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Combat contre le bureaucratisme dans le parti bolchevik en 1923

lundi 18 novembre 2019, par Robert Paris

Lettre ouverte de V. Daline, membre du C. C. des Jeunesses Communistes de Russie ;
M. Fédorov, C. C. des Jeunesses ;
A. Chokhine, collaborateur du C. C. ;
A. Bezymensky, un des fondateurs des Jeunesses ;
N. Penkov, un des fondateurs des Jeunesses, membre du Comité de Moscou ;
F. Deliousine, ancien Secrétaire du Comité de Moscou ;
B. Treivas, ancien Secrétaire du Comité de Moscou ;
M. Dougatchev, un des fondateurs des Jeunesses.

Les sphères dirigeantes des Jeunesses Communistes russes sont intervenues dans la discussion du Parti. Considérant qu’un article signé de neuf camarades (Deux générations, Pravda, N° 1) et une adresse des militants de Pétrograd posent les questions de façon erronée et peuvent faire du tort au Parti s’il s’ensuit une large discussion dans les J. C. R., nous jugeons nécessaire d’analyser leurs déclarations et les raisons qui les motivent.

L’adresse de Pétrograd et l’article des neuf disent qu’il ne faut pas flatter la jeunesse, que cette dernière n’est pas le contrôleur du Parti, que l’on ne saurait opposer la nouvelle génération du Parti à l’ancienne, qu’aucune dégénérescence ne nous menace, que Trotsky est coupable de tous ces péchés mortels et qu’il faut mettre la jeunesse sur ses gardes. Voyons ce qu’il en est.

Dans leur article, les neuf camarades disent que Trotsky tire par les cheveux la question de la jeunesse (nous reviendrons là-dessus dans la suite), qu’il s’adapte aux jeunes, qu’il les flatte. Écoutons ce que dit à ce sujet Lénine :

" Des écoles soviétistes, des facultés ouvrières ont été fondées ; des centaines de milliers de jeunes gens s’y instruisent. Ce travail portera ses fruits. Si nous travaillons sans trop de précipitation, dans quelques années nous aurons une masse de jeunes gens capables de modifier radicalement notre appareil ".

Pourquoi Lénine a-t-il parlé ainsi de la jeunesse ? Qu’est-ce que qui l’y poussait ? Le désir de se mettre au ton de la jeunesse, de la flatter, d’obtenir ses applaudissements ou bien une intelligence véritable de son rôle et de la situation ? Il ne saurait être question de " flatterie " de la part de Trotsky, et il n’est absolument aucune raison de l’opposer aux autres chefs de notre Parti. Les neuf camarades disent que Lénine nous a appris à avoir une attitude critique envers la jeunesse, à ne pas encourager ses défauts. Le camarade Trotsky ne suit-il pas ce bon conseil lorsque, au XI° Congrès du Parti et maintenant encore, il dit : " … Cela ne signifie pas, certes, que tous les actes et états d’esprit de la jeunesse expriment des tendances saines ", ou dans un autre endroit : " La jeunesse des écoles, recrutée dans toutes les couches et stratifications de la société soviétique, reflète dans son effectif disparate tous nos côtés, bons ou défectueux ". À en juger par ces citations, Trotsky, loin de flatter, critique.

La question de la dégénérescence est exposée également d’une façon erronée. Trotsky parle du danger de la dégénérescence et pour la jeune génération et pour l’ancienne. À cela, la rédaction de la Pravda répond ainsi :

" Le danger théorique d’une dégénérescence existe chez nous. Il a sa source dans la possibilité d’une victoire graduelle de l’économie capitaliste sur l’économie socialiste et dans la possibilité d’une soudure progressive de nos cadres administratifs avec la nouvelle bourgeoisie. Mais il n’est personne chez nous qui ne voie ce danger ".

Pourtant, ce que disent dans leur article les neuf camarades : " Ce danger de dégénérescence politique ne peut exister chez nous ", ne concorde pas du tout avec cette déclaration. Par suite, l’accusation et la défense portent à faux. Passons à l’accusation la plus grave : Trotsky oppose deux générations, les excite l’une contre l’autre, " veut saper l’influence de l’état-major bolchévik éprouvé ". Voici ce qu’écrit Trotsky :

" Il faudrait être fou pour songer à mettre au rancart l’ancienne génération. Ce dont il s’agit, c’est que l’ancienne génération change consciemment d’orientation et, par là même, assure la continuation de son influence prépondérante dans tout le travail du Parti ".

