dimanche 3 février 2019, par
Il y a des gilets jaunes institutionnels qui prônent la modération par rapport au pouvoir, la négociation, la participation même au débat national de Macron, et récusent le caractère insurrectionnel du mouvement.
Il y a aussi ceux qui récusent son caractère auto-organisé. Bien entendu, ils arrivent à visages masqués. Ils prônent seulement le développement du mouvement et son extension aux entreprises. Ils ont pour drapeau « la grève générale » et affirment que, pour y parvenir, il est nécessaire d’en passer par les centrales syndicales qui seraient la clef qui ouvre toutes les portes pour entraîner les salariés des entreprises.
Leur action n’est pas à confondre avec les initiatives du mouvement qui ont eu lieu pour approfondir la liaison entre les gilets jaunes et les salariés des entreprises, soutien du mouvement à des entreprises en grève, diffusion de tracts aux entreprises, manifestations et rassemblements communs. Parfois, des militants syndicalistes locaux favorisent la convergence mais les directions syndicales restent plus que réservées et poussent les salariés à se méfier, à rester à l’écart, et contribuent à diffuser les calomnies du pouvoir contre le mouvement, accusant les gilets jaunes d’être violents, racistes, fascistes, homophobes, antisyndicalistes… Cependant, même les centrales syndicales ont été contraintes à manifester plusieurs fois avec les gilets jaunes, ce qui montre que leurs réticences étaient des prétextes.
Les gilets jaunes entraînent progressivement la classe ouvrière sans transformer leur mode d’action, sans s’adapter aux méthodes réformistes des bureaucraties syndicales. Celles-ci sont toujours aussi réticentes ou hostiles. On l’a vu avec Martinez ou Berger qui continuent à déclarer qu’ils ne souhaitent pas rejoindre le mouvement. Cela n’étonne que ceux qui avaient encore des illusions dans ces « corps intermédiaires », ces organisations tampons entre le monde du travail et celui du capital, ces véritables institutions de la grande bourgeoisie au sein de la classe ouvrière.
Depuis le début du mouvement, les gilets jaunes n’ont jamais été hostiles aux syndicalistes qui, en tant qu’individus, participent sans problème à la lutte des gilets jaunes. Ce dont ils ne veulent pas ce sont les méthodes des directions syndicales et leur fausse démocratie. Ce qui caractérise les gilets jaunes, ils n’ont cessé de l’affirmer : « On ne veut pas imiter le mode d’organisation de la société, de l’Etat, des partis et des syndicats ». On veut mettre en place une démocratie d’un genre nouveau, le pouvoir réel des participants sur leur propre lutte, la recherche collective de perspectives sans être enfermés par des logiques d’organisation et surtout pas par la logique des classes dominantes ! C’est la fameuse démocratie des ronds-points et des assemblées !
Bien sûr, la liaison avec les entreprises est une nécessité et un élément important dans les perspectives du mouvement mais ce n’est pas des syndicats qu’il dépend. Mais il y a aussi la nécessité de la liaison avec les banlieues, de la liaison avec les chômeurs, avec les précaires, avec tous ceux qui sont opprimés et exploités.
Certains parlent de « la convergence des gilets jaunes avec la CGT », qu’il s’agisse de Mélenchon, des Insoumis, d’une certaine extrême gauche type NPA ou LO, ou de certains dirigeants de la CGT. En fait, la CGT, dans sa direction nationale, ne converge qu’avec ses propres méthodes et appelle à nouveau à d’inutiles journées d’action, cette fois le 5 février, la dernière fois le 14 décembre. Méthode éculée, les journées d’inaction ont mené dans le mur tous les mouvements depuis des années, de la lutte pour les retraites à celle des cheminots.
