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Le système capitaliste a-t-il déjà chuté de lui-même ou ne pourra-t-il chuter que par la révolution ?

jeudi 24 septembre 2020, par Robert Paris

Le système capitaliste a-t-il déjà chuté de lui-même ou ne pourra-t-il chuter que par la révolution ?

Pour bien des gens, un système d’exploitation ne peut pas se terminer ainsi et il ne peut être mis à bas que par la révolution sociale. Ils en concluent que, pour le moment, le capitalisme ne peut pas mourir !

Tout d’abord, c’est oublier que la révolution sociale mondiale a déjà commencé !
Ensuite, c’est effacer que la logique marche en sens inverse : c’est parce que le système ne peut plus fonctionner, que sa dynamique est morte, que la révolution sociale peut poser les termes du changement radical de système social.

C’est ce que prétend cacher le masque covid ! En effet, ce qui se pose comme alternative, ce n’est pas une politique des gouvernants qui serait meilleure, ou des mesures des patrons qui seraient moins dures, c’est le renversement du système mondial qui a longtemps dominé la planète.

Et Covid ne sert pas seulement à masquer la réalité de cet affrontement dont dépend l’avenir de l’humanité, il sert aussi à donner de vraies armes contre le prolétariat, en divisant les travailleurs, en opposant jeunes et vieux, partisans du confinement et du déconfinement, partisans et adversaires des masques, des tests, des vaccins, en opposant la défense des emplois à la défense de la santé, etc. Il sert à justifier les interventions policières et militaires, qui ne combattent pas covid mais servent à détruire la révolution sociale montante, à dissuader tous ceux qui voudraient s’y joindre. Il sert à justifier les prétentions réformistes d’améliorer la santé et l’emploi, en menant de fausses luttes, de fausses grèves, de fausses négociations qui sont de vraies trahisons des intérêts du monde du travail.

Cacher que le vieux monde est mort sert d’abord à empêcher les prolétaires de prendre conscience du rôle historique qui est le leur, de la nécessité de préparer un nouveau monde car l’ancien est fini, ne donnera plus rien que des fruits pourris et des coups.

Notre camarade Olivier, longtemps compagnon de route des bordiguistes nous avait écrit à propos de la polémique avec Pietro Basso sur la dialectique hégélienne du Capital de Marx :

« Je suis d’accord avec toi par rapport à ta critique de la vision trés rationaliste de Bordiga et trop "matheuse". (le terme n’est pas trop juste mais je pense que tu comprends le sens de l’utilisation de ce mot).

Vouloir réduire le marxisme à une science ne me semble pas juste. Par contre comprendre que le monde est contradictoire est fondamental et qu’il est difficile de faire des prédictions comme celle de dire que "la révolution communisme est aussi vrai que si elle était déjà advenue". (vérifier les termes exacts de Bordiga).

C’est pourquoi la conception dialectique et contradictoire est très importante. Et, il faut l’appliquer à la crise du capitalisme lui même. Cher Robert ! On ne peut pas affirmer que le capitalisme est mort. C’est toujours la contradiction : Socialisme ou Barbarie.

Si le prolétariat n’abat pas le capitalisme même dans sa décadence actuelle et crise très grave et profonde qui mêle une crise sociale, économique, environnementale, politique, etc..., il subsistera en nous entraînant dans la barbarie. C’est la révolution communiste qui détruira le capitalisme et pas un collapsus de lui-même.

Amicalement,

Olivier »

Réponse à Olivier

Certes, le passage d’un type de société à un autre, d’un mode de production et d’un mode d’appropriation des richessses à un autre, n’a rien d’automatique, ne se contente pas de l’effondrement de l’ancienne société, c’est-à-dire nécessite une révolution sociale dirigée par une nouvelle classe sociale dirigeante porteuse de cette société nouvelle. La chute d’une société entraîne des destructions mais pas une construction et elle peut même détruire toute forme de civilisation, ou entraîner des retours en arrière de plusieurs crans ou des destructions massives de populations. D’aitre part, l’incapacité des anciennes classes dirigeantes à continuer à faire fonctionner une société ayant atteint ses limites et chutant inexorablement, situation qui s’est produite maintes fois dans l’Histoire des sociétés humaines, ne signifie pas que les appareils d’Etat soient eux aussi détruits. Là encore, il faut la révolution, à la fois pour détruire l’ancien appareil d’Etat et pour en construire un nouveau. En particulier, il faut la révolution pour rendre les masses conscientes de leur rôle révolutionnaire.

