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Maghreb et monde arabe : réforme ou révolution ?
lundi 7 février 2011, par
"La loi fondamentale de la révolution (...), la voici : pour que la révolution ait lieu, il ne suffit pas que les masses exploitées et opprimées prennent conscience de l’impossibilité de vivre comme autrefois et réclament des changements. Pour que la révolution ait lieu, il faut que les exploiteurs ne puissent pas vivre et gouverner comme autrefois. C’est seulement lorsque ceux d’en bas ne veulent plus et que ceux d’en haut ne peuvent plus continuer de vivre à l’ancienne manière, c’est alors seulement que la révolution peut triompher. Cette vérité s’exprime autrement en ces termes : la révolution est impossible sans une crise nationale (affectant exploités et exploiteurs)."
Lénine, dans "La maladie infantile du communisme", 1920
L’impérialisme comme les classes dirigeantes essaient de nous faire croire que le Maghreb et le monde arabe sont en voie de se réformer. C’est le principal mensonge lié à la situation. Si c’était possible, ils auraient peut-être envie de le faire pour éviter les risques révolutionnaires mais ce n’est pas une question de bonne volonté. Ils ne peuvent pas aller contre les lois de leur propre société ! La matière ne peut changer de forme au point d’aller contre la gravitation... La bourgeoisie ne peut aller contre la propriété privée des moyens de production. Et, à l’époque impérialiste, une bourgeoisie nationale ne peut s’émanciper partiellement qu’en devenant elle-même impérialiste... Et il ne suffit pas de le souhaiter !!!
Les révolutions sont régies par d’implacables lois auxquelles sont soumises leurs acteurs et leurs victimes. Elles ne dépendent pas directement de ce qu’en pensent les participants mais aussi de conditions objectives qui les dépassent. Et ce d’autant que ni les masses ni les classes dirigeantes n’ont l’expérience directe de ce type d’événement...
Est-ce que les masses travailleuses souhaitaient la révolution ?
Est-ce que les masses petites bourgeoises souhaitaient la révolution ?
Est-ce que les classes dirigeantes souhaitaient la révolution ?
Non !
Et pourtant l’enchainement des événements les y mène ...
Il est incontestable que depuis longtemps les masses souhaitaient que les classes dirigeantes réalisent des réformes et qu’elles aimeraient encore bien qu’elles les réalisent mais elles n’y croient plus...
Et, objectivement, il est impossible aux classes dirigeantes de réaliser ces réformes !
Quel est le caractère de la révolution qui a lieu au Maghreb et dans le monde arabe ?
Ce n’est pas le sort du seul dictateur qu’il s’appelle Moubarak ou Ben Ali qui importe, c’est celui de la domination des classes dirigeantes sur l’Egypte, le monde arabe, le Maghreb et même le monde...
La crise que traversent actuellement Maghreb et monde arabe, n’est pas une crise (seulement) politique dans le sens où les peuples égyptien, tunisiens et algériens (et autres) veulent plus ou moins de démocratie mais elle est d’abord et avant tout une crise sociale, symptôme pathologique d’une crise plus profonde, la crise du capitalisme. Les motivations profondes des émeutiers de Bab Elwed ou de Kasserine ne traduisent pas des aspirations populaires pour plus ou moins de bla bla démocratique mais elles expriment la révolte d’une jeunesse désoeuvrée contre un système synonyme de misère et de pauvreté.
Et cette misère n’est pas occasionnelle mais profonde à l’heure où les USA eux-mêmes connaissent pour la première fois un chômage de longue durée...
Remettre en question la misère, c’est aussi remettre en question la domination capitaliste et impérialiste sur le monde !
La grande différence avec la "chute du mur de Berlin", c’est-à-dire la fin des régimes staliniens de l’Est, c’est que cette dernière était voulue à la fois par les classes dirigeantes de l’Est et de l’Ouest (l’impérialisme). Elles l’ont préparé, organisé, dirigé.
