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Les discours de Trotsky pendant la révolution et aux congrès communistes internationaux

dimanche 7 août 2022, par Robert Paris

Les discours de Trotsky pendant la révolution et aux congrès communistes internationaux

Isaac Deutscher dans « Trotsky, Le prophète armé » :

« C’est davantage par ses discours que par ses articles que Trotsky exerça son influence sur la vie politique de la capitale. Il prit la parole dans d’innombrables meetings, généralement en compagnie de Lounatcharsky. En deux ou trois semaines, après son arrivée, il avait gagné, avec Lounatcharsky, une immense popularité : on les considérait comme les agitateurs les plus éloquents de l’aile gauche du Soviet.

La base navale de Kronstadt, voisine de la capitale, était son endroit préféré pour prendre la parole ; et Kronstadt se révéla de première importance dans sa forme politique ultérieure. La marine était en rébellion ouverte. La base formait une sorte de république rouge qui ne reconnaissait aucune autorité. Les marins opposaient une violente résistance à toutes les tentatives faites pour leur réimposer une discipline. (…) Le ministère désigna des commissaires, dont certains s’étaient discrédités par leur collusion avec l’ancien régime et même avec les Cent Noirs. Les marins refusèrent de les laisser monter à bord et en malmenèrent même quelques-uns. (…) Vers la fin du mois de mai, les ministres socialistes firent traduire les marins devant le Soviet et Trotsky se proposa pour assurer leur défense. Il n’excusa pas leurs excès, mais il soutint que de tels excès eussent pu être évités si le gouvernement n’avait pas désigné comme commissaires des hommes discrédités et détestés. (…) Trotsky écrivit également pour les marins le violent manifeste dans lequel ils faisaient appel au pays contre le Ministère de la Guerre – ce fut le premier échec de Kérensky depuis qu’il était ministre de la guerre. De ce moment, les marins suivirent fidèlement Trotsky, le défendirent et en firent presque une idole. (…)
C’est à cette époque, également, qu’il fit du Cirque Moderne sa tribune habituelle, où il prenait, presque chaque soir, la parole devant des foules immenses. L’amphithéâtre était si bondé qu’il fallait généralement porter Trotsky jusqu’à la tribune par-dessus les têtes du public, sous les regards passionnés des filles de son premier mariage qui assistaient aux réunions. Il parlait des questions du jour et des buts de la révolution avec son habituelle logique si convaincante ; mais il savait également saisir l’état d’esprit de la foule, son sens aigu de la justice, son désir de comprendre clairement les événements dans leurs grandes lignes, son attente et ses grandes espérances. Il raconta, plus tard, comment les mots et les raisonnements qu’il avait préparés s’envolaient à la simple vue de la foule ; d’autres mots et d’autres arguments surgissaient comme de son subconscient, inattendus pour lui, mais répondant aux besoins de ses auditeurs. Il écoutait alors le son de sa propre voix comme celle d’un étranger, essayant de suivre le mouvement tumultueux de ses idées et de ses phrases, parce qu’il craignait de se réveiller brusquement comme un somnambule, et de ne plus pouvoir continuer. Sa politique n’était plus l’expression d’une réflexion individuelle ou des débats d’un petit cercle de politiciens professionnels. Il ne faisait plus qu’un avec les sentiments de la foule anonyme et passionnée qui se trouvait en face de lui. (…)

La situation de l’armée fut la principale question débattue par le Congrès. Depuis la chute du tsarisme, les fronts russes étaient restés inactifs. Pressés par les alliés occidentaux, le gouvernement et l’Etat-Major général préparaient une nouvelle offensive pour laquelle ils tenaient à obtenir l’accord du Soviet. L’Etat-Major réclamait également avec insistance la révision du fameux « Ordre n°1 », la Grande Charte de la liberté des soldats. C’est au cours de ce débat que Trotsky prononça son discours le plus important ; il avertit le gouvernement qu’après les pertes énormes subies par l’armée et l’interruption de ses services de ravitaillement, provoquées par l’incapacité, les abus et la corruption, elle n’était plus en état de poursuivre le combat. L’offensive se terminerait forcément par un désastre. Tenter de restaurer l’ancienne discipline ne conduirait à rien.

