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Pourquoi c’est l’extrême droite qui a gagné en Suisse

vendredi 25 avril 2014, par Robert Paris

« Nous sommes menacés par l’invasion massive des travailleurs étrangers » déclarent les Suisses, ou du moins certains d’entre eux, dénonçant ainsi des travailleurs français, italiens, allemands ou belges, etc, qu’ils accusent de tous les maux de la terre, du chômage, des taxes, des impôts, de la hausse du coût de la vie ou de l’insécurité. Or la Suisse en est à la nième version des mesures antimigratoires et a une des législations les plus sévères en la matière. Inutile de dire qu’en Suisse comme ailleurs, il s’agit d’une démagogie et que les vrais responsables de la situation de crise ne sont nullement étrangers. D’ailleurs, ceux qui accusent les étrangers, en Suisse comme ailleurs, sont le plus souvent ceux qui ne les fréquentent même pas. Ce sont les cantons où il n’y a presque pas d’étrangers qui ont massivement voté contrairement aux cantons où il y en a une forte proportion. Ce vote marque une progression d’un parti d’extrême droite xénophobe, l’UDC....

Au delà de la xénophobie, l’UDC draine les classes moyennes (paysans, professions libérales et petits commerçants) affolées par la crise, par les risques pour les banques suisses, par la pression de l’Europe. C’est, pour la petite bourgeoisie, la crainte de chuter dans le prolétariat qui est ainsi instrumentalisée par la grande bourgeoisie et pour les travailleurs la crainte de se faire enlever leur travail par les étrangers. Tous ceux qui ont peur de l’Europe, de la mondialisation, du brassage culturel, d’une éventuelle paupérisation, voient en Christoph Blocher un sauveur. Les seuls à ne pas voter majoritairement pour l’UDC sont les travailleurs sociaux, les travailleurs qualifiés en fixe, les membres des professions intellectuelles, les enseignants, les créatifs, les jeunes.

Pourquoi c’est l’extrême droite qui a gagné en Suisse

Alors que l’Union démocratique du centre (UDC), ce parti d’extrême droite raciste et fasciste qui se dit agrarien et qui n’est pas seulement vache, a réussi le pari de faire mieux qu’il y a quatre ans, et atteint le score incroyable de presque 30 % des votes exprimés en sa faveur. C’est, semble-t-il, le pourcentage le plus élevé jamais réalisé par un parti politique en Suisse.

Avant de passer en revue les arguments qui donneraient à croire que ce parti n’est pas qu’une simple droite nationaliste, observons le taux de participation. On se gausse dans notre pays d’avoir atteint les 50 %, alors que la campagne s’est déroulée de manière très virulente, les invectives volant très bas et les appels au vote se répétant ad nauseum. Jamais on avait vu l’électorat et les politiques se mobiliser de la sorte, les manifestations se voyant opposer des contre-manifestations, les journaux analysant les penchants politiques de tous les candidats, les tracts s’échangeant à toute vitesse de main en main. L’agitation est à mettre en relation avec celle ayant suivi la qualification de Le Pen au deuxième tour des présidentielles françaises de 2002, qui eut pour résultat le taux record (là aussi) de 94,62 % de participation, après des années de baisse. Entre la France de 2002 et la Suisse de 2007, on passe du simple au double. La démocratie suisse, ce n’est pas tellement une affaire populaire.

Peu de participation, soit ; mais qu’est-ce que l’UDC ? Ressemble-t-il vraiment à ce qu’en décrit la presse internationale, un parti xénophobe et même raciste ? Il semble que de prime abord, il a dépassé le stade de simple parti agrarien, puisque la défense des droits des agriculteurs (origine de sa fondation) n’est plus depuis longtemps son cheval de bataille. L’immigration, la criminalité, l’adhésion aux instances internationales ou l’armée composent la vulgate UDC depuis l’arrivée de Christoph Blocher à sa tête. L’aile zurichoise, comme on l’appelle, est plus proche des problématiques citadines que paysannes. Christoph Blocher, le tribun zurichois, auréolé de sa légitimité de ministre suisse (l’exécutif en Suisse est élu pour 4 ans par le Parlement ; chacun des 7 ministres est, sauf surprise, réélu pour un second mandat, ce qui lui permet de devenir par rocade président de la Confédération, au maximum après 6 ans passés au poste de ministre), a eu le loisir de donner une teinte urbaine à ce parti. Et dans la foulée, à le transformer progressivement en parti d’extrême droite, car il possède de nombreuses caractéristiques que l’on retrouve dans les partis extrémistes.

