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La révolution sociale qui a renversé la civilisation de l’Indus

samedi 29 octobre 2016, par Robert Paris

La révolution sociale qui a renversé la civilisation de l’Indus en 1700 avant J.-C. au bout de mille ans d’existence impressionnante

Le développement d’une si grande civilisation marchande, sur un territoire aussi immense, si tôt dans l’Histoire, et aussi prospère nous étonne et sa disparition brutale nous étonne encore plus, d’autant qu’aucune civilisation l’a remplacé sur place…

Il faut noter d’abord que ces marchands prospères n’avaient pas développé d’Etat, de palais, de temples, de royauté, d’armées et de polices et donc n’étaient pas capables de se protéger contre une révolution sociale…

La civilisation de l’Indus, l’une des premières grandes sociétés du monde et la première prospère de l’Inde, celle des grandes cités comme Harappa et Mohenjo-Daro qui s’est effondrée, globalement et non localement, vers 1700 avant J.-C., n’a pas été renversée par une guerre, n’a pas été détruite par une invasion, n’a pas chuté par le heurt avec une autre grande civilisation, attaquant par son armée. Elle n’a pas été battue par des chars attelés des « Aryas », ceux des textes védiques. Jean-Paul Demoule explique dans « Mais où sont passés les Indo-européens ? » :

« A partir des années 1920 a été découverte , au Pakistan et au nord de l’Inde, la brillante civilisation de l’Indus (entre 2700 et 1700 environ avant notre ère), sous l’égide de l’Archaeological Survey of India organisé par les colonisateurs britanniques… Il s’agissait d’une nouvelle civilisation urbaine, à peine plus récente que celles d’Egypte et de Mésopotamie, avec ses vastes cités telles Harappa ou Mohenjo-Daro et son écriture toujours indéchiffrée. Les archéologues, Sir Mortimer en premier lieu, l’un des fondateurs de la méthode de fouille dite stratigraphique, échafaudèrent un scénario historique toujours vivace, qui combinait données archéologiques et interprétations des plus anciens textes indiens, les hymnes védiques. Selon ce scénario, qui figure toujours dans de nombreux manuels scolaires indiens, des envahisseurs indo-européens venus du nord sur des chars de guerre attelés à des chevaux, les « Aryas » des textes védiques (d’où le nom d’ « Aryens » comme synonyme d’ « Indo-Européens » auraient mis à bas les cités de l’Indus et provoqué l’effondrement de toute cette civilisation, faisant d’ailleurs place à une période archéologique très peu documentée. Le scénario a été enrichi de l’hypothèse que les porteurs de la civilisation de l’Indus auraient parlé des langues dravidiennes (groupe linguistique très éloigné des langues indo-européennes) et se seraient repliés dans le sud de l’Inde, où ces langues sont actuellement parlées. Les hautes castes de l’Inde, singulièrement celle des brahmanes (les prêtres) et celle des kshatriya (les guerriers), descendraient en revanche directement des envahisseurs « Aryas » - et seraient censés posséder souvent une peau et des yeux plus clairs. Symptomatiquement, ce scénario convenait aussi bien aux colonisateurs britanniques (qui ne faisaient finalement que le rejouer) qu’aux hautes castes… Une telle chronologie s’accorderait donc avec l’effondrement de la civilisation de l’Indus, bien datée des environs de 1700 avant notre ère. Le problème est que les dernières décennies ont vu s’amenuiser de plus en plus les preuves archéologiques d’une invasion guerrière qui aurait mis à bas ladite civilisation : Shaffer, 1984 ; Fussman et al., 2005 ; Jarrige, 1973, 1988 et 1995 ; Danino, 2006.Les grandes cités de l’Indus ne sont pas incendiées ou détruites , mais lentement abandonnées. Les cadavres qui, pour les archéologues britanniques des générations précédentes tels Mortimer Wheeler ou Taymond et Bridget Allchin, jonchaient les rues des villes dévastées se sont révélés provenir de tombes très normales et d’ailleurs postérieures. Les chevaux ne sont pas présents en Inde en plus grand nombre après l’effondrement de la civilisation de l’Indus qu’avant. Ainsi, l’avis général des archéologues est désormais que cette brillante civilisation urbaine, contemporaine de celles de l’Egypte, de la Mésopotamie ou encore de Jiroft en Iran, surdimensionnée par rapport à ses possibilités environnementales et sociales, s’est effondrée sur elle-même, peut-être fragilisée par des oscillations climatiques. Elle ne fait pas place à une nouvelle culture totalement différente, celle des envahisseurs supposés, mais à des communautés villageoises traditionnelles et moins hiérarchisées, mieux à même d’exploiter leurs ressources. Parallèlement, les invasionnistes ont longtemps invoqué le « Rig-Veda », le plus ancien texte de l’Inde. Ce recueil d’hymnes souvent obscurs est notamment consacré aux luttes de forces du Bien contre celles du Mal. Du côté du Bien, il y a les « Aryas », et leurs adversaires s’appellent les « Dasyas ». Comme ces derniers sont noirs et « sans nez », on a voulu y voir la description peu amène des populations indigènes supposées dravidiennes, celles de la vallée de l’Indus, qu’auraient repoussées vers le sud les envahisseurs « aryens » venus du nord sur leurs chars de guerre. Il existerait un vague gradient de couleur de peau, du nord vers le sud du sous-continent indien, tout comme en Afrique et en Océanie, la sélection naturelle privilégiant les peaux pus sombres dans les régions les plus exposées au rayonnement solaire, et inversement. En revanche, si les populations du sud de l’Inde parlent des langues appartenant au groupe linguistique dit « dravidien » (comme le telegu, le kannara, le tamoul ou le brahoui), radicalement différent de la famille indo-européenne et que l’on rapproche de l’élamite, parlé dans l’Iran ancien (sans compter un troisième groupe linguistique, dit « munda », dans le centre-est du sous-continent), il est difficile de définir une « civilisation dravidienne » distincte. Et on oublie aussi que les Dasyas du « Rig-Veda », en plus de leur peau sombre et de leur absence de nez (ou de leur « nez aplati »), ont parfois trois têtes, ce qui complique leur identification à des populations réelles. C’est pourquoi l’anthropologie physique n’a pas non plus apporté de résultats probants… L’aporie actuelle des multiples tentatives pour concilier linguistique et archéologie (voire anthropologie biologique) quant à l’ « arrivée des Aryens en Inde » ne signifie ni que le « Peuples indo-européen originel » supposé aurait émergé en Inde (cela poserait les mêmes problèmes, mais en sens inverse), ni que des « migrations invisibles » n’ont pas existé dans le passé… »

