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En 1917, Trotsky était le porte-parole des marins de Kronstadt

jeudi 2 mai 2019, par Robert Paris

de la plume de Léon Trotsky :

Appel des marins, des soldats et des ouvriers de Kronstadt

au peuple révolutionnaire de Pétrograd
et de toute la Russie

13 juin 1917

Citoyens, camarades, frères !

Le nom de Kronstadt, inscrit dans les pages glorieuses de l’histoire de la révolution russe, est maintenant calomnié et diffamé dans les pages de tous les journaux bourgeois. Les mots malveillants des calomniateurs contre-révolutionnaires sont écrits comme si nous, les Kronstadtiens, invitions le peuple au despotisme, au lynchage et à l’anarchie, comme si nous pratiquions la torture des tyrans et des serviteurs du tsarisme que nous arrêtons, et enfin, comme si nous avions refusé de reconnaître l’autorité du gouvernement provisoire, nous étions séparé de la Russie et avions créé la république indépendante de Kronstadt.

Quel mensonge insensé, cette calomnie si pitoyable et si honteuse !

À Kronstadt, ne règne pas l’anarchie, mais un ordre révolutionnaire sincère et ferme. Notre Soviet des députés ouvriers et soldats a pris le contrôle de toutes les affaires locales de Kronstadt.

Nous sommes contre le lynchage, contre toutes les formes de vengeance injustifiée infligée aux serviteurs du tsarisme captifs. Mais nous sommes pour une justice révolutionnaire honnête, libre et organisée impartialement pour les ennemis criminels du peuple. Les officiers, gendarmes et policiers arrêtés par nous à l’époque de la révolution ont eux-mêmes déclaré aux représentants du gouvernement qu’ils ne pouvaient s’opposer à ce qu’ils soient traités par notre système pénitentiaire. Il est vrai que les bâtiments de la prison de Kronstadt sont affreux. Mais ce sont ces mêmes prisons qui ont été construites pour nous par le tsarisme. Nous n’en avons pas d’autres. Et si nous avons détenu des ennemis du peuple dans ces prisons, ce n’est pas par vengeance, mais bien par souci du sort de la révolution. Nous sommes parvenus avec les représentants du gouvernement provisoire, les ministres Tsereteli et Skobelev, à un accord sur un procès relativement rapide et impartial des prisonniers de Kronstadt. Et cet accord reste en vigueur.

Dire que nous ne reconnaissons pas l’autorité du gouvernement provisoire est une mensonge pitoyable ! Jusqu’ici, alors que la reconnaissance de ce gouvernement correspond à la volonté du peuple révolutionnaire organisé, nous, Kronstadtiens, sommes incapables de ne pas reconnaître l’autorité du gouvernement provisoire dans toutes les affaires de l’État en général. Nous l’avons dit clairement et clairement dans nos résolutions, dans des articles de nos principales publications et, enfin, par l’accord avec les représentants des ministères. Cet accord est toujours en vigueur, nous y avons obtenu d’importantes concessions dans le sens des principes de la démocratie et de l’autonomie populaire (élection des représentants locaux de l’autorité civique et du contrôle des chefs militaires).

Avons-nous fait sécession de la Russie ? Voilà la calomnie la plus cruelle et la plus vile.

Au nom de la Russie, nous, Kronstadtiens, ne nous sommes-nous pas révoltés contre l’ancienne autorité ?

Les combattants de Kronstadt ainsi que les combattants de Pétrograd et de toute la Russie n’ont-ils pas versé leur sang au nom de la liberté et du bonheur de tout le peuple russe ? Et maintenant, alors que nous avons renversé le pouvoir du tsar et pris le chemin du renversement de toute oppression et de toute forme de violence, le lien fraternel entre tous les peuples et toutes les masses laborieuses de Russie est de plus en plus cher et proche au cœur des Kronstadtiens qu’il n’a jamais été.