La seconde caractéristique, c’est la vision du groupe. L’UDC a franchi un pas il y a quelques années lorsqu’il a déclaré qu’un citoyen suisse ne pouvait avoir "deux maîtres", au sujet de la bi-nationalité. Le passage du citoyen-électeur au citoyen-sujet me semble dénoter une vision univoque et uniforme de la population, population qui se doit d’être cohérente tant dans ses choix que dans sa composition. Dans la conception de l’UDC, on est Suisse par son sang. Le mouton noir est là pour nous le rappeler. Non pas que le droit du sang soit symétriquement un équivalent de l’extrême droite (l’Allemagne démocratique a longtemps été attachée au droit du sang), mais c’est un indice qui, cumulé à d’autres déclarations de l’UDC, dessine les contours du rôle du citoyen : soumis à l’Etat, le Suisse doit obéir.

L’Etat n’est plus garant de l’épanouissement, mais de l’obéissance de sa population.

La troisième caractéristique, c’est évidemment le bouc émissaire. Là, si on veut être honnête, c’est assez ambigu ; l’UDC mélange une population issue des quatre coins du monde, majoritairement des Européens de l’Ouest. On imagine difficilement des Juifs et des noirs au FN ou au FPOE (même si le noir de service se trouve partout, ce ne sera jamais dans la même proportion qu’à l’UDC). C’est dû, à mon sens, au post-fascisme suisse. Le pays a déjà connu des renvois en masse d’étrangers (affaire de l’initiative contre la surpopulation étrangère, lancée par James Schwarzenbach à la fin des années 60 : cette initiative demandait d’abaisser la population étrangère dans chaque canton à 10% de la population suisse ; le peuple suisse refusa l’initiative par 54% de non contre 46% de oui) permettant une immigration choisie dont la plupart de l’Occident se dote. Néanmoins, si le rejet de l’autre est bien présent, le bouc émissaire est un conglomérat de peurs très diverses et peu uniformes. La xénophobie est réelle, mais en raison du degré d’intégration de l’immigration, elle est difficile à cerner. Il y a une méfiance de l’extérieur, c’est sûr, mais on jette l’opprobre sur l’extérieur grâce à des personnes issues de l’extérieur ; c’est, que je sache, une spécificité suisse.

Avant la Seconde Guerre mondiale, le bouc émissaire était pricipalement le Juif, le communiste ou le franc-maçon ; depuis, dans un monde globalisé où de tels qualificatifs ne mobilisent plus les foules, le bouc émissaire est incontournablement l’étranger ; c’est le cas pour toutes les extrêmes droites européennes.
Sécurité

En quatrième caractéristique, on peut relever que la sécurité passe avant le social. Propre à la droite de manière générale, cette peur sécuritaire est exacerbée lorsqu’on analyse l’UDC. C’est à la fois le corollaire de la vision que se fait l’UDC de la société (unanime, univoque et uniforme, chaque élément du tout est à sa juste place), et celui de la xénophobie. En effet, ce sont les étrangers qui ne se conforment pas aux traditions suisses. Ce sont les étrangers qui parlent fort. Ce sont les étrangers qui vendent des drogues. Ce sont les étrangers qui commettent les crimes...

Dans la même thématique, priorité est donnée au châtiment sur la réinsertion ; l’individu coupable doit être châtié, bien plus que "récupéré" par la société. Ce jusqu’au-boutisme rejoint quelque peu la vision de l’individu, uni par le sang et non par le projet politique ; le crime peut dès lors avoir pour causalité l’hérédité génétique, tout comme l’homosexualité est considérée par l’UDC comme une maladie, rendant inutile l’individu à la société.

Cinquième caractéristique, le culte du chef. Les affiches de l’UDC n’ont plus d’yeux que pour Blocher. Le chef charismatique se pose en défenseur, tout n’existe que par lui. Il y a quelques jours, l’UDC genevois lui reconnaissait les qualités du meilleur leader possible pour l’UDC. Sans Blocher, il semble évident que l’UDC n’aurait pas le même succès. A voir la différence du culte avec le PS, qui pourrait pourtant se targuer d’avoir la présidente (Mme Micheline Calmy-Rey) comme leader, on remarque qu’il y a quelque chose de changé dans notre pays. Surtout dans un pays qui vouait un culte, jusque-là, à l’effacement et la simplicité, et non aux chefs.

