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L’humour juif ou comment rire de soi...
samedi 10 juillet 2021, par
Quelques exemples de l’ « humour juif » :
Avertissement : ne pas confondre l’autodérision des Juifs avec de l’antisémitisme !!! Il faut tout d’abord savoir qu’il n’existe pas à proprement parler d’humour juif, celui-ci ne concernant que la partie des juifs d’Europe centrale, les Ashkenazes, et pas ceux d’Orient et du Maghreb, les Sépharades, ni ceux d’Éthiopie, les Falashas. Ces derniers n’ont pas une telle tradition. Une image erronée présente cet humour comme un sous-produit des exactions, des progromes, des crimes contre les Juifs d’Europe de l’Est, devant lesquels les Juifs auraient répondu par l’humour. En réalité, cette tradition existait au sein du village juif, du shettel, et dans les villes d’Europe, où ces Juifs étaient parfois l’essentiel du prolétariat, indépendamment des situations catastrophiques qui se sont développées par la suite. D’ailleurs, les peuples qui ont subi, eux aussi, des massacres de masse, des pogromes ou d’autres exactions, n’ont nullement développé ce type là d’humour… Celui-ci est d’abord un style de détachement vis-à-vis des traditions, trop lourdes, du shettel, vis-à-vis des commandements, trop restrictifs, de la religion, une espèce de revanche, en paroles, contre ce style de vie oppressif. Voici quelques grands auteurs du roman d’hmour juif : Sholem Aleikhem, Mendele Moykher Sforim, I.L. Peretz, Ilya Ehrenbourg, Der Tunkeler, Gustave Kahn, Israël Zangwill, Ilf et Petrov, Ephraïm Kaganowski, Isaac B. Singer, Frigyes Karinthy, Albert Cohen, Bernard Malamud, Adam Biro, Ephraïm Kishon, Philip Roth, Franz Kafka, Oser Warszawski, Romain Gary, Edgar Hilsenrath, Jiri Weil, Alexandre et Lev Shargorodsky, Moïse Nadir, Jerome Charyn, Guy Konopnicki, Mordecai Richler, Grace Paley, Ania Francos, Jean-Luc Benoziglio, Gail Parent, Benny Barbash, Shalom Auslander, Michael Chabon, etc… La radicalité de la critique et de l’autocritique sociale et politique provient de l’existence de la radicalité d’une partie non négligeable de la population juive des pays de l’Est, qui va se faire remarquer lors des diverses révolutions russes, allemandes, autrichiennes, polonaises, ukrainiennes, hongroises, et européennes et qui mènera la contre-révolution à se donner comme objectif l’éradication définitive des Juifs… Un certain nombre de ces auteurs humoristes juifs seront communistes révolutionnaires ou socialistes radicaux… L’interprétation selon laquelle l’humour juif serait le produit d’une résignation à l’oppression est tout à fait erronée.
De la difficulté du Talmud
A un jeune homme qui souhaite entreprendre des études talmudiques, un rabbin pose la question suivante afin de déterminer s’il est admissible ou pas :
– Deux hommes montent sur un toit et descendent par un conduit de cheminée. Parvenus dans le salon de la maison, ils se regardent : le visage de l’un est maculé de suie, le visage de l’autre est propre. Qui va se nettoyer ?
– Celui dont le visage est sale, répond le candidat au rabbinat.
– Erreur, dit le rabbin : c’est celui au visage propre. Voyant le visage de son collègue, il pense que le sien aussi est sale. Réfléchissez, et revenez quand vous serez prêt.
Quand le jeune homme revient, il a droit à la même question, et répond que c’est l’homme au visage propre qui va aller se laver.
– Certainement pas, répond le rabbin.
– Mais, rabbin, vous aviez pourtant expliqué…
– Ecoutez bien. Celui qui a le visage propre, voyant que l’autre ne bouge pas, comprend qu’il a vu un visage propre et interrompt son premier mouvement, qui était d’aller se laver. En revanche, celui au visage sale, déduit que si son collègue au visage propre a failli aller se laver, c’est qu’il a vu son visage noirci. Revenez quand vous serez prêt.
Le jeune homme ne se décourage pas revient voir le rabbin qui lui pose cette fois la question :
– Qu’y a-t-il d’absurde dans le récit de ma première question ?
– C’est le fait d’entrer dans la maison par la cheminée, dit le candidat.
– Pas du tout, dit le rabbin. S’ils devaient nettoyer la cheminée, ce chemin était nécessaire. Par contre, on ne voit pas pourquoi l’un serait Sali par le trajet et l’autre pas. Si vous n’avez pas compris une situation aussi élémentaire, comment vous cryez-vous en état de vous attaquer à l’étude du Talmud ?
Antisémitisme
Après l’assassinat du tsar Nicolas II, le commandant de la ville convoque le rabbin et le menace :
– Je sais que tu connais le nom des criminels et tu vas me le donner, sans quoi c’est ton peuple qui en pâtira.
– Malheur de moi et mon peuple, je ne sais rien du tout et mon peuple n’est pour rien dans ce crime ! répond le rabbin en tordant ses mains de peur.
– Tout le monde sait bien que tous les crimes en Russie sont le fait des Juifs et des ramoneurs intinérants ! crie le commandant.
– Pourquoi accuser une fois de plus les Juifs ? répond, en pleurs, le rabbin.
– Tu vois bien que tu sais qui c’est ! Tu n’as rien dit quand j’ai accusé les ramoneurs !!!
Où le roi dissout la Ma’amad – Extrait de « Le Roi des Schnorrers » d’Israël Zangwill :
Manasseh da Costa (l’assignation solennelle l’ayant amputé de la plénitude de ses noms) avait été cité à comparaître devant la Ma’amad, la future union de sa fille avec un Juif polonais ayant gonflé d’horreur et de courroux la poitrine des anciens de la synagogue : un Juif qui ne prononçait pas l’hébreu comme eux !
