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Où va l’Iran ?

dimanche 28 juin 2009

Est-ce que les gens qui manifestent le font seulement contre Ahmadinejad ? Est-ce qu’ils sont vraiment heureux du régime islamique ? Est-ce qu’ils veulent seulement un peu de changement, un peu de liberté ? Comment est-ce que ces journalistes arrivent à de telles assomptions ? Examinons cette question.

Que s’est passé en Iran durant les dernières semaines ? Dans la période qui a précédée les élections du 12 juin, les gens ont organisé des rassemblements et des meetings en soutien à l’un des deux candidats soi-disant réformistes et contre Ahmadinejad. Ils ont voté pour Mousavi ou Karoubi. Tout le monde s’attendait à ce que les élections soient truquées donc les gens sont resté vigilants, prêts à descendre dans la rue. Quand les résultats ont été annoncés, seulement deux heures après la fermeture des bureaux de vote, les manifestations massives ont commencé. Les gens se sont rués dans les rues par milliers et ont protesté contre la fraude électorale.

C’est comme ça que les événements se sont déroulés. Mais ce n’est pas toute la vérité. Il y a autre chose qui a sauté aux yeux. Quand on essaye d’analyser la situation en Iran, on doit prendre en considération un facteur important dans l’équilibre des pouvoirs. Il est évident que les gens ne pouvaient pas descendre dans la rue et crier « à bas la république islamique », tant que la machine répressive brutale et sophistiquée était intacte. Ils ont agi dans le cadre de la balance des pouvoirs et cherché à renverser cette balance en leur faveur.

La plupart des votes pour Mousavi ou Karoubi étaient en réalité un « non » à Ahmadinejad et à la république islamique. Il n’y avait que quatre candidats qui étaient passé à travers le système de veto du Conseil des gardiens. Sous la république islamique, 99% des gens ne sont pas autorisés à être candidats. Selon la loi islamique, une femme ne peut pas être président. Cela exclue d’un seul coup la moitié de la population. Non seulement les gens qui ne croient pas en dieu ne peuvent pas être candidats, mais ils doivent être décapités selon cette même loi. Les membres d’une autre religion que le chiisme sont également exclus. Même dans ce dernier groupe, seuls ceux que sont des véritables partisans de la république islamique peuvent se présenter pour être candidats à la présidence.

Le Conseil des gardiens a le droit de veto sur les candidats à la candidature et décide qui remplit les conditions. Cette fois-ci, seuls quatre homes qui ont été des figures importantes du régime, qui avaient occupé des postes de haut niveau et joué un rôle important dans sa consolidation, ont passé le veto. A part Ahmadinejad, il y avait Mousavi, Karoubi et Rezai. Mousavi était premier ministre pendant la guerre Iran-Irak. C’est sous son ministère que, en août 1988, en moins d’un mois, des milliers de militants de l’opposition, y compris des enfants, ont été exécutés en prison. Karoubi était une figure éminente jadis, proche de Khomeiny, président du Majilis (parlement) à plusieurs reprises. Rezai était le commandeur des Corps de la Garde Islamique (IGC), le principal instrument de répression. Ces hommes ont tous participé à l’élimination violente de l’opposition à la république islamique. Si les iraniens parviennent à ramener la justice, ces hommes devront être jugés pour crimes contre l’humanité.

Est-ce que cela donne un véritable choix au peuple ? C’est la première question qui doit être posée. Si non, alors pourquoi est-ce que les gens ont participé en si grand nombre à cette élection ? Les gens ont utilisé l’opportunité pour exprimer leur mécontentement, leur protestations, et dire un grand « non » au régime. Les mouvements de masse durant la campagne de Mousavi ou de Karoubi ont été une grande surprise pour tout le monde, y compris les candidats eux-mêmes. Dans un pays où le moindre signe de protestation, sans même parler de manifestation, est brutalement réprimé, la campagne présidentielle a offert une fenêtre, une opportunité. Le régime islamique est terrifié par ces mouvements de masses et la rapidité avec laquelle ils ont cru en nombre et en radicalisation.

