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Qui est le physicien-artiste Simon Diner ?

jeudi 25 juin 2015, par Robert Paris

Georges Lochak :

"Ce que je veux, m’a dit un jour de Broglie, ce ne sont pas des honneurs (je n’en ai que trop eu) je veux que des jeunes physiciens puissent travailler loin de toute pression dans la ligne de mes idées et qu’ils s’interrogent librement sur les problèmes fondamentaux".

Simon Diner a été, avec Lochak et Fargue, l’un de ces jeunes physiciens.

Georges Lochak rajoutait :

« Il faut dire avec force que nous ne définissons pas une norme, nous ne sommes pas les gardiens d’une foi. C’est pourquoi nous entretenons des relations avec différents laboratoires (sans lesquels nous ne serions rien !), nous accueillons, écoutons, discutons toutes les options théoriques et nous suivons avec attention les progrès de la physique expérimentale. Nous sommes loin d’être d’accord entre nous sur les options a prendre, mais il en est une qui nous est commune : nous pensons que la science n’est pas un livre de recettes, et qu’elle n’est pas seulement faite pour prévoir des phénomènes ou pour en rendre compte numériquement, elle est faite pour comprendre, pour poser des questions et pour chercher une image du monde. »

Qui est le physicien-artiste Simon Diner ?

Responsable des relations extérieures de la Fondation Louis de Broglie. Ancien Directeur de recherche au CNRS aujourd’hui à la retraite.

Simon Diner est connu pour ses recherches sur les fondements et les interprétations de la mécanique quantique, sur la formulation possible des théories alternatives comme "l’électrodynamique stochastique" et sur le concept du vide quantique.

Il a mené différentes actions en faveur de l’établissement de relations entre artistes et scientifiques.

Physicien théoricien, spécialiste de mécanique quantique, engagé dans le rapprochement de l’art et de la science, amateur passionné de philosophie, d’histoire et d’ethnologie, Simon Diner est le fils d’un couple de chimistes venus de Bessarabie en 1930, liés au poète philosophe Benjamin Fondane.

Theoretical physicist. Directeur de recherche CNRS, released.

Researches on the foundations and interpretations of quantum mechanics, on the possible formulation of alternative theories as “stochastic electrodynamics” and on the status of the concept of quantum vacuum.

Multiple actions in favour of the establishment of relationships between artists and scientists. Development of a panorama of the interaction between Art and Science in the contemporary world.

Ecrits de Simon Diner :

Histoires de Vide - Celui qui croyait au Vide et celui qui n’y croyait pas

Art@science

Sémiotique du vide - Art, sens commun et physique théorique

Formes et auto-organisation

Chaos et déterminisme

Qu’est-ce que l’art ?

Art et science de la couleur

Beauté et esthétique mathématique

Lexique de philosophie naturelle de Simon Diner

Simon Diner, physicien théorique au CNRS, a animé pendant dix ans l’observatoire Art et Sciences

La pensée physique contemporaine science et humanisme en notre temps édité par Simon Diner, Daniel Fargue, Georges Lochak

L’objet quantique par Simon Diner, Daniel Fargue, Georges Lochak

L’art et le champ

L’expérience dynamique

Etat des lieux publics

D’autres écrits de Simon Diner

L’Institut Louis de Broglie

La fondation Louis de Broglie

Présentation de la fondation Louis de Broglie

Annales de la fondation Louis de Broglie

Qui est Georges Lochak ?

Publications :

S. Diner, D. Fargue et G. Lochak. L’objet quantique : comment l’esprit vient aux atomes. Flammarion. Paris. 1989. (« Champs »).

E. Gunzig, S. Diner, eds. Le vide : univers du tout et du rien. Complexe. Bruxelles. 1998.

S. Diner. L’art et le champ.

S. Diner. Sémiotique du vide. Dans, M. Sobieszczanski, ed. Spatialisation en art et sciences humaines. Peeters. Louvain. 2004.

S. Diner. Après la matière et l’énergie, l’information comme concept unificateur de la physique ? Dans, M. Cazenave, ed.
De la science à la philosophie. Y a-t-il une unité de la connaissance ? Albin Michel. Paris. 2005.

