mardi 16 décembre 2014, par
« Les Suisses disent non à la lutte des classes », titre le quotidien conservateur allemand Die Welt lundi pour rendre hommage, lui, au « sens des responsabilités des Suisses ». Le refus dimanche de l’initiative 1:12 visant à limiter les hauts salaires à 12 fois le plus bas salaire d’une entreprise a déclenché un large écho dans la presse internationale. Le Figaro triomphe : « À peine 23 % des citoyens de la Confédération helvétique ont voté « oui » ce dimanche où se tenait un référendum portant sur l’introduction d’un salaire minimum. C’est donc à une écrasante majorité que la mise en place d’un salaire minimum de 22 francs suisses, soit environ 18 euros de l’heure, a été refusée… Outre leur extraordinaire prospérité, les Suisses se distinguent plus que jamais par leur régime unique de démocratie directe… Le Wall Street Journal salue, lui, la « sagesse des Suisses » et déplore le « caractère émotionnel » de l’initiative 1:12. « Il n’y a pas de table de la loi en matière de salaires. (…) Le résultat pratique d’un ‘succès’ du texte aurait rendu la Suisse plus pauvre et moins attrayante pour les investisseurs étrangers ». Et le quotidien financier américain de rendre hommage aux Suisses d’avoir trouvé de moins en moins séduisant le mirage de la redistribution offert par le texte. » Même son de cloche dans le Jornal Expresso au Portugal : « Nestlé ou Novartis menaçaient de déménager leur siège ailleurs. Les Suisses, même dans la discrétion d’un local de vote, sont prudents (…), ils rejettent cette initiative qui concerne seulement les gros bonnets de 0,3% des entreprises. » De nombreux titres de journaux mettent l’accent sur les mérites de la démocratie directe et la « sagesse » des Suisses.
La Suisse est devenue en 2011 le premier pays au monde où la fortune a dépassé 500.000 dollars par personne. Cela ne signifie nullement que les travailleurs de Suisse soient devenus des capitalistes ! Ni même que leur comportement soit moins fondé sur leur intérêt exclusif. Pour ne prendre qu’un seul exemple de la législation du travail, en Suisse, les juges des prud’hommes sont des magistrats professionnels qui ne prennent de décisions que financières, pas question, par exemple, d’ordonner la réintégration même si le licenciement est jugé abusif.
L’image d’une Suisse complètement en dehors des luttes de classes est absolument mensongère et n’a jamais eu de sens. On nous présente ce pays du grand capital bancaire et industriel, où la collusion est totale entre pouvoirs politique, financier, judiciaire et militaire, comme le pays de la démocratie directe aux mains du peuple à l’aide des « votations », du « peuple en armes »…
Lire ici : Sur le mythe d’une Suisse sans grèves et luttes de classe
Historiquement, la Suisse des montagnes, des champs et d’édelweiss est une image d’Epinal. Si Voltaire parlait d’ « une Suisse des vaches et des banquiers », cela va surtout une signification satirique contre les banquiers ! C’était déjà de la lutte des classes. (voir ici) D’ailleurs, à l’époque de Voltaire, la Suisse était depuis longtemps un haut lieu des luttes de classe et des révolutions sociales et politiques, bourgeoises et populaires, pour toute l’Europe. (voir ici)
La Suisse a aussi été un haut lieu d’organisation du mouvement ouvrier à ses débuts (voir ici, un pays qui a connu des luttes de classe et des efforts d’organisation de classe (voir ici) et aussi un haut lieu des débats du mouvement ouvrier international (voir ici).
Les grèves ouvrières se développent en Suisse : en 1875, par exemple : les ouvriers du Saint-Gotthard se mettent en grève ; on fait donner la troupe ; bilan : quatre morts, le 8 mars 1889, première grève au chantier du percement du tunnel du Simplon, elle ne durera qu’un jour ; deux autres grèves éclateront en novembre 1899 et en juin 1901, la troupe interviendra chaque fois ; c’est à l’occasion du percement du Simplon que la question ouvrière est véritablement posée en Valais. le 15 mars 1907, grève des ouvriers chocolatiers des usines Peter-Kohler, à Vevey (VD) pour réclamer de meilleures conditions de travail, en novembre et décembre 1922, la grève des ouvriers typographes, en 1929 la grève des maçons et manœuvres des secteurs du Bois et du Bâtiment.
