lundi 24 octobre 2016, par
Edito
Il n’y a pas eu de gouvernement plus à l’écoute des militaires et des policiers, faisant plus leur éloge, appelant plus la population à acclamer ces forces-là que sous le gouvernement Hollande-Valls-Cazeneuve. Il n’y a pas de jour que ces hommes politiques là ne se déversent dans les média pour acclamer l’action des forces armées et policières, leur donnant crédit de nous avoir sauvés du terrorisme et de l’insécurité, même si l’actualité quotidienne nous démontre sans cesse que ces forces de répression ont été bien incapables de nous sauver de quoi que ce soit... Ces gouvernants eux-mêmes sont bien forcés de reconnaître d’ailleurs que, même en multipliant policiers et militaires dans tout le pays, on serait bien en peine de prévoir et d’empêcher tout attentat ! Ce qui ne les empêche pas, tout comme leurs adversaires politiques de droite et d’extrême droite, d’affirmer vouloir augmenter sans cesse les forces armées et policières.
Hollande et Valls, sans parler de Cazeneuve et Le Drian, tiennent à être les gouvernants les plus pro-police que la gauche ait eu récemment et les plus militaristes aussi puisqu’ils organisent plus de guerres extérieures de la France que tous les gouvernements précédents, toutes couleurs politiques confondues. On n’a jamais non plus vu autant de forces armées et policières quadrillant le pays et on n’a jamais donné autant de droits à ces forces et… aussi peu aux citoyens en face d’elles ! On arrête maintenant pour simple délit de manifester même pacifiquement, même s’il s’agit dune manifestation écologiste ou syndicale. Et, n’en plaise aux discours des policiers contestataires, les peines requises par la justice contre les syndicalistes, contre les travailleurs, contre les jeunes, contre les manifestants augmentent sans cesse… La répression à l’égard des Roms, des migrants, des sans papiers, des mendiants, des jeunes de banlieue augmente aussi sans cesse. Il y a eu une multiplication des manifestants pacifiques, des travailleurs luttant contre des licenciements, des jeunes luttant contre la loi El Khomri, des étrangers luttant pour obtenir logement ou papiers, des migrants, violemment blessés par les forces de l’ordre, tués même parfois. Des jeunes, des travailleurs, des écologistes qui manifestaient pacifiquement ont été battus au sol, ont perdu un œil, ont eu des séquelles graves de coups violents. Et cela n’a pas empêché ce même gouvernement, dit de gauche par on ne sait quelle géographie politique, de cautionner sans arrêt ces mêmes forces de l’ordre auxquels c’est lui-même qui avait demandé de sévir, d’interdire des manifestations, de les cogner à coups de matraques, de les gazer, de discréditer les manifestants en les comparant aux casseurs, en appelant même à les traiter tous comme des casseurs, etc.
Alors comment se fait-il que des responsables ou des agents de base de la police, de la gendarmerie et de l’armée se révoltent contre ce même gouvernement ?
Parce que plus le gouvernement bascule à l’extrême droite, plus il fait appel à la répression pour gouverner le pays, plus il y fait appel pour intervenir de manière liberticide ou guerrière, à l’intérieur ou à l’extérieur et plus ces forces armées et policières se sentent les coudées franches pour affirmer que ce sont elles à qui ont doit tout, sécurité et santé, bien-être et unité nationale. Non seulement, ils demandent plus de moyens, plus de droits, plus de possibilités de réprimer sans craindre que cela leur soit reproché même en cas de bavure, plus de droits d’intervenir avec une caution juridique et les plus hauts responsables de la police, de la gendarmerie et de l’armée commencent même à trouver qu’ils gouverneraient mieux que le gouvernement civil, qu’ils pourraient très bien se passer des partis politiques, des syndicats, du parlement, des élections éventuellement, puisqu’ils sont les garants de l’intérêt du pays : c’est les Hollande-Valls-Cazeneuve et autre Le Drian qui le leur rappellent sans cesse, de cérémonie en cérémonie, d’hommage en hommage.
Bien sûr, ces gouvernants-là se gardent bien d’expliquer que l’armée française s’est chargée, sous Sarkozy, de soutenir des bandes armées islamistes et terroristes en Libye sous prétexte d’y renverser le dictateur Kadhafi ! Ils se gardent bien d’admettre que l’armée française est intervenue au Centrafrique en soutien à des bandes fascistes et génocidaires dites antibalakas qui ont commis des massacres et qu’elles ont-elles-mêmes commis des actes horribles, viols et autres saletés contre des enfants ! Ils se gardent bien de rappeler que ce qu’ils soutiennent en Syrie et qu’ils appellent pudiquement la « résistance syrienne » est majoritairement formée de bandes armées terroristes se revendiquant de l’islamisme dont la principale s’appelle Al Nosra et n’est rien d’autre que la filiale locale de Al Qaïda qu’un ministre de gauche appelait « nos petits gars d’Al Nosra » !!! Après cela, dites-nous que l’armée française intervient pour défendre la nation, pour sauver le pays, pour lutter contre le terrorisme et autre balivernes !