Pour qu’il y ait une vraie convergence, il faudrait que les leçons de ces échecs cuisants, malgré des participations massives des travailleurs, soient tirées. Le succès des gilets jaunes n’a pas davantage servi de leçon aux directions syndicales. Ce n’est pas une question d’idée mais de type d’organisation. Les syndicats sont intégrés en fait à l’appareil d’Etat et leur fonctionnement est largement déterminé par celui-ci, à commencer par le financement. Une lutte s’en prenant directement au pouvoir d’Etat n’est pas dans leurs capacités. L’action directe n’est plus leur conception. La lutte intercatégorielle a depuis longtemps été abandonnée par ces appareils. L’auto-organisation leur apparait sans cesse comme une remise en cause de leur rôle. Ils ne s’estiment pas comme une force de proposition aux luttes des salariés mais comme une direction de la lutte, incontestable, non élue, non révocable. Il n’y a aucune convergence possible sur de telles bases !!! Sinon, ce serait un reniement des bases mêmes du mouvement des gilets jaunes, celles qui ont fait trembler les classes possédantes depuis plus de deux mois…
Examinons le discours de ces gauches, ou gauches de la gauche, ou de ces extrêmes gauches qui se prétendent révolutionnaires et font pourtant pression sur le mouvement des gilets jaunes pour le remettre sous la coupe des bureaucraties syndicales…
Prenons l’exemple d’un éditorial de l’organisation Lutte Ouvrière de Nathalie Arthaud et d’Arlette Laguiller : celui du 9/01/19
Il s’intitule « Le 5 février et au-delà, se battre pour nos intérêts de travailleurs »…
Mais ce titre est déjà tout un programme pour un tract daté du 29 janvier. Car entretemps, il y a la manifestation du 2 février.
Est-ce que pour Lutte ouvrière, le 2 février ne compte pas et que seul compte le 5 février parce que là c’est la CGT qui appelle et que le 2 ce ne sont que les gilets jaunes !!!
Examinons maintenant le texte de cet éditorial et nous serons fixés.
Le début semble être un tract de soutien aux Gilets jaunes, ce qui serait un progrès pour une organisation qui écrivait dans revue Lutte classe : « Voilà pourquoi nous ne sommes pas des gilets jaunes » et qui le justifiait par la présence de quelques petits patrons parmi les exploités et les opprimés qui n’arrivaient pas à finir les fins de mois !!!
LO écrit en effet dans son introduction : « Ce week-end a été riche en manifestations. 70 000 gilets jaunes ont continué à faire souffler un vent de contestation, pour le 11e samedi consécutif. »
Allons directement à la conclusion : « Le 5 février, un appel à la grève est lancé par la CGT. Les travailleurs qui ont compris la nécessité de se lancer dans l’action pour défendre leurs intérêts doivent se saisir de cet appel et entraîner autour d’eux. Une journée de grève ne suffira pas, mais ce n’est qu’au travers de la mobilisation des salariés dans les entreprises que la contestation pourra franchir une nouvelle étape. »
Donc c’est sous couvert d’une nouvelle étape du mouvement des gilets jaunes que Lutte Ouvrière se fait le porte-parole de la direction de la CGT au sein du mouvement, vous savez cette direction qui affirmait que « La CGT ne peut pas défiler aux côtés de ce genre d’individus ». Son dirigeant Martinez n’avait pas pris le tournant que LO lui prête en faveur des Gilets jaunes puisqu’il déclarait : « pas possible de courir ou marcher avec eux au niveau national, car il n’y a pas d’organisation, pas de ligne... » Et Martinez d’encourager toutes les calomnies contre le mouvement, accusé d’être raciste, homophobe, fasciste, machiste et autres joyeusetés !
Il ne s’agit pas de divergences de détail : la CGT est contre l’auto-organisation, contre le refus de négocier, contre le refus des porte-paroles, contre le refus de déclarer à l’avance et de demander l’autorisation des manifestations, contre la dénonciation des impôts et des taxes que paient les salariés et les petites gens (la CGT est pour les impôts !), contre les mots d’ordre politiques développant le mot d’ordre d’une démocratie des plus démunis, contre l’action directe, contre la dénonciation de la police des milliardaires, etc.
Verra-t-on Lutte ouvrière se démarquer de la CGT sur tous ces points ? Vous n’y êtes pas ! Il n’en est nullement question ! S’il y a une légère critique parfois des politiques syndicales, c’est pour regretter que les syndicats ne soient pas portés à la direction de la lutte, ce qui aurait évité que les gilets jaunes se dirigent eux-mêmes !!!
Lutte ouvrière n’est pas seule à mener cette politique. Chacun à sa manière Mélenchon et ses Insoumis (mais soumis aux bureaucraties syndicales en particulier celle de la CGT), le Parti de Gauche, le PCF, le NPA, le POI, la CNT lancent le même type d’appel !!!