Cependant, l’idée qu’une société ne disparaît que par la révolution est erronée. La vieille société chute d’abord parce que ses anciennes bases de construction se sont transformées en éléments de destruction. C’est ce qui s’est passé aussi bien pour l’empire romain que pour l’Ancien Régime en France et dans d’innombrables situations historiques. La vieille société chute fondamentalement parce que les anciennes classes possédantes ne peuvent plus faire fonctionner l’ancien système et pas seulement parce que les exploités et les opprimés ne le veulent plus. Ceux-ci peuvent même être les derniers à prendre conscience que tout est fini.

La vieille société meurt parce que ses contradictions internes ont tué son fonctionnement dynamique. Bien sûr, la lutte des classes fait partie de ces contradictions mais le fondement essentiel est celui du mode de production et d’appropriation. La lutte des classes ne peut être porteuse d’une nouvelle société que si l’ancienne n’est plus capable de fonctionner. L’humanité ne se pose que des problèmes qu’elle est contrainte de résoudre et n’avance que des solutions qui reposent sur les nécessités de la société !

Dans ce sens, il est absurde d’affirmer que nous sommes dans l’ère des révolutions sociales, et en même temps dire que le fonctionnement capitaliste n’a pas atteint son terme.

D’autre part, il est nécessaire de regarder la réalité et de ne pas s’en tenir à des adages moralisateurs du genre « ne pas vendre la peau du capitalisme… », « on s’est souvent trompé en prédisant la fin… » ou encore « seule la révolution peut en finir avec… »

Ce sont des arguments objectifs qui doivent affirmer ou infirmer la mort du capitalisme.

Ainsi, constater que le système serait mort sans une perfusion permanente d’argent public, c’est déjà reconnaitre que c’esr un mort en fausse vie prolongée à la Sharon… Constater que l’accroissement constant de la masse de la perfusion ne fait qu’accroitre la chute va dans le même sens.

Dès lors qu’on comprend que l’on a affaire à une limitee objective du capitalisme, celle des investissements productifs qui créent de la plus-value, on comprend aussi que toute augmentation de la masse totale du capital aggrave la catastrophe et donc que si une telle mesure est prise sans cesse, c’est que les classes possédantes n’ont plus d’espoir de sortir de leur chute, mais seulement de la retarder le plus possible afin de prendre des mesures économiques, sociales et politiques pour casser le prolétariat. C’est ce qui se produit notamment avec covid, mais aussi avec le terrorisme, le retour de la guerre mondiale, les montées fascistes, l’effondrement des « démocraties » capitalistes, la militarisation de la société civile, etc.

Celui qui pense que l’on a affaire simplement à une crise capitaliste grave dont le système peut se sortir ne peut pas dire en même temps qu’il est d’accord sur les perspectives pour les exploités car ce ne sont pas les mêmes. En fait, il ne se rend pas compte qu’il donne de l’eau au moulin des réformistes, opportunistes et autres faux amis et vrais ennemis du prolétariat révolutionnaire, en réalité les plus dangereux ennemis !!!

Le diagnostic ne peut pas être indifférent dans la prescription au patient ! On ne peut pas être radicalement contre les aides financières d’Etat pour sauver les emplois si ceux-ci peuvent réellement être sauvés ! On ne peut pas être radicalement contre toute négociation avec les institutions bourgeoises si celles-ci peuvent mener à des avancées, même minimes !

Les crises capitalistes du passé, même les plus graves, n’ont jamais été traitées par des perfusions massives d’argent public inndant les marchés, les trusts, les banques, les bourses et les financiers ! Absolument jamais ! On n’a jamais non plus aidé systématiquement les trusts et les banques en faillite ! De telles mesures vont à l’encontre de la rentabilité capitaliste !

Bien sûr, les aides d’état et le capital spéculatif fictif ne datent pas des années 2000 ni de l’effondrement de 2007-2008 ou de celui de 2019, mais ce qui n’est jamais arrivé auparavant, c’est per exemple la multiplication des audes aux capitaux nocifs, aux investissements pourris, qui sont rachetés massivement par les banques centrales et les Etats ! Le capitalisme n’est plus constructeur mais destructeur et ne parvient à durer un peu que par une cavalerie financière à la Madoff…

Les crises capitalistes du passé n’ont jamais été traitées de cette manière et ce n’est pas parce qu’on n’y avait pas pensé !

