
Sciences : des mondes qui restent à découvrir
A l’heure où la techno-finance remplace la techno-science qui avait elle-même remplacé l’étude de la nature par celle des machines, à l’heure où les classes dirigeantes souhaitent remplacer la religion bourgeoise du progrès, progressisme ou positivisme, par le retour aux religions, aux mystiques, à la croyance dans la séparation corps-esprit, au laxisme à l’égard des idéalismes philosophiques, il est d’autant plus important de rappeler que l’humanité n’est encore qu’à l’orée des grandes découvertes dans le fonctionnement de la nature et de la philosophie des science qui va avec.
Il reste des mondes à découvrir et ceux-ci ne peuvent que remettre en question les « acquis » tout en donnant des bases nouvelles à ceux de ces acquis qui seront confirmés.
A l’heure où on croit devoir souligner les « limites des sciences » pour développer sans limite les philosophies religieuses, il est bon de remarquer que les sciences pourront encore largement progresser vers une connaissance plus approfondie du fonctionnement de la nature, fonctionnement que nous ne faisons encore qu’effleurer, dans le vivant comme dans l’inerte.
En effet, nous accroissons sans cesse les seuils de connaissance :
plus loin dans l’Univers et donc plus tard
plus avant dans l’infiniment petit
plus au fond des océans
plus au fond de l’écorce terrestre
plus en haut des arbres de la forêt équatoriale
plus avant dans les écosystèmes aux conditions extrêmes
plus d’espèces vivantes (sur les 8,7 millions d’espèces qu’il y aurait, il nous en manquerait 86 % ! Par exemple, il nous manque 80% de la biodiversité de la Guyane…)
plus rapide : on en est déjà à capter ce qui se passe en une femtoseconde
plus avant dans les niveaux d’énergie
plus avant dans le vide quantique : du réel au virtuel et au virtuel de virtuel…
et encore des quantités d’espèces à découvrir, des quantités de matière de l’univers à trouver aussi (matière noire, énergie noire, graviton, etc…)
Et ce n’est pas tout : nous explorons des relations inconnues jusque là :
celle entre réel et virtuel, avec notamment les recherches sur le boson de Higgs qui ne sont pas encore achevées
celle entre passé et présent, dans le temps : existe-t-il une action à sens unique ou une interaction (qui ferait que le passé lointain de l’Univers agirait sur nous mais nous aussi sur lui).
celle entre le niveau quantique et le niveau macroscopique
Nous continuons à chercher à interpréter les interactions de spin d’objets lointains et à des vitesses pouvant dépasser la vitesse de la lumière, de même que les effets tunnels qui sont dans le même cas, tout ce qui se passe dans le vide quantique et qui ne le respecte pas non plus.
Nous continuons à chercher l’interprétation de la formation des étoiles et des galaxies, l’existence ou pas de la matière noire et de l’énergie noire.
Nous continuons à chercher l’interprétation de la gravitation (particule, onde, effet).
Nous continuons à chercher l’interaction entre expansion de l’univers et formation des masses, interaction qui devrait nous permettre de retrouver les valeurs des masses de l’électron, du proton, etc…
Nous continuons à chercher à interpréter la stabilité de la matière dite réelle.
Oui, y compris en science fondamentale, il y a tout un avenir qui ne consiste pas à fabriquer des objets artificiels (nanosciences de nouveaux matériaux artificiels, biosciences de nouveaux matériaux artificiels, robots, etc.) mais encore à scruter la nature, à chercher la signification de son existence et de son fonctionnement, les relations entre ses lois, entre ses ordres et ses désordres.
En fait, dans tous les domaines, il reste bien plus de choses à découvrir que nous n’en connaissons déjà. Par exemple sur le vivant, que ce soit sur le mécanisme de l’évolution des espèces, sur les espèces existantes aussi, sur la naissance de la vie, sur la biochimie des cellules, sur la génétique, sur la néoténie et ses effets, sur l’épigénétique et son lien avec la génétique, sur les rythmes du vivant et leur lien avec la morphogenèse, etc, etc…
Quelques unes des questions qui restent à explorer par la méthode scientifique et non de manière métaphysique ni mystique :
Que deviennent le temps, l’espace et le vide au dessous du temps de Planck ?
Que se passe-t-il à l’échelle de Planck ?
Comment se propage le lien entre matière et espace-temps ?
Quel fondement à la particularité humaine ?
