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L’idéalisme philosophique

mardi 11 août 2009, par Tiekoura Levi Hamed

L’expression "idéalisme" prête à confusion. Nous ne voulons pas parler du fait d’avoir ou de ne pas avoir un idéal. Il s’agit de tout autre chose.

Voici comment Marx explicite l’idéalisme dans "L’Idéologie allemande" :

"Il y eut un jour un brave homme pour s’imaginer que si les hommes se noyaient, c’est qu’ils étaient possédés de l’idée de pesanteur. S’ils chassaient cette idée de leur tête, par exemple en la qualifiant de superstitieuse, de religieuse, ils seraient à l’abri de la noyade. (...) La production des idées, des représentations, de la conscience est, de prime abord, directement mêlée à l’activité et au commerce matériels des hommes : elle est le langage de la vie réelle. (...) Ce sont les hommes qui sont les producteurs de leurs représentations, de leurs idées, etc., mais ce sont les hommes réels, oeuvrants, tels qu’ils sont conditionnés par un développement déterminé de leurs forces productives et du commerce qui leur correspond jusque dans ses formes les plus étendues. (...) A toute époque, les idées de la classe dominante sont les idées dominantes ; autrement dit, la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est en même temps la puissance spirituelle dominante. (...) Si l’on détache, en observant le déroulement de l’histoire, les idées dominantes de la classe dominante elle-même ; si on les rend indépendantes ; si on se persuade qu’à telle époque telles ou telles pensées ont prévalu, sans se préoccuper des conditions de production ni des producteurs de ces pensées ; bref si on fait table rase des individus et des circonstances mondiales qui sont à la base de ces pensées, on peut dire, par exemple, qu’au temps où l’aristocratie régnait, c’était les idées d’honneur, de fidélité, etc. Voilà ce que la classe dominante se figure le plus souvent."

Idéalisme et matérialisme

L’idéalisme dans la philosophie allemande

Matérialisme et idéalisme historiques

Le nouveau matérialisme

LE MATERIALISME PHILOSOPHIQUE

Depuis 1844-1845, époque où se formèrent ses idées, Marx était matérialiste ; il subit, en particulier, l’influence de L. Feuerbach, dont les seules faiblesses, à ses yeux, résidaient dans l’insuffisance de logique et d’ampleur de son matérialisme. Pour Marx, l’importance historique de Feuerbach, qui "fit époque", tenait à sa rupture décisive avec l’idéalisme de Hegel et à son affirmation du matérialisme. Celui-ci, dès le XVIIIe siècle, notamment en France, ne fut pas seulement une lutte contre les institutions politiques existantes, ainsi que contre la religion et la théologie, mais... contre toute métaphysique" [prise dans le sens de "spéculation enivrée" par opposition à la "philosophie raisonnable"] (La Sainte Famille dans le Literarischer Nachlaß). "Pour Hegel, écrivait Marx, le mouvement de la pensée, qu’il personnifie sous le nom de l’idée, est le démiurge (le créateur) de la réalité... Pour moi, au contraire, le mouvement de la pensée n’est que le reflet du mouvement réel, transporté et transposé dans le cerveau de l’homme" (Le Capital, livre 1, postface de la deuxième édition). En parfait accord avec cette philosophie matérialiste de Marx, F. Engels, en l’exposant dans l’Anti-Dühring (dont Marx avait lu le manuscrit), écrivait : "L’unité du monde ne consiste pas en son Etre ... L’unité réelle du monde consiste en sa matérialité, et celle-ci se prouve... par un long et laborieux développement de la philosophie et de la science de la nature... Le mouvement est le mode d’existence de la matière. Jamais, et nulle part, il n’y a eu de matière sans mouvement, et il ne peut y en avoir... Mais si l’on demande ensuite ce que sont la pensée et la conscience et d’où elles viennent, on trouve qu’elles sont des produits du cerveau humain et que l’homme est lui-même un produit de la nature, qui s’est développé dans et avec son milieu ; d’où il résulte naturellement que les productions du cerveau humain, qui en dernière analyse sont aussi des produits de la nature, ne sont pas en contradiction, mais en conformité avec l’ensemble de la nature." "Hegel était idéaliste, ce qui veut dire qu’au lieu de considérer les idées de son esprit comme les reflets [dans l’original : Abbilder, parfois Engels parle de "reproduction"] plus ou moins abstraits des choses et des processus réels, il considérait à l’inverse les objets et leur développement comme de simples copies réalisées de l’"Idée" existant on ne sait où dès avant le monde." Dans son Ludwig Feuerbach, livre où il expose ses propres idées et celles de Marx sur la philosophie de Feuerbach, et qu’il n’envoya à l’impression qu’après avoir relu encore une fois le vieux manuscrit de 1844-1845 écrit en collaboration avec Marx sur Hegel, Feuerbach et la conception matérialiste de l’histoire, Engels écrit : "La grande question fondamentale de toute philosophie, et spécialement de la philosophie moderne, est celle ... du rapport de la pensée à l’être, de l’esprit à la nature... la question de savoir quel est l’élément primordial, l’esprit ou la nature... Selon qu’ils répondaient de telle ou telle façon à cette question, les philosophes se divisaient en deux grands camps. Ceux qui affirmaient le caractère primordial de l’esprit par rapport à la nature, et qui admettaient, par conséquent, en dernière instance, une création du monde de quelque espèce que ce fût... formaient le camp de l’idéalisme. Les autres, qui considéraient la nature comme l’élément primordial, appartenaient aux différentes écoles du matérialisme." Tout autre emploi des notions d’idéalisme et de matérialisme (au sens philosophique) ne fait que créer la confusion. Marx repoussait catégoriquement non seulement l’idéalisme, toujours lié d’une façon ou d’une autre à la religion, mais aussi le point de vue, particulièrement répandu de nos jours, de Hume et de Kant, l’agnosticisme, le criticisme, le positivisme sous leurs différents aspects, considérant ce genre de philosophie comme une concession "réactionnaire" à l’idéalisme et, dans le meilleur des cas, comme "une façon honteuse d’accepter le matérialisme en cachette, tout en le reniant publiquement". Voyez à ce propos, outre les ouvrages d’Engels et de Marx que nous venons de citer, la lettre de Marx à Engels en date du 12 décembre 1868, où il parle d’une intervention du célèbre naturaliste T. Huxley. Constatant que ce dernier s’est montré "plus matérialiste" que d’ordinaire et a reconnu que, tant que "nous observons et pensons réellement, nous ne pouvons jamais sortir du matérialisme", Marx lui reproche d’avoir "ouvert une porte dérobée" à l’agnosticisme et à la théorie de Hume. Il importe surtout de retenir l’opinion de Marx sur le rapport entre la liberté et la nécessité. "La nécessité n’est aveugle que dans la mesure où elle n’est pas comprise... La liberté est l’intellection de la nécessité" (F. Engels dans l’Anti-Dühring) ; autrement dit, elle consiste à reconnaître l’existence de lois objectives de la nature et la transformation dialectique de la nécessité en liberté (de même que la transformation de la "chose en soi", non connue, mais connaissable, en une "chose pour nous", de l’"essence des choses" en "phénomènes"). Selon Marx et Engels, le défaut essentiel de l’"ancien" matérialisme, y compris celui de Feuerbach (et à plus forte raison du matérialisme "vulgaire" de Büchner-Vogt-Moleschott), tenait au fait que : 1) ce matérialisme était "essentiellement mécaniste" et ne tenait pas compte du développement moderne de la chimie et de la biologie (de nos jours, il conviendrait d’ajouter encore : de la théorie électrique de la matière) ; 2) l’ancien matérialisme n’était ni historique ni dialectique (mais métaphysique dans le sens d’antidialectique) et n’appliquait pas le point de vue de l’évolution d’une façon systématique et généralisée ; 3) il concevait l’"être humain" comme une abstraction et non comme "l’ensemble de tous les rapports sociaux" (concrètement déterminés par l’histoire), et ne faisait par conséquent qu’"interpréter" le monde alors qu’il s’agissait de le "transformer", c’est-à-dire qu’il ne saisissait pas la portée de l’"activité pratique révolutionnaire".