Dans le cas du Maghreb et du monde arabe, les classes dirigeantes locales comme impérialistes n’ont rien voulu du tout ni même rien pressenti !!!
Et pour cause ! Cette révolte menace le système alors que la chute du mur de Berlin était nécessaire au système et apparaissait même comme sa victoire.
Or remettre en question la domination impérialiste en période de crise systémique mondiale, n’est-ce pas une révolution sociale qui vise au communisme, même si cette perspective n’est pas nécessairement consciente ? Il est nécessaire par contre qu’elle le devienne si elle veut aller jusqu’au bout de ses perspectives.
Comme on dit, une révolution, on sait comment cela commence mais nul de sait comment cela finit. Cela peut aller beaucoup plus loin que ne le voudraient les classes dirigeantes et que leurs manœuvres ne le prévoient ...
Elles voudraient bien d’"une transition" mais est-ce que les masses les laisseront maintenir la continuité de l’exploitation et de de l’oppression ?!!!
La révolution, c’est des comités de travailleurs qui remettent en question la propriété privée des moyens de production et le caractère de classe de l’Etat.
La révolution, c’est faire basculer les soldats dans le camp des travailleurs et des jeunes organisés en comités populaires.
En ce sens la révolution est encore en germes.
suite à venir
"Dans une société prise de révolution, les classes sont en lutte. Il est pourtant tout à fait évident que les transformations qui se produisent entre le début et la fin d’une révolution, dans les bases économiques de la société et dans le substratum social des classes, ne suffisent pas du tout à expliquer la marche de la révolution même, laquelle, en un bref laps de temps, jette à bas des institutions séculaires, en crée de nouvelles et les renverse encore. La dynamique des événements révolutionnaires est directement déterminée par de rapides, intensives et passionnées conversions psychologiques des classes constituées avant la révolution.
C’est qu’en effet une société ne modifie pas ses institutions au fur et à mesure du besoin, comme un artisan renouvelle son outillage. Au contraire : pratiquement, la société considère les institutions qui la surplombent comme une chose à jamais établie. Durant des dizaines d’années, la critique d’opposition ne sert que de soupape au mécontentement des masses et elle est la condition de la stabilité du régime social : telle est, par exemple, en principe, la valeur acquise par la critique social-démocrate. Il faut des circonstances absolument exceptionnelles, indépendantes de la volonté des individus ou des partis, pour libérer les mécontents des gênes de l’esprit conservateur et amener les masses à l’insurrection.
Les rapides changements d’opinion et d’humeur des masses, en temps de révolution, proviennent, par conséquent, non de la souplesse et de la mobilité du psychique humain, mais bien de son profond conservatisme. Les idées et les rapports sociaux restant chroniquement en retard sur les nouvelles circonstances objectives, jusqu’au moment où celles-ci s’abattent en cataclysme, il en résulte, en temps de révolution, des soubresauts d’idées et de passions que des cerveaux de policiers se représentent tout simplement comme l’œuvre de " démagogues ".
Les masses se mettent en révolution non point avec un plan tout fait de transformation sociale, mais dans l’âpre sentiment de ne pouvoir tolérer plus longtemps l’ancien régime. C’est seulement le milieu dirigeant de leur classe qui possède un programme politique, lequel a pourtant besoin d’être vérifié par les événements et approuvé par les masses. Le processus politique essentiel d’une révolution est précisément en ceci que la classe prend conscience des problèmes posés par la crise sociale, et que les masses s’orientent activement d’après la méthode des approximations successives. Les diverses étapes du processus révolutionnaire, consolidées par la substitution à tels partis d’autres toujours plus extrémistes, traduisent la poussée constamment renforcée des masses vers la gauche, aussi longtemps que cet élan ne se brise pas contre des obstacles objectifs. Alors commence la réaction : désenchantement dans certains milieux de la classe révolutionnaire, multiplication des indifférents, et, par suite, consolidation des forces contre-révolutionnaires. Tel est du moins le schéma des anciennes révolutions.