Y a-t-il là cette opposition des jeunes aux vieux, ce désir de saper les anciens cadres, qui sont à la base de l’argumentation des deux documents ? Il nous semble que si l’on examine tranquillement, sérieusement, toutes les déclarations précitées de Trotsky, il est impossible d’y voir une excitation quelconque des deux parties, une intention d’animosité. Au contraire, Trotsky comprend le nouveau cours comme le meilleur moyen de consolider et d’accroître l’influence des anciens cadres bolchéviks.

Mais si l’on rejette toutes ces légendes, interprétations arbitraires et dénaturations, et que l’on étudie le fond de la question des moyens d’éducation des jeunes communistes dans l’esprit léninien, il apparaît clairement que Trotsky a entièrement raison.

Et si les neuf militants des J. C. R. qui sont intervenus prennent la peine d’examiner de près la situation du jeune communiste, qui leur est le mieux connue, ils constateront que les jeunes communistes des J. C. R. ont le sentiment d’être non pas des membres du Parti dans les J. C. R., mais des " Jeunesses communistes dans le Parti ". C’est là un fait signalé à maintes reprises par les militants les plus considérés.

Quelle en est la raison profonde ? C’est que dans le régime restreint du Parti, les jeunes n’ont pas la possibilité de participer au dépôt de richesses accumulées par de longues années de travail de notre Parti. Le meilleur moyen de transmission des traditions révolutionnaires bolchéviques, de toutes les qualités inhérentes au cadre fondamental du Parti, c’est le cours nouveau de la démocratie appliqué " consciemment par l’ancienne génération dans l’intérêt de la conservation de son influence directrice. "

Ainsi donc, en ce qui concerne également le fond de la question, ce n’est pas Trotsky qui a " tiré par les cheveux " la question de la jeunesse (liée chez lui à toutes les raisons motivant le nouveau cours du Parti) mais les auteurs des lettres qui lui attribuent un point de vue qu’il n’a jamais soutenu.

Effectivement (quoique involontairement) les neuf camarades qui ont fait intervenir les J. C. R. dans la discussion ont réduit cette dernière à la question de deux générations, sans la relier à l’ensemble de la discussion et à toutes les questions que le parti se pose maintenant. Et lorsque la question elle-même des générations est posée d’une façon erronée, qu’elle est dénaturée, toutes les interventions ne sauraient être que regrettables ; et si elles amènent à une discussion parmi les militants des J. C. R., cette discussion se déroulera sur une ligne fausse et provoquera le dissentiment contre lequel s’élève précisément Trotsky.

Le Comité central des J. C. R. a décidé de ne pas soumettre à un examen spécial des membres du Parti travaillant dans les J. C. R. les questions soulevées dans la discussion du Parti. Nous considérons cette décision comme entièrement juste. Elle ne saurait en aucun cas légitimer l’article sus-mentionné. Si la décision interdisant que la discussion soit transportée dans les J. C. R. est juste et que les militants du Comité Central aient jugé nécessaire de s’élancer dans cette discussion pour ne rien dire de nouveau, abstraction faite d’une accusation maladroite contre Trotsky s’inclinant soi-disant devant on ne sait quelle " trinité divine ", comment expliquer leur acte autrement que par le désir de voir donner un coup à Trotsky par la jeunesse ?

Nul n’a contesté (et Trotsky moins que personne) la nécessité de conserver l’influence prépondérante, la direction de l’ancien cadre du Parti. Cette nécessité est plus qu’évidente pour chacun de nous. Ce n’est pas là-dessus que roule notre discussion de l’article des neuf.

Nous sommes contre le fait d’attribuer aux camarades dirigeants de notre Parti des pensées qu’ils n’ont pas exprimées, et par là même de dénaturer cette question, de la mettre sous un jour faux, particulièrement devant les jeunes communistes. Nous ne voulons pas que l’on voile la nécessité de créer dans le Parti une situation qui permette de former des léninistes véritables et non des communistes dont Lénine disait à notre III° Congrès des J. C. :

" Si un communiste s’avisait de vanter le communisme avec les arguments qu’on lui a fournis tout préparés, sans effectuer lui-même un travail sérieux, considérable, sans chercher à comprendre les faits qu’il doit passer au crible de la critique, ce serait un triste communiste ".

Nous sommes pour l’unité, pour la direction réellement bolchéviste du Parti. Nous sommes loin de fermer les yeux sur les dangers qui menacent la jeunesse. Conscients au contraire de ces dangers, nous ne voulons pas que l’on voile la question du cours nouveau sous prétexte de défendre les droits historiques de la vieille garde du Parti contre des atteintes inexistantes.