Sixième caractéristique, le complot. Au lieu de la franc-maçonnerie juive et matérialiste, on a la gauche. Et ça, c’est une caractéristique partagée par toutes les extrêmes droites : le dégoût pour ces soixante-huitards simplets et bobos, aux moeurs débridés et irresponsables. Ces personnages seraient à l’origine du complot envers le chef charismatique ; oseront-ils toucher au chef ? Le complot de la non-réélection de Blocher, qui aurait été un pétard mouillé s’il n’y avait pas eu l’histoire montée en épingle de la démission du procureur général de la Confédération. Dans tous les cas, le complot a permis de mobiliser les troupes...

Le mythe du complot est très fortement lié au bouc émissaire, car la conspiration est très souvent élaborée par ce dernier. En l’occurence, ce n’est pas exactement le cas, puisque de ce qu’on pouvait comprendre du complot "dirigée contre M. Blocher", il aurait été fomenté par le magma gauchiste. Difficile de discerner qui sont les fauteurs de troubles, puisqu’au final le parti dénonçait la non-réélection programmée de son leader ; il attaquait ainsi une future votation parlementaire, se basant sur les réussites ou non de l’exécutif. Il faut dire qu’au bouc émissaire classique, l’étranger, s’ajoute le "gauchiste", héritier de la tradition anticommuniste de l’extrême droite.

Le populisme ensuite. Caractéristique évidemment essentielle, elle englobe l’UDC. On défend les petits contre les grands, on proclame à tue-tête son amour inaliénable pour la simplicité, pour le "bon peuple". C’est la Suisse primitive, celle du bon sens, celle défendue par l’UDC. Ce parti défend les bas instincts, mais on pourrait dire cela de bien d’autres partis... à commencer par le Parti socialiste. A elle seule, c’est peut-être la caractéristique la moins signifiante, mais oserait-on aborder l’extrême droite sans penser au poujadisme, qui donnera Le Pen par la suite ?

Le peuple a toujours raison, il doit décider en matières non seulement politique, mais également administrative ; l’UDC a toujours réclamé à cor et à cri la naturalisation helvétique par les urnes, rejeté il y a quelques mois par le le tribunal fédéral suisse (la plus haute instance de recours).

D’autre part, le populisme de droite a pour composant (qu’il partage également avec le populisme de gauche) le rejet des grands ensembles financiers, et des grandes entreprises. Défenseurs des PME, des artisans, l’UDC n’hésite pas à faire campagne, par le biais de son opposition à l’immigration, contre les multinationales qui embauchent à tour de bras. Cela, sans voir la contradiction qui existe avec la tête du parti, géré par des (anciens) responsables de gigantesques entreprises mondialisées. Ceci est vrai principalement pour les entreprises industrielles (qui ont des besoins de main d’oeuvre moins qualifiée) mais pas pour le tertiaire (banques, notamment).

On peut relever deux autres points additionnels, qui viendraient diminuer la force argumentaire des points précédents : le goût pour la violence et l’antiparlementarisme. Toutefois, ces deux caractéristiques n’ont, à mon sens, plus vraiment leur place (surtout pour la première) dans un néofascisme. Et sont très peu pertinentes dans un pays qui n’a jamais connu les fascismes d’avant-guerre. Penchons-nous sur ces deux points malgré tout.

Sur la violence : Poujade n’était pas violent, Boulanger (ministre de la Guerre sous la IIIe République française) l’était ; dirait-on pour autant que Poujade, et plus tard le FN, ne sont pas d’extrême droite ? On imagine mal Blocher s’en prendre physiquement à une élue, comme Le Pen dans ses meilleurs jours, mais je crois que c’est avant tout culturel. La passion de l’impérialisme est morte et bien morte en Europe, pourquoi vouloir que l’extrémisme suisse, évoluant dans un petit pays, idolâtre la force à la manière hexagonale ? Le pays s’est toujours méfié des passions, mais il est vrai qu’il change ; l’extrémisme de droite changera-t-il avec lui aussi ?