Traiter une suraccumulation de capital en accroissant massivement et artificiellement (en distribuant des richesses qui n’existent pas et n’existeront jamais !) le total des capitaux en circulation, cela ne peut pas être un traitement mais seulement des soins palliatifs d’une phase mortuaire.

Tu as parfaitement raison de soutenir que le capitalisme a un fonctionnement dialetctique, que sa dynamique est fondée sur des contradictions, à la fois destructrices et constructives, mais quand il ne l’est plus, il faut aussi reconnaitre que ces contradictions mènent à un suat qualitatif (c’est aussi une loi dialectique du changement d’état).

C’est tant mieux que tu reconnaisses l’importance de la dialectique de Hegel au sein du marxisme, contrairement à Bordiga, même si tu apprécies ce révolutionnaire sur d’autres questions. L’esprit pseudo-scientifique de certains matheux est effectivement catastrophique en philosophie. Cependant, le rejet des contradictions dialectiques en politique n’est pas que bordiguiste et concerne l’essentiel des gauches communistes. Raisonner en contradictions diamétrales et pas dialectiques, signifie rejeter les aspirations nationales, les luttes démocratiques, les revendications de la petite bourgeoisie, la lutte contre l’oppression des minorités ou des groupes opprimés. Opposer diamétralement est le propre du courant « gauche communiste » que tu défends et c’est cela aussi que met en cause la conception dialectique…

Lire ici sur les contradictions diamétrales et dialectiques

Que signifie dire que le capitalisme est mort ?

Pour bien des gens, le capitalisme continue à fonctionner tant qu’il continue à produire des marchadises mais c’est faux : Marx a montré que le capitalisme n’est pas d’abord une mode de production de biens mais une accumulation du capital issu de la plus-value extraite du travail humain. A partir du moment où le capital ne parvient plus à s’accroître ainsi, c’est que son fonctionnement fondamental est à l’arrêt et rien ne réparera ce ressort cassé…

Karl Marx dans Le Capital, tome I :