En face de cette rapide escalade de rassemblements contre le gouvernent sous la bannière de la campagne électorale, le Corps de la Garde Islamique (IGC) a émis un communiqué disant que les extrémistes dans le camp des candidats essayaient de renverser le régime. Ils ont menacé les gens d’une répression très dure si cela arrivait. Alors, l’IGC et le camp Khamenei-Ahmadinejad ont décidé de mettre fin aux élections et de faire avorter tout plan qui risquait d’affaiblir le régime. C’est ça qui a mené à annoncer les résultats seulement quelques heures après que les bureaux aient été fermés.

Ils ont mal compris la situation. Ils ont échoué à identifier les différents aspects de la psychologie collective, l’ambiance dans la population. Ils n’ont pas vu ou pas compris que les temps avaient changé. Cette fois, l’ambiance était très différente. Les gens semblaient déterminés à ne pas revenir en arrière. Ce n’était pas nécessairement une décision consciente, exprimée. C’était un sentiment qui résultait plutôt d’un changement profond dans la psychologie collective de la population.

Le gens ne veulent plus de ce régime. Ils ne veulent plus vivre sous une tyrannie religieuse. Ils ne veulent plus de l’apartheid sexuel. Les gens veulent être libres. Ils veulent l’égalité et la prospérité. C’est la volonté du peuple. Il semble que cette fois ci, ils soient déterminer à continuer le mouvement jusqu’à ce qu’ils obtiennent ce qu’ils veulent. Le développement des événements ces derniers jours, particulièrement après le sermon du vendredi de Khamenei, ont fait basculer la lutte de pouvoir entre le peuple et le régime. En dépit de la lourde répression opérée par les forces de sécurité, du meurtre de près de 200 personnes, d’un nombre plus grand encore de blessés et de l’emprisonnement de centaines de manifestants, malgré l’usage des forces de sécurité et des tueurs des milices lâchées contre des gens désarmés, les gens relèvent le défi. La balance du pouvoir a basculé en faveur du peuple, non pas dans le sens militaire, mais en terme de défi face à l’intimidation et de la peur. Jusqu’à vendredi, les gens marchaient la bouche close, en essayant de ne pas provoquer les violences, mais ces derniers jours, les protestations sont devenue plus violentes, moins contraintes. Déjà, des manifestants crient « à bas la république islamique ». Des sentiments non censurés refont surface dans les rues. On entend parler, on voit des vidéos de femmes non-voilées, portant des vêtements totalement non-islamiques dans certains quartiers. Une des caractéristiques les plus significatives de ce mouvement de protestation est qu’il n’est pas organisé ou dirigé par ceux qui disent être ses leaders, ou qui sont identifiés par les médias comme ses leaders. C’est un mouvement très spontané. Ce que nous voyons, dans les rues de Téhéran ; mais aussi dans les autres grandes villes, ressemble plutôt à une insurrection. Il semble que le régime islamique soit entré dans une phase où, quelque soit la tactique ou le ton qu’il emploie, l’amène toujours vers sa fin. C’est le début de la fin de l’un des régimes politiques les plus brutaux, les plus horribles, du 20e siècle. Sa chute aura des effets profonds dans le Moyen-Orient et pour l’islam politique les femmes en lutte d’Iran et de toute la région ont tout à gagner de ces événements.

Azar Majedi, 23 juin 2009

Messages

  • Texte traduit en anglais par Pegah et publié avant-hier sur Revolutionary Road, traduit en français aujourd’hui par Pascal et publié sur Révolution en Iran.

