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Poésies sur la Commune de Paris (1871)

jeudi 24 août 2017, par Robert Paris

Karl Marx : "Les principes de la Commune sont éternels et ne peuvent être détruits. Ils resurgiront toujours de nouveau jusqu’à ce que la classe ouvrière soit émancipée."

« Rouge était le soleil levant… »

Louise Michel

« Quand Paris ferme ses paupières, chaque nuit, dans l’enclos obscur, des râles s’échappent des pierres du mur. »

Jules Jouy

« …Quand tes pieds ont dansé si fort dans les colères,

Paris ! Quand tu reçus tant de coups de couteau,

Quand tu gis, retenant dans tes prunelles claires

Un peu de la bonté du fauve renouveau…

Artur Rimbaud

Poésies sur la Commune de Paris (1871)

Le 26 mars

Quelle journée !

Ce soleil tiède et clair qui dore la gueule des canons, cette odeur de bouquets, le frisson des drapeaux ! le murmure de cette Révolution qui passa tranquille et belle comme une rivière bleue, ces tressaillements, ces lueurs, ces fanfares de cuivre, ces reflets de bronze, ces flambées d’espoirs, ce parfum d’honneur, il y a là de quoi griser d’orgueil et de joie l’armée victorieuse des Républicains !

O grand Paris !...

Jules Vallès

Vengeance

Qu’est-ce pour nous, mon cœur, que les nappes de sang

Et de braise, et mille meurtres, et les longs cris

De rage, sanglots de tout enfer renversant

Tout ordre ; et l’Aquilon encore sur les débris

Et de toute vengeance ? Rien !... Mais si, toute encor,

Nous la voulons ! Industriels, princes, sénats,

Périssez ! Puissance, Justice, histoire, à bas !

Ça nous est dû, le sang ! le sang ! la flamme d’or !

Tout à la guerre, à la vengeance, à la terreur !

Arthur Rimbaud

Hymne à la Commune

Salut Commune ! Tu clamais :

« Ne coulez plus, larmes amères !

« Debout ! Faisons sur les sommets

« Rayonner les saintes chimères ! »

Tu rêvais, ô toi qu’on proscrit,

Le mal mort, la haine bridée,

Dans l’humanité fécondée

Par tous les mâles de l’Esprit.

Salut, glaneuse de l’Idée !

Salut Commune ! O jours maudits !

Contre toi, contre tes apôtres,

Se dressèrent tous les bandits

Qui mangent le pain blanc des autres.

Lorsqu’ils t’eurent collée au mur,

Foutriquet éclata de rire :

On tira sur toi comme on tire

Sur les moineaux, dans le blé mûr.

Salut, glorieuse martyre !

Salut, Commune ! Le ciel bleu

Riait aux flots baisant la rive.

Tu respirais encore un peu :

On t’enverra dans la chaux vive !

L’herbe refleurit sur les talus ;

L’effroi dispersa ton escorte ;

Et quand le vent battit ta porte,

Personne ne répondit plus.

Salut, toi qui pour nous es morte !

Mais non, tu n’es pas morte, non !

Pour déraciner le vieux monde,

Nous n’avons qu’à jeter ton nom

A l’énorme foule qui gronde.

Buvez, chantez, faites l’amour :

Le gouffre a faim, la planche glisse.

Il faut que le sort s’accomplisse !

Il faut que le peuple ait son tour !

Salut, Demain ! Salut, Justice !

Clovis Hugue

Le forgeron

Pour les grands temps nouveaux où l’on voudra savoir,

Où l’homme forgera du matin jusqu’au soir,

Chasseur des grands effets, chasseur des grandes causes,

Où, lentement vainqueur, il domptera les choses

Et montera sur Tout, comme sur un cheval !

Quand irons-nous par-delà les grèves et les monts

Saluer la naissance du travail nouveau, la sagesse nouvelle,

La fuite des tyrans et des démons, la fin de la superstition…

Arthur Rimbaud

Un cri

Quand finira caci ? Quoi ! ne sentent-ils pas

Que ce grand pays croule à chacun de leurs pas !

Châtier qui ? Paris ? Paris veut être libre.

Ici le monde, et là Paris ; c’est l’équilibre.

