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Eunus (ou Eunous), le Spartacus sicilien

lundi 19 avril 2021, par Robert Paris

Eunus (ou Eunous), le Spartacus (bien avant Spartacus) sicilien

Vous n’avez jamais imaginé Spartacus devenu roi à la tête de 200.000 soldats ? Eh bien, un esclave que vous connaissez moins l’a fait : c’est Eunus !!! Et il a fallu cinq années et cinq armées pour le battre…

À dire vrai, Eunus, mis à part le caractère et l’idéologie, était même supérieur à Spartacus, car si les deux hommes étaient tous deux des esclaves qui fomentèrent des guerres contre Rome (la révolte de Spartacus eut lieu six décennies plus tard), la rébellion d’Eunus était quatre ou cinq fois plus grande et elle dura presque trois fois plus longtemps. Il fonda un État, ce que Spartacus ne fit jamais, et tous les récits dont nous disposons indiquent qu’il inspirait une loyauté farouche, dans des proportions inégalées par le gladiateur thrace. Car, contrairement à ce que ses portraits romancés racontent, Spartacus fut défait autant par la puissance des légions qui furent envoyées pour le détruire qu’à cause de dissensions dans ses rangs.

Diodore de Sicile nous indique que la cause de la révolution en fut le nombre croissant d’esclaves introduits dans l’île, surtout après la Deuxième Guerre Punique. Il ajoute que cette masse se trouve aussi bien chez les propriétaires grecs que romains. Mais il poursuit que depuis les années 140, existe en Sicile une insécurité grandissante due à des bergers dans l’ouest de la Sicile, encouragés par leurs maîtres, et rejoints par des fugitifs.

Il faut y rajouter le traitement ignominieux des esclaves par leurs maîtres en Sicile !

Il y eut des escarmouches et un propréteur dû en capturer plusieurs pour calmer les velléités.

A l’est, se trouvent de nombreux esclaves d’origine syriennes, adorateurs de cultes à mystères implantés en Orient, comme celui de la déesse Atargatis, ou dea Syria, dont le sanctuaire se trouve à Héliopolis. De même pour la divinité Déméter, déesse protectrice de la fécondité qui avait son sanctuaire à Enna.

L’un de ces Syriens, Eunous, disposait d’un réel ascendant sur ses compagnons grâce à ses dons prophétiques. Ils appartenaient à un propriétaire d’Enna, Antigénès. Son maître l’emmenait dans les dîners, il avait pour "épouse" une esclave syrienne, ce qui montre sa notabilité. Lui et sa femme sont portés à la tête de la révolte par les esclaves d’encadrement.

Au même moment, à l’ouest, Cléon, un brigand Silicien, se fait attribuer l’élevage de chevaux : il est magister.

La révolte commence à Enna (à l’époque Henna) contre un propriétaire et sa femme, tous deux cruels ; leur fille, gentille, est épargnée. Dans l’ouest, Cléon a prit le maquis et en quelques jours, des milliers d’esclaves se concentrent et prennent la ville d’Enna. Eunous est proclamé roi avec le titre d’Antiochos, et Cléon se met sous ses ordres. Eunous et ses conseillers vont créer un Etat, avec des assemblées, une capitale qui sera Enna ; on bat monnaie au nom d’Antiochos. Les habitants des villes prises furent massacrés, les artisans tournés en esclavages. Ensuite arrive les divergences : Eunous est pour la clémence, d’autre pour la répression. Ce qui est étrange est l’arrivée au sein des révoltés de petits et moyens propriétaires.

De 140 à 132 avant notre ère, c’est la première guerre des esclaves. Après avoir pris Enna à la tête de 400 esclaves, l’esclave syrien Eunus réunit les esclaves des grandes propriétés latifundiaires de Sicile et les mène au combat contre Rome. Son armée atteint jusqu’à 200.000 esclaves combattants et en 136 av. J.-C., il prend le titre de roi des esclaves révoltés. Après avoir battu plusieurs généraux romains et après la prise des villes d’Enna, d’Agrigente, de Messine et Tauromenium, Eunus est fait prisonnier par le consul Publius Rupilius en 132 av. J.-C. Il mourut dans une prison de Morgantina. et 20.000 esclaves sont crucifiés…

La première guerre servile prend place dans une période de troubles en Sicile, province romaine depuis la fin de la première guerre punique. La prospérité de la Sicile depuis son annexion à Rome dont elle devient le grenier à blé, pousse les propriétaires à acheter nombre d’esclaves dont les prix sont faibles du fait du grand nombre de cités asservies par la République au cours du IIe siècle av. J.-C.

À cette époque, la Sicile est une terre fertile, grenier à blé de Rome, où travaillent de nombreux esclaves cantonnés en ergastules. Elle compte également d’importantes régions de pâtures où un grand nombre d’esclaves, souvent originaires de l’Orient hellénistique, sont bergers. Vivant dans des conditions misérables, livrés à eux-mêmes, ces esclaves pratiquent rapines et brigandage pour subvenir à leur besoins, au détriment des petits propriétaires, particulièrement au centre de l’île, dans la région d’Enna et à l’ouest, dans celle de Ségeste et Lilybée. Cette situation entraine une grande insécurité à laquelle Rome ne remédie cependant pas, car elle n’atteint pas la classe supérieure de l’île et que les propriétaires des esclaves sont de puissants Romains.