Le vide, univers du tout et du rien

Invitation

Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Pourquoi l’Univers plutôt que le vide ? Comment notre Univers a-t-il été engendré ? Le vide serait-il un réservoir potentiel d’Univers ? Si, depuis quinze milliards d’années, notre Univers existe et notre temps s’écoule, le temps lui-même a-t-il une existence propre, indépendante de l’existence de l’Univers ? Pouvons-nous concevoir un « avant » sans Univers, ou au contraire le temps est-il indissociablement lié à la présence d’espace et de matière ? Et l’espace lui-même a-t-il un sens en l’absence d’Univers ? Et s’il n’en a pas, « où » l’Univers est-il né ? Le vide est-il ce qui reste lorsqu’on a tout enlevé ? Faut-il aller jusqu’à enlever l’espace et le temps pour arriver au « véritable vide » ? Ou alors, le vide est-il en physique un protagoniste actif parmi d’autres ? Un médiateur universel entre le Tout et le Rien ?

La possibilité que de telles questions, considérées au XIXe siècle comme métaphysiques, se posent aux physiciens d’aujourd’hui, traduit l’ouverture conceptuelle majeure qui bouleverse la physique de ce siècle : la création d’un lien indissociable entre le temps, l’espace, la matière… et le vide.

Nul doute que le vide soit depuis la plus haute Antiquité un terme constant du discours. Est-il pour autant un objet de la nature ? Il ne suffit pas de nommer pour assurer l’existence, car c’est un privilège de la pensée humaine de pouvoir évoquer par le discours des situations non présentes et des réalités dont on ne sait rien, pas même si elles existent. Les résultats des recherches en sciences cognitives durant les dernières décennies indiquent clairement que le cerveau contruit un « monde » au-delà de ce qu’il a vu et entendu, un monde simulateur qui permet l’action. Comment se raccorde-t-il au monde réel ?

A l’époque contemporaine le vide apparaît comme une des constructions les plus complexes de la physique théorique, sans acquérir pour autant une réalité bien figurée dans la physique expérimentale. Le concept de vide n’est souvent qu’un nom de code pour tout ce que nous ne connaissons pas, ou pour tout ce qui se trouve au-delà du sensible et du connaissable.

Les conceptions du vide participent de l’histoire de deux concepts majeurs de la physique, l’espace et la matière, et exacerbent toutes les tensions entre nos représentations du monde.

Le lecteur verra que le problème du vide entretient le grand débat polémique entre le réalisme et l’instrumentalisme, entre la connaissance de la réalité et la réalité de nos connaissances. A travers le vide, les difficultés et les richesses de la connaissance de la nature s’expriment avec une vitalité illustrative exceptionnelle.

Le questionnement relatif à la nature du vide pourrait appeler une réponse évidente : le vide est ce qui subsiste lorsuq’on a tout éliminé. C’est ainsi que la physique classique concevait les choses et que les expérimentateurs s’évertuaient à produire le vide jusqu’à l’aube du XXe siècle. C’est précisément alors que surgirent brutalement des concepts ahurissants, contraires au consensus établi au terme d’une aventure scientifique de plusieurs siècles : le quantique et la relativité générale qui allaient transfigurer radicalement cette vision du vide. (…)

Un tel bouleversement est lié à la réémergence d’une des deux principales visions du monde qui se disputent notre attention. Au moment même où après des siècles d’élaboration, l’atomisme semble vouloir triompher, les insuffisances mêmes de cette doctrine engendrent la reformulation de conceptions continualistes dont Aristote a été, pendant des siècles, le seul véritable penseur. La vision atomistique suppose essentiellement la séparation entre le sujet et l’objet, la persistence de l’objet individuel et l’existence d’actions à distance. C’est la difficulté de séparer les objets de leurs interactions, de préserver l’extériorité de l’observateur par rapport au monde, de sauvegarder la permanence de l’identité des systèmes physiques soumis à des transformations draconniennes comme la disparition ou l’apparition de particules, qui a progressivement mis au premier plan de la physique le concept de champ. Le champ est une construction mathématique destinée à représenter des propriétés sans substrat, à assurer la propagation des interactions sans support. C’est l’objet positiviste par excellence, s’il en est. Il est la toile de fond de toute la physique contemporaine.

Le champ quantique surgit des noces tumultueuses du champ classique et du point de vue quantique. Le vide-absence y fait place au vide quantique. Le vide-objet devient un objet mathématique. C’est le héros contemporain de l’épopée d’un vide qui n’est ni absence, ni substance, mais un état du champ, l’état d’énergie minimale. A la perte des images classiques, le physicien substitue une « imagerie quantique » où le vide devient le théâtre d’activités sauvages et surprenantes : fluctuations du vide, polarisation du vide, supraconduction, dissimulations de symétrie, transitions de phase, défauts topologiques, instabilités du vide… (…)

Le vide n’est donc pas l’extérieur de la matière. C’est l’état de base dont la matière émerge sans couper son cordon ombilical. Il n’y a pas d’autonomie de la matière par rapport au vide ; la matière contient le vide et le vide contient la matière.