Et Paris est l’abîme qui couve l’avenir…

Victor Hugo

Les œillets rouges

Dans ces temps-là, les nuits, on s’assemblait dans l’ombre,

Indignés, secouant le joug sinistre et noir

De l’homme de Décembre, et l’on frissonnait, sombre.

Comme la bête à l’abattoir.

L’Empire s’achevait. Il tuait à son aise,

Dans son antre où le seuil avait l’odeur du sang.

Il régnait, mais dans l’air soufflait la Marseillaise.

Rouge était le soleil levant.

Il arrivait souvent qu’un effluve bardique,

Nous enveloppant tous, faisait vibrer nos cœurs.

A celui qui chantait le recueil héroïque,

Parfois on a jeté des fleurs.

Des ces rouges œillets que, pour nous reconnaître,

Avait chacun de nous, renaissez, rouges fleurs.

D’autres vous répandront aux temps qui vont paraître,

Et ceux-là seront les vainqueurs.

Louise Michel, 4 octobre 1871, dans sa prison de Versailles

A qui la faute ?

Sur une barricade, au milieu des pavés

Souillés d’un sang coupable et d’un sang pur lavés,

Un enfant de douze ans est pris avec des hommes,

 Es-tu de ceux-là, toi ? – L’enfant dit : Nous en sommes.

 C’est bon, dit l’officier, on va te fusiller.

Attend ton tour. – L’enfant voit des éclairs briller,

Et tous ses compagnons tomber sous la muraille.

Victor Hugo

La semaine sanglante

Sauf des mouchards et des gendarmes,

On ne voit plus par les chemins

Que des vieillards tristes en larmes,

Des veuves et des orphelins.

Paris suinte la misère,

Les heureux mêmes sont tremblants,

La mode est au conseil de guerre

Et les pavés sont tout sanglants.

Oui mais…

Ça branle dans le manche.

Ces mauvais jours-là finiront.

Et gare à la revanche

Quand tous les pauvres s’y mettront !

Les journaux de l’ex-préfecture,

Les flibustiers, les gens tarés,

Les parvenus par aventure,

Les complaisants, les décorés,

Gens de bourse et de coin de rues,

Amants de filles aux rebuts,

Grouillent comme un tas de verrues

Sur les cadavres des vaincus.

On traque, on enchaîne, on fusille

Tout ce qu’on ramasse au hasard :

La mère à côté de sa fille,

L’enfant dans les bras du vieillard.

Les châtiments du drapeau rouge

Sont remplacés par la terreur

De tous les chenapans de bouge,

Valets de rois et d’empereur….

Le peuple au collier de misère

Sera-t-il donc toujours rivé ?

Jusques à quand les gens de guerre

Tiendront-ils le haut du pavé ?

Jusques à quand la sainte clique

Nous croira-t-elle un vil bétail ?

A quand enfin la République

De la justice et du travail ?

Oui mais…

Ça branle dans le manche

Ces mauvais jours-là finiront.

Et gare à la revanche

Quand tous les pauvres s’y mettront !

Jean-Baptiste Clément

Jeanne

Jeanne faisait la soupe ;

Mon fils était sur mes genoux,

Quand, tout à coup, la troupe

Parut chez nous.

Je fus pris après la bataille ;

Vaincu, j’étais rentré blessé ;

J’avais à la face une entaille

Et le poignet droit fracassé.

Ma femme maudissait la guerre :

Elle avait mille fois raison ;

Mais elle ne se doutait guère

Qu’on me prendrait à la maison.

Ma femme, aussitôt, tomba morte,

Par les soldats frappée au flanc.

Ils avaient brisé notre porte ;

Plus d’un était ivre et sanglant.

Jeanne, sur eux, s’était ruée,

Voulant les repousser dehors,

Les misérables l’ont tuée…

Ils ont piétiné son corps…

J’avais lutté pour une idée

Contre les monstres au pouvoir

Dont l’armée était commandée

Par des brigands hideux à voir.

Quand sonna l’heure meurtrière,

J’étais un simple citoyen,

Ma Jeanne était une ouvrière ;

Et tous deux nous nous aimions bien…

Eugène Chatelain

Anniversaire du 18 mars 1871

Si noire soit notre misère,

Les camarades unissons

Nos cœurs, nos verres, nos chansons :

Fêtons le grand anniversaire !