C’est seulement par l’étude des processus politiques dans les masses que l’on peut comprendre le rôle des partis et des leaders que nous ne sommes pas le moins du monde enclin à ignorer. Ils constituent un élément non autonome, mais très important du processus. Sans organisation dirigeante, l’énergie des masses se volatiliserait comme de la vapeur non enfermée dans un cylindre à piston. Cependant le mouvement ne vient ni du cylindre ni du piston, mais de la vapeur.
Les difficultés que l’on rencontre dans l’étude des modifications de la conscience des masses en temps de révolution sont absolument évidentes. Les classes opprimées font de l’histoire dans les usines, dans les casernes, dans les campagnes, et, en ville, dans la rue. Mais elles n’ont guère l’habitude de noter par écrit ce qu’elles font. Les périodes où les passions sociales atteignent leur plus haute tension ne laissent en générai que peu de place à la contemplation et aux descriptions. Toutes les Muses, même la Muse plébéienne du journalisme, bien qu’elle ait les flancs solides, ont du mal à vivre en temps de révolution. Et pourtant la situation de l’historien n’est nullement désespérée. Les notes prises sont incomplètes, disparates, fortuites. Mais, à la lumière des événements, ces fragments permettent souvent de deviner la direction et le rythme du processus sous-jacent. Bien ou mal, c’est en appréciant les modifications de la conscience des masses qu’un parti révolutionnaire base sa tactique. La voie historique du bolchevisme témoigne que cette estimation, du moins en gros, était réalisable. Pourquoi donc ce qui est accessible à un politique révolutionnaire, dans les remous de la lutte, ne serait-il pas accessible à un historien rétrospectivement ?
Cependant, les processus qui se produisent dans la conscience des masses ne sont ni autonomes, ni indépendants. N’en déplaise aux idéalistes et aux éclectiques, la conscience est néanmoins déterminée par les conditions générales d’existence. Dans les circonstances historiques de formation de la Russie, avec son économie, ses classes, son pouvoir d’État, dans l’influence exercée sur elle par les puissances étrangères, devaient être incluses les prémisses de la Révolution de Février et de sa remplaçante - celle d’octobre. En la mesure où il semble particulièrement énigmatique qu’un pays arriéré ait le premier porté au pouvoir le prolétariat, il faut préalablement chercher le mot de l’énigme dans le caractère original dudit pays, c’est-à-dire dans ce qui le différencie des autres pays."
Léon TROTSKY.
dans la préface à l’histoire de la révolution russe - février
la suite sur réforme et révolution (et aussi contre-révolution)
Messages
1. Maghreb et monde arabe : réforme ou révolution ?, 6 février 2011, 21:43, par Robert
=Léon Trotsky Histoire de la Révolution russe. Chapitre 11 La dualité de pouvoirs
En quoi consiste la dualité de pouvoirs ? On ne peut manquer de s’arrêter sur cette question que nous n’avons pas trouvée élucidée dans les travaux d’histoire. Pourtant, la dualité de pouvoirs est un état particulier d’une crise sociale, caractéristique non point seulement de la Révolution russe de 1917, quoique marqué précisément le plus nettement en elle. Des classes antagonistes existent toujours dans la société et la classe dépourvue de pouvoir s’efforce inévitablement de faire pencher à tel ou tel degré le cours de l’État de son côté. Cela ne signifie pourtant pas du tout que, dans la société, règne une dualité ou une pluralité de pouvoirs. Le caractère d’un régime politique est directement déterminé par le rapport des classes opprimées avec les classes dirigeantes. L’unité de pouvoir, condition absolue de la stabilité d’un régime, subsiste tant que la classe dominante réussit à imposer à toute la société ses formes économiques et politiques comme les seules possibles.(...)