La problématique du vide fournit pour la réflexion philosophique un matériau d’une richesse et d’une complexité sans précédent. Mais malgré de nombreuses études historiques et épistémologiques sur la théorie quantique des champs et la théorie des particules élémentaires, parues durant la dernière décennie, le sujet commence seulement à être exploré. (…) »

Simon Diner et Edgar Gunzig dans l’ouvrage collectif « Le Vide »

L’objet quantique

« La théorie des quanta s’est développée simultanément de deux manières différentes. La première consiste à mettre en avant l’existence d’états discontinus dans le monde microphysique et de transitions entre ces états. La seconde consiste plutôt à mettre en avant le fait que les propriétés corpusculaires et ondulatoires (…) se trouvent mêlées l’une à l’autre dans tous les domaines. Les deux façons s’imbriquent donc étroitement. (…) Planck introduisit dans la physique un élément de discontinuité, là où la continuité semblait devoir régner. D’après lui, un atome ne pouvait absorber petit à petit, continûment, de l’énergie lumineuse : il ne pouvait le faire que par paquets, par quanta, dont la valeur extrêmement petite, mais quand même finie, était déterminée par une constante qu’il désigna par h : la célèbre constante de Planck. (…) L’hypothèse des quanta voulait dire cette chose étrange que le mouvement des atomes n’évolue pas continûment mais par bonds discontinus : comme si une fusée ne pouvait s’élever progressivement au dessus de la terre vers n’importe quelle orbite et ne pouvait atteindre que certaines orbites particulières en sautant brusquement de l’une à l’autre. »

« L’hypothèse des quanta voulait dire cette chose étrange que le mouvement des atomes n’évolue pas continûment mais par bonds discontinus : comme si une fusée ne pouvait s’élever progressivement au dessus de la Terre vers n’importe quelle orbite et ne pouvait atteindre que certaines orbites particulières en sautant brusquement de l’une à l’autre. (...) Einstein avait émis en 1905, à, partir des travaux de Planck, une hypothèse encore plus paradoxale que la sienne : il suppose que si les atomes absorbent et émettent l’énergie lumineuse par paquets, par quanta, c’est que ces quanta se trouvent déjà dans la lumière autrement dit les ondes lumineuses continues transportent leur énergie sous forme discontinue, concentrée dans des corpuscules de lumière, qu’on appelle photons. »

« Pour la lumière, si l’énergie est transportée d’un seul tenant par le photon, celui-ci n’est pas une bille (...). De même, l’électron n’est pas une boule dure. »

« On ne compte pas les électrons ou les photons comme on compte les objets que nous rencontrons autour de nous. »
« Il n’y a pas entre ordre et désordre l’antinomie que le bons sens suggère. (…) Tout se passe comme si la mécanique quantique exprimait les figures d’ordre d’un désordre microphysique. »

« Les phénomènes de désordre sont ceux que la physique classique attribue au hasard et associe à une imprévisibilité à laquelle seul le calcul des probabilités permet de faire face. L’interprétation probabiliste de la mécanique quantique est imposée par des phénomènes microscopiques observables à caractère aléatoire. (…) Les propriétés d’ordre et de désordre s’imbriquent (…) Qui n’a pas admiré l’organisation des tourbillons dans l’eau impétueuse d’un torrent ? L’ordre peut s’installer au sein de la turbulence. Tout se passe comme si la mécanique quantique exprimait les figures d’ordre d’un désordre microphysique. (…) Le nombre entier m, nombre quantique magnétique provient de ce que le moment cinétique orbital (de l’atome) se manifeste par l’existence d’un petit aimant (…) si on effectue la mesure selon la direction du champ magnétique utilisé pour l’observation. (…) Cependant, si l’on cherche maintenant à mesurer (…) dans un plan perpendiculaire au champ magnétique du dispositif expérimental (…) on obtient une succession de nombres au hasard. (…) Si on observe une valeur constante selon une direction de projection, elles sont au hasard selon une direction perpendiculaire. (…) Cela est dû aux relations d’incertitude d’Heisenberg ».