Voici comment est décrite l’action du dirigeant Besancenot du NPA pour faire converger gilets jaunes et… (non pas les salariés) mais les appareils politiciens et bureaucratiques des syndicats :
« Olivier Besancenot du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) en proposant aux appareils syndicaux, dont une vaste majorité de « gilets jaunes » se méfient profondément, de récupérer le mouvement.
Besancenot prend comme point de départ une affiche partagée par le « gilet jaune » Eric Drouet sur la page Facebook « France en colère ». Drouet propose de prendre l’occasion de la grève symbolique d’un jour annoncée par la CGT pour le 5 février pour lancer une mobilisation plus large : « Loin des sirènes gouvernementales sur la grande arnaque nationale qui taisent nos revendications, grève générale illimitée à partir du 5 février 2019. Blocage total, ne vivons plus comme des esclaves… ».
Sur la chaine d’info BFM-TV, Olivier Besancenot a trouvé que l’appel d’Eric Drouet sur Facebook pour « une grève générale » est « une bonne idée ». « On a besoin de passer ce plafond de verre qui est celui du nombre. On a besoin d’une mobilisation claire contre la répression, pour les salaires et la répartition des richesses. C’est peut-être le moment de la convergence », a-t-il argué, estimant que les « gilets jaunes »ont fait « un geste » qui « doit interpeller les organisations syndicales ».
En fait, si l’idée de mobiliser les travailleurs est excellente, la question décisive est qu’il faut pour cela rompre consciemment avec la CGT et les partis petit-bourgeois comme le NPA. Les appareils syndicaux n’organiseront pas de grèves offensives contre Macron. La CGT a étranglé les deux grandes grèves générales de France, en 1936 et 1968. A présent, ayant perdu leurs bases ouvrières à cause des attaques sociales qu’ils ont approuvées au courant des décennies depuis Mai 68, les syndicats sont des coquilles vides qui ne mènent aucune lutte sérieuse.
En appelant à la « convergence » de la CGT et des « gilets jaunes », Besancenot veut aider ces appareils, à présent financés et contrôlés par l’État et le patronat, à récupérer le mouvement. Si les « gilets jaunes » permettaient au NPA de le faire, ceci signifierait l’autodestruction de leur mouvement. Ils seraient happés par la perspective réactionnaire des syndicats de négocier un accord avec Macron dans le cadre national du « dialogue social » et du capitalisme français…
Besancenot propose que « l’ensemble des responsables politiques de gauche » se retrouvent « dans une grande rencontre unitaire lundi pour soutenir la grève générale du 5 et lutter ensemble contre la répression ». Il invite « Jean-Luc Mélenchon, François Ruffin, Benoît Hamon, [Fabien] Roussel, Nathalie Arthaud, les Verts, la gauche syndicale ».
C’est-à-dire que Besancenot propose de rassembler le NPA avec les anciens du Parti socialiste tels que Hamon et Mélenchon, le nouvel apparatchik-en-chef du PCF Fabien Roussel, Arthaud de Lutte ouvrière et les appareils syndicaux pour essayer de mettre le grappin sur les « gilets jaunes ». Le seul résultat possible d’une telle manœuvre serait de les étrangler. » Fin de citation d’un texte du WSWS qui commente de manière tout à fait exacte les manœuvres de ces opportunistes dits d’extrême gauche !!
Par contre, aucune des organisations précédemment citées n’appelle au grand jamais à CONSTRUIRE PARTOUT DANS LES ENTREPRISES DES COMITES DE GILETS JAUNES !!!
Car ils militent non seulement pour « être plus nombreux » mais aussi pour que ce grand nombre se retrouve comme cela était le cas traditionnellement, quand tous les mouvements échouaient, sous la coupe des bureaucraties syndicales auxquels ces groupes politiques appartiennent !!!
CONCLUSION : IL FAUT DENONCER VIGOUREUSEMENT LA MANŒUVRE MASSIVE DE CES ORGANISATIONS POLITIQUES ET DE LEURS MILITANTS QUI VISENT A NOUS FAIRE RENONCER AUX BUTS MEME DE NOTRE LUTTE EN PRETENDANT AINSI LA RENFORCER ET LA FAIRE REUSSIR !!!