vendredi 22 septembre 2017, par
Les gouvernants s’en donnent à cœur joie, du chef d’Etat américain, qui traite les manifestants de bandits ou qui menace de raser tout un pays sous prétexte que l’Amérique serait menacée, au chef d’Etat français, qui traite les salariés, ainsi que tous ceux qui protestent dans la rue, de fainéants et les sinistrés de Saint Martin de pillards, en passant par tous ceux d’Egypte et de Turquie, sans parler du Togo ou du Mali, qui les traitent de terroristes, c’est à se demander si les exploiteurs ne cherchent pas allumer le feu de la lutte des classes ! Certains faisaient remarquer que les gouvernants avaient effectivement de nombreux propos violents, grossiers et provocateurs, annonçant haut et fort des attaques antisociales, désignant du doigt les travailleurs comme des profiteurs du système et autres déclarations incendiaires.
Non, les gouvernants ne veulent pas faire monter la température de la lutte des classes et ils se donnent les moyens répressifs, comme jamais, de la casser. Ils continuent à se donner les moyens politiciens et syndicaux de calmer la lutte des classes. Ils se donnent plus que jamais les moyens politiques et sociaux, racistes, ethnistes, xénophobes, fascistes, terroristes, guerriers de la détourner.
Ce que les exploiteurs du monde veulent surtout casser, c’est le moral des salariés et des peuples, des jeunes, des femmes, des chômeurs, des milieux populaires, et leur laisser penser qu’ils ne seraient pas une force, que les patrons et les Etats auraient les moyens de les attaquer comme jamais. Ils veulent que les travailleurs ne se voient surtout pas comme une classe d’avenir, capable d’offrir une alternative au capitalisme ayant atteint ses limites et seulement capable de chuter, dès que les Etats et les banques centrales cesseront de le maintenir sous perfusion.
En prenant les devants d’une crise sociale, en provoquant les salariés, les gouvernants et les patrons provoquent des réactions et se donnent les moyens de les réprimer. Cela leur permet de pousser en avant les plus radicaux des travailleurs, de les isoler de leurs camarades de travail, éventuellement de les harceler, de les mettre en opposition avec leurs camarades de travail, de les stresser, de les démoraliser ou de les licencier. En affirmant que les patrons devaient mener dans l’entreprise la lutte contre les « éléments radicalisés », ils n’entendaient pas là des travailleurs gagnés par l’intégrisme religieux mais des travailleurs « radicaux », qui ne se laissent pas faire… Il s’agit de les détecter, de les attaquer personnellement pour les placer sur la défensive, et faire en sorte que les autres salariés s’en éloignent par crainte des ennuis.
Les classes possédantes, grâce à l’intervention violente des gouvernants, en paroles comme en actes, se font passer pour des classes offensives, socialement et politiquement, alors qu’elles sont sur la défensive et dans la crainte de l’avenir, font croire aux exploités que ce seraient eux qui craindraient l’effondrement général alors que ce sont les possédants, laissent entendre que les exploiteurs pourraient fort bien se passer des exploités alors que c’est l’inverse, jouent les fiers à bras capables d’intervenir violemment quand cela leur chantera, que ce soit pas la répression, par le fascisme, par la guerre, par l’occupation militaire d’un pays sous prétexte d’antiterrorisme, et de mille autres manières.
Mais, en réalité, les classes dirigeantes n’ont pas cessé de mouiller leur froc depuis 2007 et ce n’est pas les méthodes musclées ou démagogiques des gouvernants qui vont régler le problème car celui-ci touche aux fondements mêmes du capitalisme, la recherche par les possesseurs de capitaux du profit maximum immédiat, quitte à handicaper l’avenir d’une entreprise, d’une banque, d’un pays ou du système lui-même. Mais, direz-vous, cette fuite en avant de la course au profit est inhérente au capitalisme depuis ses débuts et, s’il a mené périodiquement à des crises économiques, parfois violentes et menaçantes menant même à des faillites en chaîne, à des krach financiers et économiques, à des guerres mondiales destructrices ou à des révolutions prolétariennes, le système, lui, s’en est toujours tiré. Cela a été vrai tant que le moteur du système a continué de fonctionner de lui-même, indépendamment des interventions étatiques et ce moteur, c’est l’investissement des capitaux dans la production, l’exploitation du travail humain étant la seule source réelle de plus-value et permettant ensuite la distribution de profits aux capitaux investis aussi dans le commerce, dans le transport, dans la publicité et autres, ainsi que dans le prêt d’argent, dans la spéculation, etc.
