« Le vide quantique
Intuitivement, le vide est « ce qui reste quand on a tout enlevé » : si on sait vraiment tout enlever, il ne reste que le néant. Plus précisément, pour un système donné, il faut éliminer toutes les formes d’énergie présentes sous forme de matière ou de rayonnement. On atteint ainsi l’état d’énergie le plus bas accessible pour ce système, ce qui sera désormais notre définition du vide. Est-ce là le néant ?
Absolument pas ! Tous les champs, toute la physique sont présents dans le vide et il suffit d’y apporter suffisamment d’énergie pour les voir apparaître et mettre en jeu toutes les particules connues. D’autre part, le vide bouillonne d’activité. Cette activité est de type quantique. Le vide énergétique du système correspond à une valeur moyenne qui n’est bien définie que sur un temps assez long. Mais si nous l’observons durant un temps très court son énergie nous semble fluctuer, d’autant plus que le temps d’observation est bref, en accord avec le principe d’incertitude d’Heisenberg.
Il est bon de se rappeler ici les ordres de grandeur en jeu. Un fermi (dix puissance moins treize centimètre) correspond à un temps d’environ trois fois dix puissance moins 24 seconde, et un tel intervalle donne la liberté de fluctuer du vide jusqu’à une énergie de l’ordre du GeV, ce qui suffit pour faire apparaître très fugitivement, par exemple, une paire muon-antimuon. Une paire de W peut exister pendant trois fois dix puissance moins 27 seconde. De telles particules à l’existence éphémère, faut d’énergie pour les produire réellement, s’appellent des particules virtuelles. (…) Un autre effet de cette propriété du vide quantique est que les constantes – masses, couplages – que nous avons introduites ne sont pas exactement constantes, mais sont des quantités qui évoluent avec le pouvoir de résolution correspondant à l’observation. Cela se comprend puisqu’un pouvoir de résolution accru, synonyme de temps accessible plus court et naturellement d’énergie plus haute, donne accès à des fluctuations plus conséquentes, impliquant des particules virtuelles de plus en plus lourdes et conduisant à une dérive graduelle des quantités mesurées. »
LA MASSE
La masse d’une particule
Pour une particule (électron, proton, neutron, etc.) la mesure de la masse est un peu compliquée. On n’a pas de balance : même si on était capables d’isoler une unique particule, son poids est trop petit pour être mesuré, et il vaut mieux utiliser d’autres interactions, particulièrement l’interaction électro-magnétique. Et puis de toute manière, nous ne sommes pas capables d’isoler une unique particule (ni en practique ni même en théorie, nous le verrons à la partie suivante) !
Alors en pratique la methode de base pour déterminer une masse est de tracer un histogramme comme celui à gauche. Un tel histogramme compte le nombre de particules détectées dans chaque tranche d’énergie (souvenez-vous : énergie et masse sont pareilles, cf Einstein). On cherche un pic dans le signal ; généralement la position en abscisse ce ce pic correspond à la masse d’une particule. Autrement dit : la majorité des particules crées dans un accélerateur de particules a une énergie voisine de la masse d’une des particules qui interviennent dans la collision.
La renormalisation
Mais en fait cela nous donne une masse effective, pas la masse d’une seule particule isolée et bien définie. Le problème majeur ici n’est pas de savoir ce qu’est la masse, mais qu’est-ce qu’une particule isolée. En effet chaque particule est toujours entourée d’un nuage de paires particule-antiparticule (par exemple électron-positron), qui sont sans cesse crées et annihilées par la particule étudiée. Et on ne peut pas séparer le nuage et la particule centrale, en fait le nuage fait partie de la particule physique. Le problème est que le concept de particule ponctuelle qu’on utilise dans nos théories n’est pas adapté à la réalité physique où les particules sont un champ qui s’étend librement dans tout l’espace. Les mathématiciens (toujours emmerdants ceux-là ^^) diraient que c’est parce qu’on ne sait pas utiliser les distributions (un outil mathématique) correctement. Pour résoudre ce problème on a un truc : une opération qu’on appelle renormalisation ; mais c’est une chose assez compliquée.
Au final le concept de la renormalisation est que la masse (effective) dépend de l’échelle à laquelle on regarde. Si on regarde une particule de loin cela semble être une unique particule, et la masse effective est proche de la masse réelle ; mais si on s’approche on voit que le nuage est composé d’un tas de paires particule-antiparticule, et il faut ajouter les énergies d’interaction pour avoir la masse effective. Mathématiquement on a l’impression que la masse change, mais en fait c’est l’inverse, c’est plutôt la notion de particule ponctuelle qui change : cela correspond à "ponctuelle plus ou moins une précision" (un cutoff UV en termes techniques), et c’est cette précision qui change selon le point de vue.
Le boson de Higgs
On sait maintenant plus ou moins qu’est-ce que la masse, il nous faut encore voir d’où elle vient. Le modèle un peu à la mode pour expliquer la masse des particules est le boson de Higgs, qui n’a encore pas été découvert, mais ça c’est le travail du LHC. Nous verrons que ce n’est en fait pas l’explication principale de la masse de l’univers, mais il explique la masse des particules les plus élémentaires.
Le principe est de considérer que l’univers est baigné dans un amas de particules d’un genre nouveau qu’on appelle bosons de Higgs. Toutes les autres particules auront une interaction avec ce fond de bosons de Higgs, donc une énergie d’interaction, donc une masse (cf. E=mc² toujours).
Pour expliquer pourquoi l’univers es baigné dans un tel amas de particules il y a le concept de brisure spontanée de symétrie (prix Nobel 2008) : si je suis au sommet d’une montagne je peux tomber d’un côté ou de l’autre, à la basa quand je suis en haut il y a une symétrie entre les deux côtés, mais une fois que j’ai chuté j’ai "choisi" un côté e brisé la symétrie. L’application au cas du boson de Higgs est qu’avec ce type de comportement on peut faire apparaître des particules uniquement "d’un côté de la montagne", ce qui fait qu’elles agissent dans le même sens, alors que s’il y avait tant de particules d’un côté que de l’autre, l’effet total de tous les bosons de Higgs serait nul.
La masse des protons et neutrons
Mais pour casser un peu l’excès d’importance que prend le boson de Higgs dans la communication scientifique d’aujourd’hui, il faut signaler qu’il n’explique pas de lui-même toute la masse du monde. Il est efficace pour expliquer la masse des bosons W et Z, qui est la raison majeure pour que l’interaction faible soit dite faible. Mais la majeure partie de la masse du monde (à part ces conneries d’énergie noire et de matière noire) est de loin dans les nucléons (protons e neutrons), pour plus de 99%. Et le Higgs seul n’explique pas l’existence de la masse du nucléon.
Le Higgs explique l’existence de la masse des quarks, mais la masse des quarks n’est qu’une toute petite partie de la masse du nucléon (moins de quelques pourcent). La plus grand partie vient de l’interaction nucléaire forte entre ces quarks. Le calcul de cette masse peut être fait sur des supercalculateurs, par ce qu’on appelle la chromodynamique quantique sur réseau.