Le Ma’amad était un Conseil des Cinq non moins redouté que le plus illustre du Conseil des Dix. De même que le tribunal vénitien, qui a injustement monopolisé l’attention de l’Histoire, il était élu chaque année par le corps des anciens de la communauté, tout comme l’aristocratie désignait les membres du Conseil des Dix. Les « messieurs du Ma’amad », comme on les appelait, administraient les affaires de la communauté hispano-portugaise et cette oligarchie serait restée l’archétype absolu de l’institution arbitraire et inquisitoriale, n’était l’oubli total dans lequel elle est tombée. Le Ma’amad se prenait pour le centre de l’univers. Une fois, il avait refusé de s’incliner devant l’autorité du lord-maire de Londres. Un sépharade ne vivait, ne se mouvait, n’existait qu’ « avec l’autorisation du Ma’amad ». Le « hakham » lui-même – le sage, ou grand rabbin – ne pouvait unir ses ouailles sans « l’autorisation du Ma’amad ». Et cette toute-puissance était non seulement négative et passive, mais positive et active.
Pour être un « yahid », c’est-à-dire un membre reconnu de la communauté, il fallait se soumettre à un joug encore plus astreignant que celui de la Torah, sans parler du paiement de la « finta », ou capitation. Malheur à celui qui refusait d’être Gardien des Captifs – autrement dit, de racheter les otages enchaînés par les corsaires maures ou les prisonniers de guerre détenus par les Turcs -, de devenir président de la communauté, Parnas de la Terre sainte, Fiancé de la Loi ou dignitaire au sein de cette complexe organisation. De fréquentes et lourdes amendes – au profit des pauvres – le guettaient « avec l’autorisation du Ma’amad ». malheur au pauvre hère qui s’oubliait jusqu’à « offenser le président ou insulter grossièrement toute autre personne » à la synagogue, comme le spécifiait délicieusement le règlement. Des sanctions à répétition harcelaient le contrevenant : interdiction d’accomplir de « bonnes actions », défense de couvrir le rouleau de la Loi et d’ouvrir l’Arche, relégation ignominieuse aux sièges placés derrière l’estrade, retrait du droit de vote, défense de se raser pendant un certain nombre de semaines. Et si, acceptant le poste d’administrateur, le yadid échouait dans l’exécution régulière et ponctuelle de ses devoirs, il n’en était pas moins frappé d’une amende et d’une punition. Une pénalité de quarante livres s’abattit sur Isaac Disraéli, collectionneur de « curiosités littéraires », l’éloigna de la synagogue et rendit possible cette curiosité politique : la carrière de lord Beaconsfield.
Les pères de la synagogue, qui rédigeaient leur Constitution dans le castillan le plus pur de l’époque où Pepys notait le manque de tenue de leur petite synagogue de King Street, visaient à cimenter la communauté et non pas à la désagréger. En somme, le Ma’amad exerçait une tyrannie sans discernement, rigide application d’un code de fer que l’on avait forgé « au Siècle d’or du bon roi Charles », quand la colonie d’exilés hispano-hollandais, tel un camp guerrier en pays ennemi, appelait de ses vœux un régime militaire. Il contribuait, avec les les séductions d’une existence « chrétienne » moins réglementée, à pousser nombre de familles, et des plus brillantes, hors du ghetto – et dans les pages du Debrett (bottin mondain).. Athènes est toujours une rivale dangereuse pour Sparte.
Cependant, le Ma’amad lui-même n’agissait que dans les strictes limites des usages. L’instinct juriste des Hébreux, qui avait produit le code de conduite le plus minutieux et le plus gigantesque au monde, avait incité ces Juifs des temps modernes à y ajouter un code local sous la forme de deux cents pages en langue portugaise : un labyrinthe de prescriptions, ou « haskamoth », qui prévoyaient et examinaient en détail tous les aléas des affaires de la congrégation, depuis les querelles au sujet des meilleurs sièges jusqu’aux dimensions exactes des tombes de la Carreira, depuis la distribution des « bonnes actions » parmi les riches jusqu’à celle des pains azymes parmi les pauvres. Si les poulies et les rouages de la vie communautaire fonctionnaient « avec l’autorisation du Ma’amad », le Ma’amad fonctionnait « avec l’autorisation des haskamoth ».
Ce jour-là, le Conseil solennel s’était réuni en Ma’amad plénier. Le doyen des anciens en personne était présent ; en vertu de son privilège, il faisait office de sixième membre. (…)
– Faites entrer da Costa, dit le président quand l’ordre du jour exigea la présence du grand Schnorrer.
Le chancelier bondit sur ses pieds, ouvrit la porte à toute volée et fit un signe dans le vide ; dans l’antichambre, de Manasseh, point. En ses lieu et place, le bedeau se précipita.
– Où est da Costa ? questionna le chancelier. Appelez da Costa.
– da Costa ! dit le bedeau avec une intonation traînante particulière aux huissiers. (…)
– Vous répondrez à ces messieurs du Ma’amad, dit Manasseh avec une emphase chargée de reproche, que je me ferai un plaisir d’être à eux dans un instant… Oh, il ne s’agit que d’une séance du Ma’amad à laquelle je dois assister. C’est plutôt ennuyeux qu’autre chose, mais enfin le devoir est le devoir…
– Bonjour messieurs, dit-il, urbain, en pénétrant dans la chambre du Conseil.
– Vous nous avez fait attendre, rétorqua le président, dont la royale courtoisie s’était évanouie.
C’était un personnage bouffi, au teint mat, vêtu avec recherche. Penché en avant sur son trône de velours, il tapotait la table de ses doigts endiamantés.
– Moins longtemps que vous ne m’avez fait attendre, moi, répondit Manasseh avec un ressentiment tranquille. Si j’avais su que vous comptiez me laisser geler dans le corridor, je ne serais pas venu, et n’était mon ami, le trésorier de la grande synagogue, arrivé à point nommé pour me tenir compagnie, je ne serais pas resté.
