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Dérives policières et militaires en France
lundi 17 octobre 2016
La Garde nationale créée par Hollande vise la classe ouvrière
Par Anthony Torres
En reprenant à son compte la proposition du FN de créer une Garde nationale, officiellement validée par Hollande mercredi en Conseil des ministres, le PS se prépare à des opérations militaires de grande envergure à l’intérieur de la France. Vu le grand nombre de réservistes que regrouperaient cette formation, elle n’est manifestement pas destinée à la répression des petits groupes de terroristes lors d’attentats en France. Elle servirait bien à réprimer les mouvements sociaux.
L’objectif serait de passer de 63.000 hommes de la réserve existante à 84.000 hommes et femmes réservistes. Ceci permettrait à la réserve de déployer 9.250 soldats sur le territoire, au lieu des 5.500 aujourd’hui. La Garde nationale pourrait aussi servir dans des guerres étrangères, comme c’est le cas de la Garde nationale américaine, qui a participé aux occupations d’Irak et d’Afghanistan.
Selon un rapport sénatorial de Gisèle Jourda (PS) et Jean-Marie Bockel (UDI), la Garde nationale a vocation à assister l’armée dans des opérations majeures sur le sol français : « A la condition d’être rendue plus forte, plus structurée, plus nombreuse avec un maillage territorial qui ancre la réserve sur l’ensemble du territoire notamment dans les déserts militaires, la réserve militaire constituerait une garde nationale efficiente. Elle offrirait à l’armée active un appui opérationnel à la hauteur des nouveaux besoins de notre territoire ».
La Garde Nationale sera constituée de volontaires « avec ou sans expérience militaire préalable », ainsi que d’anciens militaires ayant quitté l’armée depuis moins de cinq ans. Le budget de la réserve augmentera de près de 50 pour cent, passant de 211 à 311 millions d’euros.
Hollande forme la Garde nationale après avoir imposé d’état d’urgence suite à une série d’attentats commis par des membres des mêmes milices islamistes mobilisées par les pays de l’OTAN, dont la France, pour mener la guerre en Syrie. Cette guerre, qui menace de dégénérer en conflit ouvert entre la Russie et l’OTAN, ainsi que les mesures d’austérité impopulaires de Hollande dont la loi travail, chauffent à blanc les tensions sociales en France.
Hollande, qui a reçu plusieurs fois la dirigeante du FN Marine Le Pen à l’Elysée afin de promouvoir le FN, s’est encore servi dans le programme du FN pour accélérer la construction de l’Etat policier. Il avait déjà tenté d’inscrire dans la constitution le principe de la déchéance de nationalité, dont les origines remontent au régime de Vichy.
En proposant de créer une Garde nationale en 2014, Le Pen avait non seulement en vue l’ennemi extérieur (augmentation du budget de la défense et restauration du service militaire obligatoire) mais aussi l’ennemi intérieur, c’est-à-dire les travailleurs. Elle a dit : « Nous assurerons en priorité la protection du territoire national… notamment grâce à la mise en place d’une garde nationale de 50.000 réservistes, hommes et femmes, mobilisables dans un bref délai, moins de 24 heures ».
Ce que craignent les dirigeants français ce n’est pas le terrorisme, qui lui sert d’un instrument pour intensifier ses interventions militaires extérieures et de renforcer son appareil répressif, mais bien l’hostilité de la classe ouvrière envers leur politique pro-guerre et pro-austérité.
La création d’une Garde nationale en France intervient sur fond de profondes tensions militaires et sociales à travers toute l’Europe. Dans ce contexte, la bourgeoisie a recours dans de nombreux pays à la construction de milices paramilitaires plus ou moins directement liées à l’extrême droite. En Ukraine, en Pologne, en Tchéquie, et ailleurs, on encourage la création de formations paramilitaires nationalistes voire pronazies.
En Ukraine, la Garde Nationale soutenue par Washington qui recrute des volontaires fascistes et néo-nazis est sortie du putsch de Kiev en 2014 soutenue par l’OTAN. Le bataillon « Azov », qui compte plus d’un millier de soldats, fut fondée et dirigée par le néo-nazi, Andriy Biletsky. Il déploie des bannières arborant une croix gammée modifiée, copiée des unités SS de la Seconde Guerre mondiale, et a servi à écraser l’opposition dans les zones russophones de l’est ukrainien.
La presse s’est gardée d’évoquer les milices ukrainiennes, polonaises, ou tchèques en discutant du caractère de la Garde nationale. Toutefois, les autres gardes nationales qu’elle a citées en exemple démontrent que la répression interne est au centre des préoccupations de la classe dirigeante française. La Garde Nationale aux Etats-Unis intervient contre les émeutes urbaines et les grandes manifestations contre les violences policières.