La dualité de pouvoirs non seulement ne suppose pas mais, généralement, exclut le partage de l’autorité à parties égales et, en somme, tout équilibre formel des autorités. C’est un fait non constitutionnel, mais révolutionnaire. Il prouve que la rupture de l’équilibre social a déjà démoli la superstructure de l’État. La dualité de pouvoirs se manifeste là où des classes ennemies s’appuient déjà sur des organisations d’État foncièrement incompatibles - l’une périmée, l’autre se formant - qui, à chaque pas, se repoussent entre elles dans le domaine de la direction du pays. La part de pouvoir obtenue dans ces conditions par chacune des classes en lutte est déterminée par le rapport des forces et par les phases de la bataille.
(..) Si l’on considère le fait plus profondément, le double pouvoir du gouvemement provisoire et du Comité exécutif avait un caractère net de reflet. Le prétendant au nouveau pouvoir ne pouvait être que le prolétariat. S’appuyant sans assurance sur les ouvriers et les soldats, les conciliateurs étaient forcés de maintenir la comptabilité en partie double des tsars et des prophètes. Le double pouvoir des libéraux et des démocrates reflétait seulement un partage d’autorité non encore apparent entre la bourgeoisie et le prolétariat. Lorsque les bolcheviks évinceront les conciliateurs à la tête des soviets - cela dans quelques mois - la dualité souterraine des pouvoirs se manifestera, et ce sera la veille de la Révolution d’Octobre. Jusqu’à ce moment, la révolution vivra dans un monde de réfractions politiques. Déviant à travers les ratiocinations des intellectuels socialistes, la dualité de pouvoirs, étape de la lutte de classe, se transforma en idée régulatrice. C’est précisément par là qu’elle se plaça au centre de la discussion théorique. Rien ne se perd. Le caractère de reflet du double pouvoir de Février nous a permis de mieux comprendre les étapes de l’histoire où cette dualité apparaît comme un épisode de pléthore dans la lutte de deux régimes. C’est ainsi qu’une faible clarté lunaire, comme reflet, permet d’établir d’importantes conclusions sur la lumière solaire.
2. Maghreb et monde arabe : réforme ou révolution ?, 7 février 2011, 06:39, par Culture et révolution
Nous assistons en plein hiver à un début de « printemps des
peuples » au Maghreb et au Moyen Orient avec des
manifestations au Yémen, en Égypte et en Algérie.
Après le peuple tunisien, c’est maintenant au tour du peuple
égyptien de surgir sur la scène politique et sociale aux
cris de : « Moubarak dégage ! », « La Tunisie est la
solution ». A l’échelle de l’Égypte (80 millions
d’habitants), le régime peut se dire que les manifestations
sont numériquement modestes puisqu’il peut encore aligner
autant de flics que de manifestants. Mais ces dizaines de
milliers de manifestants dans les principales villes
égyptiennes sont pour la plupart des jeunes qui, en dépit
des tués, des blessés et des centaines d’arrestation, ont
vaincu la peur, le repli sur soi et le fatalisme. Il n’est
pas exclu, malgré les flics et l’armée de Moubarak, qu’ils
soient rejoints bientôt par nombre de ces gens qui vivent
avec moins de deux dollars par jour et qui constituent près
de 50 % de la population égyptienne. De la révolte désespérée
qui a conduit quelques personnes sans ressources à se donner
spectaculairement la mort, nous sommes passés en quelques
heures à une révolte collective porteuse d’espoir.
« Du pain, la liberté et la paix ! », voilà comment un vieux
manifestant au Caire formulait les choses hier. Des mots
simples et terriblement redoutables pour tous les profiteurs
en Égypte comme dans tous les pays du monde.
Quand des hommes et des femmes se redressent et agissent
pour exiger la liberté et des conditions décentes
d’existence, un avenir pour leurs enfants et pour eux-mêmes,
des relations fraternelles et pacifiées entre les gens, ce
sont les bases mêmes du capitalisme qui commencent à être
ébranlées.
Car le capital ne peut vivre et se reproduire qu’en prenant
et en exploitant le plus grand nombre, en spéculant sur les
denrées de premières nécessité comme sur les sources
d’énergie, en stimulant les replis individualistes, en
divisant les populations et en attisant les haines
collectives.