Rapport de Léon Trotsky en 1923

Le bureaucratisme et la révolution

1. - Les conditions essentielles qui non seulement entravent la réalisation de l’idéal socialiste, mais encore sont parfois pour la révolution une source de pénibles épreuves et de graves dangers, sont suffisamment connues. Ce sont : a) les contradictions sociales intérieures de la révolution qui, sous le communisme de guerre, étaient automatiquement comprimées, mais qui, sous la nep, se déploient fatalement et cherchent à trouver une expression politique ; b) la menace contre-révolutionnaire que représentant pour la République soviétique les Etats impérialistes.

2. - Les contradictions sociales de la révolution sont ses contradictions de classe. Quelles sont les classes fondamentales de notre pays ? - a) le prolétariat, b) la paysannerie, c) la nouvelle bourgeoisie avec la couche d’intellectuels bourgeois qui la recouvre.

Au point de vue économique et politique, la première place revient au prolétariat organisé en Etat et à la paysannerie fournissant les produits agricoles qui prédominent dans notre économie. La nouvelle bourgeoisie joue principalement le rôle d’intermédiaire entre l’industrie soviétique et l’agriculture ainsi qu’entre les différentes parties de l’industrie soviétique et les différents domaines de l’économie rurale. Mais elle ne se borne pas à être un intermédiaire commercial ; partiellement, elle assume également le rôle d’organisateur de la production.

3. - Abstraction faite de la rapidité du développement de la révolution prolétarienne en Occident, la marche de notre révolution sera déterminée par la croissance comparative des trois éléments fondamentaux de notre économie : industrie soviétique, agriculture, et capital commercial et industriel privé.

4. - Les analogies historiques avec la grande Révolution française (chute des Jacobins) qu’établissent le libéralisme et le menchévisme et avec lesquelles ils se consolent sont superficielles et inconsistantes. La chute des Jacobins était prédéterminée par le manque de maturité des rapports sociaux : la gauche (artisans et marchands ruinés), privée de la possibilité de développement économique, ne pouvait être un appui ferme pour la révolution ; la droite (bourgeoisie) croissait fatalement ; enfin, l’Europe, économiquement et politiquement plus arriérée, empêchait la révolution de se déployer au-delà des limites de la France.

Sous tous ces rapports, notre situation est incomparablement plus favorable. Chez nous, le noyau en même temps que la gauche de la révolution sont le prolétariat, dont les tâches et objectifs coïncident entièrement avec la réalisation de l’idéal socialiste. Le prolétariat est politiquement si fort que permettant, dans certaines limites, la formation à ses côtés d’une nouvelle bourgeoisie, il fait participer la paysannerie au pouvoir étatique non pas par l’intermédiaire de la bourgeoisie et des partis petits-bourgeois, mais directement, barrant ainsi à la bourgeoisie l’accès à la vie politique. La situation économique et politique de l’Europe non seulement n’exclut pas, mais rend inévitable l’extension de la révolution sur son territoire.

Si donc, en France, la politique même la plus clairvoyante des Jacobins eût été impuissante à modifier radicalement le cours des événements, chez nous, où la situation est infiniment plus favorable, la justesse d’une ligne politique tracée selon les méthodes du marxisme sera pour un temps considérable un facteur décisif dans la sauvegarde de la révolution.

5. - Prenons l’hypothèse historique la plus défavorable pour nous. Le développement rapide du capital privé, s’il se produisait, signifierait que l’industrie et le commerce soviétiques, y compris la coopération, n’assurent pas la satisfaction des besoins de l’économie paysanne. En outre, il montrerait que le capital privé s’interpose de plus en plus entre l’Etat ouvrier et la paysannerie, acquiert une influence économique et, partant, politique sur cette dernière. Il va de soi qu’une telle rupture entre l’industrie soviétique et l’agriculture, entre le prolétariat et la paysannerie, constituerait un grave danger pour la révolution prolétarienne, un symptôme de la possibilité du triomphe de la contre-révolution.

6. - Quelles sont les voies politiques par lesquelles pourrait venir la victoire de la contre-révolution si les hypothèses économiques que nous venons d’exposer se réalisaient ? Il pourrait y en avoir plusieurs : le renversement du parti ouvrier, sa dégénérescence progressive, enfin une dégénérescence partielle accompagnée de scissions et de bouleversements contre-révolutionnaires.

La réalisation de l’une ou l’autre de ces éventualités dépendrait surtout de l’allure du développement économique. Au cas où le capital privé parviendrait peu à peu, lentement, à dominer le capital soviétique, l’appareil soviétique subirait vraisemblablement une dégénérescence bourgeoise avec les conséquences qu’elle comporterait pour le Parti. Si le capital privé croissait rapidement et arrivait à se mettre en contact, à se souder avec la paysannerie, les tendances contre-révolutionnaires actives dirigées contre le Parti prévaudraient alors probablement.