Eunous est un esclave syrien, originaire d’Apamée. Il appartient à un couple de riches notables de Enna, Antigène et Pythô. Il est un « prophète » de la déesse syrienne Atargatis, dont le culte se caractérise par son mysticisme. Mêlant tours de magie et mysticisme, Eunous acquiert un ascendant sur ses compagnons d’esclavage. Pris pour un bouffon par ses maîtres, il se produit au cours des banquets donnés par ces derniers : c’est alors qu’il prédit qu’il sera un jour roi.

Damophile, l’un des grands propriétaires d’Enna, et son épouse Mégallis sont connus pour leur cruauté envers leurs esclaves. Ces derniers, en 140 ou 139 av. J.-C., projettent d’assassiner leur maître et demandent à Eunous s’ils ont l’accord des dieux. Après une réponse favorable d’Eunous, ce sont quatre cents esclaves qui s’emparent de la ville, entraînant avec eux le reste des esclaves. La prise d’Enna s’accompagne de massacres, de viols et de pillages. Damophile et Mégallis sont exhibés dans un théâtre puis tués, tandis que leur fille, qui avait auparavant fait preuve de bonté envers les esclaves, est conduite sous escorte à Catane.

Eunous est nommé roi, sous le nom d’Antiochus, porté par les rois de la dynastie des Séleucides en Syrie. Organisant son royaume sur le modèle hellénistique, il fait reine sa compagne, appelle ses sujets « Syriens », nomme des conseillers. Une monnaie à l’effigie de Déméter, divinité de Enna, est frappée. Les hommes libres ayant échappé aux massacres et aptes au travail sont réduits en esclavage et employés à fabriquer des armes. Six mille hommes sont ainsi équipés en trois jours. Les esclaves des alentours, ralliés, portent les effectifs de cette armée des Syriens à dix mille. De son côté, un autre esclave, Cléon, Cilicien et gardien de haras, prend la tête d’un soulèvement et s’empare d’Agrigente. Après avoir fait allégeance à Eunous, lui apportant cinq mille hommes supplémentaires, il est nommé par ce dernier stratège.

Au début de l’année 139 av. J.-C., le préteur Lucius Plautius Hypsaeus, envoyé en Sicile, y recrute huit mille hommes mais essuie une défaite face à l’armée servile, qui compte alors vingt mille hommes. Quatre préteurs échouent ensuite, entre 138 et 135 contre les esclaves révoltés. Eunous s’empare d’Agrigente, de Tauromenium et de Morgantina. L’armée servile aurait compté jusqu’à deux cent mille hommes, bien que ce chiffre soit sans doute exagéré.

L’existence de ce royaume servile en Sicile gêne l’approvisionnement de Rome en blé et provoque de nombreuses révoltes dans le monde méditerranéen : à Délos, à Athènes et dans les mines de l’Attique où des milliers d’esclaves se révoltent, en Campanie, dans le Latium et à Rome.

Rome envoie alors le consul Caius Fulvius puis, en 133 av. J.-C., le consul Calpurnius Pison qui défait pour la première fois l’armée servile et reconquiert la région de Morgantina. Cette même année Rome connaît une grave crise qui se termine par la mort du tribun Tiberius Gracchus. Scipion Émilien achève par ailleurs le siège de Numance en Espagne, ce qui libère de nombreuses troupes. Rome se décide alors à mettre un terme à l’existence du royaume des « Syriens ». Le consul Publius Rupilius est envoyé en Sicile en 132 av. J.-C. avec des troupes récemment revenues d’Espagne. L’armée romaine, qui a fait ses preuves en matière de poliorcétique devant Carthage et Numance, met le siège devant Tauromenium. Les assiégés, acculés à la famine, finissent par être trahis par l’un des leurs. Les rescapés du siège sont jetés dans un ravin. Rupilius assiège ensuite Enna, où Cléon est tué lors d’une sortie. Eunous se réfugie avec un millier d’esclaves dans la montagne, est capturé, après le suicide collectif de ses compagnons, et meurt dans une prison de Morgantina.

La révolution servile d’Eunus fut difficile à mater. Deux années et deux consuls furent nécessaires pour en venir à bout. Les romains reprirent la ville de Messine et après un long siège, Enna est reprise en 132, Cléon est tué, Eunous capturé et enfermé dans une prison où il meurt.

Ce soulèvement est très riche par ses composantes et son esprit. Ce n’est pas un mouvement dirigé contre l’esclavage. Il a menacé l’équilibre de l’île sicilienne. D’autre part, Rome a reconquis l’île et la réorganisée.

De multiples soulèvements ont eu lieu dans la Rome antique. Parmi ceux-là, en 933 avant J.C. des paysans juifs se révoltent en Judée contre les corvées. En 510 avant J.C., les esclaves se soulèvent à Athènes, cela participera (avec l’aide de la rivale Sparte) à faire tomber la tyrannie. Neuf ans plus tard, leurs homologues de Rome occupent le Capitole. Ils seront tous crucifiés. Deux autres révoltes auront lieu à Rome au Ve siècle avant J.C. et seront réprimées de la même façon. En 140 avant J.-C., débutent les guerres serviles avec celle d’Eunus qui forme une armée servile de 200.000 hommes qui bat pendant cinq cinq armées romaines avant d’être battue et massacrée. Il y aura six décennies plus tard la révolte de Spartacus...

Sources :

Premier texte

Deuxième texte

Troisième texte

Quatrième texte

Cinquième texte

Sixième texte

Septième texte

Huitième texte

Neuvième texte

Dixième texte

Onzième texte

Douzième texte

Treizième texte

Quatorzième texte

Quinzième texte

Seizième texte

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