« Heureusement pour l’histoire de la Russie, notre armée révolutionnaire a rejeté la vieille attitude de l’armée russe, l’attitude de la sauterelle… quand des milliers d’hommes acceptaient passivement de mourir… sans même connaître le sens de leur sacrifice… Maudite soit cette période de l’histoire que nous avons laissée derrière nous ! Désormais nous n’accordons plus de valeur à l’héroïsme élémentaire, inconscient de la masse, mais à l’héroïsme qui se réfracte à travers chaque conscience individuelle. Si, actuellement, l’armée n’a aucune grande idée pour laquelle elle veuille se battre, dans cette armée issue de la Révolution… il existe et il existera des idées, des mots d’ordre, des buts capables de rassembler et de lui donner ainsi unité et enthousiasme… L’armée de la grande Révolution française a répondu volontairement aux appels à l’offensive. Le nœud de l’affaire ? Le voici : il n’existe pas pour le moment de but capable de rassembler l’armée… Chaque soldat qui réfléchit se pose la question : des cinq gouttes de sang que je vais verser aujourd’hui, n’y en aura-t-il pas une seule pour la Révolution russe et quatre pour la défense de la Bourse française et de l’impérialisme anglais ?... Si la Russie révolutionnaire se désolidarisait des politiques impérialistes, si un nouveau gouvernement était mis en place par les Soviets, alors nous pourrions faire appel à tous les peuples européens et leur dire qu’une citadelle de la Révolution s’est dressée sur la carte de l’Europe… La Révolution russe représente un tel danger pour les classes possédantes de tous les pays qu’elles essaieront de la détruire, et de transformer la Russie en colonie du capital européen ou, ce qui est plus probable encore, du capital américain. Mais cette épreuve de force est encore à venir et les Soviets ont le devoir de s’y préparer… Si l’Allemagne révolutionnaire ne se soulève pas, ou si elle ne se soulève pas avec assez de force, alors nous mettrons en marche nos régiments… non pour nous défendre, mais pour lancer une offensive révolutionnaire. »

Soukhanov dans « Notes sur la révolution » :

« Tout comme la révolution avortée des 3 et 4 juillet avait fait pencher la balance en faveur de la contre-révolution, l’échec de la contre-révolution la fit pencher plus fortement encore du côté opposé. (…) Trotsky apparut, pour la première fois, comme le plus brillant porte-parole des Bolcheviks. Voici comment un chroniqueur menchevik de la Révolution, Soukhanov, décrivit l’impression produite par son discours :
« Ce fut sans aucun doute l’un des plus brillants discours de ce surprenant orateur, et je ne peux résister au désir de citer intégralement dans mon livre ce magnifique morceau. Si, plus tard, mon livre trouve encore un lecteur, comme l’ouvrage sans fantaisie de Lamartine en trouve encore, que ce lecteur juge sur cet exemple l’art oratoire et la pensée politique de notre époque. Il en tirera la conclusion que l’humanité n’a pas vécu en vain ces derniers cent cinquante ans et que les héros de notre Révolution laissent loin derrière eux les chefs illustres de 1789 »

Au seul nom de Trotsky, tout l’auditoire du Théâtre Alexandrinsky fut saisi d’enthousiasme…

« Camarades et Citoyens », commença-t-il très calmement, « les ministres socialistes viennent de vous parler. Les ministres sont censés paraître devant des corps représentatifs pour rendre compte de leur travail. Nos ministres ont préféré nous donner des conseils plutôt que rendre leurs comptes. » (…) Il fit remarquer qu’il n’y avait pas eu un seul orateur pour défendre Kérensky et que le premier ministre se trouvait ainsi condamné par se propres amis et partisans. Cette remarque frappa ses adversaires au point le plus vulnérable et un mouvement de colère ébranla la salle. (…)