Si nous exposons crûment ces hypothèses, ce n’est pas évidemment parce que nous les considérons comme historiquement probables (leur probabilité au contraire est minime) mais parce que seule, une telle façon de poser la question permet une orientation historique juste et, partant, l’adoption de toutes les mesures préventives possibles. Notre supériorité, à nous marxistes, est de distinguer et de saisir les nouvelles tendances et les nouveaux dangers même lorsqu’ils ne sont encore qu’à l’état embryonnaire.

7. - La conclusion de ce que nous avons dit dans le domaine économique nous ramène au problème des " ciseaux ", c’est-à-dire à l’organisation rationnelle de l’industrie, à sa coordination avec le marché paysan. Perdre du temps en l’occurrence, c’est ralentir notre lutte contre le capital privé. C’est là qu’est la tâche principale, la clé essentielle du problème de la révolution et du socialisme.

8. - Si le danger contre-révolutionnaire surgit comme nous l’avons dit de certains rapports sociaux, cela ne veut nullement dire que par une politique rationnelle, on ne puisse parer à ce danger (même avec des conditions économiques défavorables pour la révolution), le diminuer, l’éloigner, l’ajourner. Or, un tel ajournement à son tour est susceptible de sauver la révolution en lui assurant, soit un revirement économique favorable à l’intérieur, soit le contact avec la révolution victorieuse en Europe.

Voilà pourquoi, sur la base de la politique économique indiquée plus haut, il nous faut une politique déterminée de l’Etat et du Parti (y compris une politique déterminée à l’intérieur du Parti), ayant pour but de contrecarrer l’accumulation et le renforcement des tendances dirigées contre la dictature de la classe ouvrière et alimentées par les difficultés et les insuccès du développement économique.

9. - L’hétérogénéité de la composition sociale de notre Parti reflète les contradictions objectives du développement de la révolution avec les tendances et dangers qui en découlent :

Les noyaux d’usine qui assurent la liaison du Parti avec la classe essentielle de la révolution représentent maintenant un sixième de l’effectif du Parti.

En dépit de tous leurs côtés négatifs, les cellules des institutions soviétiques assurent au Parti la direction de l’appareil étatique ; aussi leur importance est-elle considérable. Les anciens militants participent dans une forte proportion à la vie du Parti par l’intermédiaire de ces cellules.

Les cellules rurales donnent au Parti une certaine liaison (très faible encore) avec la campagne.

Les cellules militaires réalisent la liaison du Parti avec l’armée et, par cette dernière également, avec la campagne (surtout).

Enfin, dans les cellules des institutions d’enseignement, toutes ces tendances et influences se mêlent et s’entrecroisent.

10. - Par leur composition de classe, les cellules d’usine sont, il va de soi, fondamentales. Mais comme elles constituent un sixième seulement du Parti et que leurs éléments les plus actifs leur sont enlevés pour être affectés à l’appareil du Parti ou de l’Etat, le Parti ne peut encore, par malheur, s’appuyer uniquement ou même principalement sur elles.

Leur croissance sera l’indicateur le plus sûr des succès du Parti dans l’industrie, dans l’économie en général, et en même temps la meilleure garantie qu’il conservera son caractère prolétarien. Mais il n’est guère possible d’espérer leur accroissement rapide dans un avenir prochain [1] . Par suite, le Parti sera obligé dans la période prochaine d’assurer son équilibre intérieur et sa ligne révolutionnaire en s’appuyant sur des cellules à composition sociale hétérogène.

11. - Les tendances contre-révolutionnaires peuvent trouver un appui dans les koulaks [2] les intermédiaires, les revendeurs, les concessionnaires, en un mot dans des éléments beaucoup plus capables d’envelopper l’appareil étatique que le Parti lui-même. Seules, les cellules paysannes et militaires pourraient être menacées d’une influence plus directe et même d’une pénétration de la part des koulaks.

Néanmoins, la différenciation de la paysannerie représente un facteur susceptible de contrecarrer cette influence. L’inadmission des koulaks dans l’armée (y compris les divisions territoriales) doit non seulement rester une règle intangible, mais encore devenir une mesure importante d’éducation politique de la jeunesse rurale, des unités militaires et particulièrement des cellules militaires.

Les ouvriers assureront leur rôle dirigeant dans les cellules militaires en opposant politiquement les masses rurales laborieuses de l’armée à la couche renaissante des koulaks. Dans les cellules rurales également, cette opposition devra être mise en lumière. Le succès du travail dépendra évidemment, en fin de compte, de la mesure où l’industrie étatique réussira à satisfaire les besoins de la campagne.