« Le capitaliste n’a aucune valeur historique, aucun droit historique à la vie, aucune raison d’être sociale, qu’autant qu’il fonctionne comme capital personnifié. Ce n’est qu’à ce titre que la nécessité transitoire de sa propre existence est impliquée dans la nécessité transitoire du mode de production capitaliste. Le but déterminé de son activité n’est donc ni la valeur d’usage, ni la jouissance, mais bien la valeur d’échange et son accroissement continu. Agent fanatique de l’accumulation, il force les hommes, sans merci ni trêve, à produire pour produire, et les pousse ainsi instinctivement à développer les puissances productrices et les conditions matérielles qui seules peuvent former la base d’une société nouvelle et supérieure. Le capitaliste n’est respectable qu’autant qu’il est le capital fait homme. Dans ce rôle, il est, lui aussi, comme le thésauriseur, dominé par sa passion aveugle pour la richesse abstraite, la valeur. Mais ce qui chez l’un paraît être une manie individuelle est chez l’autre l’effet du mécanisme social dont il n’est qu’un rouage. Le développement de la production capitaliste nécessite un agrandissement continu du capital placé dans une entreprise, et la concurrence impose les lois immanentes de la production capitaliste comme lois coercitives externes à chaque capitaliste individuel. Elle ne lui permet pas de conserver son capital sans l’accroître, et il ne peut continuer de l’accroître à moins d’une accumulation progressive… Enfin accumuler, c’est conquérir le monde de la richesse sociale, étendre sa domination personnelle, augmenter le nombre de ses sujets, c’est sacrifier à une ambition insatiable. Mais le péché originel opère partout et gâte tout. A mesure que se développe le mode de production capitaliste, et avec lui l’accumulation et la richesse, le capitalisme cesse d’être simple incarnation du capital. Il ressent une « émotion humaine » pour son propre Adam, sa chair, et devient si civilisé, si sceptique qu’il ose railler l’austérité ascétique comme un préjugé thésaurisateur passé de mode. Tandis que le capitaliste de vieille roche flétrit toute dépense individuelle qui n’est pas de rigueur, n’y voyant qu’un empiètement sur l’accumulation, le capitaliste modernisé est capable de voir dans la capitalisation de la plus-value un obstacle à ses convoitises. Consommer, dit le premier, c’est « s’abstenir » d’accumuler ; accumuler, dit le second, c’est « renoncer » à la jouissance. « Deux âmes, hélas ! habitent mon cœur, et l’une veut faire divorce d’avec l’autre. » … Toutefois il s’élève dès lors en lui un conflit à la Faust entre le penchant à l’accumulation, et le penchant à la jouissance. … Accumuler pour accumuler, produire pour produire, tel est le mot d’ordre de l’économie politique proclamant la mission historique de la période bourgeoise. Et elle ne s’est pas fait un instant illusion sur les douleurs d’enfantement de la richesse : mais à quoi bon les jérémiades qui ne changent rien aux fatalités historiques ? A ce point de vue, si le prolétaire n’est qu’une machine à produire de la plus-value, le capitaliste n’est qu’une machine à capitaliser cette plus-value… Dans le progrès de l’accumulation, il n’y a donc pas seulement accroissement quantitatif et simultané des divers éléments réels du capital : le développement des puissances productives du travail social, que ce progrès amène, se manifeste encore par des changements qualitatifs, par des changements graduels dans la composition technique du capital, dont le facteur objectif gagne progressivement en grandeur, proportionnelle par rapport au facteur subjectif. C’est-à-dire que la masse de l’outillage et des matériaux augmente de plus en plus en comparaison de la somme de force de travail nécessaire pour les mettre en œuvre. A mesure donc que l’accroissement du capital rend le travail plus productif, il en diminue la demande proportionnellement à sa propre grandeur. … D’une part donc, le capital additionnel qui se forme dans le cours de l’accumulation renforcée par la centralisation attire, proportionnellement à sa grandeur, un nombre de travailleurs toujours décroissant. D’autre part, les métamorphoses techniques et les changements correspondants dans la composition-valeur que l’ancien capital subit périodiquement font qu’il repousse un nombre de plus en plus grand de travailleurs jadis attirés par lui. La demande de travail absolue qu’occasionne un capital est en raison non de sa grandeur absolue, mais de celle de sa partie variable, qui seule s’échange contre la force de travail. La demande de travail qu’occasionne un capital, c’est-à-dire la proportion entre sa propre grandeur et la quantité de travail qu’il absorbe, est déterminée par la grandeur proportionnelle de sa fraction variable. Nous venons de démontrer que l’accumulation qui fait grossir le capital social réduit simultanément la grandeur proportionnelle de sa partie variable, et diminue ainsi la demande de travail relative. Maintenant, quel est l’effet de ce mouvement sur le sort de la classe salariée ?... La loi de décroissance proportionnelle du capital variable, et de la diminution correspondante dans la demande de travail relative, a donc pour corollaires l’accroissement absolu du capital variable et l’augmentation absolue de la demande de travail suivant une proportion décroissante, et enfin, pour complément, la production d’une surpopulation relative. Nous l’appelons « relative », parce qu’elle provient, non d’un accroissement positif de la population ouvrière qui dépasserait les limites de la richesse en voie d’accumulation, mais, au contraire, d’un accroissement accéléré du capital social qui lui permet de se passer d’une partie plus ou moins considérable de ses manouvriers. Comme cette surpopulation n’existe que par rapport aux besoins momentanés de l’exploitation capitaliste, elle peut s’enfler et se resserrer d’une manière subite. En produisant l’accumulation du capital, et à mesure qu’elle