– Vous êtes un impertinent, monsieur, gronda le président. (…) Est-il vrai, monsieur, rugit-il enfin avec des accents terribles, que vous envisagez de donner votre fille en mariage à un Juif polonais ?
– Non, répondit sèchement Manasseh.
– Non ? articula le président.
Un frisson parcourut la salle. Toute l’affaire s’écroulait.
– Comment ! Votre fille elle-même l’a reconnu devant ma femme, dit le conseiller qui se trouvait à droite du mendiant.
Manasseh se tourna vers lui et, le geste réprobateur, le corps et la chaise inclinés dans sa direction :
– Ma fille va épouser un Juif polonais, dit-il, l’index tendu, mais je n’envisage pas de la lui donner.
– Oh ! dans ce cas, vous allez refuser votre consentement, répondit le conseiller en reculant son siège afin d’échapper à ce voisinage envahissant.
Manasseh rapprocha sa chaise :
– En aucune façon. J’ai déjà consenti. Je n’ « envisage » pas cette possibilité. Ce mot indiquerait une attitude indécise.
– Trêve d’arguties, maraud ! s’exclama le président, dont le teint mat s’empourpra. Ignorez-vous que cette union est dégradante et déshonorante aussi bien pour vous-mêmes et votre fille que pour la communauté qui a tant fait pour vous ? Quoi ! une sépharade épouser un Tedesco ! Quelle honte ! (…) Connaissez-vous, monsieur, tonna le président, les sanctions auxquelles vous vous exposez en persistant dans cette voie ?
– Je ne risque rien.
– Vraiment ! Alors vous pensez que le premier venu peut piétiner nos vénérables haskamoth en toute impunité ?
– Nos vénérables haskmaoth ! répéta Manasseh, surpris. Qu’ont-elles à dire sur une sépharade qui épouse un Tedesco ?
L’audace de cette question coupa le souffle au Conseil. Manasseh dut apporter lui-même la réponse :
– Elles ne disent rien. Il n’existe pas de haskamoth sur ce sujet. (…)
– Assurément, il n’existe pas de texte à ce sujet. Cela n’a jamais été interdit pour la bonne raison que ce cas paraissait inconcevable. Ce genre de question relève de l’instinct chez tout sépharade sain d’esprit. Avons-nous jamais défendu d’épouser des chrétiens ?
Manasseh fit un virage à quelques degrés et leva un index accusateur vers son nouvel adversaire :
– Mais oui. Section XX, paragraphe II. (…)
– Silence, faquin ! tonitrua le président… Vous n’avez pas voix au chapitre. Comme le chancelier le rappelait, vous n’êtes même pas un yahid puisque, schnorrer, vous ne vivez que de la charité.
– Alors les lois ne s’appliquent pas à moi, répliqua le mendiant. Seul un yahid tombe sous le coup des privilèges et des interdictions. Aucune haskamah ne mentionne le Schnorrer, aucune ne vous octroie une quelconque autorité sur lui.
– Au contraire, dit le chancelier, qui voyait le président à nouveau démonté, il est tenu de se rendre aux offices de semaine. Or cet homme n’y assiste presque jamais, monsieur le président.
– Je n’y assiste jamais, rectifia Manasseh avec une tristesse touchante. C’est l’un des privilèges dont j’ai dû me priver pour accepter vos charités : je ne puis courir le risque d’apparaître devant mon Créateur sous les couleurs d’un mercenaire.
– Et qu’est-ce qui vous empêche d’assurer votre tour de garde au cimetière ? railla le chancelier…
– Ce qui m’en empêche ? Mon âge. Ce serait un péché contre le Ciel que de passer une nuit au cimetière…
– De l’ordre, messieurs, de l’ordre, coupa le président, accablé, car il voyait l’après-midi toucher à sa fin. Ne discutez pas vac cet homme. Ecoutez, mon brave, nous refusons d’entériner ce mariage. Il ne sera pas célébré par nos rabbins et il est hors de question d’admettre votre gendre comme yahid.
– Alors, admettez-le sur la liste des indigents.
– Vous risquez plutôt d’en être rayé ! Et, morbleu, s’écria le président en frappant la table de son poing, si vous ne cessez ce scandale sur-le-champ, nous vous enverrons au diable.
– Serais-je sous le coup d’une excommunication ? demanda Manasseh en se levant.
Son œil brillait d’une lueur menaçante.
– il faut mettre fin à ce scandale, répété le président.
Il se leva à son tour, imitant involontairement son adversaire. (…)
– Qu’elle épouse ce Polonais, tempêta-t-il, et vous serez exclu à jamais. Vivant, vous prierez en dehors de nos murs ; mort, vous serez enterré « de l’autre côté de la clôture ».
– Excommunication pour le pauvre ; pour le riche, permission d’épouser le Tedesco de son choix.
– Sortez, gredin ! Vous avez entendu notre ultimatum.