Trotsky réclama que les Gardes Rouges fussent armés. « Pour quoi faire ? Pour quoi faire ? » cria-t-on sur les bancs mencheviks. « D’abord pour que nous puissions constituer un vrai rempart en face de la contre-révolution », répondit Trotsky, « contre un nouveau et plus puissant mouvement Kornilov. Ensuite, si la démocratie révolutionnaire instaure une véritable dictature du prolétariat, si ce nouveau gouvernement propose une paix honorable et que cette offre soit repoussée, alors, et je vous dit cela au nom de notre parti… les ouvriers armés de Petrograd et de toute la Russie défendront le pays de la révolution contre les troupes de l’impérialisme avec un héroïsme comme l’Histoire de la Russie n’en a encore jamais connu. » (…)
Les Bolcheviks renforçaient progressivement leurs positions à l’intérieur des Soviets. Au début de septembre, ils détenaient la majorité à Petrograd, à Moscou et dans d’autres villes industrielles. Ils attendaient avec confiance d’apparaître comme le parti majoritaire au prochain Congrès National des Soviets. C’est à l’Exécutif Central des Soviets, élu en juin et encore contrôlé par les Socialistes modérés, qu’il appartenait de convoquer ce congrès. Ceux-ci faisaient leur possible pour ajourner ce qui, pour eux, représentait un saut dans l’inconnu, tandis que les Bolcheviks insistaient naturellement pour une convocation rapide du congrès. (…)

Le 23 septembre, le Soviet de Petrograd élut Trotsky comme président. Lorsqu’il monta sur l’estrade, un tonnerre d’applaudissements l’accueillit… Au nom du nouveau Soviet, il lança les premiers appels pour la seconde révolution, réclamant la démission de Kerensky et le transfert du pouvoir gouvernemental au Congrès des Soviets…
Au cours des semaines qui s’étaient écoulées entre sa libération et l’insurrection d’Octobre, le nom de Trotsky ne devint pas seulement synonyme de bolchevisme mais aussi le symbole, à l’étranger, de toutes les aspirations du bolchevisme, bien plus que ne l’avait jamais été le nom de Lénine, qui s’était retiré de la scène publique. »

A.-V. Lounatcharsky dans « Silhouettes révolutionnaires » (1923) :

Trotsky est, à mon sens, le plus grand orateur de ce temps… Une prestance magnétique, le geste large et beau, un rythme puissant, une voix infatigable, une merveilleuse solidité de la phrase, une fabuleuse richesse d’images, une ironie brûlante, un pathétique débordant, une logique extraordinaire et projetant dans sa lumière les éclairs de l’acier, telles sont les vertus dont ruissellent les discours de Trotsky… J’ai vu Trotsky parler trois heures durant dans le plus absolu silence, devant un auditoire debout et médusé et buvant ses paroles. En tant que chef, Trotsky, je le répète, ne brille pas dans le domaine de l’organisation du Parti. Il y est comme inapte. Il est maladroit. Sa personnalité est trop tranchée, c’est cela même qui le gêne. Trotsky est épineux. Il est autoritaire. Il n’y a que dans ses rapports avec Lénine qu’il n’a cessé de se départir d’un abandon touchant et rendre : avec la modestie qui caractérise les hommes vraiment grands. Il savait reconnaître la prééminence de Lénine. Trotsky, homme politique, égale Trotsky orateur. Pourrait-il en être autrement ? Le plus merveilleux orateur, dont les discours ne seraient pas illuminés par la pensée, ne serait qu’un vain virtuose, ses discours ne seraient qu’une musique de cymbales… A mon avis, bien que cela puisse paraître étrange à beaucoup, Trotsky est incomparablement plus orthodoxe que Lénine. La ligne politique de Trotsky est quelque peu sinueuse : ni bolchevik, ni menchevik, il se tenait dans une position médiocre, cherchant sa voie jusqu’à ce que, délibérément, il se jetât dans le flot bolchevik. Et néanmoins, il a toujours suivi les règles les plus justes du marxisme révolutionnaire… On a souvent dit de Trotsky qu’il est personnellement ambitieux. C’est une pure absurdité. Je me souviens d’une phrase très significative, prononcée par Trotsky quand Tchernov accepta une place au Gouvernement : « Quelle ambition stupide et misérable !... Abandonner pour un portefeuille sa place dans l’Histoire !... » Tout Trotsky est là. On ne saurait trouver en lui un grain de vanité. Lénine aussi est dépourvu de toute ambition. Je pense que Lénine ne s’est jamais demandé ce qu’il était lui-même, qu’il ne s’est jamais regardé dans le grand miroir de l’Histoire, qu’il n’a jamais pensé a jugement de la postérité. Il se contente tout simplement de faire son œuvre… N’allez pas penser, cependant, que le second leader de la Révolution russe cède le pas en tout à son collègue. Il est indubitablement des points sur lesquels Trotsky le surpasse : il est plus clair, il est plus éclatant et plus mobile. Lénine est l’homme né pour présider le Conseil des Commissaires du Peuple et pour guider, avec génie, la Révolution mondiale, mais la tâche de Titan qu’a assumée Trotsky, ces lumineuses apparitions qu’il fait de place en place, ces discours magnifiques – véritables fanfares sonnant à l’improviste – ce rôle de perpétuel électriseur d’une armée faiblissant ici pour se ranimer là, n’iraient pas à Lénine. A cet égard, il n’est pas sur la terre un homme pour remplacer Trotsky. Quand se déchaîne une grande Révolution, un grand peuple trouve toujours l’homme qu’il faut pour chaque chose. Et c’est un des signes de grandeur de notre Révolution, que le Parti communiste ait pu faire surgir, soit de son propre sein, soit des autres partis pour se les annexer alors complètement, un si grand nombre d’hommes de valeur susceptibles de gouverner. Et parmi ceux-là, les deux plus forts entre les forts : Lénine et Trotsky. »