    Nous, producteurs de la richesse sociale, par notre travail et nos efforts dans les grandes et petites usines, dans les services et les soins des centres médicaux et hôpitaux, comme enseignants dans les écoles et les universités, nous qui produisons l’énergie, l’eau, les télécommunications, le gaz et le pétrole, l’acier et les voitures dans les usines et les centres, n’avons non seulement aucun contrôle sur la production et la distribution des marchandises, n’avons pas le droit de participer à la gestion de nos lieux de travail, ni aucune organisation ou conseil d’ouvriers ou d’employés indépendants, mais nous sommes payés avec le salaire minimum et des revenus qui ne sont pas suffisants pour avoir une vie normale et qui sont en dessous du seuil de pauvreté.

    Après trente ans de labeur, nous ne pouvons ni avoir un véritable domicile pour vivre, ni payer les frais élevés pour l’éducation de nos enfants, ni avoir les traitements médicaux appropriés ni avoir accès aux loisirs. Et pire encore que tous ces contrats temporaires ou à durée déterminée qui donnent tout le pouvoir aux entrepreneurs avides et exploiteurs, il n’y a personne entre nous et nos employeurs pour répondre à nos revendications. Tout le temps, nous devons nous inquiéter y compris pour le minimum, et d’attendre de voir si nos contrats seront prolongés ou pas, et notre niveau de vie peut être comparé à celui des esclaves avant la civilisation humaine. Et c’est même pire, parce que les esclaves avaient au moins toujours quelque chose à manger, alors que lorsqu’ils n’ont plus besoin de notre force de travail nous n’avons plus rien à manger. Aussi pour conserver le minimum et ne pas nous retrouver au chômage, nous ne pouvons pas nous exprimer et devons nous autocensurer.

    Tous nous avons fait l’expérience d’aller faire face aux patrons et directeurs pour obtenir quelque chose qui fait partie de nos droits, alors que selon leurs croyances ils peuvent nous traiter comme ils le font et comme si nous n’avions aucun droit. Lors de la révolution en novembre 1978, si nous, les ouvriers et les employés des petites et grandes usines, et des entreprises du pétrole, de l’énergie et de l’eau, ne nous étions pas mis en grève générale, le système de la dynastie des Pahlavi n’aurait pas été détruit et les actuels dirigeants ne seraient pas au pouvoir. Malheureusement, parce que nous manquions d’information et que certains d’entre nous ont suivi les mollahs et les marchands du bazar, nous en sommes arrivés à la situation actuelle.

    Actuellement, nous produisons toutes les marchandises et les richesses mais pour les profits des exploiteurs, qui sont nos directeurs oppressifs sans éducation qui nous donnent des ordres. Parfois, ils ferment les usines et nous transforment en chômeurs juste pour se partager ou vendre le terrain et se faire encore plus d’argent. Il n’y a pas un seul travailleur salarié qui peut payer des études élémentaires de haut niveau ou une grande école à son fils ou à sa fille, études qui coutent au moins 5 millions de Tomans (5.000 dollars) par an, ni même les principaux frais médicaux. Et cela sera encore pire dans l’avenir puisque l’éducation sera remises aux mollahs, aux marchands, aux directeurs de hauts niveau et aux voleurs des richesses. Pourquoi notre pays devrait-il être aux mains de groupes particuliers ? Pourquoi 100% du pouvoir politique devrait-il appartenir à 200.000 mollahs et marchands, et leurs enfants et membres de leurs familles, et que le reste de la population, soit 50.000.000 de gens, n’ait aucun pouvoir politique ? Et d’avoir au final à choisir entre le mauvais et le pire ? Est-ce que cela se réfère à une quelconque règle naturelle, à l’humanité ou à une loi divine ? Si ce n’est des règles sans fondements, justifiées par les lois du leader suprême, qui restreignent les droits du peuple ? Pour la plus petite revendication, pour des droits basiques, ils utilisent les forces de police, formées avec l’argent du peuple et qui devraient avoir pour devoir de rendre la société saine et sûre, contre le peuple et pour arriver à leurs sales buts.