Pascale Gazareth, Aspects de la grève et facteurs de sa rareté en Suisse, (Mémoire de licence, Université de Neuchâtel, 1994, pp. 13-29) : Grève-émeute, grève politique, grève sur le tas, grève avec occupation, avec piquet, avec séquestration, grève tournante ou par roulements, grèves articulées, grève larvée, grève-bouchon ou grève-thrombose, grève du zèle, sans oublier le débrayage, la grève d’avertissement et la grève-surprise, cet acte de force revêt les formes les plus variées.
La répression policière contre le mouvement ouvrier n’est pas peu courante : voir ici
Entre 1918 et 1945, l’armée a assuré 22 fois un « service d’ordre » contre le mouvement ouvrier. Le soir du 9 novembre 1932, l’armée ouvre le feu, au pistolet et au fusil mitrailleur, sur une manifestation antifasciste, faisant treize morts et des dizaines de blessés. Puis on félicite les assassins et l’on condamne des dirigeants du Parti socialiste genevois, qui avaient appelé à manifester, pour trouble à l’ordre public.
Voir la lettre de Lénine aux ouvriers suisses
La révolution prolétarienne menace également la Suisse après la première guerre mondiale, dans le cadre de la vague européenne de révolutions débutée en Russie en 1917. (voir ici).
1917
La colère gronde mais le gouvernement ne semble pas accorder d’attention aux revendications des salariés. Nombre de branches industrielles d’exportation - chimie, métallurgie, textiles, machines ou horlogerie - réalisent de gros bénéfices alors que, dans les rues du pays, les manifestations se succèdent.
Pour la première fois, des employés se joignent aux ouvriers, même les femmes protestent contre la faim et la hausse du coût de la vie. Indice évocateur de cette crise sociale, le taux de natalité s’écroule ; de 22 0/00 (vingt-deux pour-mille) en 1914, il tombe à 18 0/00 (dix-huit pour-mille) en 1917. La paix conclue entre patronat et salariat est rompue. Les effectifs des syndicats, des associations de travailleurs et du parti socialiste explosent.
Un événement va mettre le feu aux poudres dans toute l’Europe. En avril 1917 éclate la Révolution russe. Lénine, alors exilé en Suisse, rentre au pays grâce à l’aide de ses camarades communistes suisses, Robert Grimm et Fritz Platten, qui organisent son retour dans un wagon plombé.
La révolution apporte d’immenses espoirs aux classes ouvrière et défavorisée qui voient en l’émergence de cette gauche anticapitaliste la solution à leur situation sociale précaire. Les mouvements insurrectionnels se multiplient, revendiquant plus de protection et de droits pour les travailleurs. Ils ne cesseront d’augmenter en nombre et en intensité jusqu’en 1918, y compris en Suisse.
Tellement que les États-Unis, tête de file du mouvement capitaliste anticommuniste, finissent par s’inquiéter. Ils font savoir à Berne qu’ils interviendront militairement en Suisse en cas de révolution communiste, malgré la neutralité de la Confédération. Ambiance...
1918
L’Allemagne capitule et la première guerre mondiale de l’histoire de l’humanité s’achève.
Celle que tous prédisaient courte dure en réalité 4 ans et laisse plus de 8 millions de morts et 20 millions de blessés sur les champs de bataille. La Suisse, neutre, reste épargnée par les combats.
Mais sur le front social, elle se réveille dévastée, assommée, appauvrie. C’est cette année-là que tout va basculer...
Le conseiller national socialiste Robert Grimm décide de convoquer une « cellule de crise » qui aurait pour mission d’élaborer des revendications adressées au gouvernement pour défendre les droits des travailleurs. Il s’entoure de membres du PS (Part socialiste) et de l’USS (Union syndicale suisse).
Car à cette époque, les travailleurs suisses ne disposent encore d’aucune protection sociale, 700’000 personnes dépendent de la charité publique et 65 heures de travail sont effectuées chaque semaine, soit 11 heures de travail par jour et 10 heures le samedi. Cette séance donnera naissance au « Comité d’Olten ».
Le « Comité d’Olten » organise à Bâle le premier Congrès général ouvrier. Un catalogue de revendications à l’attention du Conseil fédéral est présenté aux salariés présents. Le Congrès décide d’envoyer une délégation chargée de négocier avec le gouvernement. En cas d’échec des négociations, la Grève générale est votée comme moyen ultime de pression.
Dans un premier temps, le gouvernement accepte de discuter avec les représentants du monde ouvrier.