Les affaires prospèrent sur un terreau de dictatures
nationales et locales mafieuses ou au minimum, comme en
France, sur des régimes présidentiels de plus en plus
policiers, soudés et corrompus par les grands groupes
financiers, commerciaux et industriels.
La démocratie vivante qui s’épanouit dans la rue comme sur
Internet, qui prend en charge les aspirations sociales les
plus justifiées, devient une menace pour toutes les classes
dirigeantes. Quand on observe ce qui s’est déjà produit
depuis le renversement de Ben Ali le 14 janvier dans
différents pays, nous ne pouvons que dire à nouveau : Vive
la révolution tunisienne !
3. Maghreb et monde arabe : réforme ou révolution ?, 7 février 2011, 06:46, par Culture et révolution
La révolution sociale est de retour dans ce siècle. On la
croyait morte ou moribonde depuis la dernière décennie du
vingtième siècle et elle est là, bien vivante, surgissant
par surprise en vraie blagueuse de l’histoire (il faudrait
dire aussi blogueuse) dans un pays où les habitants
eux-mêmes n’en reviennent pas encore, alors qu’ils en sont
les acteurs. Oui, vive la révolution tunisienne,
démocratique, sociale, tout à la fois tragique et joyeuse,
confiante et inquiète !
L’ÉBRANLEMENT DU MONDE
Certes, depuis le début de ce vingt et unième siècle, il y a
eu profusion de mouvements d’émancipation, des révoltes de
la faim, des débuts d’insurrection contre des régimes
oppressifs et corrompus, des manifestations, des grèves à
répétition et même une grève se généralisant comme en
Guadeloupe et en Martinique il y a deux ans.
Depuis la « guerre de l’eau » à Cochabamba en Bolivie en
2000 et le soulèvement en Argentine en 2001-2002, les
peuples, les paysans, les salariés et les dépourvus de tout
dans grand nombre de pays n’ont pas cessé de clamer qu’ils
voulaient vivre libres et dans des conditions matérielles et
humaines dignes de ce nom. Ce fut déjà le cas au début de
l’année 2008 en Tunisie dans le bassin minier de Gafsa.
On l’a vu et on le voit toujours du Mexique à la Birmanie,
de l’Iran à la Palestine, du Bangladesh au Mozambique. On le
voit y compris depuis deux ans dans les pays de la vieille
Europe, de la Grèce à l’Islande, de la France à l’Espagne,
de Rome à Dublin, de Stuttgart à Londres…
L’ébranlement du monde est un fait patent mais que nous
n’arrivons pas encore clairement à nous représenter, ni dans
son ampleur ni dans sa nouveauté. C’est difficile après
vingt ans de revers, d’endoctrinement néolibéral, de
formatages politiciens, de sinistrose due à la montée du
chômage et de la misère, avec en prime quelques ruminations
grincheuses à l’égard des jeunes, réputés individualistes et
dépolitisés. Des jeunes qui sont aux avant-postes dès que
les choses deviennent sérieuses, comme on l’a vu dans les
grèves à Shenzhen en Chine, dans les rues de Buenos Aires ou
de Téhéran, et ces dernières semaines dans les rues des
villes tunisiennes. Ils y étaient le jour dans la rue. Et la
nuit, les cyberactivistes étaient devant leur ordinateur
pour informer, mobiliser et torpiller les sites officiels
du régime du dictateur.
LES PREMIERS ACQUIS DE CETTE RÉVOLUTION
Dépêchons-nous de tirer quelques leçons de cette première
victoire en Tunisie car il y aura plus tard suffisamment de
temps et de bons esprits pour tirer « les leçons de la
défaite » de la révolution tunisienne. Le bonheur d’avoir
conquis sa liberté de haute lutte ne peut être volé par
personne. Même si de graves difficultés devaient survenir,
il laissera des traces durables et constituera une référence
aussi bien dans le reste du Maghreb qu’en Égypte, Jordanie,
Syrie ou Yémen.