    Enchainés ! Travailleurs, ouvriers, employés, enseignants, infirmières, femmes, jeunes, étudiants d’université et chômeurs ! Après trente ans de captivité, le son de nos chaines qui se brisent a été entendu par la présence de millions dans les rues. Le peuple n’a plus peur et le gouvernement a donné sa légitimité à la tempête du mouvement populaire. Nous devons nous saisir de cette opportunité pour obtenir nos revendications humaines. Le gouvernement n’a pas assez de forces pour les envoyer dans tous les centres industriels, de production, de formation ou de services. Qu’importe le secteur où nous travaillons, nous devons désigner nos représentants sur le plan technique, industriel et productif, pour former les conseils indépendants des salariés des usines, des hôpitaux, des compagnies de pétrole, des centres de formation et des écoles, des télécommunications, de l’énergie, du service de l’eau et, qu’en alliance les représentants de chaque branche et leurs propres conseils de branche, avec les conseils des étudiants, des femmes, des employés, des travailleurs et des ouvriers, nous puissions prendre notre part de richesses sociales et de pouvoir politique.

    Dans la situation actuelle, le gouvernement n’a aucune légitimité et dans ce point culminant de crise politique et économique, il n’est plus capable de réprimer directement la population dans les usines, les centres industriels et les universités. Il est temps de ne plus être des esclaves !

    Organiser des conseils dans les lieux de travail et les administrations publiques n’est pas seulement devenu un but moderne pour chaque employé, mais ces conseils doivent aussi avoir leur part dans les décisions politiques et économiques. Mais ces conseils doivent être conscients et ne pas se focaliser uniquement sur les petites revendications du lieux de travail, parce que même si nous les obtenons et qu’elles sont importantes, si nous ne les lions pas et les joignons pas aux intérêts de classe de tous les travailleurs et de tous les salariés, à la fin nous les perdrons. Il suffit de comparer les salaires des ouvriers et des employés, l’emploi stable, les assurances sociales et les droits à la participation il y a 30 ou 20 ans, pour voir que la situation est bien pire aujourd’hui. En se satisfaisant des revendications partielles, les travailleurs les ont perdu avec la hausse des prix ou une modification de loi au conseil des ministre ou au parlement, parce qu’ils n’ont pas su lier leurs revendications partielles à celles de leurs intérêts à long terme.

    Aussi, tant que nous avons le temps et que le gouvernement est occupé par la crise sociale, politique et économique, nous devons organiser nos conseils. C’est simple. Dans chaque usine ou zone industrielle, les représentants des différentes équipes forment leur conseil ou organisation. A côté des questions du travail, nous pouvons travailler aux améliorations et aux réformes, et il n’est pas nécessaire que tout soit parfait dès le début. Le plus important est d’avoir des conseils représentatifs indépendants et que les représentants de différents lieux de travail et zones industrielles, de différentes villes et régions, soient en contact les uns avec les autres, et ils peuvent avoir leurs conseils généraux pour les ouvriers, les enseignants, les infirmières, etc.

    Comme le clergé, les imams du vendredi, les directeurs, dirigeants et gouverneurs, nous devons avoir de véritables organisations. Ce n’est qu’en ayant des organisations indépendantes pour tous les salariés que nous pouvons revendiquer leurs droits dans les domaines politiques, économiques et de direction, et si nous sommes organisés ainsi et que le gouvernement ignore nos revendications logiques, alors nous pouvons lancer une grève générale et montrer au gouvernement que nous sommes une force importante de la société. Car ainsi, ils n’auront pas d’autres choix que de nous accorder une vie décente et de partager les richesses et les profits avec le peuple en même temps que ses efforts. C’est le moment d’avoir un peuple libre, motivé et créatif et un pays de paix et de liberté et de pouvoir avoir des discussions publiques sur tout.

    En créant des conseils indépendants dans nos lieux de travail et des organisations générales des salariés, nous prendrons en main le partage des richesses sociales, la participation publique et le pouvoir politique.

    Un groupe de militants ouvriers et sociaux,

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