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Révolte en Roumanie - L’incendie d’une discothèque met le feu à la Roumanie

jeudi 5 novembre 2015

Révolte en Roumanie

Malgré la démission du gouvernement, plus de 30.000 personnes sont descendues dans les rues de la capitale et de plusieurs autres grandes villes pour le deuxième jour consécutif.

Pour le président conservateur Klaus Iohannis, « cette tragédie a touché le nerf le plus sensible de la nation », transformant l’indignation des Roumains en une « véritable révolte ».

Nous ne voulons pas changer de personne, nous voulons changer de système, clament les manifestants !

L’incendie dans la discothèque qui a fait 32 morts et 200 blessés, a aussi mis le feu aux poudres de l’opinion publique. Il s’est en outre produit une dizaine de jours après une autre affaire, qui a éclaboussé cette fois le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Gabriel Oprea.

La mort d’un policier qui faisait partie de son cortège a mis en lumière l’utilisation probablement abusive par M. Oprea de motards pour le moindre de ses déplacements en ville, y compris pour aller au salon de beauté, d’après le site internet d’information HotNews.

Sous pression en raison de ses déboires avec la justice, le Premier ministre roumain Victor Ponta a démissionné mercredi, quelques jours après l’incendie meurtrier dans une discothèque, mais des dizaines de milliers de personnes ont continué à manifester en Roumanie pour un « profond changement » dans la classe politique.

La corruption, la concussion, la compromission de l’église officielle, l’orthodoxe, tout cela semble mort dans l’opinion populaire, et particulièrement dans la jeunesse.

« Ce qui arrive aujourd’hui aux Roumains dans la société roumaine et dans l’État roumain – un pourcentage élevé de pauvreté, l’augmentation des écarts entre les pauvres et les riches, une corruption généralisée, un retard économique et une humiliation politique, un faible statut international – a son origine dans la façon dont le régime communiste a été supprimé et dans la manière dont l’État roumain a été reconfiguré au début de la transition politique et économique de 1990 à 1991. » écrivait Alex Mihai Stoenescu, From the Backstage of the Battle for Power 1989-1990. The First Petre Roman Government, RAO International Publishing Company, Bucharest, 2006.

En termes de vie sociale et de justice sociale, l’émergence d’une classe moyenne, longtemps saluée comme le signe d’une répartition plus équitable des richesses, n’a pas résolu les écarts entre les pauvres et les riches car elle s’est révélée être un canular politique : les nouveaux riches ont rejoint le club de ceux qui étaient déjà riches ; ces derniers sont devenus encore plus riches ; les personnes à revenu moyen dans le meilleur des cas le sont restés ou se sont appauvries ; quant aux pauvres, ils se sont encore plus appauvris.

En termes d’économie, en dépit des vantardises officielles à propos d’une croissance économique sans précédent en 2008, la réalité a refait surface lorsque la crise a frappé une économie faible et que les entreprises ont commencé à fermer les unes après les autres.

La population roumaine est la plus pauvre d’Europe, après celle de la Bulgarie. Durement touchée, dès 2009, par la crise de la dette, la Roumanie a dû contracter un prêt auprès du FMI et mettre en place des mesures d’austérité particulièrement sévères. La phase de contraction économique semble aujourd’hui terminée, le PIB ayant cru de 3,8 % au premier trimestre 2014. La dette roumaine est maintenant mieux notée que celle du Portugal par l’agence Standard & Poor’s.

Les mesures d’austérité prises à partir de 2009 (le prêt du FMI) ont frappé les travailleurs. Le recours à la diminution drastique des dépenses publiques a frappé principalement la population de faibles ou moyens revenus, ce qui a généré des conséquences sociales négatives. Les principales conséquences négatives sont : la réduction des salaires du secteur public, le blocage des retraites, l’annulation les avantages sociaux, l’interdiction du cumul des fonctions, et la surimposition des pensions dites de luxe et des salaires des fonctionnaires. Le blocage des salaires et des pensions au cours de l’année la pire de la crise est l’une des mesures gouvernementales les plus impopulaires. Il affecte d’abord la majorité des bas salaires et non les hauts salaires du secteur public. On note aussi une tendance à passer du financement public pour les retraites au financement privé. Un argument utilisé en faveur de cela est que, dans des pays de l’UE comme la France par exemple, 2 % à 3 % des contributions sont dirigés vers des privés, et que ce pourcentage devrait donc être également un objectif en Roumanie. L’annulation des avantages sociaux a le plus affecté négativement les catégories de travailleurs déjà défavorisés du secteur public tels que les enseignants et les médecins. Pour ces travailleurs du secteur public touchant un salaire mensuel moyen d’environ 200 300 euros, les bénéfices « marginaux » – tels que les heures supplémentaires, la compensation des conditions de stress et des horaires de nuit, ou le paiement pour des heures de disponibilité – étaient l’oxygène nécessaire à leur survie.