Aujourd’hui, ce qui caractérise la situation, c’est que les capitalistes ne veulent plus investir dans la production mais veulent seulement spéculer. Il faut une masse de plus en plus considérable d’aides publiques pour inciter les capitalistes à investir une petite part de leurs capitaux dans autre chose que de la spéculation. C’est vrai des trusts, des banques, des assurances, de tous les possesseurs privés de capitaux. Cela provient du fait que la masse des capitaux dans le monde a atteint un seuil dangereux, un tel niveau que la fraction de ces capitaux qui peut s’investir de manière rentable dans la production est de plus en plus réduite et que, du coup, l’attraction des spéculations, y compris celles qui sont douteuses ou ouvertement pourries, est de plus en plus considérable. La base même de la stabilité du système est attaquée, non par l’intervention consciente communiste du prolétariat mais par l’intervention désordonnée, involontaire, mais destructrice des capitalistes eux-mêmes qui, tous les jours, agissent dans un sens nécrophile pour le système entier.
Ainsi, rien n’a pu être fait pour détourner les banquiers des spéculations douteuses qui minent les banques, car ces spéculations sont les seules à offrir aussi des potentialités de profits aussi considérables. Les actifs des grandes banques sont de plus en plus nocifs et, depuis la crise de 2007-2008, rien n’a pu être fait pour l’empêcher. Or les grandes banques et les trusts sont tellement riches qu’il suffirait désormais qu’un d’entre eux soit en faillite pour entrainer tous les autres et le système tout entier. C’est ce que l’on a appelé, depuis 2007, un risque systémique.
Cela n’avait jamais existé, au cours de toute l’histoire du capitalisme, car jamais les Etats et les banques centrales n’avaient cherché à empêcher toutes les faillites des gros capitalistes. C’est en 2008 qu’une telle politique a été mise en place pour la première fois et elle l’est toujours depuis, soit presque dix ans plus tard. Depuis la banque Lehman Brothers, on n’a plus laissé un grand établissement faire faillite. On l’a vu aux USA, en Europe, comme en Chine ou en Russie. Tous les Etats sont d’accord : si on laisse un grand capitaliste faire faillite, c’est tout le système qui va s’emballer, s’affoler et chuter.
Dans ces conditions, il est clair que ce sont les exploiteurs qui sont sur la sellette, c’est leurs système qui est historiquement dépassé, et leur seul avenir est d’attendre, la peur au ventre, le prochain krach, en étant persuadés qu’ils n’auront pas, cette fois, les moyens dans les caisses publiques de sauver les capitalistes.
C’est pour cela que la tâche de l’heure des gouvernants est de semer dans l’opinion ouvrière les germes de la division, des haines raciales, des haines ethniques, des haines religieuses et aussi d’y semer la démoralisation face à la dégradation des conditions économiques, sociales et politiques, c’est-à-dire de démontrer tous les jours par mille moyens que, nous prolétaires, n’aurions pas les moyens d’agir, de nous organiser, de discuter entre nous, d’envisager la nouvelle situation du capitalisme et de l’humanité, de décider des buts et des moyens, que nous n’aurions ni les moyens ni la force d’agir dans un monde capitaliste qui est au bord du gouffre.
