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Le syndicalisme en Asie en 2007

samedi 29 novembre 2008, par Robert Paris

L’anti-syndicalisme gangrène l’Asie

Bruxelles, le 18 septembre 2007 (CSI en ligne) : L’Asie détient le sinistre record du plus grand nombre d’arrestations et de licenciements massifs de travailleurs en raison d’activités syndicales. Selon des estimations modérées de la CSI publiées dans son nouveau rapport sur les violations des droits syndicaux, au moins 4.800 travailleurs asiatiques ont été licenciés en raison de leurs engagement syndical en 2006, et plus de 2.800 ont fait l’objet d’arrestations. Cette tendance à se débarrasser des travailleurs syndiqués par le licenciement, les arrestations, voire les tabassages et les assassinats, s’est poursuivie à grande échelle en 2007.

Selon les données du rapport, ce sont les Philippines qui s’avèrent être le pays le plus violent à l’encontre des syndicalistes en Asie. Au moins 33 syndicalistes ont trouvé la mort dans une explosion de violences extrajudiciaires. De hauts fonctionnaires du gouvernement et des officiers supérieurs des forces armées ont déclaré publiquement que les dirigeants syndicaux et les représentants de la société civile appartenant à des mouvements progressistes étaient des « communistes » et des « ennemis de la nation », prétexte justifiant la violence exercée à leur encontre. L’atmosphère d’impunité qui règne dans l’archipel a en outre sapé toute possibilité de faire appliquer correctement la législation du travail, comme en témoignent les nombreux cas d’intimidation, d’enlèvement et de torture dont sont victimes les syndicalistes. L’une de ces victimes est Rogelio Concepcion, président du syndicat des travailleurs de la Solid Development Corporation. Enlevé le 6 mars 2006 près de l’usine où il travaillait, son cadavre a été retrouvé un peu plus tard ; il portait des traces de torture.

Au Cambodge, des attaques policières contre des travailleurs manifestants ont été recensées pratiquement tous les mois. Le syndicat FTUWKC est particulièrement visé par les violences antisyndicales. Le 3 mai par exemple, Chi Simun, président de ce syndicat au sein de l’usine Bright Sky, a été attaqué par des malfrats qui l’ont frappé brutalement à la tête et aux épaules avec des barres de fer et des bâtons. Chi Simun a reconnu certains de ses agresseurs et a donné leurs noms et d’autres informations à la police locale, mais aucune enquête n’a été ouverte ni aucune mesure prise. Il a de nouveau été menacé par la suite, et a finalement perdu son emploi lors d’un licenciement collectif. Tout comme d’autres ex-délégués syndicaux, il se trouve actuellement sur une liste noire distribuée aux autres usines afin qu’il ne trouve plus d‘emploi.

Plusieurs autres syndicalistes cambodgiens ont été blessés par balle en 2006 et cette violence antisyndicale s’est poursuivie cette année, avec notamment l’assassinat le 24 février dernier de Hy Vuthy, dirigeant de la FTUWKC au sein de l’usine de confection Suntex. Il s’agit du troisième meurtre d’un représentant du FTUWKC depuis l’assassinat en 2004 de Chea Vichea, ancien président du syndicat. Cette affaire avait confirmé l’incompétence de l’appareil judiciaire cambodgien, qui est de notoriété publique inféodé au gouvernement. En dépit de plusieurs campagnes internationales menées par les syndicats et les organisations de droits de l’homme, deux personnes innocentes, Born Samnang et Sok Sam Oeun, demeurent en prison depuis 2004, après avoir été forcées sous la torture à livrer de faux aveux dans ce dossier. Leur condamnation à 20 ans de prison a été confirmée en appel cette année.