Les bas salaires sont un symptôme d’une crise systémique et endémique. Les bas salaires génèrent les migrations et les problèmes sociaux non seulement dans le pays d’accueil mais aussi à l’étranger. À l’heure actuelle, les autorités reconnaissent officiellement qu’il y a plus de 2 millions d’immigrés roumains dans toute l’Europe, surtout en Italie, en Espagne et en Irlande. Des estimations non confirmées parlent de 3 à 4 millions d’immigrés roumains dispersés à travers le continent et au-delà. La vérité est que la plupart de ces personnes ont quitté leur patrie faute d’emploi décent ou en raison des salaires extrêmement bas.

Depuis le début des années 1990, les gouvernements successifs ont favorisé une politique économique libérale pour privatiser les entreprises détenues par l’Etat. Suite à son adhésion à l’Union Européenne en janvier 2007, la Roumanie a commencé une nouvelle phase de croissance économique avec des investissements étrangers substantiels.

La Roumanie est devenue une dépendance du grand capital européen. Les firmes ouest-européennes ont méthodiquement conquis le marché roumain, y compris dans les secteurs les plus stratégiques : Petrom, principal producteur de pétrole de Roumanie, n’est plus aujourd’hui qu’une filiale de l’autrichien OMV. Dans les télécoms, le britannique Vodafone et le français Orange se partagent le marché, tout comme le font Allemands, Italiens, Français, Autrichiens, Grecs et Néerlandais dans la banque et les assurances. Ce schéma se retrouve dans l’industrie automobile (rachat de Dacia par Renault), ou la fourniture de gaz et d’électricité (GDF Suez, Enel).
Aujourd’hui, les étrangers, souvent Italiens, détiennent 30 % des terres agricoles. Parmi les vingt entreprises les plus profitables de Roumanie, seules cinq appartiennent à des nationaux : deux à l’Etat (dont Romgaz, le principal producteur de gaz du pays) et trois à des entrepreneurs privés. Parmi les quinze entreprises restantes, quatorze dépendent d’une multinationale originaire de l’Union européenne.

Le Travail est sévèrement frappé par un coût horaire très bas comme dans nombre de pays de l’Est : le coût horaire de la main d’œuvre dans l’industrie et les services marchands était de 4,3€ en Roumanie, 5,9€ en Lituanie, 6,3€ en Lettonie, 7,6€ en Pologne, 10,2€ en République Tchèque et de 3,4€ en Bulgarie contre 40€ en Belgique, 30,9€ en Allemagne, 40,9€ au Danemark, 34,8€ en France et de 40,1€ en Suède.

« J’espère que la démission du gouvernement va satisfaire les gens qui étaient dans la rue », a malgré tout déclaré Victor Ponta dans une déclaration retransmise à la télévision. « Je ne peux que constater la colère légitime qui existe dans la société », a-t-il encore indiqué l’ex-Premier ministre social-démocrate. Il est accusé de faux en écriture, de complicité d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent du temps où il était avocat mais c’est loin d’être une exception : toute la classe politique est unie tout en étant en apparence divisée et unie seulement par le pactole à se partager…

Ce qu’on peut souhaiter est exactement l’inverse : que le peuple roumain et particulièrement la classe ouvrière, ne se contentent pas d’avoir renversé un chef d’Etat et qu’il renverse tout le système !!!

En 2012, des manifestations de masse avaient déjà renversé le gouvernement sans que rien ne change dans le fonctionnement social et politique !

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