Jour du peuple ! – en masse levé,

Il échappait à l’embuscade.

Le sol en frémit, le pavé

Se souvient qu’il fut barricade.

Revivons ce cher souvenir !

L’histoire n’a rien d’analogue,

Et du demain qu’on voit venir

Le dix-huit mars est le prologue.

Si noire soit notre misère, etc.

Ils rugissaient, les fédérés,

Sous un état-major de traîtres ;

Les trente sous, exaspérés,

De leurs canons se rendent maîtres.

Alors le pouvoir lâche et fou,

S’évade dans la nuit profonde ;

Paris, la bride au cou

Sent qu’au monde il va mettre un monde

Si noire soit notre misère, etc.

Ce fut le jour des inconnus,

Peuple, sortis de tels entrailles,

Dictateurs en blouse, aux bras nus,

Leurs noms étonnent nos murailles,

Et, dans un style magistral,

C’est un groupe de prolétaires,

Le grave Comité central,

Qui tient tête aux parlementaires.

Si noire soit notre misère, etc.

L’hôtel de ville triomphant

Voit s’entasser la foule brune,

Paris, joyeux comme un enfant,

Y vient proclamer la Commune.

Le canon tonne ce réveil,

Cet échec à la bourgeoisie ;

Et l’on voit grouiller au soleil

L’ensemble plein de poésie.

Si noire soit notre misère, etc.

Ce fut un matin radieux,

Germinal où tout être bouge,

Les peuples entr’ouvrent les yeux

A la splendeur du drapeau rouge.

Il frange d’or l’humble haillon,

L’horizon bleu s’en illumine,

Il s’en filtre même un rayon

Dans le noir enfer de la mine.

Si noire soit notre misère,

Les camarades, unissons

Nos cœurs, nos verres, nos chansons :

Fêtons le grand anniversaire !

Eugène Pottier

Le procès de la révolution

Lorsque vous traduisez, juges, à votre barre

La Révolution, qui fut dure et barbare

Et féroce à ce point de chasser les hiboux ;

Qui, sans respect, fakirs, derviches, marabouts,

Molesta tous les gens d’église, et mit en fuite,

Rien qu’en les regardant, le prêtre et le jésuite,

La colère vous prend…

Et vous, le tribunal, vous êtes indignés…

Victor Hugo

Les incendiaires

Paris flambe, à travers la nuit farouche et noire ;

Le ciel est plein de sang, on brûle de l’histoire,

Théâtres et couvents, hôtels, châteaux, palais,

Qui virent les Fleurys après les Triboulets,

Se débattent parmi les tourbillons de flammes

Qui flottent sur Paris comme les oriflammes

D’un peuple qui se venge au moment de mourir…

L’incendie est partout, immense, triomphant ;

Il danse sur le toît, il rampe dans la cave ;

Le plomb en nappes coule ainsi que la lave

Et sur les pavés noirs s’étale en flots d’argent,

Puis tout à coup un feu gigantesque, émergeant

Du milieu de la ville effrayante, domine

La grandiose horreur du canon, de la mine,

Eclatant en faisant sauter tout un quartier,

Et du mur qui chancelleet s’abat tout entier

Avec le grondement prolongé du tonnerre,

Les voix, les pleurs, le bruit des pas, les cris de guerre,

La grande âme de la cité qui fut Paris…

Paris est mort !... Et sa conscience abîmée,

Et bien ! quand l’incendie horrible triomphait,

Une voix dans mon cœur criait : ils ont bien fait !

Eugène Vermersch

Des morts

C’étaient des jeunes gens francs qui riaient au nez

De tout intrigant comme au nez de tout despote,

Et de tout compromis désillusionnés.

Ils ne redoutaient pas pour la France la botte

Et l’éperon d’un Czar absolu, beaucoup plus

Que la molette d’un monarque en redingote.

Ils voulaient le devoir et le droit absolus,

Ils voulaient « la cavale indomptée et rebelle »,

Le soleil sans couchant, l’océan sans reflux.

