est donc nullement déterminé par mon individualité. Je suis laid, mais je peux m’acheter la plus belle femme. Donc je ne suis pas laid, car l’effet de la laideur, sa force repoussante, est anéanti par l’argent. De par mon individualité, je suis perclus, mais l’argent me procure vingt-quatre pattes ; je ne suis donc pas perclus ; je suis un homme mauvais, malhonnête, sans conscience, sans esprit, mais l’ar­gent est vénéré, donc aussi son possesseur, l’argent est le bien suprême, donc son posses­seur est bon, l’argent m’évite en outre la peine d’être malhonnête ; on me présume donc hon­nê­te ; je suis sans esprit, mais l’argent est l’esprit réel de toutes choses, comment son possesseur pourrait-il ne pas avoir d’esprit ? De plus, il peut acheter les gens spirituels et celui qui possè­de la puissance sur les gens d’esprit n’est-il pas plus spirituel que l’homme d’esprit ? Moi qui par l’argent peux tout ce à quoi aspire un cœur humain, est-ce que je ne possède pas tous les pouvoirs humaine ? Donc mon argent ne transforme-t-il pas toutes mes impuissances en leur contraire ?

Si l’argent est le lien qui me lie à la vie humaine, qui lie à moi la société et qui me lie à la nature et à l’homme, l’argent n’est-il pas le lien de tous les liens ? Ne peut-il pas dénouer et nouer tous les liens ? N’est-il non plus de ce fait le moyen universel de séparation ? Il est la vraie monnaie divisionnaire, comme le vrai moyen d’union, la force chimique [universelle] de la société.

Shakespeare souligne surtout deux propriétés de l’argent :

1º Il est la divinité visible, la transformation de toutes les qualités humaines et naturelles en leur contraire, la confusion et la perversion universelle des choses ; il fait fraterniser es impossibilités.

2º Il est la courtisane universelle, l’entremetteur universel des hommes et des peuples.

La perversion et la confusion de toutes les qualités humaines et naturelles, la fraternisa­tion des impossibilités - la force divine - de l’argent sont impliquées dans son essence in tant qu’essence générique aliénée, aliénante et s’aliénant, des hommes. Il est la puissance aliénée de l’humanité.

Ce que je ne puis en tant qu’homme, donc ce que ne peuvent toutes mes forces essen­tielles d’individu, je le puis grâce à l’argent. L’argent fait donc de chacune de ces forces es­sen­tielles ce qu’elle n’est pas en soi ; c’est-à-dire qu’il en fait éon contraire.

Si j’ai envie d’un aliment ou si je veux prendre la chaise de poste, puisque je ne suis pas assez fort pour faire la route à pied, l’argent me procure l’aliment et la chaise de poste, c’est-à-dire qu’il transforme mes vœux d’êtres de la représentation qu’ils étaient, il les transfère de leur existence pensée, figurée, voulue, dans leur existence sensible, réelle ; il les fait passer de la représentation à la vie, de l’être figuré à l’être réel. Jouant ce rôle de moyen terme, l’[argent] est la force vraiment créatrice.

La demande existe bien aussi pour celui qui n’a pas d’argent, mais sa demande est un pur être de la représentation qui sur moi, sur un tiers, sur les autres [XLIII] n’a pas d’effet, n’a pas d’existence, donc reste pour moi-même irréel, sans objet. La différence entre la demande effective, basée sur l’argent, et la demande sans effet, basée sur mon besoin, ma passion, mon désir, etc., est la différence entre l’Être et la Pensée, entre la simple représentation existant en moi et la représentation telle qu’elle est pour moi en dehors de moi en tant qu’objet réel .

Si je n’ai pas d’argent pour voyager, je n’ai pas de besoin, c’est-à-dire de besoin réel et se réalisant de voyager. Si j’ai la vocation d’étudier mais que je n’ai pas l’argent pour le faire, je n’ai pas de vocation d’étudier, c’est-à-dire pas de vocation active, véritable. Par contre, si je n’ai réellement pas de vocation d’étudier, mais que j’en ai la volonté et l’argent, j’ai par-dessus le marché une vocation effective. L’argent, - moyen et pouvoir universels, extérieurs, qui ne vien­nent pas de l’homme en tant qu’homme et de la société humaine en tant que société, - moyen et pouvoir de convertir la représentation en réalité et la réalité en simple représen­ta­tion, transforme tout aussi bien les forces essentielles réelles et naturelles de l’homme en représentation purement abstraite et par suite en imperfections, en chimères douloureuses, que d’autre part il transforme les imperfections et chimères réelles, les forces essentielles réellement impuissantes qui n’existent que dans l’imagination de l’individu, en forces essen­tielles réelles et en pouvoir. Déjà d’après cette définition, il est donc la perversion générale des individualités, qui les change en leur contraire et leur donne des qualités qui contredisent leurs qualités propres.

Il apparaît alors aussi comme cette puissance de perversion contre l’individu et contre les liens sociaux, etc., qui prétendent être des essences pour soi. Il transforme la fidélité en infidélité, l’amour en haine, la haine en amour, la vertu en vice, le vice en vertu, le valet en maître, le maître en valet, le crétinisme en intelligence, l’intelligence en crétinisme.

Comme l’argent, qui est le concept existant et se manifestant de la valeur, confond et échan­ge toutes choses, il est la confusion a la permutation universelles de toutes choses, donc le monde à l’envers, la confusion et la permutation de toutes les qualités naturelles et humaines.

Qui peut acheter le courage est courageux, même s’il est lâche. Comme l’argent ne s’é­chan­ge pas contre une qualité déterminée, contre une chose déterminée, contre des forces essentielles de l’homme, mais contre tout le monde objectif de l’homme et de la nature, il échan­ge donc - du point de vue de son possesseur - toute qualité contre toute autre - et aussi sa qualité et son objet contraires ; il est la fraternisation des impossibilités. Il oblige à s’embras­ser ce qui se contredit.

Si tu supposes l’homme en tant qu’homme et son rapport au monde comme un rapport humain, tu ne peux échanger que l’amour contre l’amour, la confiance contre la confiance, etc. Si tu veux jouir de l’art, il faut que tu sois un homme ayant une culture artistique ; si tu veux exercer de l’influence sur d’autres hommes, il faut que tu sois un homme qui ait une action réellement animatrice et stimulante sur les autres hommes. Chacun de tes rapports à l’homme - et à la nature -doit être une manifestation déterminée, répondant à l’objet de ta volonté, de ta vie individuelle réelle. Si tu aimes sans provoquer d’amour réciproque, c’est-à-dire si ton amour, en tant qu’amour, ne provoque pas l’amour réciproque, si par ta manifestation vitale en tant qu’homme aimant tu ne te transformes pas en homme aimé, ton amour est impuissant et c’est un malheur.

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