30 septembre – 1er octobre 1918
A Zurich, des employés de banque manifestent pour obtenir une hausse de leur salaire. La situation est parfaitement inédite ! Ouvriers et cols blancs, peu rompus aux grèves, se rapprochent en partageant les mêmes préoccupations et revendications. Le patronat exprime de vives inquiétudes.
19 octobre 1918
Le PS, Parti socialiste, appelle à fêter l’anniversaire de la révolution russe. Dans un climat social et politique particulièrement tendu, cette démarche est interprétée comme une provocation par le gouvernement. Malgré les menaces des autorités, la manifestation est maintenue.
7 novembre 1918
Des troupes de l’armée suisse investissent Zurich en nombre. La cavalerie soutient l’infanterie et s’affiche de façon ostentatoire, attisant la tension. Les soldats font face aux manifestants dans une ambiance électrique.
Le Comité d’Olten se réunit en séance extraordinaire.
9 novembre 1918
Chute de l’Empire allemand.
A Zurich, l’Union ouvrière décide de poursuivre la grève jusqu’au retrait des troupes de l’armée suisse.
10 novembre 1918
A Zurich, après 3 jours de grève, la place Fraumünster devient le théâtre d’affrontements entre manifestants et militaires.
Suite aux événements de Zurich, le Comité d’Olten lance un appel à la Grève générale pour le 12 novembre. Il présente un programme de revendications politiques et sociales en 9 points.
Résumé des revendications du Comité d’Olten :
Le Conseil national doit être renouvelé sans délai, selon la représentation proportionnelle (chaque parti politique doit être représenté au parlement en proportion du nombre de suffrages obtenus)
Les femmes doivent pouvoir voter et être élues
La semaine de travail ne doit pas dépasser 48 heures, soit 6 journées de 8 heures (65 heures par semaine actuellement)
Les travailleurs âgés et invalides doivent être protégés par une assurance (les futures assurance vieillesse et survivants – AVS – et assurance invalidité - AI)
Un impôt sur la fortune des gros contribuables doit être introduit pour éponger l’importante dette publique notamment liée à la mobilisation.
L’armée doit être démocratiquement réformée et encadrée d’une organisation solide qui permettrait, à l’avenir, de garantir le ravitaillement du pays, particulièrement problématique durant la Grande Guerre.
11 novembre 1918
En Suisse, le travail reprend dans toute la Suisse, à l’exception de Zurich.
12 novembre 1918
La Grève générale commence.
Le pays est paralysé ; le nombre de manifestants demeure inégalé à ce jour. 250’000 personnes répondent à l’appel du Comité d’Olten, dont une grande partie de cheminots qui arrêtent le trafic ferroviaire jusque dans les régions les plus reculées. Le général Wille mobilise 100’000 soldats. 3 grévistes meurent à Granges, important centre horloger soleurois.
Le même jour, à Berne, la mission bolchévique quitte le pays après que Berne, sous la pression des Alliés, a rompu ses relations avec la Russie - contrevenant ainsi au principe de l’universalité des relations diplomatiques d’un pays au bénéfice d’une neutralité permanente. La mission diplomatique russe est accusée de propagande et d’agitation communiste en Suisse.
Toujours ce même 12 novembre, l’Assemblée fédérale est convoquée en session extraordinaire urgente. La Grève générale est naturellement à l’ordre du jour. La majorité, bourgeoise, durcit le ton. Le Conseil fédéral se sent appuyé pour agir. Ce qu’il fera immédiatement.
13 novembre 1918
Le Conseil fédéral exige la fin de la Grève générale. Les menaces sont claires : l’armée pourrait avoir ordre de tirer sur les gréviste. Il lance un ultimatum au Comité d’Olten.
14 novembre 1918
Au matin, le Comité d’Olten accepte l’ultimatum du Conseil fédéral, de crainte que la Grève générale ne dégénère en violences, comme en Allemagne où la révolte a été sauvagement anéantie par l’armée. De plus, certains paysans et commerçants menacent de ne plus livrer de pain ou de lait aux villes en grève. Le Comité déclare : « la classe ouvrière a cédé devant les baïonnettes, mais elle n’est pas vaincue ».
15 novembre 1918
Reprise générale du travail, la Grève générale n’aura duré que trois jours.
22-23 décembre 1918
Deuxième Congrès général ouvrier à Bâle. Suite à l’échec de la Grève générale, le Comité d’Olten est remanié, élargi et rebaptisé « Comité central d’action ».