La République, ils la voulaient terrible et belle,

Rouge et non tricolore, et devenaient très froids

Quant à la liberté constitutionnelle….

Ils étaient peu nombreux, tout au plus deux ou trois

Centaines d’écolier, ayant maîtresse et mère,

Faits hommes par la haine et le dégoût des Rois.

Ils savaient qu’ils allaient mourir pour leur chimère,

Et n’avaient pas d’espoir de vaincre, c’est pourquoi

Un orgueil douloureux crispait leur lèvre amère…

Ils gisent, vos vengeurs, à Montmarte, à Clamart,

Ou sont devenus fous au soleil de Cayenne,

Ou vivent affamés et pauvres, à l’écart….

Paul Verlaine

L’enterrement

Ce jour-là tout tremblait, les révolutions

Grondaient, et dans leur brume, à travers les rayons,

Tu voyais devant toi se rouvrir l’ombre affreuse

Qui par moments devant les grands peuples se creuse ;

Et l’homme qui suivait le cercueil de son fils

T’admirait, toi qui prête à tous les fiers défis,

Infortunée, as fait l’humanité prospère ;

Sombre, il se sentait fils en même temps que père,

Père en pensant à lui, fils en pensant à toi…

Victor Hugo

Le peuple au peuple

Un jour mélançant sur la place publique

J’ai dit : vivre en travaillant, mourir en combattant.

J’ai dit : l’air de ma mansarde m’étouffe

Je veux respirer.

J’ai dit : les hommes sont égaux

J’ai dit : république universelle.

Alors ils m’ont saisi

Ils m’ont enfermé dans de noirs cachots,

Ils m’ont laissé pendant de longues semaines

Couché sur la paille infecte,

Et puis une nuit, ils m’ont enchaîné ;

Ils m’ont emmené dans un entrepont de vaisseau,

Rempli de vermine

Côte à côte avec les enfants du crime,

Les forçats de leur société…

Puis ils ont mis dans mes mains une pioche,

Moi qui travaillais le diamant,

Ils m’ont dit en ricanant :

Forçat, tu veux le droit au travail ?

Travaille !

Forçat, l’air de ta mansarde t’étouffe ?

Respire !...

Alors j’ai dit :

Abolition de l’exploitation de l’homme par l’homme.

J’ai dit :

La terre à celui qui la cultive.

J’ai dit :

Celui qui ne produit pas n’est pas digne de vivre.

C’est alors qu’ils m’ont assassiné….

J’ai publié ceci pour pouvoir dire : à tous par tous,

Peuple, médite et souviens-toi

Que tu es force et nombre,

Mais que

Tant que tu seras force et nombre sans idée

Tu ne seras qu’une bête de somme.

J’ai publié céci pour te dire, peuple,

Que ton émancipation réside dans ta solidarité ;

Pour te dire que l’heure la plus sombre

Est celle qui précède l’aurore.

Théodore Six

Chanson des prisons

Quand la foule aujourd’hui muette,

Comme l’Océan grondera,

Qu’à mourir elle sera prête,

La Commune se lèvera.

Nous reviendrons foule sans nombre,

Nous viendrons par tous les chemins,

Spectres vengeurs sortant de l’ombre,

Nous viendrons nous serrant les mains.

La mort portera la bannière ;

Le drapeau noir crêpe de sang ;

Et pourpre fleurira la terre,

Libre sous le ciel flamboyant.

Louise Michel

Commémoration de la Commune

A l’école on nous a raconté des histoires

L’histoire de France

Il était une fois un roi et une reine

Ralliez vous à mon panache blanc

Du haut de ces pyramides quarante siècles vous contemplent

Notre histoire à nous

Ce sont les jacqueries, les communes

…. Nos batailles

Les grèves, les insurrections

… Nos défaites

Les répressions

Apprenons notre histoire, camarades

En 1871, première grande victoire du prolétariat

La Commune de Paris

Camarades, c’est vous qui écrivez notre histoire.

Jacques Prévert

Elle n’est pas morte !