Nous sommes pour l’unité de la Russie révolutionnaire, pour l’unité des travailleurs dans la lutte avec ses oppresseurs. Cependant, nous pensons, et c’est la ferme conviction de notre conscience révolutionnaire, que le gouvernement provisoire actuel, composé majoritairement de représentants des propriétaires terriens, des propriétaires d’usines et des banquiers, ne veut pas et ne peut pas être un véritable représentant de la démocratie et de la volonté forte de la révolution populaire et que, si dans le pays on observe effectivement des signes d’anarchie, la faute en incombe à la politique bourgeoise du gouvernement provisoire qui, dans les questions de production, de terre, d’ouvriers, de diplomatie et de guerre ne servent pas les intérêts authentiques du peuple, mais la cause des classes possédantes et exploiteuses. Nous pensons que les Soviets de députés ouvriers et soldats de Petrograd et de plusieurs autres provinces se trompent en soutenant le gouvernement.

Nous nous battons pour défendre notre conviction, avec les armes honnêtes des appels révolutionnaires. Et les cliques bourgeoises, sentant que le sol leur échappe de plus en plus, prévoyant que le pouvoir devra passer des mains des propriétaires terriens et des capitalistes aux mains du peuple, ces cliques mènent une agitation contre-révolutionnaire malhonnête dans le pays, abusant, piétinant et diffamant toutes les forces dirigeantes de la révolution et, en particulier, notre Kronstadt rouge. À ces cliques, va notre mépris révolutionnaire. Nous opposons à leurs appels empoisonnés nos appels fidèles à la vérité. Mais nous exprimons en même temps notre profond regret que les ministres socialistes, et avec eux la majorité du Soviet des députés de soldats et de soldats de Pétrograd, soient tombés sous l’influence de ceux qui nous diffament. Ils ont déclaré, dans leur résolution injuste et insultante, que nous aurions rompu avec la révolution russe. Non, camarades, les Kronstadtiens n’ont pas trahi et ne trahissent pas les bannières qui flottent sur leurs casernes et dans leurs tribunaux. Ils nous accusent de violer l’accord que nous avons conclu avec des représentants du gouvernement provisoire. Nous ne pouvons expliquer un malentendu aussi monstrueux que comme n’étant le produit d’une atmosphère artificiellement créée d’épaisses calomnies et de suspicion malveillante.

Nous avons précisé dans la presse que l’accord conclu le 24 mai n’était pas pour nous un rejet des principes de l’auto-administration révolutionnaire, mais au contraire un pas décisif sur la voie de la victoire. Mais cette clarification, de notre point de vue, n’a rien à voir avec un renoncement aux obligations que nous avons contractées. Seuls les fauteurs de troubles, qui pourraient tirer profit de l’accord conclu avec les représentants de l’autorité centrale pour détruire Kronstadt en tant que siège révolutionnaire et faciliter le travail de la contre-révolution, peuvent nous accuser de traîtrise. Camarades et frères, personne n’ose lancer contre les Kronstadtiens l’accusation insultante qu’ils auraient perpétrer des actes déshonorants. Nous ne violons pas notre parole. Nous, révolutionnaires, sommes des personnes honorables et nous sommes fermement convaincus que notre appel actuel dissipera complètement les mensonges, les calomnies et les soupçons et rétablira entre nous un lien indestructible de confiance mutuelle.

Nous, Kronstadtiens, restons à notre poste, sur le flanc gauche de la grande armée de la révolution russe. Nous espérons, nous croyons, nous sommes convaincus que chaque nouvelle journée ouvrira de plus en plus les yeux des couches les plus arriérées du peuple russe, les plus plongées dans les ténèbres, et que l’heure est proche, lorsque les masses laborieuses seront unies, où le pouvoir dans le pays passera aux mains du Soviet des députés ouvriers et soldats. À vous, frères de la révolution à Petrograd et dans toute la Russie, nous tendons la main, nous, marins, soldats et travailleurs de Kronstadt. Notre lien est indissoluble. Notre unité est indestructible. Notre fidélité est inébranlable. A bas les calomniateurs et les diviseurs du peuple révolutionnaire ! Vive la révolution russe !

Président du Comité exécutif du Soviet des députés ouvriers et soldats, D. Lomanov.

Secrétaire Priselkov.

9 juin (27 mai) 1917.

Forteresse de Kronstadt

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