« Si l’on cherche maintenant à mesurer les projections du moment orbital sur des droites dans un plan perpendiculaire au champ magnétique du dispositif expérimental, on trouvera des valeurs qui ne sont pas constantes d’une expérience à une autre. Ces valeurs se présentent en fait comme une succession de nombres au hasard, elles sont aléatoires. C’est là que se manifeste le caractère de hasard des phénomènes microphysique. Le fait que le moment orbital observé n’ait donc pas d’orientation définitive dans l’espace, mais semble tourner au hasard autour de la droite choisie, vérifie une autre grande loi de la mécanique quantique : les inégalités de Heisenberg. Si l’on observe l’atome d’hydrogène dans un champ magnétique, on observe une projection constante du moment orbital salon la direction du champ, alors que dans le plan perpendiculaire les valeurs observées subissent la loi du hasard. On ne peut totalement faire taire le hasard en microphysique. Chassez le hasard de certaines observations, il revient au galop dans d’autres. C’est le sens de ce que l’on appelle les relations d’incertitude d’Heisenberg. »

« Les particules matérielles, qu’elles soient électriquement chargées comme l’électron ou le proton ou neutre comme le neutron, possèdent un champ magnétique qui correspond à un moment de rotation. Elles se comportent dès lors comme des aimants alors que du dipôle elles n’ont qu’un seul pôle. Le second est formé par la particule virtuelle du vide qui est la plus proche et il n’y a qu’une et qui change sans cesse en même temps que la particule porteuse de la propriété de masse change sans cesse au sein d’un nuage. On observe les propriétés magnétiques de la matière (comme pour tout aimant) à condition de le plonger dans un champ magnétique. On constate alors que le moment magnétique est quantifié, c’est-à-dire qu’il agit par nombre entier d’une quantité de base, le quanta. Quand on effectue une observation de ce champ magnétique sur un atome, on ne peut le faire que dans une direction donnée (par celle du champ magnétique dans lequel on plonge la particule) et on effectue cette mesure en obtenant des résultats fondés sur des nombres entiers qui sont les « nombres quantiques magnétiques n, l et m ». m est le nombre quantique magnétique qui ne peut prendre que des valeurs entières positives ou négatives (0 ; 1 ou -1 ; 2 ou -2, etc…). Mais, si on effectuait l’observation dans une direction perpendiculaire, la mesure donnerait un résultat aléatoire ressemblant à du désordre. Lochak, Diner et Fargue écrivent à ce propos dans « L’objet quantique » : « Les phénomènes de désordre sont ceux que la physique classique attribue au hasard et associe à une imprévisibilité à laquelle seul le calcul des probabilités permet de faire face. L’interprétation probabiliste de la mécanique quantique est imposée par des phénomènes microscopiques observables à caractère aléatoire. (…) Les propriétés d’ordre et de désordre s’imbriquent (…) Qui n’a pas admiré l’organisation des tourbillons dans l’eau impétueuse d’un torrent ? L’ordre peut s’installer au sein de la turbulence. Tout se passe comme si la mécanique quantique exprimait les figures d’ordre d’un désordre microphysique. (…) Le nombre entier m, nombre quantique magnétique provient de ce que le moment cinétique orbital (de l’atome) se manifeste par l’existence d’un petit aimant (…) si on effectue la mesure selon la direction du champ magnétique utilisé pour l’observation. (…) Cependant, si l’on cherche maintenant à mesurer (…) dans un plan perpendiculaire au champ magnétique du dispositif expérimental (…) on obtient une succession de nombres au hasard. (…) Si on observe une valeur constante selon une direction de projection, elles sont au hasard selon une direction perpendiculaire. (…) Cela est dû aux relations d’incertitude d’Heisenberg. (…) L’électron (appartenant à un atome) possède un moment magnétique propre, en plus du moment magnétique lié à son mouvement orbital (autour du noyau de l’atome).
« Vis-à-vis des statistiques, une autre propriété des particules jouera ici un rôle fondamental, le spin.

« To spin » signifie en anglais « tourner » et le spin consiste en ce que, de même que la Terre et les autres planètes tournent sur elles-mêmes comme de gigantesques toupies, les électrons et presque toutes les autres particules en font autant, encore qu’il faille, ici encore, tempérer le sens de cette phrase parce que, en réalité, personne n’est vraiment capable de décrire cette « rotation » de la particule. Tout ce qu’on peut affirmer, c’est que les particules possèdent les lois de symétrie et un certain nombre de comportements physiques qui permettent de les assimiler à de petites toupies. Mais on ne voit pas vraiment tourner la toupie.