On l’a tuée à coups d’chassepots,
À coups de mitrailleuses,
Et roulée avec son drapeau
Dans la terre argileuse !
Et la tourbe des bourreaux gras
Se croyait la plus forte.
Comme faucheurs rasant un pré,
Comme on abat des pommes,
Les Versaillais ont massacré
Pour le moins cent-mille hommes !
Et les cent-mille assassinats,
Voyez c’que ça rapporte...
Tout ça n’empêche pas, Nicolas,
Qu’la Commune n’est pas morte !

Eugène Pottier

Les fusillés

... Partout la mort. Eh bien, pas une plainte.

Ô blé que le destin fauche avant qu’il soit mûr !

Ô peuple !

On les amène au pied de l’affreux mur.

C’est bien. Ils ont été battus du vent contraire.

L’homme dit au soldat qui l’ajuste : Adieu, frère.

La femme dit : - Mon homme est tué. C’est assez.

Je ne sais s’il eut tort ou raison, mais je sais

Que nous avons traîné le malheur côte à côte ;

Il fut mon compagnon de chaîne ; si l’on m’ôte

Cet homme, je n’ai plus besoin de vivre. Ainsi

Puisqu’il est mort, il faut que je meure. Merci. –

Et dans les carrefours les cadavres s’entassent.

Dans un noir peloton vingt jeunes filles passent ;

Elles chantent ; leur grâce et leur calme innocent

Inquiètent la foule effarée ; un passant

Tremble. - Où donc allez-vous ? dit-il à la plus belle.

Parlez. - Je crois qu’on va nous fusiller, dit-elle.

Un bruit lugubre emplit la caserne Lobau ;

C’est le tonnerre ouvrant et fermant le tombeau.

Là des tas d’hommes sont mitraillés ; nul ne pleure ;

Il semble que leur mort à peine les effleure,

Qu’ils ont hâte de fuir un monde âpre, incomplet,

Triste, et que cette mise en liberté leur plaît.

Nul ne bronche. On adosse à la même muraille

Le petit-fils avec l’aïeul, et l’aïeul raille,

Et l’enfant blond et frais s’écrie en riant : Feu ! [...]

Victor Hugo

Il ne faut pas rire avec ces gens-là

Ecoutez.

En 1871, les communards sont tombés par milliers

Monsieur Thiers souriait

Les femmes du monde souriaient

Elles se payaient une pinte de bon sang.

Pendant la fameuse glorieuse dernière avant-dernière grande guerre

Le président Poincaré rigolait dans les cimetières

Oh ! Pas aux éclats naturellement

Un petit rire discret

Un petit gloussement

Un rire d’homme du monde

Un joyeux rire d’outre-tombe

Depuis le mois de février

On a tué en France beaucoup d’ouvriers

Et le président Doumergue n’a pas cessé de sourire

C’est une habitude… un tic…

Deibler aussi quelques fois sourit…

Tardieu sourit…

Hitler aussi…

C’est le sourire du capital

le sourire de la bourgeoisie

C’est le rire de la « Vache qui rit »

Un rire aimable… un sourire impitoyable.

Prévert

Le forgeron

Le tas des ouvriers a monté dans la rue,

Et ces maudits s’en vont, foule toujours accrue

De sombres revenants, aux portes des richards.

Moi, je cours avec eux assommer les mouchards :

Et je vais dans Paris, noir, marteau sur l’épaule,

Farouche, à chaque coin balayant quelque drôle,

Et, si tu me riais au nez, je te tuerais !

Puis, tu peux y compter, tu te feras des frais

Avec tes hommes noirs, qui prennent nos requêtes

Pour se les renvoyer comme sur des raquettes

Et, tout bas, les malins ! se disent : "Qu’ils sont sots !"

Pour mitonner des lois, coller de petits pots

Pleins de jolis décrets roses et de droguailles

S’amuser à couper proprement quelques tailles,

Puis se boucher le nez quand nous marchons près d’eux,

Nos doux représentants qui nous trouvent crasseux !

Pour ne rien redouter, rien, que les baïonnettes....

C’est très bien. Foin de leur tabatière à sornettes !

Nous en avons assez, là, de ces cerveaux plats

Et de ces ventres-dieux. Ah ! ce sont là les plats

Que tu nous sers, bourgeois, quand nous sommes féroces,

Quand nous brisons déjà les sceptres et les crosses !..

Arthur Rimbaud

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