La population tunisienne sait qui veut lui voler sa
révolution et elle n’a pas l’intention de se laisser faire.
Des comités de quartier ont été créés. Chacun savoure la
possibilité d’intervenir librement. La réactivité est très
grande. Chaque action, chaque manifestation vise à
démanteler complètement les structures de la dictature et en
premier lieu le RCD [Rassemblement constitutionnel
démocratique, ndr]. Personne qui espère dénicher une place
dans un futur gouvernement ne peut s’aventurer à rechercher
un compromis au nom de « l’unité nationale » avec les
tortionnaires et les pilleurs des richesses du pays sans
être automatiquement disqualifié. Cette révolution est une
défaite pour l’impérialisme français qui avait ses aises en
Tunisie après avoir dû concéder l’indépendance. Elle
contribue grandement à discréditer le régime de Sarkozy qui
s’apprêtait à sauver la dictature de Ben Ali « par le
savoir-faire de nos forces de sécurité » et par l’envoi de
grenades lacrymogènes, gilets pare-balles et autres
matériels « made in France » actuellement en souffrance à
Roissy !
Cette révolution est un bon coup porté au racisme anti-arabe
et à la haine des musulmans. La sordide théorie du « choc
des civilisations » est expédiée concrètement dans les
poubelles de l’histoire puisque dans une région du monde
peuplée d’Arabes et de Musulmans, une révolution
démocratique vient de se produire qui n’a pas l’air de
beaucoup réjouir les gouvernants européens…
Le peuple et les travailleurs tunisiens peuvent être
légitimement fiers de ce qu’ils ont accompli et ils n’auront
pas envie de se laisser forger de nouvelles chaînes par un
régime dictatorial islamiste. De ce point de vue cette
révolution est aussi un bon coup porté aux Islamistes qui,
à l’instar des partis d’extrême droite en Europe comme le
Front National, cherchent à capter la colère des couches
populaires pour installer leurs dictatures.
Il est révélateur (et dans un sens comique) que Ben Ali,
que tous les gouvernants de droite et de gauche en France,
depuis François Mitterrand jusqu’à Sarkozy, nous
présentaient comme un rempart contre l’islamisme, soit allé
se réfugier en Arabie saoudite, là où est installée une des
principales dictatures islamistes avec laquelle les groupes
industriels français dont Dassault font d’excellentes
affaires. Mais il suffisait que Ben Ali se prétende laïc
pour avoir un permis à perpétuité de piller son peuple,
de le bâillonner, de torturer ses opposants.
1. Maghreb et monde arabe : réforme ou révolution ?, 8 février 2011, 13:49, par moshe
Maghreb et monde arabe : réforme ou révolution ?
"La loi fondamentale de la révolution (...), la voici : pour que la révolution ait lieu, il ne suffit pas que les masses exploitées et opprimées prennent conscience de l’impossibilité de vivre comme autrefois et réclament des changements. Pour que la révolution ait lieu, il faut que les exploiteurs ne puissent pas vivre et gouverner comme autrefois. C’est seulement lorsque ceux d’en bas ne veulent plus et que ceux d’en haut ne peuvent plus continuer de vivre à l’ancienne manière, c’est alors seulement que la révolution peut triompher. Cette vérité s’exprime autrement en ces termes : la révolution est impossible sans une crise nationale (affectant exploités et exploiteurs)."
Lénine, dans "La maladie infantile du communisme", 1920
L’impérialisme comme les classes dirigeantes essaient de nous faire croire que le Maghreb et le monde arabe sont en voie de se réformer. C’est le principal mensonge lié à la situation. Si c’était possible, ils auraient peut-être envie de le faire pour éviter les risques révolutionnaires mais ce n’est pas une question de bonne volonté. Ils ne peuvent pas aller contre les lois de leur propre société ! La matière ne peut changer de forme au point d’aller contre la gravitation... La bourgeoisie ne peut aller contre la propriété privée des moyens de production. Et, à l’époque impérialiste, une bourgeoisie nationale ne peut s’émanciper partiellement qu’en devenant elle-même impérialiste... Et il ne suffit pas de le souhaiter !!!