Dites-nous aussi que l’armée est là pour nous sauver des terroristes ! Dites-nous alors pourquoi les forces de l’ordee ont interdit aux forces armées chargées de lutter contre le terrorisme, ceux de l’opération Sentinelle, d’intervenir lors de l’attentat du Bataclan ?!!! Dites-nous pourquoi il y a eu tous les bugs qui rendent tout le monde sceptique sur les réels efforts contre Merah ? Pourquoi Squarcini n’est pas interrogé sur le refus de remettre les enregistrements de Merah et pourquoi il semble avéré que Merah travaillait pour son service de la DCRI. Pourquoi le dispositif de sécurité de Nice était aussi douteux et comment le terroriste pouvait passer justement dans le trou du filet ? Pourquoi les terroristes étaient presque toujours, sauf à Nice, connus et reconnus des services de renseignement sans qu’on les arrête jamais…
En attendant de savoir tout cela, et sans avoir besoin d’en connaître les réponses, chacun peut parfaitement comprendre ce que nous disent les responsables de l’armée et de la gendarmerie qui sont montés au créneau ces derniers temps.
Car l’armée, autrefois qualifiée de « grande muette » a cessé de l’être en ce qui concerne ses officiers généraux. Certains d’entre eux ne se sont pas cachés d’entrer en rébellion contre le pouvoir établi, d’affirmer que le pays n’est plus gouverné et qu’il faudrait qu’on les mette au pouvoir sous peine de le voir se diliter, se diviser et mourir.
Ces généraux félons s’appellent Général Tauzin ; Général Soubelet ; Général Piquemal ; Général Martinez ; Colonel Chamagne ; Général Dary ; Général Thomann ; Général Desportes ; Général Coursier ; Général du Verdier ; Général Villiers ; Général Puga ; Général Ract-Madoux ; Général Rogel ; Général Mercier et même le Général Bosser…
C’est loin d’être des sous-fifres marginaux mais des chefs de l’armée !!!
Ce qu’ils affirment n’a rien d’anodin et ils ne critiquent pas seulement la gauche gouvernementale mais l’ensemble des partis, le système démocratique, les droits des citoyens et ils prônent ouvertement une direction militaire de la société, une société où le droit syndical, le droit de manifester, le droit de s’exprimer ne serait plus qu’un lointain souvenir et où le président serait choisi parmi les généraux, par élection ou sans… !!!
La France est quadrillée par armée et police, sous prétexte d’antiterrorisme, et l’armée « se projette » partout dans le monde et les chefs militaires et policiers ne se sentent plus pisser, se voyant un avenir politique, puisque la société bourgeoise s’écarte de plus en plus de la traditionnelle démocratie des pays riches…
En dehors des partis politiques, des primaires, les généraux français hostiles à la démocratie sont en campagne. Ils se voient présidents, élus éventuellement, ou même pas élus mais nommés pour sauver la France… Ils fondent pour cela des associations, ils organisent des réunions, ils dirigent des clubs, ils lancent des déclarations incendiaires…. Ils ont des solutions pour l’unité du pays, contre les divisions sociales, contre les divisions politiques. Puisque le pays est en guerre, ils estiment qu’il doit être dirigé par des généraux… Ils estiment que les ennemis de la France sont les musulmans, les jeunes de banlieues, les travailleurs cégétistes et autres terroristes… Selon eux, la république est la cause de la dérive, de la chute de la France…
Le plus « modéré », si l’on peut dire, le général Vincent Desportes déclare : « Hélas, oui. Soyons clairs : nous sommes en guerre... Il faut supporter l’effort de guerre, avec tous les sacrifices que cela comporte. Les Français doivent s’y préparer et accepter de renoncer à une partie de l’Etat Providence au bénéfice de la sécurité. »
Les uns et les autres affirment que le pays est devenu une poudrière, avec le djihadisme, le terrorisme, les banlieues, la délinquance, la violence, l’insécurité, les immigrés clandestins, les migrants, tout cela mis dans le même sac…
Tous agissent en dehors des partis classiques et du système électoral et affirment plus ou moins clairement la nécessité selon eux d’un pouvoir fort qui ne respecte plus les anciennes règles de la démocratie parlementaire.