29 septembre 1919
Le Comité central d’action, anciennement « Comité d’Olten », siège pour la dernière fois de son histoire. Il n’y aura jamais de dissolution formelle.
Le 5 mars 1921, le Parti socialiste suisse perd son aile gauche, forte d’environ 5 000 membres. Elle le quitte pour fonder le Parti communiste suisse. Le 18 février 1923, le peuple rejette, par 55 145 non (11,0 %) contre 445 606 oui (89,0 %), l’Initiative populaire « Arrestation des citoyens suisses qui compromettent la sûreté intérieure du pays », c’est-à-dire les communistes.`
La Suisse est certes aussi un haut lieu de la collaboration de classe : par exemple, en 1937
En fait, il n’est pas exact que la paix sociale date en Suisse de 1937 puisque le pays a connu en 1945-1947 de nombreuses et grandes grèves (comme à Genève au printemps et en été 1946 et avec notamment un important mouvement des ouvriers du Bois et du Bâtiment). L’intensité des mouvements grévistes est la plus forte en 1946 avec 184.483 journées de travail perdues et un mouvement qui a failli aboutir à une grève génrale, sans compter un poids accru de la classe ouvrière sur les partis politiques. C’est plutôt à partir de 1950 que la paix sociale a pris effet avec moins de dix grèves par an.
Depuis 1957, le Code des obligations distingue la paix relative et la paix absolue du travail. L’art. 323bis disposait au chiffre 2 :
« Chaque partie doit maintenir la paix du travail et s’abstenir en particulier de tout moyen de combat quand aux matières réglées dans la convention. L’obligation de maintenir la paix n’est absolue que si les parties en sont convenues expressément ».
Cet article, devenu l’art. 357a du Code des obligations, a été légèrement modifié dans la version révisée de 1972. Il indique que :
« Chaque partie maintient la paix du travail et, en particulier, s’abstient de tout moyen de combat quant aux matières réglées dans la convention ; l’obligation de maintenir la paix n’est illimitée que si les parties en sont convenues expressément »
En 1977, 67 % des conventions avec clause de paix visaient la paix absolue, 4% la paix relative expressément mentionnée, les autres étant muettes à cet égard (ce qui revenait au même).
La Suisse n’a connu que vingt-cinq grèves entre 1987 et 1996 et une cinquantaine au cours de la dernière décennie. Le nombre annuel moyen de journées de travail ainsi perdues s’est élevé à 0,74 pour mille travailleurs pendant la première décennie susmentionnée.
Les syndicats suisses s’y entendent à pratiquer la collaboration avec les patrons voir ici
Le 30 octobre 2012, un grand colloque réunissait des représentants des milieux patronaux et des milieux syndicaux pour célébrer l’anniversaire de la paix du travail.
Soixante-dix ans après, la « paix du travail » de 1937 est-t-elle encore une réalité ? Les Conventions Collectives de Travail (CCT) sont censées empêcher les conflits mais on oublie souvent de dire que les CCT ne couvrent même pas un salarié suisse sur deux ! Quant à les présenter comme également favorable au patronat et aux salariés, il suffit pour se faire une opinion d’écouter le directeur général du Centre Patronal, Christophe Reymond, qui en dit beaucoup de bien : L’État est parfois appelé à intervenir, mais seulement à la demande des parties en cause, pour décider qu’une convention collective aura force obligatoire générale, afin que les dissidents ne profitent pas indûment d’un avantage économique qui fausse la concurrence et finirait par ruiner l’édifice. » Des analyses ont été menées par Yves Flückiger, vice-recteur de l’Université de Fribourg, à partir de l’Enquête suisse sur la structure des salaires. Les résultats ne sont pas ceux auxquels il s’attendait : « Il apparaît […] que la couverture par une CCT est paradoxalement synonyme de salaires plus faibles pour les personnes qui en bénéficient. »
Et le mode de fonctionnement des syndicats suisses et leur liaison avec le patronat et avec l’Etat ne permettent pas toujours d’éviter les grèves.
En avril 1970, quelque 200 saisonniers, employés par la société Murer SA active dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, se mettent en grève. Le 6 avril, le chantier du futur centre commercial de Balexert est complètement bloqué par les grévistes et la Fédération des ouvriers du bois et du bâtiment (FOBB) intervient, sans succès, pour obtenir la reprise du travail. La grève dure une semaine. Un accord est conclu le 10 avril et signé le 13. Le samedi 11, une manifestation de soutien réunit 4’000 personnes sur la base d’un appel assez offensif à l’égard des syndicats.