y réussit, la classe salariée produit donc elle-même les instruments de sa mise en retraite ou de sa métamorphose en surpopulation relative. Voilà la « loi de population » qui distingue l’époque capitaliste et correspond à son mode de production particulier. En effet, chacun des modes historiques de la production sociale a aussi sa loi de population propre, loi qui ne s’applique qu’à lui, qui passe avec lui et n’a par conséquent qu’une valeur historique. Une loi de population abstraite et immuable n’existe que pour la plante et l’animal, et encore seulement tant qu’ils ne subissent pas l’influence de l’homme…. La réserve industrielle est d’autant plus nombreuse que la richesse sociale, le capital est fonction, l’étendue et l’énergie de son accumulation, partant aussi le nombre absolu de la classe ouvrière et la puissance productive de son travail, sont plus considérables. Les mêmes causes qui développent la force expansive du capital amenant la mise en disponibilité de la force de travail, la réserve industrielle doit augmenter avec les ressorts de la richesse. Mais plus la réserve grossit, comparativement à l’armée active du travail, plus grossit aussi la surpopulation consolidée dont la misère est en raison directe du labeur imposé. Plus s’accroît enfin cette couche des Lazare de la classe salariée, plus s’accroît aussi le paupérisme officiel. Voilà la loi générale absolue, de l’accumulation capitaliste. L’action de cette loi comme de toute autre, est naturellement modifiée par les circonstances particulières. On comprend donc toute la sottise de la sagesse économique qui ne cesse de prêcher aux travailleurs d’accommoder leur nombre aux besoins du capital. Comme si le mécanisme du capital ne le réalisait pas continuellement, cet accord désiré, dont le premier mot est : création d’une réserve industrielle, et le dernier : invasion croissante de la misère jusque dans les profondeurs de l’armée active du travail ; poids mort du paupérisme. La loi selon laquelle une masse toujours plus grande des éléments constituants de la richesse peut, grâce au développement continu des pouvoirs collectifs du travail, être mise en œuvre avec une dépense de force humaine toujours moindre, cette loi qui met l’homme social à même de produire davantage avec moins de labeur, se tourne dans le milieu capitaliste – où ce ne sont pas les moyens de production qui sont au service du travailleur, mais le travailleur qui est au service des moyens de production – en loi contraire. C’est-à-dire que, plus le travail gagne en ressources et en puissance, plus il y a pression des travailleurs sur leurs moyens d’emploi, plus la condition d’existence du salarié, la vente de sa force devient précaire. L’accroissement des ressorts matériels et des forces collectives du travail, plus rapide que celui de la population, s’exprime donc en la formule contraire, savoir : la population productive croît toujours en raison plus rapide que le besoin que le capital peut en avoir. L’analyse de la plus-value relative nous a conduits à ce résultat : dans le système capitaliste, toutes les méthodes pour multiplier les puissances du travail collectif s’exécutent aux dépens du travailleur individuel ; tous les moyens pour développer la production se transforment en moyens de dominer et d’exploiter le producteur : ils font de lui un homme tronqué, fragmentaire, ou l’appendice d’une machine ; ils lui opposent comme autant de pouvoirs hostiles les puissances scientifiques de la production, ils substituent au travail attrayant le travail forcé ; ils rendent les conditions dans lesquelles le travail se fait de plus en plus anormales et soumettent l’ouvrier durant son service à un despotisme aussi illimité que mesquin ; ils transforment sa vie entière en temps de travail et jettent sa femme et ses enfants sous les roues du Jugement capitaliste… Mais toutes les méthodes qui aident à la production de la plus-value favorisent également l’accumulation, et toute extension de celle-ci appelle à son tour celles-là. Il en résulte que, quel que soit le taux des salaires, haut ou bas, la condition du travailleur doit empirer à mesure que le capital s’accumule. Enfin la loi, qui toujours équilibre le progrès de l’accumulation et celui de la surpopulation relative, rive le travailleur au capital plus solidement que les coins de Vulcain ne rivaient Prométhée à son rocher. C’est cette loi qui établit une corrélation fatale entre l’accumulation du capital et l’accumulation de la misère, de telle sorte qu’accumulation de richesse à un pôle, c’est également accumulation de pauvreté, de souffrance, d’ignorance, d’abrutissement, de dégradation morale, d’esclavage, au pôle opposé, celui de la classe qui produit la capital même… Chacun d’entre les capitaux individuels dont le capital se compose représente de prime abord une certaine concentration, entre les mains d’un capitaliste, de moyens de production et de moyens d’entretien du travail, et, à mesure qu’il accumule, cette concentration s’étend. En augmentant les éléments reproductifs de la richesse, l’accumulation opère donc en même temps leur concentration croissante entre les mains d’entrepreneurs privés. Toutefois ce genre de concentration qui est le corollaire obligé de l’accumulation se meut entre des limites plus ou moins étroites… A un certain point du progrès économique, ce morcellement du capital social en une multitude de capitaux individuels, ou le mouvement de répulsion de ses parties intégrantes, vient à être contrarié par le mouvement opposé de leur attraction mutuelle. Ce n’est plus la concentration qui se confond avec l’accumulation, mais bien un procédé foncièrement distinct, c’est l’attraction qui réunit différents foyers d’accumulation et de concentration, la concentration de capitaux déjà formés, la fusion d’un nombre supérieur de capitaux en un nombre moindre, en un mot, la centralisation proprement dite… »

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