Manasseh ne faiblit pas et, avec une sérénité plus impressionnante que la colère présidentielle :
– Vous allez entendre le mien. N’oubliez pas, monsieur le président, que vous et moi appartenons à une même communauté. N’oubliez pas que le pouvoir qui vous a élevé peut vous abattre aux prochaines élections. N’oubliez pas que, si je n’ai pas le droit de vote, je détiens une immense influence ; qu’il n’est pas un yazid à qui je ne rende visite toutes les semaines, qu’il n’est pas un Schnorrer qui ne me suivrait dans mon exil. N’oubliez pas qu’il existe une autre communauté vers qui se tourner – oui, cette communauté ashkénaze que vous méprisez… je m’entretenais tantôt avec son trésorier -, une communauté qui croît chaque jour en grandeur et en richesse alors que vous vous endormez dans votre indolence…
Hors de lui, le malheureux président essaya de prononcer un juron qui atteindrait à la fois ses nonchalants conseillers et ce mendiant plein de morgue, mais il ne laissa échapper qu’un grognement inarticulé avant de s’effondrer sur le flanc…
– Voyez, messieurs, la fragilité du pouvoir terrestre, dit le Schnorrer tandis que le président haletait, le souffle rauque, sourd à cette leçon de morale… Il disparaît en un instant, comme Lisbonne a été engloutie. Maudits soient ceux qui méprisent les pauvres…
Pas de viande de boeuf avec le lait de la mère…
Un passager juif d’un train s’inquiète car son voisin est un pique-assiette bien connu. Dès qu’il va sortir ses provisions, l’autre, juif et pratiquant, va nécessairement demander à en profiter. Il a bien prévu le coup et préparé ses provisions en conséquence : les tranches de saucisson de boeuf (pas question de saucisson de cochon évidemment !)sont consciencieusement entourées de tranches de fromage ! Là, il n’y aura pas de risque : il s’en détournera forcément avec dégoût sans même imaginer autre chose que l’impiété de son voisin !
Les têtes de sardines
Un poissonnier vend au marché. L’acheteur potentiel passe, mais reste interloqué :
– Vous vendez des sardines ?
– Ben oui, ça se voit, non ?
– Oui, mais je ne vois que les têtes de sardines ! Vous ne vendez quand même pas juste les têtes ?
– Mais si !
– Eh ben alors, je n’ai jamais vu ça ! Et on vous les achète ?
– Bien sûr !
– Mais ce n’est pas bon de manger des têtes de sardine !
– Non Monsieur, ce n’est peut-être pas très bon mais c’est malin : c’est justement les têtes de sardine qui donnent de l’intelligence, grâce au phosphore.
Le client est ébranlé et demande s’il ne pourrait pas lui en vendre un peu… pour essayer...
Il lui vend 10 têtes de sardine pour 90€ et le client commence tout de suite à les manger, et à la troisième tête, il s’exclame tout à coup :
– Mais dites donc, vous m’avez eu ! Les sardines entières sont à 5€ le kilo !
Le vendeur le regarde et lui dit :
– Eh bien, vous voyez, ça commence à venir… l’intelligence !
Cohen, des clous !
L’entreprise Cohen, vente de clous de toutes tailles, en plein milieu de Jérusalem, marche à plein régime ! Tous les clients ne tarissent pas d’éloges ! Le patron, Joseph Cohen, fatigué, prend une semaine de vacances et confie l’entreprise à son fils Isaac, avec toutes les recommandations de sérieux imaginables. Quand il revient, il découvre que le fiston a innové : une grande banderole trône sur la façade : « Avec les clous Cohen, Jésus serait toujours accroché sur la croix ! »
– Tu es fou, s’exclame Joseph, engueulant son fils ! Tu veux que les Chrétiens nous détestent et ne viennent plus rien nous acheter !!!
Isaac, tête basse, retire la banderole.
Le lendemain, Joseph trouve que la boutique a une banderole toute neuve : « C’est grâce aux clous Cohen que Jésus a pu se décrocher de sa croix pour effectuer son ascension ! »
– Tu veux notre mort, s’écrie Joseph, les Juifs ne viendront plus dans une boutique vouée aux seuls chrétiens !
Cette fois, Isaac fait fort : il écrit en lettre d’or une nouvelle banderole : « Les clous Cohen ne rouillent jamais ! Que vous soyez crucifiés ou pas, ne vous fiez qu’aux clous Cohen !! »
– Tu vois, dit-il à son père, cette fois, nous vendons à tous les publics !!!
Voyage en Israël
Deux amis juifs se rencontrent au coin de la rue.
– Ah ! bonjour, comment ça va ? et le travail ? et ta femme, et patati et patata… et les enfants ?
– Le travail, la femme ça va, mais oïe, les enfants ! Figure-toi. Tu te souviens de mon fils, que j’avais envoyé en Israël pour six mois ? Eh bien il est revenu… converti !
– C’est normal, au pays de Moïse, même un athée reviendrait croyant !
– Tu n’y est pas ! Il s’est fait catholique !!! Oïe, oïe. Tu te rends compte ? la chair de ma chair, oïe !
– Sans blague ? ça alors ! moi c’est ma fille. Elle a passé ses vacances chez ma sœur, à Tel-Aviv, eh bien, depuis… elle ne veut plus être juive. Oïe, oïe !
Ils vont parler au rabbin. Et le rabbin :
– Sans blague ? Oïe, oïe ! c’est terrible ! Mes enfants, c’est pareil : chaque fois qu’ils vont en Israêl, ils envoient tout balader, ils ne veulent plus être juifs ! Quelle catastrophe !
– C’est grave. Il faut en parler à Dieu.
Alors ils vont tous en parler à Dieu qui leur répond tristement :
– Sans blague ! Vous aussi ? Oïe, oïe ! C’est comme moi ! Moi aussi, j’ai envoyé mon fils en Israêl, et puis…
Comment on fabrique un Anglais
Yeoshua, installé depuis longtemps en Grande-Bretagne, propose à un neveu de Roumanie, seul rescapé d’un pogrome, de le rejoindre.
Pelte arrive à la gare de Waterloo, immédiatement reconnaissable à sa longue barbe noire, ses papillotes, son chapeau aux larges bords, son caftan noir. Le jeune homme est respectueux des traditions de ses parents, mais pas pour autant croyant.
Isaac finit par obtenir qu’il s’habille de façon moins traditionnelle : costume en tweed, cravates à rayures colorées, imperméable en coton. Il parvient également à l’emmener chez un coiffeur : plus de barbe et coupe de cheveux en vogue.
Ils cheminent dans la rue, font du lèche-vitrines, quand soudain Pelte éclate en sanglots devant une boutique dont les miroirs lui renvoient l’image d’un Anglais… très anglais !