Sur l’antiparlementarisme : sans atteindre les sommets français, on peut noter qu’il est présent en Suisse. Et au moins aussi fortement qu’au FPOE autrichien, où l’extrême droite a participé au gouvernement, tout comme en Suisse. La thèse du complot (précédemment exposée) impliquant pêle-mêle la plupart des parlementaires, va dans ce sens. Le fascisme considère illégitime toute forme de gouvernement qui n’est pas soumis au chef ; l’extrême droite (d’aujourd’hui) n’a pas forcément la destruction des institutions pour objectif, pas plus que l’extrême gauche (anciennement révolutionnaire). Mais perdure la vision d’une politique corrompue, une séparation des pouvoirs floue. On ne sait pas si l’UDC accepte clairement la séparation des pouvoirs, de nombreuses déclarations (notamment suite à la décision du tribunal fédéral de déclarer illicite la naturalisation par les urnes) permettent d’émettre des doutes.

En somme, parce qu’une extrême droite se développe dans un contexte culturel donné, s’enracine dans l’histoire d’un pays, ces deux points ne me semblent pas suffisants pour "désextrêmiser" l’UDC blochérienne.

Avoir le courage de se confronter à l’extrémisme d’un tiers de la population d’un pays

En conclusion : l’UDC est-elle d’extrême droite ? L’UDC est, par le biais dans son aile zurichoise, un parti très proche de n’importe quelle extrême droite européenne. Partageant avec n’importe quelle autre extrême droite le culte du chef, le populisme, la recherche d’un bouc émissaire, le souci sécuritaire, la vision d’un corps social uniforme, le nationalisme, le complot fomenté par des ennemis. De plus, il n’existe plus, en dehors d’extrêmes tellement extrêmes qu’ils en sont illégaux (et facilement attaquables en justice), de parti réellement fasciste en Europe. Tous se sont mués en extrême droite quelque peu adoucie, perdant des caractéristiques propres à une société d’avant-guerre de toute manière bien plus violente, ne rechignant pas devant quelques assassinats bien calculés. Inimaginable aujourd’hui. L’UDC partage trop de caractéristiques avec ses confrères extrémistes européens pour ne pas avoir le droit à son qualificatif : oui, l’UDC est d’extrême droite.

Ajoutons à ce savant mélange le ton usité par l’UDC : agressif, vindicatif, populiste dans le pire sens du terme, il a été à l’origine de cette campagne inédite dans ce calme pays. L’UDC aime à se vanter de sa franchise (appelons un chat un chat), la question est de savoir si le traitement des quotidiens nationaux sera courageux, et appellera le parti d’extrême droite un parti d’extrême droite. Car en somme, 30 % des votants suisses sont d’extrême droite. Ce qui, ramené à la proportion de votants, nous donne le chiffre (presque acceptable) de 15 % de la population helvétique qui est de tendance extrémiste.

Suisse : Une initiative pour restreindre l’immigration est acceptée par votation -

Par Marianne Arens

Par une très faible majorité, les électeurs suisses ont appuyé l’initiative des droitistes de l’Union démocratique du centre (UDC) « contre l’immigration de masse » le 9 février dernier. L’électorat a voté 50,3 pour cent en faveur et 49,7 pour cent contre. Au final, moins de 20.000 votes séparaient les deux camps.

L’initiative confie au gouvernement la tâche de renégocier l’accord sur la libre circulation dans l’Union européenne (EU) d’ici trois ans. Jusqu’à maintenant, les citoyens de l’Union européenne avaient la permission d’entrer en Suisse sans autorisation spéciale s’ils avaient un emploi. À l’avenir, des restrictions vont s’appliquer et seront déterminées par le gouvernement national et les administrations régionales en collaboration avec les entreprises. De plus, l’initiative oblige les employeurs à donner un traitement préférentiel aux demandeurs d’emploi qui ont un passeport suisse.

L’accord sur la libre circulation fait partie d’un accord exhaustif de 1999 qui régule les relations entre la Suisse et l’Union européenne. Il comprend plusieurs autres sections, dont les standards commerciaux, la libre circulation des poids lourds, etc.

La « clause guillotine » s’applique au traité. Cela signifie que si une section est abandonnée, tout l’accord devient caduc. Conséquemment, l’abolition de la libre circulation remet en question toutes les relations entre la Suisse et l’Union européenne.

Le résultat du vote a pris bien des gens par surprise. Il y a seulement quelques semaines, tous les sondages prédisaient un « non ». Lundi de la semaine dernière, la nouvelle a dominé les manchettes non seulement en Suisse, mais dans plusieurs pays européens.