(…) Le moment magnétique de l’électron a des effets importants à notre échelle, parce qu’il joue un rôle fondamental dans les propriétés magnétiques de la matière, l’autre origine du magnétisme étant le mouvement « orbital » des électrons, c’est-à-dire le fait qu’en « tournant » dans l’atome leur charge électrique crée un courant, lequel engendre un champ magnétique. (…) La « rotation » liée au spin peut s’effectuer, on l’imagine, avec différentes vitesses ou énergies, mais surtout, il se trouve qu’elle peut s’effectuer de deux manières fondamentalement différentes qu’on peut relier au fait simple suivant : (nous pouvons revenir à l’état initial en faisant deux tours on en faisant un tour). (…) Cette propriété géométrique (le fait qu’il y a deux manières de tourner) divise les particules en deux grandes catégories : 1) Les fermions dont le principal représentant est l’électron 2) Les bosons dont le principal représentant est le photon, la particule de lumière. Leurs propriétés statistiques sont entièrement différentes. Les fermions sont individualistes, ce qui s’exprime par une grande loi physique : le principe d’exclusion de Pauli, en vertu duquel deux fermions de même nature (par exemple deux électrons) ne peuvent jamais se trouver exactement dans le même état physique (…) Cette propriété individualiste des fermions est fondamentale pour comprendre la stabilité de la matière, principalement celle des atomes et des molécules et pour comprendre la classification des éléments chimiques et leurs principales propriétés. Et elle est tout aussi importante pour la structure des solides. (…)

Au contraire, les bosons sont grégaires ; non seulement ils peuvent coexister dans un même état, mais ils s’y agglutinent en s’y attirant mutuellement et ils peuvent s’accumuler en nombre dans un même état, portés par une même onde, contrairement aux électrons.
Le cas le plus important est celui de la lumière parce que, si nous avons une onde lumineuse qui possède une couleur (donc une fréquence de vibration), une polarisation (donc un type de vibration) déterminés et qui, de plus, est cohérente (c’est-à-dire qu’elle possède une phase déterminée et que tous ses points vibrent soit à l’unisson soit avec des écarts de vibration constants), cette onde pourra être porteuse d’un grand nombre de photons qui auront ces mêmes qualités en commun : on dira que ces photons sont cohérents, ou en phase. De plus, l’« esprit grégaire » des bosons fera que, si une telle onde lumineuse tombe sur un atome qui est capable d’émettre un photon de la même couleur que l’onde, celle-ci provoquera l’émission du photon qui viendra se joindre aux autres et augmentera l’intensité de la lumière en maintenant sa cohérence. C’est le phénomène d’émission stimulée de la lumière, découverte par Einstein (en 1916) et dont Louis de Broglie a prédit les propriétés de cohérence (en 1924). (…) Le rassemblement d’un grand nombre de bosons sur une même onde cohérente peut constituer un phénomène brutal qui se produit soudainement, au-dessus d’un certain seuil de température (généralement très bas) et qui porte le nom de condensation d’Einstein. (…) Cette condensation appartient à la classe des transitions de phase, parmi lesquelles on peut citer des exemples courants de transitions qui peuvent se produire à des températures ordinaires, comme la solidification d’un liquide, ou la condensation d’une vapeur. (…)

Si on abaisse suffisamment la température d’un fluide, l’agitation moléculaire se ralentissant, les longueurs d’onde associées au mouvement des molécules vont s’allonger et les molécules pourront se diffracter les unes sur les autres. Alors, au lieu d’être déviées par les collisions, elles pourront se traverser mutuellement, comme se traversent les ondes, sans se gêner les unes les autres et elles poursuivront leur route sans avoir subi de choc véritable. Et puisque la viscosité est due aux chocs moléculaires, il s’ensuivra qu’au-dessous d’une certaine température, les chocs perdant de leur importance, on devrait observer une brusque chute de viscosité que les théories anciennes ne prévoyaient pas et qui résulte des propriétés ondulatoires de la matière. (…)

Le moment de la quantité de mouvement est un concept fondamental en physique quantique de l’atome.

C’est le pouvoir de rotation d’un corps matériel tournant. Le moment cinétique dépend de la répartition des masses par rapport au centre ou à la droite autour desquels le corps tourne. (…) Le moment cinétique de tout objet quantique est quantifié, c’est-à-dire qu’il ne peut prendre qu’un nombre limité de valeurs. (…) Le spin : des nombres quantiques pour l’électron isolé.