– Pourquoi pleurer ? lui dit son oncle. C’est normal de changer. Habillé et coiffé, tu es un homme nouveau.
– Ce n’est pas cela ! Je pleure parce que nous perdons notre royaume des Indes !
Et nous, les Belges ?
Une fois de plus, le peuple belge se déchire. Les insultes entraînent les menaces puis les coups. Seul le roi des Belges essaie de remettre du calme et de l’ordre. Il proclame :
– à droite les Wallons, à gauche les Flamands !
Un groupe reste au centre, qui n’obéit pas à ses commandements, et semble déconcerté…
– Que faites-vous là, obéissez, à droite ou à gauche, leur crie le roi !
Eux restent sur place, toujours aussi indécis… Ils s’interrogent entre eux, membres de la communauté juive et finissent par interroger le roi :
– Votre Majesté, où devons-nous nous placer, nous les Belges ?!!!
Les tables de la Loi – extrait de « Attention, dieu méchant » de Shalom Auslander :
Stanley a apporté les tablettes au doyen de la faculté des langues anciennes de l’Université hébraïque.
– Monumental, a dit le doyen de la faculté des langues anciennes de l’Université hébraïque.
Ces tablettes, a-t-il déclaré, représentaient sans aucun doute l’une des plus importantes découvertes archéologiques et religieuses sinon de toute l’histoire de l’humanité, du moins de ce que nous a ppelons aujourd’hui les Temps modernes.
– Je peux vous citer ? a demandé Stanley.
Le doyen de la faculté des langues anciennes lui a décoché un coup de pied dans le tibia, suivi d’un rude uppercut dans le nez.
– J’ai une carrière à protéger, connard ! a-t-il beuglé avant de pourchasser Stanley autour de son bureau en brandissant comme une massue un volume de l’ « Histoire complète des anciennes civilisations ».
Stanley n’a pas compris quelle mouche avait piqué le doyen de la faculté des langues anciennes de l’Université hébraïque. Ce qu’il comprenait, par contre, c’était que sans la validation d’un expert, ces tablettes en pierre n’avaient pas la moindre valeur.
– Un trésor, un véritable trésor ! s’est extasié le conservateur du département d’archéologie du musée d’Israël. Leur valeur marchande se chiffre en millions, c’est évident, mais leur signification historique et culturelle est inestimable.
– En millions ? a crié Stanley. Je peux vous citer ?
Lui faisant une clé implacable au bras, le conservateur du département d’archéologie du musée d’Israël lui a martelé la tête et dit que leur rencontre n’avait jamais eu lieu.
– Je suis une autorité, je suis respecté, moi ! a proclamé le conservateur du département d’archéologie du musée d’Israël.
Et il l’a éjecté de son bureau en lui bottant les fesses.
Ils paraissaient tous d’accord, donc.
Ces tablettes étaient anciennes.
Ces tablettes étaient importantes….
Les tablettes de Stanley étaient une copie très ancienne de l’Ancien Testament. Il y en avait d’autres de-ci de-là, bien sûr, certaines plus anciennes que d’autres, mais celles-ci n’étaient pas qu’un Ancien Testament de très vieille date : c’était un Très Ancien Testament. Un Très Très Ancien Testament.
C’était même, ainsi que l’on allait le découvrir bientôt, le Plus Ancien Testament de tous les Anciens Testaments.
Mais ce qui avait perturbé à la fois le doyen de la faculté des langues anciennes de l’Université hébraïque et le conservateur du département d’Archéologie du musée d’Israël n’était pas leur grand âge, ni même leur très, très grand âge. Non, si ces deux experts avaient complètement flippé, c’était parce que le Plus Ancien Testament de tous les Anciens Testaments se révélait identique à la lettre près à toutes les versions du Pas Aussi Ancien Testament qui l’avaient suivi, à une exception notable : un court paragraphe tout en bas de la première tablette, un paragraphe de deux phrases qui apparemment n’avait été repris dans aucune des éditions moins anciennes :
« Ce qui suit est une œuvre de fiction. Toute ressemblance avec des personnages exisztant ou ayant existé ne pourrait être que fortuite. »
Le Roi des bas-fonds, extrait des « Contes d’Odessa de Isaac Babel :
Avant le repas de noces, un jeune homme que les invités ne connaissaient pas se faufila discrétement dans la cour. Il demanda Bénia Krik, et, l’ayant trouvé, l’entraîna à l’écart :
– Ecoutez, Roi, dit le jeune homme, j’ai deux mots à vous dire. C’est Tante Chana de la rue Kostetzkaïa qui m’envoie…
– Bon, répondit Bénia Krik, surnommé le Roi, voyons ces deux mots.
– Tante Chana m’a chargé de vous dire qu’un nouveau commissaire est arrivé hier au poste de police…
– Je le savais avant-hier, répondit Bénia Krik. Continue.
– Le commissaire a réuni tout le poste de police et il leur a fait un discours…
– Un balai neuf balaie toujours bien, répondit Bénia Krik. Il lui faut une rafle. Continue…
– Et vous savez, Roi, pour quand elle est, cette rafle ?
– Elle est pour demain.
– Elle est pour aujourd’hui, Roi.
– Qui t’a dit ça, mon garçon ?
– C’est Tante Chana. Vous connaissez Tante Chana ?
– Je connais Tante Chana. Continue.
– …Le commissaire a réuni le poste de police et leur a fait un discours : « Nous devons régler son compte à Bénia Krik, a-t-il dit, vu que là où il y a un empereur, il n’y a pas de place pour un roi. Krik marie sa sœur aujourd’hui et toute la abnde sera là-bas, c’est le jour à faire une rafle…
– Continue.