Discours de Trotsky au procès du soviet de Petrograd – octobre 1906

Discours à la conférence démocratique - 27 septembre 1917

Discours du Commissaire du Peuple aux Affaires Etrangères Trotsky au CC exécutif des Soviets - 14 février1918

Discours de Trotsky prononcé devant un public d’ouvriers – avril 1918

Discours prononcé par le Camarade Trotsky lors de la 17e session plénière de la Commission Exécutive Centrale pan-russe, de la 4e convocation du Soviet des ouvriers et des soldats de Moscou, des représentants des syndicats de Moscou, des Comités d’usines et de fabriques et d’autres organisations ouvrières – Juin 1918

Discours prononcé par Léon Trotsky au premier Congrès de l’Internationale Communiste – Mars 1919

Manifeste du premier congrès rédigé par Léon Trotsky – Mars 1919

Discours prononcé par Léon Trotsky au deuxième Congrès de l’Internationale Communiste - 7 août 1920

Discours de Léon Trotsky au 3e Congrès de l’Internationale Communiste - 23 juin 1921

Rapport sur la crise économique mondiale et les nouvelles tâches de l’I.C. – Juin 1921

Discours prononcé par Trotsky le 24 octobre 1921 au Congrès Pan-Russe des Sections d’Education Politique de l’Armée Rouge

Rapport sur la crise économique mondiale et les nouvelles tâches de l’I.C. - 19 août 1921

Discours de Trotsky à la séance plénière du Soviet de Moscou, le 20 septembre 1921

Discours de Trotsky lors du défilé sur la Place Rouge le 23 février 1922

Discours de Trotsky sur le Front Unique à l’Éxécutif de l’Internationale Communiste - 26 Février 1922

Discours de Trotsky à l’Éxécutif de l’Internationale Communiste - 2 Mars 1922

Discours de Trotsky à l’Éxécutif de l’I.C. - 8 mai 1922

Déclaration de Trotsky à propos de la conférence de Gênes - 9 mai 1922

Discours de Trotsky à l’Éxécutif de l’Internationale Communiste - Juin 1922

Discours de Trotsky à l’Éxécutif de l’Internationale Communiste - 8 juin 1922

Discours prononcé devant la Conférence du PC ukrainien - 5 avril 1923

Rapport au 12e Congrès du parti bolchevik - 20 avril 1923

Discours pour le 3° anniversaire de l’Université Communiste des peuples d’Orient - 21 avril 1924

Discours prononcé par Trotsky le 25 octobre 1924 à Moscou

Discours de Trotsky sur Mendeleïev et le marxisme - 17 septembre 1925

Discours de Trotsky au club « Place Rouge » le 3 février 1926

Dernière intervention de Léon Trotsky à la tribune de la direction du Parti communiste de Russie – octobre 1927

Discours de Trotsky à Copenhague –automne 1932

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