mercredi 31 mars 2010
Il y a quelques jours j’ai aperçu un petit groupe de militants de LO tenant un stand dans une artère parisienne fréquentée. Je me suis arrêté pour discuter. Il diffusaient un tract (contentant l’édito reproduit plus bas+ une invitation au CLT sur l’Iran vendredi 16 avril). Ils vendaient aussi la presse.
Je leur dis avoir assisté à plusieurs Ag de mouvements (prof du 93) ou réunions électorales (réunion publique organisée par la FCPE avec des représentants d’une dizaine de liste aux régionales d’Ile de France), et avoir été choqué par l’absence systématique de critique par LO de la gauche politique ou des directions syndicales.
Un militant répond que leurs camarades ne peuvent pas toujours tout dire dans toute réunion, et qu’il faisait confiance à ses camarades dans leurs choix. "On sait que les syndicats jouent le rôle de pompier" ajouta un militant. Ok, mais les travailleurs ne le savent pas tous, alors pourquoi n’écrivez vous pas « les syndicats jouent le rôle de pompier » dans vos tracts ?
J’ai demandé au militant s’il avait lu la fameuse brochure LO sur la grève Renault de 1947, et lui dit être surpris que LO ne propose plus de comités de grève, par exemple pour les sans-papiers en région parisienne. La réponse est surprenante : si, actuellement les sans-papiers dirigent leur lutte de manière autonome !
Le militant s’impatientait, ces discussions l’agassaient visiblement, ça n’était pas le but de son accroche, analogue à celle des assoces qu’on voit de plus en plus en des lieux fréquentés et qui vendent un journal ou une adhésion. Il voulait vendre son canard. C’est louable. « Tu devrais acheter le journal pour connaitre nos positions. »
C’est alors que sans le savoir je créais atmosphère de lynchage en lançant innocemment : mais je connais ces positions, d’ailleurs celle sur Haïti m’a tellement choquée que j’ai distribué le tract signé VdT devant le CLT.
La ils se mettent à hurler, vociférer : ce sont des CRRRRETINS — je transmets ce compliment aux camarades qui ont distribué — qui ont écrit cela, ils sortent 2 phrases du contexte et disent n’importe quoi. Au passage cela suggère que le texte a été distribué et discuté en interne.
Je tente de répondre : l’injure n’est pas un argument, vous n’avez pour but que de ne pas donner votre position : répondez : demandez vous le retrait des troupes françaises d’Haiti ou non ? ... le reste je n’ai rien compris, le dialogue devenait difficile.
Mais j’ai été rassuré par cette discussion : alors que j’avais reproché aux militants de LO de ne pas critiquer le PS ou les syndicat publiquement, j’ai vu qu’ils étaient capables de défendre un point de vue ferme face à un opposant.
La dérive de LO est frappante : dans TOUS les éditos ou tracts récents : on ne lit plus jamais les expressions : "nous la classe ouvrière, nous les travailleurs". C’est le terme "les classes populaires" qui revient le plus souvent.
Une statistique frappante : dans AUCUN des 13 éditos de boîte de 2010 LO n’utilise le terme "classe ouvrière" !
Or avec la crise n’est-il pas vital de faire comprendre à la classe ouvrière son rôle révolutionnaire spécifique, en lui faisant prendre conscience de sa spécificité par rapport aux autres composantes des "classes populaires" ? Et le faire nécessite d’abord de dénommer ces composantes : petits artisans, petits paysans, chômeurs, prolétaires du tertiaire etc.
Qu’au moment où la crise rend brulante cette nécessité de développer une conscience de classe dans le prolétariat, LO noie toutes ces distinctions dans le terme "classes populaires" est à mon avis un des indicateurs de sa dérive politique dans (plus vers mais déjà dans) le réformisme.
Ce terme fait partie de la phraséologie "anticapitaliste" que partage le NPA, adaptée à un front populaire rampant, qui va contre la notion de politique indépendante de la classe ouvrière.
****************************** Tract LO :
Faire du 23 mars un succès et un début !
Au lendemain du deuxième tour des élections régionales, chacun des camps y va de sa chanson.