– …Alors les flics ont pris peur. Si nous faisons une rafle aujourd’hui, qu’ils ont dit, un jour où il y a fête chez lui, Bénia va se mettre dans une colère noire et le sang coulera. Alors le commissaire a dit : « Ma réputation avant tout… »
– Bon tu peux t’en aller, répondit le Roi.
– Qu’est-ce que je dis à Tante Chana pour la rafle ?
– Dis-lui : Bénia est au courant pour la rafle.
Et il s’en alla, ce jeune homme. Trois des amis de Bénia partirent à sa suite. Ils dirent qu’ils seraient de retour dans une demi-heure. Et ils revinrent au bout d’une demi-heure. Un point c’est tout. (…)
Il y a plus d’un an de cela, Bénia écrivit une lettre à Eichbaum.
« Mossieu Eichbaum, écrivit-il, déposez, je vous prie, demain matin sous la porte cochère du 17 de la rue Sophievskaïa la somme de vingt mille roubles. Si vous ne le faites pas, il vous arrivera une chose qu’on n’a encore jamais vue et toute la ville d’Odessa parlera de vous. Respectueusement à vous, Bénia le Roi. »
Trois lettres, plus explicites l’une que l’autre, restèrent sans réponse. Bénia prit alors des mesures. Ils vinrent de nuit, neuf hommes armés de longs bâtons. Autour des bâtons était enroulée de l’étoupe imprégnée de poix. Neuf étoiles flamboyantes s’allumèrent dans le parc à bestiaux d’Eichbaum. Bénia fracassa les serrures de l’étable et se mit à faire sortir les vaches une par une. Un gars les attendait avec un couteau. Il renversait la vache d’un seul coup et lui enfonçait le couteau dans le cœur. (…)
Eichbaum, vêtu seulement d’un caleçon, se précipita dans la cour et demanda :
– A quoi cela te mène-t-il, Bénia ?
– Si je n’ai pas l’argent, vous n’aurez pas de vaches, monsieur Eichbaum. C’est simple comme deux et deux.
– Entre à l’intérieur, Bénia.
Et à l’intérieur, ils se mirent d’accord. Les vaches égorgées furent partagées équitablement ; Eichbaum se vit garantir l’intégrité de ses biens et en reçut une attestation écrite dûment timbrée. Mais le miracle se produisit après.
Pendant le raid des gangsters, en cette nuit d’épouvante où les vaches meuglaient, frappées à mort, où les génisses glissaient dans le sang de leur mère, où les torches dansaient comme des vierges noires, où les servantes de la laiterie se jetaient de côté et poussaient des cris aigus sous les canons bienveillants des brownings – en cette nuit d’épouvante, Tzilia, la fille du vieil Eichbaum, se précipita dans la cour en chemise de nuit décolletée. Et la victoire du Roi se changea en défaite.
Deux jours après, sans crier gare, Bénia rendit à Eichbaum tout l’argent qu’il lui avait extorqué ; puis il vint lui faire visite un soir. Il était vêtu d’un complet orange ; sous sa manchette brillait un bracelet de diamants ; il entra dans la chambre, salua courtoisement et demanda à Eichbaum la main de sa fille Tzilia. Le vieillard eut un léger coup de sang, mais il s’en remit. Le vieux était bâti pour vivre vingt ans encore…
A ce repas de noces on servit des dindons, des poulets rôtis, des oies, du poisson farci et une soupe de poisson dans laquelle des lacs de citron jetaient des reflets nacrés…
La rituelle distribution des cadeaux tirait à sa fin, les chamesses étaient enroués et la contrebasse cessait de faire bon ménage avec le violon. Soudain une légère odeur de brûlé se répandit sur la cour.
– Bénia, dit Papa Krik, un vieux charretier qui passait pour un malotru auprès des autres charretiers, Bénia, tu sais que j’ai idée ? J’ai idée qu’il y a un feu de cheminée chez nous…
– Papa, répondit le Roi à son père ivre, je vous prie, buvez et mangez, et ne vous laissez pas troubler par ces bêtises…
Et Papa Krik suivit le conseil de son fils. Il mangea un morceau et but un coup. Mais le petit nuage de fumée se faisait toujours plus âcre. Ça et là, les bords du ciel commençaient déjà à rosir. Et voici qu’une langue de flamme, étroite comme une épée, jaillit vers les hauteurs. Les invités, se levant à demi de leurs sièges, se mirent à renifler l’air et leurs femmes poussèrent des cris aigus. Les gangsters se regardèrent. Et seul Bénia ne remarquait rien, restait inconsolable.
– On me sabote ma fête, criait-il, plein de désespoir ; chers amis, je vous en prie, mangez et buvez…
Mais juste à ce moment apparut dans la cour le même jeune homme qui était venu au début de la soirée.
– Roi, dit-il, j’ai deux mots à vous dire…
– Bon, parle, répondit le Roi, tu as toujours deux mots en réserve…
– Roi, proféra le jeune homme inconnu, et il se mit à rigoler, c’est franchement drôle, le commissariat flambe comme une torche…
Les boutiquiers restèrent muets. Les gangsters ricanèrent…
Le jeune homme porteur de cette nouvelle stupéfiante avait encore le fou rire.
– Ils étaient sortis du commissariat, une quarantaine d’agents à peu près, racontait-il en remuant les mâchoires, et les voilà partis pour leur rafle ; ils n’avaient pas fait quinze pas que déjà le feu prenait… Courez voir si vous voulez…
Mais Bénia interdit à ses invités d’aller voir l’incendie. Il s’y rendit avec deux camarades. Le commissariat de police brûlait on ne peut mieux de toutes parts. Des agents, les fesses brinquebalantes, couraient dans les escaliers pleins de fumée et jetaient des coffres par les fenêtres. Les détenus filaient en douce. Les pompiers débordaient de zèle, mais il se trouve qu’il n’y avait pas d’eau au robinet le plus proche. Le commissaire, ce fameux balai qui devait balayer si bien, se tenait sur le trottoir opposé et mordillait ses moustaches qui lui entraient dans la bouche. Le balai neuf était là, immobile. En passant près du commissaire, Bénia lui fit le salut militaire.