Dans le contexte de la plus grande crise économique et militaire depuis les années 1930, les formes de la vie politique ressemblent de plus en plus à celles analysées par Trotsky et par la Quatrième internationale à sa fondation en 1938. Ils expliquaient que, dans un contexte de tensions de classes extrême, la police et l’armée n’étaient plus capables à elles seules de mener la répression voulue. Pour cela la bourgeoisie faisait appel à des forces paramilitaires plus ou moins légales.
Sur ce sujet, le programme fondateur de la Quatrième internationale déclarait : « La bourgeoisie ne se contente nulle part de la police et de l’armée officielle. Aux États-Unis, même dans les périodes "calmes", elle entretient des détachements militarisés de jaunes et de bandes armées privées dans les usines. Il faut y ajouter maintenant les bandes de nazis américains. La bourgeoisie française, à la première approche du danger, a mobilisé les détachements fascistes semi-légaux et illégaux jusqu’à l’intérieur de l’armée officielle. ... La bourgeoisie se rend clairement compte qu’à l’époque actuelle, la lutte des classes tend infailliblement à se transformer en guerre civile. Les exemples de l’Italie, de l’Allemagne, de l’Autriche, de l’Espagne et d’autres pays ont appris beaucoup plus aux magnats et aux laquais du capital qu’aux chefs officiels du prolétariat ».
Comme à cette époque, la classe ouvrière est la seule base sociale pour la démocratie en France et à travers le monde. Il existe une profonde opposition parmi les travailleurs à l’installation d’un régime autoritaire. Mais la seule façon de bloquer l’installation d’un tel régime est la mobilisation politique des travailleurs contre la guerre et l’austérité, et pour la défense des droits démocratiques. Aujourd’hui, les divers partis de la bourgeoisie cherchent tous à renforcer l’appareil répressif.
L’état d’urgence prolongé à l’infini par le PS a montré les limites dans les capacités des forces répressives existantes à mater l’opposition des travailleurs et des jeunes. Pendant les grèves contre la loi travail, des manifestations de policiers ont été organisées par le syndicat Alliance proche du FN, avec le soutien de la CGT et du PS, pour exprimer leur « fatigue » et leur mécontentement à l’encontre du « sentiment antiflics » et pour réclamer plus de moyens.
L’instabilité de la situation politique et sociale et l’éventualité d’une guerre civile sont discutées au sein des services de renseignement. Selon le patron de la DGSI, Patrick Calvar, « Nous sommes au bord de la guerre civile. Il nous appartient donc d’anticiper et de bloquer tous ces groupes qui voudraient, à un moment ou à un autre, déclencher des affrontements intercommunautaires ».
Ce sont ces conditions politiques qui poussent le PS à suppléer les forces de l’armée, de la gendarmerie et de police avec une Garde nationale.
Le Premier ministre propose un état d’urgence permanent en France
Par Stéphane Hughes et Alex Lantier
Vendredi, le premier ministre Manuel Valls a réaffirmé les premières déclarations du PS après les attentats terroristes du 13 novembre à Paris menés par l’État islamique (EI ou Daech), selon lesquelles l’état d’urgence en vigueur en France doit être permanent.
Dans une interview avec la BBC lors du sommet économique de Davos, en Suisse, il a dit que la France mène une guerre à l’échelle mondiale contre l’EI. « Tant que la menace est là, nous devons utiliser tous les moyens », a-t-il dit, ajoutant que l’état d’urgence serait prolongé « jusqu’à ce que nous puissions nous débarrasser de Daech ».
Promettant de lancer une guerre « totale, globale, et impitoyable », Valls a ajouté, « Et il faut dire la vérité, pas seulement aux Français, mais à tous ceux qui sont concernés par le terrorisme. C’est une génération qui peut être concernée par cette guerre ».
Les répercussions des déclarations de Valls sont stupéfiantes. Comme l’Egypte sous la dictature du général Abdel Fattah al-Sissi, ami personnel de François Hollande, la France doit être gouvernée durablement dans le cadre d’un état d’urgence permanent. Selon Valls, les Français ont effectivement perdu des droits sociaux et démocratiques fondamentaux qui leur sont garantis par la Constitution française.
On assiste à une sorte de coup d’Etat au ralenti, où l’élite dirigeante tente de transformer la vie politique en France afin de créer un régime autoritaire. Sous l’état d’urgence, les manifestations sont interdites, il n’y a pas de liberté de la presse ou de rassemblement, et aucun contrôle judiciaire n’encadre les perquisitions arbitraires effectuées par la police. Déjà, le PS a interdit les manifestations contre le sommet environnemental du COP21 à Paris après le 13 novembre et a assigné les organisateurs à résidence.
La police peut arrêter les gens sur de simples soupçons qu’ils menacent l’ordre. L’Etat a condamné les travailleurs de Goodyear à la prison ferme pour avoir fait grève et lutté pour défendre leurs emplois, même après que Goodyear avait retiré toutes ses plaintes contre eux.