La droite est bien obligée, cette fois-ci, de reconnaître que les résultats constituent un désaveu électoral du gouvernement et de sa politique. Ses ténors répètent que “le message a été entendu” mais pour ajouter que “les réformes continuent”. En d’autres termes, le gouvernement continuera à prendre de l’argent dans la poche de ceux qui en ont peu -salariés, chômeurs, retraités- pour donner à ceux qui en ont déjà beaucoup.
À gauche, ce sont des cris de victoire. Et, déjà, commencent les campagnes électorales suivantes : la présidentielle et les législatives qui s’enchaînent en 2012.
Mais, à part un court moment de satisfaction devant le désaveu électoral massif infligé au pouvoir en place, en quoi le résultat de ces élections pourrait-il changer le sort des travailleurs ?
Les conseils régionaux seront dirigés dans leur quasi-totalité par la gauche ? Mais c’était déjà le cas auparavant, à une région près ! Et les conseils régionaux n’ont pas été ces “boucliers” pour les plus pauvres que les dirigeants du Parti socialiste décrivaient. Aucun conseil régional n’a protégé les travailleurs contre les licenciements, l’envolée du chômage et contre les mesures du gouvernement s’attaquant à l’emploi et à la protection sociale.
Et il n’y a pas de quoi se réjouir de cette “Gauche solidaire” en train d’émerger, agglomérant le Parti socialiste, les écologistes et le Front de gauche, évoquant déjà la perspective d’une victoire de la gauche à la prochaine élection présidentielle.
Droite, gauche, droite, gauche... l’écrasante majorité du monde politique est d’accord au moins sur une chose : faire marcher l’électorat populaire au pas, d’espoirs soulevés en espoirs déçus.
Car le souvenir de l’Union de la gauche sous Mitterrand et de la Gauche plurielle sous Jospin n’est pas vieux au point d’avoir fait oublier qu’à la satisfaction d’avoir renvoyé la droite haïe, a succédé la déception de voir la gauche reprendre à son compte la politique de la droite. Et la désorientation avait nourri, déjà à l’époque, l’extrême droite anti-ouvrière du Front national qui retrouve aujourd’hui son électorat détourné un moment par Sarkozy.
Les élections finies, la crise continue et s’aggrave.
La grande bourgeoisie sait que, dans cette période de crise, elle ne peut assurer le niveau de ses profits qu’à condition d’aggraver l’exploitation dans les entreprises et d’obtenir du gouvernement qu’il détourne encore plus l’argent des services publics, de la retraite, de la protection sociale, afin de le consacrer toujours plus aux entreprises capitalistes. Cela promet plus de licenciements, plus de chômage, moins de paie, des conditions de travail plus difficiles.
L’État continuera à supprimer des emplois avec le non-remplacement de ceux qui partent à la retraite, quitte à aggraver tout à la fois le chômage et la dégradation des hôpitaux, des transports publics et de l’Éducation nationale.
Le prochain coup en préparation vise les retraites. En projetant de repousser l’âge de départ, le gouvernement aggrave une situation déjà aberrante où on oblige de vieux travailleurs à s’user au travail toujours plus longtemps pendant que leurs enfants ne trouvent pas d’emploi.
Ce qui sera déterminant pour l’avenir, ce n’est pas le nom ou l’étiquette du futur président, c’est l’évolution de la crise et le rapport de forces entre le grand patronat et les travailleurs. La bourgeoisie ne laissera pas compromettre ses profits et ses revenus par un changement de majorité électorale. Et la “Gauche solidaire” n’osera pas plus affronter le grand patronat que ne l’ont osé l’Union de la gauche ou la Gauche plurielle.
Alors, le salut pour les classes populaires ne viendra pas des échéances électorales. Il viendra de notre capacité à réagir aux coups qu’on nous donne.
Une journée de grèves et de manifestations comme celle du 23 mars ne suffira évidemment pas pour changer le rapport de forces avec le grand patronat. Pour cela, il faudrait une mobilisation croissante, entraînant de plus en plus de travailleurs, explosive au point d’inspirer aux classes possédantes une crainte salutaire pour leurs profits et même pour leurs capitaux. Mais le 23 mars pourrait être un premier pas.
Lutte Ouvrière appelle à participer le plus massivement possible aux grèves et aux manifestations !
Arlette Laguiller