– Bonne santé, Votre Excellence, dit-il avec compassion. Que dites-vous de ce malheur ? Un vrai cauchemar…
Il fixa les yeux sur l’édifice en flammes, hocha la tête et fit claquer ses lèvres :
– Ah, la, la, la, la.
Quand Bénia revint chez lui, les lampions s’éteignaient déjà dans la cour et l’aube commençait à poindre dans le ciel. Les invités étaient partis et les musiciens sommeillaient, la tête inclinée sur le manche de leur contrebasse. Seule Dvoïra ne songeait pas à dormir. Des deux mains, elle poussait son mari, paralysé par la crainte, vers la porte de leur chambre nuptiale et elle le couvait d’un regard carnivore, comme un chat qui tient une souris dans sa gueule et la tâte doucement du bout des dents.
Couvre-chef
Un père et une mère juive sont sur un bateau avec leur fils. Soudain, le fils tombe à l’eau et coule à pic.
Les parents : "Mon Dieu, mon Dieu, rendez-nous notre enfant !!!"
Miracle, le rejeton ressort de l’eau et réussit à remonter sur la barque !
Le père : "Merci mon Dieu pour ta miséricorde..."
La mère : "Dis-donc, Dieu. Le petit, il avait pas une casquette quand il est tombé ?"
Le Schnorrer
Un schnorrer (mendiant) reçoit un peu d’argent d’un bienfaiteur à qui il a écrit avec force détails et beaucoup de malice sa pauvreté. Il se rend alors dans un restaurant de qualité, s’attable et se fait servir du caviar.
Il se trouve que le bienfaiteur s’y rend lui aussi, pour un repas d’affaires.
La vue du schnorrer dans ce lieu, et de ce qu’il déguste, l’interloque.
– Tu n’aurais pas un meilleur usage à faire de l’argent que je t’ai donné ?
– Ah oui ? Alors selon vous, si je n’ai pas d’argent, je ne peux pas me payer du caviar, et si j’en ai, je ne dois pas ? Alors, dites-moi, quand cela l’est possible ?
Plains toi à Dieu…
Un pécheur devant l’Eternel s’adresse à dieu à la synagogue :
– D’accord, Dieu, tu nous as choisis pour être le peuple élu. Mais, justement, pourquoi nous ? Et puis, après tout ce temps, ne pourrais-Tu en trouver un autre, pour changer un peu ? Par ton choix, tu nous as désignés à la vindicte de tous les autres peuples et tu as fait retomber toutes les plaies d’Egypte et d’ailleurs sur notre tête au lieu de les faire retomber sur les têtes de tous les Pharaons d’Egypte et d’ailleurs !
Les rabbins de la synagogue ont entendu sa prière !
Réponse de Reb David :
– Ce n’est pas parce que tu es du peuple élu que tu as réuni tous les ennuis sur ta seule tête. En récusant tes origines, tu ne fais que justifier que tous les maux d’israël retombent sur toi !
Réponse de reb Isaac :
– Ce n’est pas parce que tu attires les ennuis que tu es un Yid !
Réponse de reb Bainish :
– C’est plutôt parce que Dieu a choisi, dans sa grande bonté, de t’éviter des ennuis pires encore !
Réponse de reb Cohen :
– Remercie au moins Dieu car tu peux expliquer à ta femme pourquoi tu es dans la mouise alors que les voisins, eux, s’en sortent ! Tu peux au moins lui dire : arrêtes de te plaindre, tu as de la chance parce que nous faisons partie du peuple élu, certes les plus frappés dans cette vie mais qui serons les premiers à être sauvés, nos corps roulant tous seuls vers le mont des oliviers à Jérusalem, lorsque le Messie reviendra sur terre…
Le pécheur, en prière, se met en colère en les entendant :
– Espèces d’ignorants, ne savez-vous pas que Moïse, lui-même, a reproché à l’Eternel : « Pourquoi as-tu réservé un si mauvais sort à ton peuple ? » !!!
Antisémitisme stalinien :
Un jour, en Union soviétique, dans la ville de X., les autorités locales et en particulier le Parti annoncent la distribution de viande dans trois jours.
La veille, dès l’après-midi, les files d’attente se forment, de plus en plus longues.
Le matin du grand jour, la foule est innombrable, plus encore que dans les manifestations régulières organisées à la gloire de, en mémoire de, ou pour toute autre raison.
A 7 heures, un responsable prend la parole :
– Camarades, un ennui logistique a réduit la quantité de viande disponible, il n’y en aura pas pour tous. Je demande aux Juifs de quitter les rangs, ce sera pour une autre fois.
Les Juifs partent, maugréant et sous les quolibets des autres, heureux de gagner ainsi des places.
A 10 heures, le même responsable reprend la parole :
– Camarades, nous sommes désolés, les ennemis ont réussi à saboter une partie de la viande, il n’y en aura pas pour tout le monde. Que les non-membres du Parti s’en aillent, ce sera pour une autre fois.
Même mouvement, mêmes quolibets et sourires en coin.
A midi, le même responsable revient :
– Camarades, puisque nous sommes entre nous, je vais vous dire la vérité : il n’y a pas de viande à distribuer, vous savez à quelles difficultés nous faisons face et combien il est important d’entretenir le moral et la confiance de la population. Le Parti vous remercie de votre compréhension et de votre dévouement.
Tandis que les membres du Parti se dispersent, avec néanmoins des réticences voire des vociférations contre le Parti, une voix clame :
– C’est toujours pareil. Les Juifs sont gâtés et les mieux servis. On leur permet de partir en premier !
Lectures réconfortantes
1934 en Allemagne.
Yankel rencontre son vieil ami Haïm dans un café.
