jeudi 16 mai 2013, par
,Les indépendances africaines sont maintenant loin derrière nous et s’il fallait en attendre la fin des oppressions, sociales comme économiques ou politiques, cela se saurait. Des pays en Afrique, il y en a de nombreux et ils diffèrent sur bien des points mais aucun n’a réellement tourné le dos aux anciennes formes d’oppression précoloniales et coloniales, antiques, féodales et bourgeoises. Les villages restent sous la coupe des sorciers. Les peuples restent organisés sur des bases ancestrales aggravées par l’instillation dans ces structures anciennes de l’argent, de l’exploitation, du mépris bourgeois. Les différentes sortes d’exploitation et d’oppression ne se sont pas succédés mais se sont soutenues mutuellement et se sont empilées comme des tas, comme un poids de plus en plus lourd sur les épaules des peuples ! L’arrivée du capitalisme dans les villes et villages d’Afrique n’est venue que comme un poids supplémentaire, pas du tout comme une délivrance du passé…
Il n’y a plus d’illusion à avoir. Le capitalisme ne nous libérera même pas du passé. Quand il le balaie, c’est uniquement dans ses aspects de solidarité ancienne, dans le caractère respectable ou utile qu’il pouvait avoir dans la société d’autrefois. Il n’en reste que la caricature hideuse !
Les Haratines sont encore esclaves en Mauritanie, et même les familles dites de « forgerons », ou d’ « esclaves » qui existent en Afrique de l’ouest subissent encore le poids de la descendance. Il y en a marre des castes, des esclaves et des esclavages, des poids inadmissibles du passé imposé au présent et au futur !
Seule la lutte des masses populaires, des travailleurs, des chômeurs, des jeunes et des femmes, des villes et des campagnes, du moment qu’ils s’organisent pour prendre eux-mêmes les décisions, peut en finir non seulement avec la société d’exploitation capitaliste mais avec un passé qui nous laisse des chaînes insupportables.
Cessons d’admirer l’antiquité africaine faites de multiples sortes d’esclavage, qu’il soit pré-colonial, colonial ou néo-colonial, et donnons une perspective de liberté à l’enfant d’Afrique ! Ne craignons pas de rompre avec le passé, ce qui en reste n’est qu’un masque hideux. La vieille société, dans ce qu’elle avait de positif, est morte depuis belle lurette sous les coups du colonialisme et du capitalisme. Il n’en reste que ce qui opprime, que ce qui blesse, que ce qui divise, que ce qui amène des guerres fratricides. En avant vers la lutte des opprimés unis contre toutes leurs chaînes, contre les racismes, contre les castes, contre les féodaux, contre les exploiteurs, contre ceux qui oppriment et exploitent les hommes, les femmes et les enfants, même si c’est au nom de la tradition, de la caste, de la couleur de la peau, du sexe, de l’âge ou de la religion ! Aucun prétexte pour opprimer et exploiter des êtres humains ! Aucune couverture prétendument respectable à la misère, à la souffrance, au mépris infligés à d’autres êtres humains !
Assez des oppositions entre noirs, blancs et maures ! Assez des oppositions entre nomades et sédentaires ! Assez des oppositions entre castes, entre régions, entre nations, entre hommes et femmes !
Pour en finir avec toutes ces oppressions et cette exploitation, cessons de respecter la classe des oppresseurs comme si elle nous était supérieure. Cessons de croire que d’autres que nous vont nous sauver, nous aider, nous conscientiser, nous développer, organisons-nous en tant qu’opprimés sans distinction de sexe, de caste, d’origine, d’ancêtres, de nationalité, de région.
Organisons-nous en tant qu’opprimés et exploités tous unis dans des comités chargés de construire une nouvelle société et l’avenir nous appartient ! Nous sommes objectivement unis par delà les différences de toutes sortes et il nous reste à en prendre conscience et à en tirer les leçons politiques et sociales : à préparer un autre avenir que celui du capitalisme en plein déliquescence. Sans suppression de l’esclavage capitaliste, nous ne supprimerons aucune forme ancienne d’esclavage, de servage, d’oppression car il les soutient toutes...
Il arrive que des dirigeants politiques des bourgeoisies africaines se réclament des liberté-égalité-fraternité de la révolution française de 1789-1793, affirment que leur programme prévoit la suppression de formes ancestrales d’oppression, et déclarent qu’une fois arrivés au pouvoir ils mettront en œuvre des changements radicaux libérant les opprimés. Cela signifie surtout qu’ils comptent sur le pouvoir d’Etat pour éradiquer ces anciennes formes d’oppression alors que la bourgeoisie française de sa période révolutionnaire s’est appuyée sur des masses populaires elles aussi révolutionnaires pour s’attaquer à la féodalité, au servage, aux privilèges de la noblesse, et y compris à l’église catholique. Sans l’aide des masses populaires, la bourgeoisie française n’aurait jamais pu supprimer le féodalisme et battre la noblesse et encore moins changer les bases de la société française. Et ce qui caractérise la bourgeoisie mondiale s’est son incapacité depuis longtemps à prendre réellement la tête de masses populaires armées et organisées sur leurs propres bases, à leur propre initiative. C’est le cas de la bourgeoisie européenne depuis 1848, de la bourgeoisie russe depuis 1905 et de la bourgeoisie mondiale depuis 1914. Cette incapacité ne vient pas du fait que les bourgeois français de 1789 auraient été plus audacieux, moins peureux, plus idéalistes, plus généraux ou universalistes. Non, ils agissaient seulement dans le sens de leurs intérêts de classe dans une période où leur classe était placée par le développement historique à la tête des transformations et des aspirations générales des peuples. C’est le contraire aujourd’hui. La bourgeoisie sait, même si les travailleurs ne le savent pas, que la classe travailleuse est amenée par tout le développement historique à se porter à la tête de tous les opprimés. Elle craint donc les révolutions comme la peste et les hait plus qu’elle ne déteste les freins que pourraient être les restes anciens des vieilles sociétés. Croire qu’une bourgeoisie pourrait à nouveau comme la bourgeoisie française de 1789-1793 s’attaquer à la féodalité et à l’église reviendrait imaginer en Afrique une bourgeoisie sénégalaise voulant supprimer la caste religieuse des Mourides ou une bourgeoisie saoudienne prétendant supprimer la caste religieuse qui vit de son monopole sur la Mecque. C’est parfaitement absurde.
Il n’y a pas et il n’y aura pas de dirigeants bourgeois révolutionnaires, pas plus en Afrique qu’ailleurs.
Avec la variété des régimes politiques, des situations économiques, des Etats, des partis et gouvernements, l’Afrique indépendante a réussi au moins une chose : faire la démonstration que les bourgeoisies africaines sont totalement incapables de débarrasser la société des oppressions du passé. Instables, dépendantes, corrompues, insatiables, ces bourgeoisies dernièrement arrivées sur le marché du capitalisme ont sans cesse recours aux anciennes divisions pour régner.
Autant le capitalisme a eu besoin d’appuyer son exploitation sur toutes les divisions et oppressions du passé, autant la lutte contre toutes ces oppressions nécessite la lutte contre le capitalisme et surtout la lutte pour mettre fin mondialement à ce système.