C’est pourquoi les gouvernants ne se contentent pas de mener des attaques, de casser le code du travail, de donner des droits nouveaux de licencier aux patrons, de supprimer les droits des salariés, de casser les conditions de travail, il leur faut en même temps insulter, provoquer les travailleurs, clamer que les travailleurs seraient des fainéants, des retardataires, des inréformables, des profiteurs de la rente, des suceurs de fonds publics, des sans-dents, des bandits, des voyous, des adversaires de la démocratie, des radicalisés pour ne pas dire des terroristes, et on en passe des noms d’oiseaux…
Ce n’est pas la crise politique, ce n’est pas la crise de confiance dans les partis, ce n’est pas la crise du syndicalisme qui les pousse à agir ainsi mais c’est la crise historique, et insoluble, du capitalisme.
Certes, les premiers effets de la crise de 2007-2008 ont pu être canalisés plus ou moins bien : les révolutions des printemps arabes, du Maghreb, d’Afrique, des pays de l’Est, d’Europe de l’Ouest, des USA ou de l’Amérique du sud n’ont pas pris un caractère incontrôlable. Les travailleurs ont seulement menacé le pouvoir bourgeois mais n’ont jamais cassé l’appareil d’Etat, désarmé le pouvoir répressif, son armée, sa police, son administration. Ils n’ont nulle part mis en place des comités ou des conseils de salariés, nouveau pouvoir s’opposant plus ou moins consciemment au pouvoir bourgeois. Mais la menace a existé : les travailleurs ont marqué les printemps révolutionnaires, que ce soit en Egypte, en Tunisie, au Brésil, au Kosovo ou en Roumanie.
Les classes dirigeantes savent très bien que la première chose qui a limité les révolutions sociales dans le monde, c’est le fait que les Etats ont mis des moyens financiers gigantesques, au-delà même des capitaux qu’ils possédaient vraiment, pour empêcher la chute. Ils savent que, sans leur intervention massive sur capitaux publics, aucun trust, aucune banque, aucun capitalisme n’aurait subsisté dans le monde et que les peuples travailleurs seraient alors sur le chemin de la lutte de classe révolutionnaire pour en finir avec le système d’exploitation devenu incapable de leur donner du travail, de leur donner un salaire, d’assurer santé, sécurité, éducation, juste capable de mener le monde au fascisme et à la barbarie guerrière mondiale.
C’est en anticipant des luttes révolutionnaires des travailleurs que les capitalistes et leurs gouvernants s’attaquent aux travailleurs, cherchent à les désorganiser, à les démoraliser, à les détourner de la lutte des classes, à les convaincre qu’ils ne seraient plus la classe révolutionnaire prête à offrir une autre voie que celle de l’exploitation et de toutes les oppressions qui en découlent.
Si le pouvoir capitaliste mondial a momentanément « sauvé » le système d’un effondrement généralisé, la manière dont il a procédé ne peut être une solution durable, ni aux causes qui ont engendré l’effondrement – on ne soigne pas un excès de capitaux en déversant des tonnes de capitaux fictifs supplémentaires -, les classes possédantes savent parfaitement que les dettes publiques et privées n’ont jamais été à un niveau aussi élevé, rendant toutes les spéculations plus rentables que jamais et rendant l’investissement productif moins attractif que jamais ; elles savent donc que leur temps a sonné, que les profits fabuleux qu’elles engrangent ne sont pas un signe de bonne santé du système mais son chant du cygne.
Aux prolétaires, plus que jamais la seule classe révolutionnaire de notre époque, de prendre conscience de leur rôle politique irremplaçable, en se débarrassant de leurs faux amis réformistes, opportunistes, démagogues, politiciens comme dirigeants syndicaux, de mettre en place leurs propres organisations de classe, leurs comités, leurs conseils, en les fédérant, en les liant au-delà de toutes les divisions qu’on a voulu créer pour nous affaiblir.
Les travailleurs ne se feront respecter et craindre que lorsqu’ils se décideront à s’organiser massivement par eux-mêmes. Une classe exploitée qui restera inorganisée sera méprisée et piétinée. Une classe exploitée organisée de manière indépendante pourra clamer à nouveau à la face du monde, comme les bras nus et les sans culotte de 1789, comme le prolétariat russe en 1917 : « nous ne sommes rien, soyons tout ! » On verra alors si les possédants joueront à nous insulter et à nous provoquer !!!