Les justifications qu’offre Valls pour cette suspension indéfinie des droits démocratiques ne sont qu’un tissu de mensonges. En fait, l’EI (Daech) n’est pas une menace existentielle pour la République française, qui ne laisserait à l’Etat français aucun autre choix que de suspendre les droits démocratiques afin de préserver la survie même du peuple français.
L’EI est, en fait, un atout politique de la classe dirigeante française et de toute l’OTAN. C’est une milice qui opère en Irak et en Syrie, financée et soutenue par les principaux alliés français au Moyen-Orient, dont l’Arabie saoudite et la Turquie, dans le cadre de la guerre pour renverser le président syrien Bachar al-Assad.
Cette organisation s’est formée lors de guerres lancées sous le prédécesseur de Hollande, Nicolas Sarkozy, notamment en Libye. Les puissances de l’OTAN, dirigées par les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, ont encouragé les combattants islamistes à venir en Libye pour servir de forces terrestres par procuration alors que l’OTAN organisait les bombardements aériens. Beaucoup de ces islamistes ont ensuite été expédiés vers la Syrie, comme le fer de lance de l’OTAN contre le régime syrien.
L’affirmation de Valls selon laquelle la France et ses alliés mèneraient une guerre globale et totale contre l’EI ne tient pas debout. L’EI et les attaques sanglantes qu’il a réalisées en France servent de prétexte au PS pour faire passer de vastes mesures réactionnaires.
L’année dernière, Hollande insistait que la France n’attaquerait l’EI qu’en Irak, où Paris et Washington bombardaient l’EI depuis 2013 pour empêcher qu’il renverse le régime fantoche américain à Bagdad. Il voulait éviter d’affaiblir l’opposition à Assad en attaquant l’EI en Syrie.
Le 5 février 2015, après les attentats contre Charlie Hebdo, Hollande a expliqué que la France ne bombarderait pas l’EI en Syrie, mais seulement en Irak : « C’est en Irak que nous portons l’effort, car c’est en Irak qu’il y a un Etat, une armée, une souveraineté qui peut assurer la reconquête du territoire ». Il a ajouté qu’en Syrie, « Nous ne pouvons pas intervenir si c’est un facteur favorable pour le régime... »
Ainsi Hollande était prêt à protéger et à s’appuyer sur l’EI comme outil dans les méandres de la politique française et de l’OTAN contre Assad. Par contre, quand l’EI émerge en politique intérieure, le PS insiste que la France mène une guerre tous azimuts contre l’EI dans laquelle aucun droit démocratique ne peut entraver l’arbitraire de l’Etat.
L’idée que l’assaut sur les droits démocratiques est surtout une réponse aux attentats terroristes de l’EI est une fraude politique. C’est la réponse de la classe dirigeante à l’approfondissement des contradictions géostratégiques du capitalisme international et de la guerre sociale menée contre la classe ouvrière.
François Hollande candidat a déclaré que son ennemi était la « finance », mais une fois au pouvoir, il a fait l’austérité et la guerre sur tous les fronts. Il a collaboré avec la chancelière allemande, Angela Merkel, pour imposer l’austérité en Grèce, il a lancé des guerres à travers l’Afrique et le Moyen-Orient et il a collaboré avec Obama pour menacer la Russie. L’inégalité sociale atteint des niveaux records, et Hollande a dû avouer l’année dernière que la France se trouve au bord de la « guerre totale » avec la Russie.
Outre la possibilité d’une guerre mondiale nucléaire, Hollande fait face à une colère sociale sourde parmi les travailleurs, le PS et ses satellites politiques et syndicaux étant discrédités. Hollande a réagi en se déclarant « chef de guerre » et en s’orientant consciemment vers la construction d’un régime autoritaire.
Lors de l’invasion française du Mali en 2013, des responsables à l’Elysée ont dit au Point qu’ils espéraient un « effet Malouines ». On a dit au peuple français que la guerre était une lutte contre le terrorisme islamiste, mais une préoccupation principale du PS était de pourrir la situation en France en faisant remonter le militarisme, afin de pouvoir imposer une austérité drastique.
Pointant les similitudes entre la guerre des Malouines et les guerres actuelles de Hollande, la journaliste Anna Cabana du Point a écrit : « Lorsque les troupes argentines débarquent aux Malouines en 1982, Margaret Thatcher décide de répliquer militairement. La dame de fer, qui était alors extrêmement impopulaire à cause de ses réformes drastiques, embarque le Royaume-Uni dans une aventure militaire qui a assuré la réélection de son gouvernement en 1983 ».
Cette politique incendiaire et criminelle du PS de lancer des guerres pour justifier avec des mensonges une politique anti-ouvrière n’a pas eu les fruits escomptés. Sans surprise, le pillage de nombreux pays d’Afrique et du Moyen-Orient n’a pas pour autant rendu l’austérité du PS populaire. Les tensions sociales et internationales n’ont fait que s’accroître depuis 2013.
Face à la désillusion de larges masses de travailleurs, la classe dirigeante française se prépare à tout miser sur une tentative de les réprimer.
WSWS