Cette grève inaugure un cycle de conflits du travail qui traverse ce qu’il est convenu d’appeler les « années 68 ». Elle pose immédiatement une série de questions auxquelles le mouvement syndical sera confronté durant toute la décennie suivante au cours de conflits restés plus fameux (Monteforno, Dubied, Matisa, etc.) : rapports avec les travailleurs étrangers, liens avec la base ouvrière, collaboration avec la nouvelle gauche. Comme le remarque cinq ans après un militant genevois : « le mouvement étudiant prenait [alors] ses premiers contacts avec l’émigration. Cette expérience [la grève chez Murer] sera un des moments décisifs de la naissance d’une nouvelle gauche suisse à Genève. Mais la gauche traditionnelle elle-même sera ébranlée par ces journées. » Outre les questions qu’elles posent aux syndicats, ces grèves mettent en mouvement les groupes politiques issus des ruptures avec le Parti du Travail et des mouvements étudiants qui cherchent à les soutenir, à les élargir, voire à les diriger.
Pourtant, ce cycle de grève qui couvre une décennie (voir tableau en annexe) n’est guère pris en compte par les historiens des « années 68 ». Historien spécialiste de l’histoire des grèves françaises de la période, Xavier Vigna s’étonne, dans un compte-rendu du récent ouvrage de Damir Skenderovic et Christina Späti : « [...] la contestation ouvrière, si prégnante en Italie et en France pendant la séquence, s’avère rare en Suisse : une seule grève mentionnée dans une usine de chaussures au printemps 1970. Cette absence relative n’est guère questionnée par les auteurs [...] » Et pour cause : entre 1967 et 1979, un premier repérage permet de mettre en évidence plus de cinquante conflits dont certains durent plusieurs semaines. Ce n’est rien certes en comparaison avec la France et l’Italie, mais ces pays ne connaissent pas le régime conventionnel et idéologique de la « paix du travail ». Voir ici
La Suisse est certes un des centres mondiaux de la bourgeoisie industrielle et financière mais cela ne signifie pas que les Suisse soient tous des capitalistes ! Le prolétariat, qu’il soit d’origine suisse, européenne ou immigrée, existe de longue date. Il y a une importante industrie suisse dans de multiples domaines. Voir ici : la sociologie des classes sociales en Suisse
Le développement d’un courant fasciste en Suisse, loin d’être une preuve de l’absence de luttes de classes, montre que la grande bourgeoisie se prépare à dévoyer les luttes de classes et à les écraser : voir ici
La paix du travail, on a pu le constater encore récemment lors du coup de force illicite de Comedia contre les Presses Centrales, à Lausanne (2001), et dans le conflit de Filtrona, à Crissier (2004), est éminemment fragile. Lors des deux grèves chez Boillat Swissmetal, à Reconvilier (2004 et 2006), on a assisté, de part et d’autre, à une escalade de la violence verbale, mais aussi des mesures d’intimidation et de rétorsion.
Car les luttes sociales ne sont pas non plus absentes au pays de l’Edelweiss qui n’est pas seulement un pays de montagnes et de tourisme.
Du 16 au 25 novembre 2004, c’est la grève de la Boillat, grève spontanée considérée comme une « grève illégale » mais qui reçoit un large soutien populaire avec des manifestations quotidiennes, allant jusqu’à réunir 5000 personnes (plus que la population de Reconvilier), avec des repas offerts dans l’usine par les commerçants du village…
Récemment les employés de Orange et Veillon (vente par correspondance) ont fait grève. Bien entendu, la lutte des classes, la bourgeoisie la mène comme ailleurs : voir ici
La Suisse touchée par une vague de licenciements
En Suisse aussi, les syndicats s’entendent avec la direction sur le dos des salariés
Et ces syndicats minimisent les effets des grèves
Les fonctionnaires sont attaqués comme ailleurs
Les tendances spontanées à la généralisation des grèves inquiètent patronat et Etat
Comme ailleurs, les patrons estiment illégales les grèves, y compris contre les fermetures
Les salariés ne se laissent pas faire Michel Bülher, chanteur et radical, commente ainsi les luttes de classes en Suisse
La suite vient : la fonction publique débrayera le 18 décembre