Ils dénoncent les politiciens avec des accents démagogiques qui ne trompent pas… En effet, cela s’appelle du fascisme…
« L’autorité politique devrait transmettre le pouvoir à l’autorité militaire », dit l’un.
« Depuis cette date, personne ne s’est vraiment interrogé sur la place des militaires dans la société. Comme aujourd’hui on leur demande de sortir de leurs casernes pour réapparaître au grand jour dans le cadre de l’opération Sentinelle, ils ne voient plus pourquoi ils seraient privés de parole. » dit l’autre.
« On ne laissera pas le pays s’écrouler. Il est temps de faire quelque chose » dit le troisième. « Les gendarmes sont inquiets car on prend plus soin des auteurs que des victimes », dit le quatrième.
« En France, on laisse en repos ceux qui mettent le feu, et on persécute ceux qui tentent de l’éteindre. » dit le cinquième.
Cela ressemble comme deux gouttes d’eau au discours de Le Pen, mais c’est aussi celui de Valls à gauche et de Sarkozy à droite. La démagogie des politiciens n’a pas attendu celle des généraux et elles s’entretiennent mutuellement.
Cette « sortie » des généraux, ces manifestations des policiers, cette mise en cause de la justice ne font que suivre les mises en cause de la légalité par le gouvernement Valls lui-même, remise en cause du code du travail, des prud’hommes ou encore la mise en cause de la justice dans les dernières déclarations de Hollande, qui suit ainsi Valls, et aussi les mises en cause de la religion musulmane en général par le président, qui prend là aussi la suite de Valls, suivant lui-même Sarkozy qui ne faisait que suivre encore Le Pen !!!
Tout cela n’est pas que des manœuvres politiciennes favorisées par l’approche des élections. Il s’agit d’opérations directement dirigées contre les travailleurs.
On ne compte pas les violences policières contre les travailleurs luttant pour leur emploi... « L’hypothèse la plus probable » après la blessure à l’oeil d’un jeune homme en marge d’une manifestation contre la loi travail à Rennes le 28 avril est un « impact de balle de lanceur de balles de défense (LBD) » ou gomme-cogne, a indiqué mardi le parquet de Rennes dans un communiqué. Et ce n’est pas le seul exemple de manifestant pacifique qui perd un œil du fait de l’action disproportionnée et sciemment très violente des forces de l’ordre. Laurent Theron, père de deux enfants, 46 ans, secrétaire médical à l’Hospitalisation A Domicile (HAD) de l’unité Albert Chennevier de Créteil (94), syndiqué au syndicat SUD Santé Sociaux de l’AP/HP, a vraisemblablement reçu au visage un morceau d’une grenade lancée par les forces de l’ordre. Malheureusement, malgré les soins prodigués cette nuit à l’Hôpital Cochin, Laurent Theron a perdu l’usage de son œil. Il y a eu aussi des morts, pas seulement des jeunes de banlieue ou des sans papiers… Et pas un mot après la mort de Rémi. Pas un mot de Hollande. Pas un mot de Valls. Pas un mot de Royal. Pas un mot de Le Foll. Pas un mot de Cazeneuve. Pas un mot de Cambadélis. Pas un mot d’aucun gouvernant socialiste, après la mort de Rémi Fraisse, le jeune manifestant contre le barrage de Sivens, dans le Tarn, dont le premier rapport d’autopsie indique qu’il est mort “après une explosion”, lors d’un échange de projectiles entre manifestants et gendarmes, cocktails molotov contre grenades assourdissantes. Rémi Fraisse était botaniste bénévole à Nature Midi-Pyrénées, association affiliée à France Nature Environnement, association qui n’est pas connue pour être un repaire de boutefeux. Il venait de passer un BTS environnement. Les jeunes et tous ceux qui dénoncent que l’Etat a assassiné Rémi, ont raison.