Le Bangladesh est l’un des quatre pays d’Asie où des travailleurs ont trouvé la mort en 2006 pour avoir essayé de défendre leurs droits syndicaux. Comme en Indonésie, les syndicalistes bangladais doivent aussi faire face aux attaques de truands payés par les employeurs, et même à des tabassages ou à des actes de tortures lorsqu’ils sont emprisonnés suite à leurs activités syndicales. En mai par exemple, à Gazipur, des manœuvres frauduleuses du patronat sur le plan salarial, aggravées par des abus verbaux à l’encontre des effectifs, auraient été à l’origine de confrontations entre les travailleurs et la direction. Une grève s’en est suivie, mais la direction a aggravé la situation en faisant appel à des truands chargés d’attaquer les travailleurs qui formaient le piquet de grève. Les travailleurs ont riposté à l’attaque et la direction a alors fait appel à la police, qui a ouvert le feu sur les grévistes. Bilan : un travailleur tué et plusieurs blessés. Ces répressions ont provoqué une vague d’émeutes
Plus tard, la police a accusé le syndicat BIGUF d’avoir instigué des émeutes. Un organisateur de ce syndicat BIGUF a été maintenu les yeux bandés, battu et torturé durant sa garde à vue dans un commissariat. Au moins un autre organisateur et une employée de ce syndicat ont été torturés au même moment.

L’introduction par étapes de droits syndicaux (restreints) promise dans les zones franches n’est pas partie du bon pied au Bangladesh, dans la mesure où les employeurs ont systématiquement harcelé, suspendu et licencié, durant l’année, des dirigeants des comités de représentation et d’aide aux travailleurs. Les zones franches sont d’ailleurs des zones de répression antisyndicale à travers toute l’Asie, du Pakistan aux Philippines en passant par l’Etat de Delhi en Inde ou encore l’Indonésie.

Dans de nombreux pays asiatiques, la police ne semble connaître que le recours excessif à la force lorsque des travailleurs manifestent ou partent en grève. On en a encore eu la preuve en Malaisie, où de violentes attaques policières contre des rassemblements syndicaux ont été rapportées en mars. La police n’a pas hésité à se servir de matraques, de chiens et de canons à eau pour disperser une protestation du MTUC et lors d’une autre manifestation, en mai, la gravité des blessures valut à l’incident d’être surnommé « dimanche sanglant ».

Aucun changement positif n’a été enregistré dans des pays comme la Chine, le Vietnam, le Laos et la Corée du Nord, où les législations n’autorisent aucune activité syndicale indépendante. En Chine, plus de 100 travailleurs ont été arrêtés et détenus pour avoir pris part à des actions collectives de protestation, alors que le « syndicat » officiel n’a rien fait pour les protéger. Des rapports font état de plusieurs cas de militants atteints de maladies mentales après avoir été soumis à de mauvais traitements en prison ou dans des camps de travail. L’un des syndicalistes chinois victimes de la folle répression de Beijing est l’enseignant Zhang Shanguang, condamné à dix années de réclusion pour « menace pour la sûreté de l’État » car il avait tenté de mettre sur pied un syndicat indépendant. La CSI a appris qu’il subissait des mauvais traitements et des tortures qui se sont intensifiés quand il a tenté d’améliorer les conditions dans le centre pénitentiaire où il est incarcéré. Il souffre de tuberculose et est atteint d’une maladie cardiaque, mais il serait néanmoins forcé de travailler les fers aux pieds.

La répression violente persiste plus que jamais en Birmanie, où toute activité syndicale est interdite. Cinq militants ont été arrêtés et condamnés à de lourdes peines de prison pour avoir fourni des informations à la fédération syndicale indépendante FTUB, considérée comme illégale. Une militante du syndicat Karen des travailleurs de la santé a été condamnée à une peine de quatre ans de travaux forcés, accusée d’avoir des « contacts avec des organisations illégales ».

En cette année où la Thaïlande a vécu un nouveau coup d’État (le 18ème en 70 ans !), de nombreux cas de harcèlement et de licenciements de membres et de dirigeants syndicaux ont eu lieu dans ce pays. Des employeurs ignorent en toute impunité des arrêts de tribunaux et des décisions du ministère du Travail. C’est par exemple le cas de Goodyear, qui refuse de réintégrer des membres syndicaux sous contrats temporaires alors qu’un organisme relevant du ministère du Travail a trouvé des preuves flagrantes de discrimination antisyndicale dans leur renvoi et a ordonné leur réintégration. Par ailleurs, en Thaïlande comme dans de nombreux pays asiatiques, les travailleurs migrants se sont révélés une fois de plus très vulnérables aux abus.