L’initiative fut mise de l’avant par l’UDC, un parti populiste de droite. Même si son plus important chef, le riche industriel Christoph Blocher, n’a pas fait beaucoup d’apparitions publiques, il a financé en grande partie la campagne, donnant 3 millions de francs de sa propre poche.

Tous les autres partis, des libéraux-radicaux (PLR), proches de la grande entreprise, jusqu’aux démocrates-chrétiens (PDC), aux Verts et aux sociaux-démocrates, ont fait la promotion du « non ». Les organisations d’employeurs et les syndicats ont pris la même position.

Mais les arguments de ceux en faveur de l’initiative et de ceux qui étaient contre étaient peu différents. Tandis que les partisans de l’initiative blâmaient les immigrants pour tous les problèmes sociaux, les opposants argumentaient du point de vue des intérêts des entreprises suisses, qui sont dépendantes de l’immigration de main-d’œuvre bon marché. Aucun parti n’a défendu la liberté de choisir son lieu de travail et de vie comme un droit démocratique fondamental lié à la défense de tous les droits sociaux et politiques de la classe ouvrière.

La ministre de la Justice sociale-démocrate, Simonetta Sommaruga, a expliqué que le système de santé suisse ainsi que les secteurs de l’agriculture et de la construction ne peuvent fonctionner sans main-d’œuvre immigrante.

Le lobby d’entreprises, economiesuisse, ainsi que l’association des employeurs de St-Gall ont défendu l’idée que l’acceptation de l’initiative pourrait avoir un sévère impact économique. Ils ont dit que le manque de travailleurs qualifiés était déjà un problème pour les petites et moyennes entreprises.

Dans ces conditions, l’UDC a été en mesure de manipuler les tensions sociales grandissantes, le malaise face à l’UE et l’anxiété accrue devant la pauvreté et le chômage qui grimpent et de canaliser tout cela dans une voie réactionnaire, anti-immigrés. L’initiative fut plus populaire dans les zones rurales où il y a peu d’immigrants.

De manière générale, il y a eu une différence visible dans les votes entre les communautés urbaines et rurales. Dans le canton de Zurich, les zones plus riches près du lac ont voté contre l’initiative, tandis que les zones rurales ont voté en faveur. À Zurich même, particulièrement dans les zones ouvrières, elle fut fortement opposée. Dans 4 districts électoraux sur 5, seulement 21 pour cent ont voté en faveur de l’initiative. Au total, 52,7 pour cent de ceux qui ont voté dans le canton de Zurich ont dit « non ».

Il y a aussi eu un clivage parmi les zones linguistiques, entre les cantons germanophones et francophones. Dans les cantons francophones de Genève, Vaud et Neuchâtel, l’initiative a été rejetée par près de 61 pour cent des votants. Dans les cantons de Fribourg et du Jura, elle fut rejetée à bien plus de 50 pour cent.

Le plus fort appui à l’initiative est venu du canton du Tessin, où plus de 60.000 travailleurs provenant de l’Italie traversent chaque jour la frontière dans les deux sens.

Le taux de participation s’est élevé à 56 pour cent, le plus haut taux pour une votation depuis des années.

Même si la Suisse est l’un des pays les plus riches du monde en termes de PIB, cette richesse est très inégalement répartie. Pour le salarié moyen, le coût de la vie est extrêmement élevé. Les travailleurs immigrants sont délibérément embauchés pour abaisser les salaires et le gouvernement et les associations d’entreprises cherchent à démanteler les retraites, la sécurité sociale et l’assurance-maladie qui ont toutes été décrites par les médias comment étant trop chères et trop bureaucratisées.

Quelque temps avant la votation, le St. Galler Tagblatt écrivait : « La Suisse a maintenu un système de santé et social outrageusement cher qui est dans un état épouvantable, mal équipé, avec des gens incompétents au pouvoir qui sont totalement à la mauvaise place. » Cette « étable » doit finalement être « vidée et rationalisée ».

L’augmentation de la pauvreté ressort encore plus si on la compare aux richesses grandissantes des millionnaires privilégiés. En Suisse, plus d’un million de personnes sont à risque de pauvreté et près de 600,000 sont jugées pauvres. À l’autre bout de l’échelle sociale, dans un pays qui compte 8 millions d’habitants, 395,000 ménages ont une fortune privée de plus d’un million de dollars américains.