L’émergence de la civilisation de l’Indus

La mystérieuse civilisation de l’Indus

La civilisation de l’Indus serait plus ancienne qu’on ne le croyait

Ce que l’on sait sur la civilisation de l’Indus

Elle serait beaucoup plus vieille qu’on le croyait

Une recherche se fondant sur des évolutions climatiques

Les nombreuses questions que posent la civilisation de l’Indus

La fin de la civilisation harappéenne

Bien des scientifiques envisagent un changement climatique sans comprendre qu’il faut aussi un renversement social

Et, en plus, cette civilisation était un matriarcat, à l’opposé des civilisations suivantes de l’Inde !!!

Les débuts de la civilisation de l’Indus à la lumière de fouilles récentes

Un bouleversement récent des anciennes conceptions sur les civilisations de l’Inde

Les quatre mythes sur la société harappéenne

Encore bien des interrogations

Lire en anglais : Ancient Indus Valley Civilization

Comprendre la langue de la civilisation de l’Indus

Une disparition de civilisation mal comprise parmi bien d’autres

Messages

  • MOHENJO-DARO !!!

    Comment imaginer que, 3000 ans avant notre ère, la société de Mohenjo-Daro avait construit des conduites d’eau souterraines, des bains de vapeur, des douches, des cabines, des salles de gymnastiques et bien d’autres luxes extraordinaires. Pourtant, cette société n’avait pas bâti de palais et pas de temples ! L’image de cette société antique, l’une des premières construite par l’humanité, est renversante pour tous nos a priori sur l’antiquité, sur le mode de construction des civilisations, sur l’apparition de l’Etat, sur l’idéologie des vieilles sociétés, pour lesquelles nos historiens et philosophes affirment que la religion et le pouvoir d’Etat étaient les facteurs centraux de tout développement. Et tout particulière en Orient ! Mohenjo-Daro, au Pakistan, est en plein Orient antique et ne correspond à rien de ce que nous disent nos préjugés. Elle montre à l’inverse que le progrès économique, technique, social a eu lieu bien avant l’Etat, avant les religions institutionnalisées.

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