vendredi 10 mai 2019, par
édito
C’est au Soudan que les femmes ont fait sonner le tocsin de l’exploitation et de l’oppression en se mettant en tête de l’insurrection. Ce n’est pas seulement une femme en blanc qui a été l’égérie du mouvement, comme les média occidentaux l’ont rapporté, c’est un nombre considérable de femmes qui sont entrées en éruption volcanique, changeant la révolte en révolution, des manifestations d’opposants en mouvement de fond, posant la question sociale et politique et remettant en question le pouvoir des classes dirigeantes ! Et ce n’est pas seulement quelques journées de luttes, c’est un mouvement permanent.
Et le Soudan n’est pas seul. L’Algérie a connu la même chose. Les printemps arabes ont été la même chose. En Afrique, on constate la même chose. Et on a aussi constaté le rôle primordial des femmes en France, au sein du mouvement des Gilets jaunes. En Asie, où les femmes sont particulièrement opprimées, on constate aussi de mouvements de masse des femmes, par exemple dans les luttes en Inde et dans les grèves en Chine. On a même vu des mouvements de masse de femmes contre les intégristes bouddhistes.
Oui, avec la chute de la confiance dans l’avenir du monde capitaliste, un bouleversement considérable est en train de se produire sous nos yeux : les femmes n’acceptent plus, ne se soumettent plus, ne plient plus l’échine, n’acceptent plus leur sort avec fatalisme. Non seulement, elles se battent pour changer le sort des femmes, mais elles prennent la tête des luttes contre les dictatures, contre les classes possédantes, elles se portent en tête des exploités et des opprimés et transforment ainsi le caractère de ces luttes.
Oui, cette irruption des femmes sur la scène politique, sur la scène insurrectionnelle, c’est un signe que nous sommes bel et bien entrés dans une nouvelle ère de révolutions, que le vieil ordre branle fondamentalement sur ses bases. Il ne s’agit pas juste de quelques révoltes explicables seulement par des circonstances politiques et sociales particulières, des situations nationales particulièrement aigües. Non, c’est un mouvement mondial, c’est le signe d’une situation historique nouvelle.
Déjà, dans le passé, l’irruption des femmes sur la scène politique et insurrectionnelle, leur rôle de fer de lance des révoltes, avait toujours représenté le signe d’une remise en cause profonde et historique de l’ordre social dans des phases révolutionnaires qui concernaient le monde entier. Les femmes étaient toujours en tête des révolutions, de la révolution française à la Commune de Paris, de la révolution russe à la révolution espagnole, pour ne citer que les plus événements remarquables. Et tous ces événements avaient une portée mondiale, allaient marquer toute l’histoire qui avait suivi. Ce n’étaient pas de simples jacqueries, des révoltes sans lendemain. C’étaient au contraire des événements porteurs d’avenir, indiquant le sens du changement mondial.
Et, si c’est à nouveau le cas aujourd’hui, ce n’est nullement un effet du hasard. Tout d’abord, il y a le fait que le système capitaliste, s’il domine sans conteste la totalité du monde, n’a pas été capable de se sortir de la dernière crise économique mondiale en 2007-2008 et a dû se contenter de se maintenir en place à la force des poignets, en ne vivant plus que de subterfuges, par des aides sur fonds publics, par des procédés de prestidigitation qui ne pourront pas durer éternellement. Ensuite, il y a le fait que les classes possédantes ont cherché à faire payer le prix de leur crise aux populations, non seulement aux exploités mais aussi aux classes moyennes dont une partie a été paupérisée, y compris dans les pays riches où elles étaient un pilier indispensable de l’ordre social. Et, bien entendu, les travailleurs ont été eux aussi durement frappés. Mais ce qui a changé, c’est que les classes possédantes, y compris celles des pays riches, se sont montrées intraitables face aux mouvements syndicaux, rompant avec les traditionnelles politiques de négociations, de réunions des « partenaires sociaux », avec les accords, même avec les « constats partagés », avec tous les petits rôles que ces classes possédantes laissaient aux bureaucraties syndicales. Les appareils réformistes ont, d’une manière générale, perdu une grande partie de leur crédit dans les mileux populaires, les partis politiciens de gauche en tête. Et tous les moyens légaux et réformistes ont été discrédités en même temps.