La Suisse est en cinquième place mondialement et seulement deuxième en Europe, après la Grande-Bretagne, quant au nombre de millionnaires, d’après la liste des conseillers en finance de Boston Consulting de mai 2013. Depuis 2012, le pourcentage de millionnaires en Suisse est le deuxième plus haut, derrière le Qatar ; 116 ménages sur 1000 possèdent une fortune de plus de 1 million.

Christoph Blocher, celui qui est à l’origine de l’initiative, est un membre de ce club de super riches. Avec une fortune estimée entre 2 et 3 milliards de francs, il figure parmi les 50 personnes plus riches du pays.

Le PLR, proche de la grande entreprise, a demandé, tout de suite après le référendum « une réforme économique exhaustive pour contrer la menace d’isolement de la Suisse, dans le but de renforcer notre compétitivité mondiale ». Même si le PLR s’est opposé à l’initiative, il affirme que Blocher devrait mener les négociations avec l’Union européenne.

L’extrême droite en Suisse ou les Helvètes vont-ils être blocherisés ?

Qui est Christoph Blocher

Christophe Blocher, milliardaire suisse, entrepreneur et démagogue, qui a créé un parti devenu la première force politique du pays. Il n’est pas le premier à avoir développé la démagogie d’extrême droite en Suisse.

Pendant la deuxième guerre mondiale, le pays a été gouverné par le général Geisel qui optait pour le fascisme tout en maintenant, à la demande des alliés et des nazis, une fausse neutralité.

Un autre exemple. Aujourd’hui oublié, Laur, patron de l’Union suisse des paysans de 1897 à 1940, a été l’un des acteurs majeurs de la politique suisse pendant la première moitié du XXe siècle. Bismarckien enthousiaste à la manière d’Eduard Blocher, il était un politicien aussi habile et opportuniste que ne l’est aujourd’hui Christoph Blocher. A la fin de la Première Guerre mondiale, il provoque la fondation d’un nouveau parti, le Parti des paysans, artisans et bourgeois (PAB), ancêtre de l’actuelle UDC. Il s’agit d’organiser politiquement les paysans des campagnes protestantes (Schaffhouse et Zurich en 1917, Berne en 1918) qui ne se retrouvent plus dans un Parti radical trop lié à l’économie et ne peuvent, religion oblige, confluer dans le parti conservateur-catholique (actuel PDC).

Surnommé le « Bauerngeneral » (général des paysans), voire le « Bauernführer », Laur se fait le héraut d’une idéologie droitière profon-dément réactionnaire, nationaliste, eugéniste, xénophobe, antisémite, anticommuniste et anti-ouvrière, bref, d’extrême droite. Mais pas anti-étatiste, car il réalise vite que l’agriculture n’a pas d’avenir sans le soutien de l’Etat. Identifiant la défense de la paysannerie à celle des traditions, il dirigera pendant de longues années le Heimatschutz et fondera même la Société suisse des costumes.

Le PAB nage dans les mêmes eaux idéologiques. Pendant les années 1930, il ne se gêne pas de fricoter avec les multiples organisations fascistes que les succès de Hitler et Mussolini font fleurir dans le pays. Intégré au Conseil fédéral en 1929, il y envoie des hommes qui ne cachent pas leurs idées d’extrême droite : Rudolf Minger, l’organisateur de défilés militaires pimpants et martiaux, Eduard von Steiger, l’homme qui osa le fameux « La barque est pleine » en été 1942, Markus Feldmann, qui louait en 1938 l’« esprit créateur » de Mussolini.

Un parti, deux noms Il va de soi que ces excès sont oubliés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. L’influence du PAB diminue alors au fur et à mesure que disparaît sa base sociale, la paysannerie. En 1971, une première tentative de refondation centriste par fusion avec le Parti démocrate et le recours à un nouveau nom, l’Union démocratique du centre/Schweizerische Volkspartei, ne donne pas de résultats probants. L’hémorragie électorale se poursuit. Il faut attendre l’entrée en lice d’un Christoph Blocher coulé dans le moule idéologique de l’helvétisme 1900 pour que le parti renoue avec le succès.