L’électron possède un moment magnétique propre, en plus du moment magnétique lié à son « mouvement orbital ». A son état dynamique lié à l’existence de l’atome, l’électron jouit d’un état dynamique propre. Tout se passe comme si l’onde de l’électron, tout en se déployant dans l’espace autour du noyau tourbillonnait sur elle-même en créant un petit aimant. Ce n’est bien sûr qu’une image suggestive, mais elle permet d’imaginer que l’électron est lui-même comme un petit atome, avec son univers intérieur propre. (…)

L’électron se trouve (comme l’atome) dans des états quantiques propres, correspondant à la conservation d’un moment cinétique propre – le spin – lié à l’existence de propriétés de symétrie dans un espace propre, où varie une variable de spin à l’instar des variables de position dans l’espace ordinaire.

Ceci se traduit naturellement par l’existence d’un nombre quantique, le nombre quantique de spin s, qui permet de calculer le moment cinétique propre selon une formule analogue à celle du moment cinétique orbital. De même, on peut définir un nombre magnétique quantique de spin m pour la projection du moment propre sur une droite arbitraire. (…) L’électron a un spin qui ne peut prendre qu’une seule valeur : ½. (…) le nombre quantique magnétique de pin ne peut prendre que deux valeurs : m = + ½ ou m = - ½. Au moment cinétique de spin correspond naturellement un moment magnétique propre de l’électron, dit moment magnétique de spin. Ce petit aimant ne peut prendre que deux orientations par rapport à un champ magnétique, dans la direction du champ ou à sens contraire, selon les valeurs de m. C’est précisément ce que l’on observe lorsque l’on fait passer des électrons dans un champ magnétique inhomogène. Le faisceau de particules se sépare en deux faisceaux correspondant aux deux orientations du moment magnétique de spin dans le champ (expérience de Stern et Gerlach). (…) »

« L’équation de Schrödinger est l’équation fondamentale de la mécanique quantique non relativiste. Elle joue en mécanique quantique le même rôle fondateur que l’équation de Newton en mécanique classique ou les équations de Maxwell en électromagnétisme. Elle décrit l’évolution temporelle de l’état d’un objet quantique (objet dont la dimension en termes d’action est proche d’un ou d’un petit nombre de fois la constante de Planck h) représenté par une fonction d’onde. Les états stationnaires des objets quantiques sont décrits par une équation, cas particulier de la précédente, dite équation de Schrödinger stationnaire.

Le succès immédiat de la « mécanique ondulatoire » de Schrödinger vient de ce qu’il a su trouver les solutions exactes de son équation, dans le cas de l’atome d’hydrogène, c’est-à-dire exprimer la grandeur inconnue figurant dans l’équation en fonction des variables dont dépend le problème. On obtient ainsi le comportement global du phénomène étudié. On dit que l’on « intégré l’équation différentielle ».
Pour l’atome d’hydrogène, seuls certains comportements globaux s’avèrent possibles. A chacun de ces comportements est attachée une énergie constante. Le miracle de l’équation de Schrödinger de l’atome d’hydrogène est dans l’apparition de tout un ensemble d’énergies privilégiées qui, par application de la relation de Bohr, redonnent les raies du spectre de l’atome selon la loi de Rydberg. Une équation a rarement contenu en son sein la prédiction aussi précise d’un phénomène aussi complexe et aussi bien défini. Il n’en est que plus étonnant que le sens physique de cette équation et, partant, de toute la théorie qu’elle inaugure et fonde reste jusqu’à ce jour encore très mystérieuse.

Schrödinger a trouvé cette équation par une méthode qu’il a lui-même qualifiée de « complètement incompréhensible ». Initialement il pensait que cette équation concernait une onde stationnaire à sens physique simple. Une onde stationnaire résulte de l’interférence d’une onde avec elle-même par réflexion sur un obstacle. (…)

Il a été longuement montré que l’existence de l’onde de De Broglie associée aux particules microphysiques se manifeste par des phénomènes d’interférence caractéristiques tout à fait analogues à ceux que l’on observe avec la lumière. L’idée nouvelle introduite par Schrödinger est en quelque sorte de considérer que pour une particule soumise à une force extérieure (l’attraction du proton sur l’électron dans l’atome d’hydrogène), qui conditionne et limite ses mouvements, les limitations agissent précisément comme des cloisons ou des obstacles sur lesquels se réfléchissent les ondes de De Broglie associées. Ces réflexions conduisent par interférence à des ondes stationnaires associées à la particule. L’équation de Schrödinger permet le calcul des ondes stationnaires possibles selon les différentes formes des obstacles.

