mercredi 6 août 2014, par
Dans « Le Monde » du 1er juillet 2014 : Cette fois les faits semblent résister à la théorie : à l’exception des années 2000, les investissements massifs dans les NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication) n’ont pas eu l’effet annoncé sur la croissance des économies avancées et sur leur productivité… Tout se passe comme si certaines bonnes vieilles lois économiques ne fonctionnaient plus : « On a eu beau accroître le capital par salarié, cela n’a pas accéléré la productivité du travail, qui a ralenti partout » alerte l’économiste Natixis Patrick Artus. Résumant le désarroi général, Gilbert Cette, économiste à la banque de France, affirme : « Alors que la diffusion des NTIC dans les entreprises devait en toute logique accélérer les gains de productivité dans l’économie, ceux-ci ont énormément ralenti, et ce bien avant la crise de 2008…
« La crise de 2008, dont la violence et la durée ont brouillé la lisibilité de la productivité », estime Dirk Pilat, directeur adjoint des sciences, technologies et industries à l’OCDE…. Les NTIC génèrent d’importantes externalités négatives qui absorbent une large partie des gains attendus. Le coût réel des gains de productivité pourrait bien lui aussi avoir été sous-estimé. « On oublie toujours qu’il faut maintenir des équipes entières d’entretien des serveurs, des systèmes et des réseaux, des gardiens de la sécurité informatique, etc., dont les coûts absorbent une grande partie des économies réalisées », met en garde M. Artus…
C’est la structure de l’économie qui, en se déformant, pèse sur sa productivité globale. Ensuite, toutes les activités productives sont devenues en elles-mêmes beaucoup plus capitalistiques. En 2000, la construction d’une usine de semi-conducteurs coûtait 5 milliards de dollars (3,7 milliards d’euros). Aujourd’hui, il faut compter 15 milliards. De même dans l’industrie pétrolière, selon les lieux d’extraction, il faut trois à cinq fois plus de capital qu’il y a dix ans pour produire un baril.
Enfin, la recherche elle-même a aujourd’hui des rendements décroissants, comme dans la pharmacie, où les coûts de lancement d’un médicament n’ont jamais été aussi élevés, pour de vraies innovations de plus en plus rares. « Il n’y a jamais eu autant de chercheurs ni de brevets accordés dans le monde, dit Marc Giget, président de l’Institut européen de stratégies créatives. Mais il s’agit davantage de briques d’innovations que d’innovations de rupture. »
Patrick Artus affirme que « la productivité du travail ralentit, bien que le capital par salarié augmente partout… » (…)
Andrew McAfee, directeur du Center for Digital Business à la Sloan School du MIT affirme que « Cela fait deux cent ans que chaque révolution apporte de nouvelles opportunités pour toutes les catégories d’emplois et qu’il y a toujours plus d’emplois avant qu’après. C’est la première fois que cette loi-là est démentie. Depuis vingt ans, les classes moyennes s’appauvrissent. Et la répartition des revenus tend à privilégier la rémunération du capital. » (…)