L’état d’urgence, l’état de guerre (intérieure et extérieur), le combat policier et patronal contre la radicalisation sociale dans l’entreprise, les militaires en faction partout, la police ayant désormais tous les droits, des manifestants pacifiques écologistes arrêtés au nom de l’état d’urgence et d’autres assignés à résidence sans motif, la BAC armée de fusil d’assaut HK G 36 et de kalachnikov, le retour des CRS dans des interventions sur les bancs de la faculté de Tolbiac, l’assassinat d’un manifestant écolo au barrage de Sievens, un salarié prestataire de Renault interdit au Technocentre Renault de Guyancourt puis licencié pour avoir conseillé par messagerie personnelle d’aller voir le film « Merci patron », une intervention musclée (avec flash balls) des policiers devant de dangereux postiers conviés simplement à une réunion d’information syndicale de SUD, un syndicaliste postier licencié et radié à vie de la fonction publique pour le crime d’avoir organisé une réunion syndicale d’information à La Poste, des salariés d’Air France licenciés, arrêtés et jugés pour avoir bousculé un DRH qui les menaçait de licenciement et exerçait un chantage, huit anciens salariés de Goodyear condamnés à neuf mois de prison ferme pour avoir retenu deux cadres pendant quelques heures afin de dénoncer les licenciements et la fermeture du site, la procédure de licenciement d’un délégué CGT s’est rendu sur un piquet de grève d’agents de La Poste à Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), un lycéen à terre frappé violemment par les forces de l’ordre, les grenades lacrymogènes et les matraques contre les lycéens et les étudiants opposés à la loi de casse du code du travail, après une grève, des salariés de Casino convoqués à la gendarmerie… pour deux paquets de bonbons, etc, etc...
Il faut appeler les choses par leur nom : ce qu’on est en train d’instaurer, en France comme dans bien d’autres pays, est une dictature policière pour casser les travailleurs et les jeunes en pleine mobilisation sociale et politique. Mais il faut aussi reconnaître que le gouvernement du parti socialiste et des écologistes se fait le soutien et l’aide de toutes ces opérations qu’il est loin de combattre, lui qui donne raison aux policiers qui manifestent. La démagogie fasciste des généraux et des militaires comme des policiers d’extrême droite, ils ne l’ont pas inventée : elle a été diffusée massivement par le gouvernement lui-même. C’est Hollande-Valls qui ont propagé l’idée que les syndicats cassent le pays, que les travailleurs détruisent l’unité de la nation, que les cheminots, que les postiers, que les agents d’Air France sont des « radicalisés » au même titre que les jeunes musulmans, que les banlieues, qu’ils attaquent violemment l’ordre établi comme de vulgaires brigands, comme de bandes de voyous et c’est le gouvernement qui a mis dans le même sac les manifestants, travailleurs et jeunes, et les casseurs… La démagogie anti-immigrés, anti-musulmans, anti-étrangers et même anti-migrants, c’est le gouvernement lui-même qui ne cesse de l’orchestrer tous les jours. L’idée que l’armée et la police nous sauvent tous les jours, c’est encore le gouvernement « de gauche » qui l’a diffusée partout. L’idée que « la France est en guerre », c’est encore eux qui l’ont lancée et ne cessent de la répéter.
Loin de pouvoir compter sur la gauche gouvernementale pour contrer la poussée d’extrême droite dans les forces de répression, les travailleurs, les jeunes et les milieux populaires ne peuvent que s’en défier, que s’organiser de manière indépendante des organisations liées à la gauche, qu’elles soient politiques, syndicales ou associatives. Le fascisme n’a pas seulement comme nom Le Pen. Les Valls et les Cazeneuve sont eux aussi des pourvoyeurs de recrues pour l’idéologie fasciste, raciste, guerrière, xénophobe, anti-musulmane.
Ce qui comptera dans la période qui vient, ce n’est pas pour qui on votera car tous les politiciens convergent vers une démagogie anti-ouvrière et anti-populaire violente. Ce qui comptera, c’est qu’on se décide à voter pour nous-mêmes, c’est-à-dire à constituer la classe ouvrière comme une force politique qui se choisit elle-même ses représentants, lors d’élections indépendantes des classes dirigeantes, à savoir l’élection de délégués des comités de grève, des comités de lutte, des conseils de travailleurs, des assemblées interprofessionnelles se fédérant régionalement et nationalement. Les autres formes d’organisation sont trop liées aux institutions de la bourgeoisie pour servir à nous représenter véritablement.
Construire la classe ouvrière comme une alternative politique, voilà la tâche de l’heure et plus tôt on s’y mettra moins on tombera dans toutes les impasses mortelles où on nous convie de toutes parts : dérive sécuritaire, dérive militariste, dérive communautariste chrétienne ou musulmane, dérive xénophobe anti-migrants ou anti sans papiers ou anti-Roms, dérive anti-jeunes, anti-banlieues, dérive anti-droits des femmes et autres démagogies d’extrême droite qui montent à vu d’œil dans la société française, la classe ouvrière y compris.
Au moment où les généraux et les policiers font de la politique, tout comme les patrons, c’est à nous, travailleurs, de montrer qu’il y a un autre choix possible que la dérive violente vers un nouveau vichysme français !