Cette image de l’onde stationnaire permet de comprendre la stabilité de l’atome de l’hydrogène dans la mécanique ondulatoire. Dans le champs électrique du noyau, l’électron se trouve comme dans un puits qui devient de plus en plus étroit lorsqu’on s’y enfonce, un puits conique.

Le noyau attire l’électron au fond du puits. L’onde associée devient stationnaire par réflexion sur les parois du puits. Lorsque l’électron s’enfonce, l’onde stationnaire se réduit, comme un ressort que l’on chercherait à enfoncer dans un tuyau conique. Il y a une limite à cette réduction liée à l’existence même de l’électron ; on ne peut complètement supprimer l’onde, de même que le ressort ne peut se comprimer indéfiniment. Cet état maximal de réduction de l’onde stationnaire dans le puits est l’état stable le plus bas en énergie de l’atome d’hydrogène, l’état fondamental, l’état de repos de l’atome.
On voit donc que, contrairement à ce qui se passe en mécanique classique où l’état stable de repos correspond à l’absence de mouvement, en mécanique ondulatoire l’état stable de l’atome correspond à un mouvement défini et irréductible. C’est vrai pour tous les objets quantiques. (…)

Malheureusement, toute cette interprétation physique imagée de l’équation de Schrödinger s’est rapidement avérée délicate, prise ainsi littéralement, et l’on a donné de la « fonction d’onde » qui figure dans l’équation une tout autre interprétation, justifiant par là le changement de dénomination de la théorie, qui de « mécanique ondulatoire » est devenue « mécanique quantique ».

En mécanique quantique, la fonction d’onde, qui est la solution de l’équation de Schrödinger, reçoit une interprétation probabiliste.
Le carré de la fonction d’onde définit la probabilité de trouver l’objet quantique au temps voulu en un endroit donné.

Ainsi, dans l’atome d’hydrogène, calculera-t-on la probabilité de trouver l’électron dans les différentes positions de l’espace autour du noyau. Pour un atome à plusieurs électrons on obtiendra la probabilité d’avoir simultanément les électrons en différents points donnés de l’espace. (…) Parler des objets quantiques signifie non pas donner de ces objets une description visant à faire comprendre ce qu’ils sont, mais à décrire les phénomènes auxquels ils donnent naissance.
Ces phénomènes sont de deux types : des phénomènes d’ordre et de régularité, des phénomènes de désordre et d’imprévisibilité. (…) Il n’y a pourtant pas entre ordre et désordre l’antinomie que le bon sens suggère. Songeons déjà que la notion même de probabilité introduit une régularité dans les phénomènes de hasard. (…) Tout se passe comme si la mécanique quantique exprimait les figures d’ordre d’un désordre microphysique. (…) Mais la mécanique quantique se borne à enregistrer et formaliser le caractère aléatoire des résultats de certaines expériences, sans pouvoir se prononcer sur l’origine physique de ce comportement. (…)

L’équation de Schrödinger de l’atome d’hydrogène peut être résolue exactement. Ses solutions ne sont pas quelconques et constituent les états possibles de l’électron dans l’atome. Ce sont les états quantiques de l’atome. Ils sont associés à trois paramètres qui ne peuvent prendre pour valeurs que des nombres entiers. Ce sont ces paramètres que l’on appelle les nombres quantiques.

Ces nombres quantiques permettent de distinguer les différentes fonctions d’onde qui représentent mathématiquement les états quantiques. (…) En accolant les valeurs des trois nombres quantiques, vous avez par là même sélectionné une fonction d’onde déterminée (…)
Dans ses différents états quantiques, l’électron de l’atome d’hydrogène est totalement caractérisé par la donnée de la valeur de trois grandeurs physiques :

l’énergie

la longueur du moment de la quantité de mouvement

la projection du moment de la quantité de mouvement sur une droite.

Le moment de la quantité de mouvement est aussi appelé moment cinétique orbital ou moment orbital.

N’oubliez pas que la quantité de mouvement, produit de la masse par la vitesse, est une quantité orientée, comme la vitesse. Il en est de même pour le moment, produit de la quantité de mouvement par la distance au centre (le noyau de l’atome).