Stupéfait, il le voit lire le « Völkisher Beobachter », organe de presse officiel du parti nazi.
– Mais tu es fou ? Tu lis ces cochonneries ?
– D’accord, d’accord, mais vois-tu, dans la presse juive, il n’y a que de mauvaises nouvelles ; persécutions, accusations… Alors que dans ce journal, elles sont bonnes, et même excellentes : nous sommes riches, nous sommes les maîtres des médias, nous commandons aux hommes politiques. C’est plus réconfortant, non ?
Comment cela va-t-il monsieur Dieu ?
Dans les villes juives de l’Empire russe, en Pologne et en Ukraine, on rencontrait souvent des Juifs d’une allure majestueuse avec barbe et papillotes, portant des couvre-chefs hauts, rabbiniques, de belles lévites et des parapluies.
On les appelait, en Pologne, « les Juifs d’Eretz-Israël ». Ils sillonnaient le royaume, tenaient leurs affaires secrètes. En entrant dans une maison, ils baisaient dévotement la mezouzah, et montraient un rouleau de parchemin qui devait être un « signe de noblesse » ou une attestation, ou les deux à la fois. La plupart du temps, ces Juifs se disaient « sinistrés », victimes d’une ville qui avait brûlé et ils collectaient pour tous les « sinistrés ». En réalité, il s’agissait, naturellement, de récolter des aumônes.
Un Juif de cette espèce se tenait sur le seuil de la chambre de Frishman.
Dès que Frishman le vit, avec son chapeau rabbinique, il le fixa à travers ses lunettes cerclées d’or et, à ma grande surprise, lui dit :
– Entrez, s’il vous plaît… Asseyez-vous.
Le Juif s’assit sur le bord d’une chaise et nous regarda tous. Il ne put déterminer à quel monde il avait affaire. Qu’un Juif habitât ici, il le savait, car il s’était renseigné, mais quel genre de Juif et comment l’aborder, cela il l’ignorait encore.
– A qui ai-je l’honneur ? demanda Frishman.
Le Juif lui jeta un bref regard, et répondit avec le plus grand sérieux :
– A Dieu.
- Très honoré, dit Frishman sans sourciller. Et comment cela va-t-il monsieur Dieu ?
– Comme ci, comme ça, parfois bien, parfois mal. Qu’importe ? Tant qu’il y aura des Juifs, tout ira bien.
– Oui, dit Frishman, il y a déjà longtemps que je m’apprêtais à vous demander, monsieur Dieu, pourquoi vous avez fixé votre choix sur les Juifs alors que vous n’avez avec eux que des ennuis ? Pourquoi n’avez-vous pas jeté votre dévolu sur des peuples dotés d’un vaste et riche pays, comme les Français ou les Russes ?
Le Juif, sans réfléchir beaucoup, dit :
– Vous avez parfaitement raison, mais encore faudrait-il savoir parler le « goïche », qui comme chacun sait est la langue des Goyims !
– Pourquoi avez-vous besoin de parler, s’échauffa Frishman, là réside l’art de Dieu : il ne parle pas, il se tait. Vous pouvez lui parler nuit et jour ; lui, il se tait.
Le Juif regarda Frishman de ses yeux tristes et, sortant de dessous sa lévite un papier enroulé, lui dit :
– Vous voulez savoir qui je suis ? je vais vous le dire…
– C’est inutile, dit Frishman. Je sais, vous êtes Dieu. Et, chez nous, Dieu merci, nous n’en avons qu’un seul !
Le Juif sourit avec ruse :
– Tant pis, je vois que je suis tombé chez un homme intelligent, alors je voudrai vous expliquer pourquoi je disais que j’étais Dieu.
Et le Juif commença à rabâcher la vieille histoire bien connue de l’homme créé à l’image de Dieu, mais Frishman l’interrompit :
– Monsieur Dieu, vous n’avez pas à vous justifier. Vous n’avez pas besoin de montrer votre « passeport » ; ici, chez moi, passent pas mal de dieux. Je suis habitué à cette sorte d’invités.
Le Juif soupira, cessa de parler, et, finalement, dit :
– Et que diriez-vous d’une petite aumône ?
– On s’y attendait, dit Frishman. Mais dites-moi, monsieur Dieu : êtes-vous déjà allé chez les Juifs connus, ici, à Odessa ? Chez le « gratin », vous savez… Vous avez ici, à Odessa, un prophète ; avez-vous son adresse ?
Il songeait à Bialik. Ses petits yeux s’emplirent de sarcasme.
– Oui, ke l’ai, dit le Juif.
Il se leva. On voyait qu’il désirait en finir. Il lui tardait d’empocher l’aumône et de partir. Mais Frishman avait pris le goût à l’amusement :
– Savez-vous, monsieur Dieu, ici à Odessa vit un écrivain hébreu : David Frishman. En avez-vous entendu parler ?
– Oui, bien sûr, qui n’en a pas entendu parler ? Un homme érudit…
– Vous êtes déjà passé chez lui ?
Le Juif voulut se tirer au plus vite de ce mauvais pas :
– Oui, je l’ai vu.
– Alors, il vous bien traité ?
– Très bien, il m’a donné…
– Combien ?
Le Juif baissa les paupières :
– Il me semble… attendez, je l’ai inscrit… Il me semble… un billet de cinq roubles.
– Alors, vous voyez, c’est une belle aumône. Vous n’êtes pas venu pour rien, monsieur Dieu ; à l’heure qu’il est, il est difficile de récolter cinq roubles.
– Oui, dit le Juif impatienté, combien dois-je inscrire pour votre part ?
– Vous l’avez déjà inscrit.
– Ce qui veut dire ?
– Vous avez dit vous-même que David Frishman vous a donné cinq roubles. Je suis précisément David Frishman. Vous ne voudriez pas tout de même que je donne deux fois ?