Avec le recul, il vaut la peine de s’arrêter sur la contradiction manifeste entre son appellation française « Union démocratique du centre » et allemande « Schweizerische Volkspartei ». Au flou démocratique et centriste romand correspond pour les Alémaniques un concept précis, pointu et connoté : Parti suisse du peuple. Il y a là le nationalisme, le populisme et la fermeture sur la Suisse, avec un je-ne-sais-quoi d’autoritaire. Etonnant. Comme si, avant même que Christoph Blocher ne s’empare de sa direction, les agrariens désillusionnés de 1971 avaient inconsciemment désiré faire son lit.

Eduard Blocher Un grand-père, qui rejette socialisme, libéralisme et conservatisme chrétien...

Fasciné par la personnalité de Bismarck, Eduard Blocher est un pangermaniste fervent et militant, un xénophobe mâtiné d’antisémitisme.

Blocher a établi sa rhétorique sur le requérant d’asile, bouc émissaire du malaise suisse de la mondialisation. Pour ce faire, il a joué sur les préjugés racistes qui existent à l’état plus ou moins larvé au sein d’un grand nombre d’entre nous. La désormais célèbre affiche du mouton noir appartient d’ailleurs au répertoire le plus classique du racisme, malgré les dénégations de Blocher. A cette occasion, le chef de l’UDC a utilisé une technique perfectionnée par Le Pen : le double sens et le racisme suggéré et non pas proclamé.

Certes, le mouton noir, c’est le mauvais sujet de la famille. Mais sa couleur évoque aussitôt l’indésirable étranger, à la morale aussi sombre que la peau, qui ne saurait se confondre avec le troupeau à l’innocence immaculée.

Une nouvelle configuration de l’extrême-droite se dessine, en Suisse et ailleurs. Elle consiste à reprendre certains arguments de base du fascisme de jadis - notamment, l’emploi d’un bouc émissaire et l’exaltation nationaliste - pour les introduire dans les institutions démocratiques. Des institutions que les extrémistes de droite se garderont bien de combattre contrairement à leurs aînés.

Sur le référendum raciste suisse :

Jean-Marie Le Pen déclarait dans un entretien accordé à Egalité & Réconciliation, à propos de cette initiative :

« J’approuve totalement l’initiative “Contre l’immigration de masse”, regrettant qu’une telle initiative ne puisse être mise en œuvre en France, ligotée dans les structures contraignantes et immigrationnistes de l’Union européenne. L’immigration de masse ne va pas manquer de s’aggraver dans les années qui viennent, en corrélation avec les bouleversements géopolitiques, nés de la surpopulation mondiale et de l’augmentation de la pauvreté et de la misère dans le monde. »

Et voici l’avis d’Alain Soral :

« Je trouve normal qu’une nation souveraine puisse décider de sa politique migratoire, et ce en fonction de l’intérêt de son peuple. La Suisse a la chance de ne pas être dans l’Union européenne et d’avoir encore ce pouvoir régalien. Il est normal et même vital pour elle qu’elle en use, et nous, Français, ne pouvons que la comprendre et l’envier, même si une telle politique patriote porte atteinte aux avantages de quelques milliers de frontaliers, dont ma propre mère qui, habitant Annemasse, travailla à Genève une bonne partie de sa vie… »

Qui se ressemble s’assemble...

Quelques éléments de l’histoire suisse

Messages

  • Les Suisses ont dit « non » à une nouvelle limitation de l’immigration, cette fois-ci au nom de l’écologie, selon les premières estimations du résultat des votations organisées dimanche 30 novembre dans tout le pays, diffusées par la télévision publique.

    Environ 74% des Suisses ont dit « non » à cette initiative. Les votants ont aussi nettement refusé les deux autres textes sur lesquels ils étaient consultés, soient la suppression des forfaits fiscaux réservés aux millionnaires étrangers, et la hausse des réserve d’or de la Banque nationale suisse.

    Les adversaires de l’initiative, notamment une majorité d’élus des cantons, faisaient valoir que le départ de ces étrangers priverait les caisses d’importantes recettes qu’il faudrait compenser en diminuant les dépenses ou en augmentant les impôts de tous ; un argument qui porte selon les sondages.

    Le Pen soutenait la votation anti-immigrés !!!

  • Suisse : poussée spectaculaire de la droite anti-immigration aux législatives...

  • Le grand vainqueur des élections d’octobre, l’Union démocratique du centre (UDC), c’est-à-dire l’extrême droite, compte dorénavant deux ministres au lieu d’un seul.

    Il n’y a pas qu’en France que l’extrême droite européenne progresse et qu’elle est favorisée par les classes dirigeantes !

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