Mais quelle que soit la rapidité de nos succès économiques, notre ligne politique fondamentale dans les cellules militaires doit être dirigée non pas simplement contre la nouvelle bourgeoisie, mais avant tout contre la couche des koulaks, seul appui sérieux et possible de toutes les tentatives contre-révolutionnaires. Sous ce rapport, il nous faut une analyse plus minutieuse des différentes parties consécutives de l’armée au point de vue de leur composition sociale.

12. - Il est indubitable que par l’intermédiaire des cellules rurales et militaires s’infiltrent et s’infiltreront dans le Parti des tendances reflétant plus ou moins la campagne avec les traits spéciaux qui la distinguent de la ville. S’il n’en était pas ainsi, les cellules rurales n’auraient aucune valeur pour le Parti.

Les modifications de l’état d’esprit qui se manifestent dans ces cellules sont pour le Parti un rappel ou un avertissement. La possibilité de diriger ces cellules selon la ligne du Parti dépend de la justesse de la direction générale du Parti ainsi que de son régime intérieur et, en fin de compte, de nos succès dans la solution du problème décisif.

13. - L’appareil étatique est la source la plus importante du bureaucratisme. D’une part, il absorbe une quantité énorme des éléments les plus actifs du Parti et apprend aux plus capables d’entre eux les méthodes d’administration des hommes et des choses, et non la direction politique des masses. D’autre part, il accapare dans une large mesure l’attention de l’appareil du Parti sur lequel il influe par ses méthodes d’administration.

De là, dans une large mesure, la bureaucratisation de l’appareil, laquelle menace de détacher le Parti des masses. C’est ce danger précisément qui est maintenant le plus évident, le plus direct. La lutte contre les autres dangers doit, dans les conditions actuelles, commencer par la lutte contre le bureaucratisme.

14. - Il est indigne d’un marxiste de considérer que le bureaucratisme n’est que l’ensemble des mauvaises habitudes des employés de bureau. Le bureaucratisme est un phénomène social en tant que système déterminé d’administration des hommes et des choses. Il a pour causes profondes l’hétérogénéité de la société, la différence des intérêts journaliers et fondamentaux des différents groupes de la population. Le bureaucratisme se complique du fait du manque de culture des larges masses. Chez nous, la source essentielle du bureaucratisme réside dans la nécessité de créer et de soutenir un appareil étatique alliant les intérêts du prolétariat et ceux de la paysannerie dans une harmonie économique parfaite, dont nous sommes encore très loin. La nécessité d’entretenir une armée permanente est également une autre source importante de bureaucratisme.

Il est évident que les phénomènes sociaux négatifs que nous venons d’énumérer et qui alimentent maintenant le bureaucratisme pourraient, s’ils continuaient à se développer, mettre la révolution en danger. Nous avons mentionné plus haut cette hypothèse : le désaccord croissant entre l’économie soviétique et l’économie paysanne, le renforcement des koulaks dans les campagnes, leur alliance avec le capital commercial et industriel privé, telles seraient, étant donné le niveau culturel des masses laborieuses de la campagne et en partie de la ville, les causes des dangers contre-révolutionnaires éventuels.

En d’autres termes, le bureaucratisme dans l’appareil étatique et dans le Parti est l’expression des tendances les plus fâcheuses inhérentes à notre situation, des défauts et des déviations de notre travail qui, dans certaines conditions sociales, peuvent saper les bases de la révolution. Et, en l’occurrence, comme en beaucoup d’autres cas, la quantité, à un stade déterminé, se transformera en qualité.

15. - La lutte contre le bureaucratisme de l’appareil étatique est une tâche exceptionnellement importante, mais exigeant beaucoup de temps et plus ou moins parallèle à nos autres tâches fondamentales : reconstruction économique et élévation du niveau culturel des masses.

L’instrument historique le plus important pour l’accomplissement de toutes ces tâches est le Parti. Évidemment, le Parti ne peut s’arracher aux conditions sociales et culturelles du pays. Mais, organisation volontaire de l’avant-garde, des éléments les meilleurs, les plus actifs, les plus conscients de la classe ouvrière, il peut beaucoup plus que l’appareil étatique se préserver contre les tendances du bureaucratisme. Pour cela, il doit voir clairement le danger et le combattre sans relâche.

De là, l’importance immense de l’éducation de la jeunesse du Parti, basée sur l’initiative personnelle, afin d’arriver à modifier le fonctionnement de l’appareil étatique et à le transformer.

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