Quel est le mode d’apparition du langage humain ?
Quel lien entre l’expansion de l’univers et l’apparition/annihilation de la matière ?
Quel est le rôle de la symétrie dans l’inerte et le vivant ?
Quel lien entre neurologie et psychanalyse ?
Qu’est-ce que la vie ?
Quel lien entre chaos déterministe et formation de structures nouvelles ?
Peut-on aller plus vite que la lumière ?
Faut-il modifier le lien entre sciences et mathématiques ?
Le temps existe-t-il physiquement ?
Quel lien entre hasard et nécessité ?
Quelle est la place de l’émergence dans la formation des lois ?
Quel lien entre déterminisme et imprévisibilité ?
Les lois de la nature sont-elles probabilistes ?
Y a-t-il une vie extra-terrestre ?
Comment a débuté la vie ?
Que se passe-t-il dans le noyau central de la Terre ?
Y a-t-il un lien entre les grandes extinctions et le grand volcanisme ?
L’Univers est-il fini ou infini, continu ou discontinu, immanent ou émergent, quantique ou non, chaotique ou non, dialectique ou non, etc.
D’où viennent les constantes universelles de la physique ?
Quelle est la topologie de l’Univers ?
Y a-t-il un ou plusieurs univers ?
Y a-t-il une cosmologie quantique chaotique de l’univers ?
Quelle unité entre gravitation et quantique ?
Y a-t-il une limite aux capacités humaines de connaître le fonctionnement naturel ?
Citons deux ouvrages : « Ce qu’il reste à découvrir » de John Maddox et « Dictionnaire de l’ignorance » de Michel Cazenave
Michel Cazenave écrit, en introduction à son « Dictionnaire de l’ignorance » :
« Il est d’usage constant, lorsqu’on rédige un livre de sciences, d’exposer ce qu’on sait dans une discipline donnée, d’en marquer les tenants et les aboutissants, d’en souligner les conséquences et de montrer à la fin les problèmes qui se posent. (…) Pourtant, il est bon de temps en temps d’inverser la démarche et, pour ne pas céder au vertige du triomphe, de se demander en quelque sorte quelles peuvent être les choses que nous ignorons encore. (…) Nous n’avons aucune idée de ce qui se passe en cosmologie avant le temps de Planck, à 10 puissance moins 43 seconde après l’hypothétique « big bang » originel. (…) Notre ignorance actuelle, on s’en aperçoit facilement, est la conséquence d’un savoir immense, c’est une igorance scientifiquement et rationnellement construite. (…) On aura compris, je l’espère, que cette volonté ici affichée de procéder, contrairement à la coutume, selon une « démarche négative », ne vient d’aucune manière induire un quelconque soupçon quant à la validité de la science, ni introduire à un quelconque relativisime où la science n’aurait plus rien à voir avec quelque chose qui soit de l’ordre de la vérité – ou, pour ne pas faire d’hypothèse métaphysique, de l’ordre minimum d’un rapport existant à des du réel qui résiste et ne laisse pas dire n’importe quoi. »
John Maddox affirme ainsi dans « Ce qu’il reste à découvrir », un ouvrage de sciences tourné vers l’avenir :
« Tous les êtres vivants sont des aberrations au sens où ils ne se confortent pas à la seconde loi de la thermodynamique telle qu’elle s’applique aux systèmes isolés. (...) Pour des raisons pratiques autant que philosophiques, il nous faut mieux comprendre le rapport entre la production d’énergie solaire et la complexité de la biosphère terrestre. (...) Depuis des années Ilya Prigogine cherche un cadre philosophique susceptible de recevoir ces questions. »
« Les constituants de la matière tangible ne représentent pas des données arbitraires de notre vie : leurs propriétés résultent de la structure globale de l’univers, et de la façon dont il a vu le jour. »
« Le vitalisme selon lequel les êtres vivants possèdent une qualité intrinsèque qui les distingue des objets inanimés, est mort »
« Les principes sous-jacents à la vie sont universels. C’est l’un des grands acquis intellectuels de ces dernières décennies. »
« Le rythme échevelé des découvertes, ces dernières années, a intellectuellement coupé le souffle (des savants), et il leur manque de comprendre véritablement ce dont ils parlent. (...) L’attention ne peut que se tourner vers les fondements conceptuels. »
« Le trait distinctif d’une cellule différenciée, c’est que seuls quelques gènes sur l’ensemble sont actifs. »
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