Certains pays de la région supposément plus favorables au respect des droits humains montrent un mépris total pour les droits fondamentaux des travailleurs. C’est le cas de l’Australie, où les craintes concernant une utilisation de la nouvelle législation sur les relations professionnelles contre les travailleurs et les syndicalistes se sont très vite confirmées : 107 travailleurs du bâtiment sont sous le coup de poursuites judiciaires à titre individuel et d’énormes amendes. Un délégué syndical a été renvoyé pour avoir exprimé ses préoccupations sur des problèmes de santé et de sécurité et des travailleurs immigrés temporaires ont été licenciés pour s’être syndiqués. D’autres travailleurs ont été contraints de renoncer aux conventions collectives pour souscrire à des contrats individuels, à de moins bonnes conditions en général.

Malgré ces mauvaises nouvelles, le rapport annuel de la CSI met également en lumière quelques avancées encourageantes, par exemple au Népal. Les syndicalistes népalais avaient fait l’objet d’une répression débridée en janvier et avril 2006 en raison de leur participation à la lutte pour la restauration de la démocratie. En plus des arrestations, trois travailleurs ont été tués par balles et de nombreux autres ont été grièvement blessés. La restauration du Parlement, fin avril, annonçait cependant un assouplissement considérable des restrictions aux droits syndicaux. Les syndicats népalais luttent à présent contre l’hostilité de certains employeurs, et notamment de la multinationale Group 4 Securicor (G4S). Le syndicat GEFONT a dénoncé une campagne antisyndicale féroce de la part de cette multinationale, qui a muté plusieurs militants syndicaux à des postes éloignés et difficiles et a menacé de quitter le Népal en cas de poursuite des activités syndicales.

Messages

  • Après juillet 2010, ce lundi de septembre, le textile du Cambodge est de nouveau entré en lutte.

    En juillet

    Au moins neuf ouvrières d’une usine de confection près de Phnom Penh ont été blessées le 27 juillet lorsque la police anti-émeutes est intervenue pour mettre fin à un mouvement de grève d’une semaine.
    Une centaine de policiers, dont une cinquantaine étaient en tenue anti-émeutes et armés de fusils d’assaut ont tenté de contraindre quelque 3.000 ouvrières à retourner dans leur usine des faubourgs de Phnom Penh, où sont fabriqués des vêtements pour Gap, Benetton, Adidas ou Puma. Plusieurs ouvrières ont été jetées au sol et frappées, a constaté un journaliste de Reuters. Au moins neuf d’entre elles ont été blessées, a dit Srey Kimheng, responsable syndical.

    L’industrie textile a été particulièrement affectée par la crise au Cambodge, où il s’agit du troisième plus important secteur économique derrière l’agriculture et le tourisme.

    Voir ce film sur les luttes ouvrières en août au Cambodge

    Ce lundi 13 septembre, la grève s’est développée dans le textile du Cambodge. Des dizaines de milliers d’ouvriers de l’industrie du textile au Cambodge ont commencé lundi une grève pour obtenir de meilleurs salaires. Les 125 délégués syndicaux de la Fédération des syndicats des ouvriers du Cambodge et la CCAWDU, réunis le 8 septembre à Phnom Penh, ont approuvé le maintien du préavis de grève pour le 13 septembre.

    Cheat Khemara, représentant juridique du Gmac, a indiqué à Cambodge Soir Hebdo que Ath Thorn « devrait prendre ses responsabilités » en cas de mouvement social, qui aura pour conséquences des « coupes salariales pour les grévistes » et « l’impossibilité pour les entrepreneurs d’honorer leurs commandes ».

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