Et tout cela s’est produit avec une attaque d’ampleur de tous les acquis sociaux, des aides sociales, des services publics, des emplois, des salaires, des conditions de travail, du chômage, etc. Dans cette attaque, qui s’est déroulée y compris dans les pays riches, les premières frappées ont été les femmes.
Et elles n’ont pas seulement été victimes de l’effondrement social général, elles ont été également ciblées comme femmes par une hausse considérable des agressions, qu’elles soient majeures ou mineures, qu’elles soient dans des pays pauvres ou dans des pays riches. Les classes possédantes n’ont pas hésité à accroitre l’oppression des femmes tout en faisant une propagande étatique active et hypocrite en faveur de l’amélioration du sort des femmes !
Les femmes ont été persuadées que, désormais, si elles ne menaient pas l’action directe, leurs enfants seraient plus malheureux, plus pauvres, plus exploitées qu’elles et cela les a convaincues de franchir le pas, de prendre tous les risques et d’affronter directement tous leurs ennemis.
Le nombre de femmes violées, de femmes frappées, de femmes tuées, de femmes esclavagisées, de femmes torturées, de femmes soumises sexuellement, dans le monde comme pays par pays, n’a cessé de croitre. Mais ce qui a changé, c’est que les femmes se sont révoltées et qu’elles ont reçu un soutien marqué d’une partie des hommes. Et ce d’autant plus qu’il n’y a pas eu un isolement du mouvement des femmes, se séparant de la lutte des exploités et des opprimés. Non, au contraire, les femmes ont participé à toutes les luttes, y portant leurs aspirations et leurs revendications, exigeant leur place, marquant de leurs décisions et propositions tous les combats populaires.
Et le mouvement des femmes, comme le mouvement des exploités et opprimés, n’est plus passé sous la domination des réformistes. Les femmes ont cessé de négocier, de céder aux forces de l’ordre, d’accepter des pseudo-changements, de pactiser avec les classes possédantes, de soutenir l’ordre établi, de respecter les religieux, de respecter les institutions, d’attendre le changement de gentilles réformes, de lois, de la bonne volonté des classes dirigeantes. Elles ont cessé d’attendre le changement des élections, des lois, des forces de l’ordre, de la justice, des gouvernants, des politiciens. Elles ont cessé de croire que leur participation à l’ordre social, leur protestation avec acceptation des règles et des traditions, suffirait à les libérer.
Les femmes ont agi en masse et de manière insurrectionnelle ! Elles ont directement mis en cause les classes possédantes ! Elles n’ont pas craint de se porter en tête des exploités et opprimés ! Voilà ce qui montre que le monde est en train de changer, qu’il ne peut que changer !
Bien sûr, les classes possédantes sont encore partout au pouvoir, elles disposent toujours d’un immense pouvoir de nuisance, elles mobilisent partout des forces contre-révolutionnaires, contre les femmes, contre les exploités et les opprimés, pour les diviser, pour les opposer, pour les dresser les uns contre les autres, par le racisme, par le fascisme, par la guerre, par la dictature…
Mais l’Histoire s’est à nouveau remise en marche et l’avenir de l’humanité est de nouveau entre les mains des prolétaires et des femmes, de tous les opprimés. Ils sont une force considérable pour peu qu’ils ne retombent pas dans les travers qui les ont piégés dans les luttes passées, qu’ils ne se laissent pas attendrir par les réformistes et les opportunistes, qu’ils ne se contentent pas de revendiquer, de se révolter, qu’ils mettent en place leur propre démocratie, celle de la lutte et que cette démocratie insurrectionnelle devienne la base de construction d’une nouvelle société.
Femmes, exploités, opprimés, révoltés, travailleurs et chômeurs, nationaux et étrangers, jeunes et vieux, en avant pour changer le monde et l’avenir est à nous !