Les nombres quantiques sont appelés :

nombre quantique principal n qui détermine les niveaux d’énergie,

nombre quantique orbital l qui détermine le carré de la longueur du moment orbital,

nombre quantique magnétique m qui détermine la longueur de la projection du moment orbital sur une droite arbitraire. (…)

La chance de Schrödinger fut de pouvoir résoudre exactement son équation pour l’atome d’hydrogène. On peut paradoxalement prétendre sa seconde chance fut l’impossibilité d’obtenir une solution exacte de l’équation pour les atomes plus lourds, comme l’hélium, le lithium, etc. Aujourd’hui encore ces solutions ne sont pas connues sous une forme analytique, quoique l’on sache les obtenir sous forme de tables de nombres à l’aide d’ordinateurs puissants, pour les atomes légers tout au moins. (…)

Mais à défaut de pouvoir calculer ces solutions exactes, on sait aujourd’hui beaucoup de choses sur elles. Tout d’abord, elles existent ! Car n’oubliez pas qu’une équation n’a pas forcément de solutions. (…) On a démontré dans les années 1950-1960 l’existence de solutions de l’équation de Schrödinger pour tous les atomes et les molécules. On a même pu préciser certains caractères de ces solutions. Il a en particulier été démontré que la fonction d’onde de la plus basse énergie ne change jamais de signe. (…)

Si l’équation de Schrödinger contient, pour les atomes lourds, tout comme pour l’atome d’hydrogène, un ensemble d’états quantiques possibles, il s’avère que ces états ne sont pas tous réalisés physiquement. En particulier, pour les atomes au-delà de l’hélium, l’état quantique de la plus basse énergie n’existe pas physiquement, il n’a qu’un sens mathématique et beaucoup d’états sont dans ce cas là. (…)

Comment séparer le bon grain de l’ivraie ? A l’aide de principes liés à des propriétés particulières de symétrie des atomes polyélectroniques. (…)

Lorsque nous considérons un atome possédant plusieurs électrons, une nouvelle propriété de symétrie apparaît, qui n’existait pas pour l’atome d’hydrogène. Une symétrie par permutation. Pour un système à deux électrons et plus, particules identiques que leur propriétés quantiques rendent indiscernables, aux symétries géométriques s’ajoute la symétrie par rapport à la permutation du rôle des électrons.
Les particules étant indiscernables, les propriétés physiques du système ne peuvent pas dépendre de rôles particuliers joués par les électrons. Les états quantiques doivent avoir un aspect totalement symétrique par rapport à tous les électrons. Les fonctions d’onde correspondantes sont donc nécessairement soit symétriques soit antisymétriques par rapport aux permutations des électrons, c’est-à-dire soit invariante, soit invariante en grandeur mais avec changement de signe. L’antisymétrie est comme la symétrie de l’image dans un miroir : l’objet n’est pas modifié mais il est renversé. L’intervention de l’antisymétrie s’explique par le fait que seul le carré de la fonction d’onde a un sens physique. (…)

Devant l’impossibilité de calculer exactement les solutions de l’équation de Schrödinger pour les atomes et les molécules, on a été amené très tôt à élaborer des modèles permettant d’obtenir des solutions approchées. (…) Comme il n’y a pas d’électrons indépendants à cause de l’interaction électromagnétique entre eux, on introduit un modèle fictif où des objets, en fait abstraits, ressemblant étrangement à des électrons, portant la même charge et affublés du même spin (moment cinétique quantifié ou moment magnétique de rotation), participant de la nature ondulatoire de l’électron, se comportent en fait comme des électrons qui auraient rassemblé sur chacun d’eux l’existence et les propriétés de tous les autres. C’est là une démarche très analogue à celle par laquelle on représente le mouvement d’une planète par le mouvement d’une particule fictive rassemblant toute la masse de la planète en son centre de gravité. Pour bien marquer le caractère modélisateur de cette pratique, nous parlerons dorénavant de quasi-électrons et non pas d’électrons. (…) Plus précisément, on utilise pour représenter la fonction d’onde totale un ensemble de fonctions d’ondes élémentaires, une par quasi-électron, analogues aux fonctions d’onde de l’atome d’hydrogène. On doit satisfaire en plus à deux principes fondamentaux : l’indiscernabilité des quasi-électrons et l’anti-symétrie de la fonction d’onde totale. »

Autres extraits de « L’objet quantique » de Diner, Farge et Lochak

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