Les révolutions sont régies par d’implacables lois auxquelles sont soumises leurs acteurs et leurs victimes. Elles ne dépendent pas directement de ce qu’en pensent les participants mais aussi de conditions objectives qui les dépassent. Et ce d’autant que ni les masses ni les classes dirigeantes n’ont l’expérience directe de ce type d’événement...
Est-ce que les masses travailleuses souhaitaient la révolution ? Est-ce que les masses petites bourgeoises souhaitaient la révolution ? Est-ce que les classes dirigeantes souhaitaient la révolution ?
Non !
Et pourtant l’enchainement des événements les y mène ...
Il est incontestable que depuis longtemps les masses souhaitaient que les classes dirigeantes réalisent des réformes et qu’elles aimeraient encore bien qu’elles les réalisent mais elles n’y croient plus...
Et, objectivement, il est impossible aux classes dirigeantes de réaliser ces réformes !
Quel est le caractère de la révolution qui a lieu au Maghreb et dans le monde arabe ?
Ce n’est pas le sort du seul dictateur qu’il s’appelle Moubarak ou Ben Ali qui importe, c’est celui de la domination des classes dirigeantes sur l’Egypte, le monde arabe, le Maghreb et même le monde...
La crise que traversent actuellement Maghreb et monde arabe, n’est pas une crise (seulement) politique dans le sens où les peuples égyptien, tunisiens et algériens (et autres) veulent plus ou moins de démocratie mais elle est d’abord et avant tout une crise sociale, symptôme pathologique d’une crise plus profonde, la crise du capitalisme. Les motivations profondes des émeutiers de Bab Elwed ou de Kasserine ne traduisent pas des aspirations populaires pour plus ou moins de bla bla démocratique mais elles expriment la révolte d’une jeunesse désoeuvrée contre un système synonyme de misère et de pauvreté.
Et cette misère n’est pas occasionnelle mais profonde à l’heure où les USA eux-mêmes connaissent pour la première fois un chômage de longue durée...
Remettre en question la misère, c’est aussi remettre en question la domination capitaliste et impérialiste sur le monde !
La grande différence avec la "chute du mur de Berlin", c’est-à-dire la fin des régimes staliniens de l’Est, c’est que cette dernière était voulue à la fois par les classes dirigeantes de l’Est et de l’Ouest (l’impérialisme). Elles l’ont préparé, organisé, dirigé.
Dans le cas du Maghreb et du monde arabe, les classes dirigeantes locales comme impérialistes n’ont rien voulu du tout ni même rien pressenti !!!
Et pour cause ! Cette révolte menace le système alors que la chute du mur de Berlin était nécessaire au système et apparaissait même comme sa victoire.
Or remettre en question la domination impérialiste en période de crise systémique mondiale, n’est-ce pas une révolution sociale qui vise au communisme, même si cette perspective n’est pas nécessairement consciente ? Il est nécessaire par contre qu’elle le devienne si elle veut aller jusqu’au bout de ses perspectives.
Comme on dit, une révolution, on sait comment cela commence mais nul de sait comment cela finit. Cela peut aller beaucoup plus loin que ne le voudraient les classes dirigeantes et que leurs manœuvres ne le prévoient ...
Elles voudraient bien d’"une transition" mais est-ce que les masses les laisseront maintenir la continuité de l’exploitation et de de l’oppression ?!!!
La révolution, c’est des comités de travailleurs qui remettent en question la propriété privée des moyens de production et le caractère de classe de l’Etat.
La révolution, c’est faire basculer les soldats dans le camp des travailleurs et des jeunes organisés en comités populaires.
En ce sens la révolution est encore en germes.