Lénine dans son article intitulé "Karl Marx"

Max Planck dans « Initiations à la physique » :

« L’univers tel qu’il est aux yeux de la physique moderne

« La science physique, tout entière, est un édifice à la base duquel on trouve les mesures. Or tout mesure étant liée à une perception sensible, toute loi physique concerne, au fond, des événements ayant lieu dans le monde sensible ; c’est pourquoi un certain nombre de savants et de philosophes sont portés à penser, qu’en dernière analyse, les physiciens n’ont affaire qu’au monde sensible, et même qu’au monde tel qu’il est perçu par les sens humains. (…) Il n’existe pas de motif logique permettant de réfuter cette opinion ; car la logique seule ne peut faire sortir qui que ce soit du monde sensible ; elle est même incapable de nous contraindre à admettre l’existence d’autres hommes que nous-mêmes. Mais elle n’est pas seule à assurer l’existence de notre entendement, il y faut aussi la raison. Or, pour qu’une chose soit raisonnable, l’absence de contradiction logique n’est pas le fondement. La raison nous dit que si nous tournons le dos à un objet en nous éloignant de lui, il en reste encore quelque chose quand nous ne sommes plus là. (…) La raison nous dit que les lois de la nature ne surgissent pas d’un pauvre cerveau humain, qu’elles ont existé avant que la vie soit apparue sur la terre et qu’elles existeront encore quand le dernier physicien aura disparu.

Ces pensées, qui ne sont pas des conclusions logiques, nous obligent à admettre l’existence d’un monde réel derrière le monde de nos sensations, monde dont l’existence est indépendante de l’homme. Nous ne pouvons acquérir aucune connaissance directe de ce monde, nous pouvons seulement en prendre conscience par l’intermédiaire du monde de nos sensations. S’il y a des gens qui ne peuvent se résigner à adopter cette manière de voir et qui ne peuvent envisager l’existence d’un monde réel, inconnaissable par principe, nous leur ferons observer que, se trouver en présence d’une théorie physique tout achevée dont on peut analyser exactement le contenu et établir que des concepts pris dans le monde sensible suffisent parfaitement à la formuler est une chose et que, édifier une théorie physique en prenant son point de départ dans un ensemble de mesures particulières est une tout autre chose. (…) Jusqu’ici, on n’a pas pu réussir à la mener à bien sans admettre l’existence d’un monde réel indépendant de nos sens humains et, d’autre part, il n’y a pas de raison de penser qu’il en sera autrement à l’avenir.

(…) Bien qu’il y ait toujours des observations nouvelles à l’origine de tout perfectionnement et de toute simplification apportés au système de l’univers, ce système n’en présente pas moins (et ceci est tout à fait remarquable) une structure qui s’éloigne de plus en plus du monde sensible. Les sensations en sont éliminées de plus en plus et il perd, dans la même mesure, son caractère anthropomorphique primitif. »

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