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Syrie : ce n’est pas une révolte, c’est une révolution !!!

dimanche 12 juin 2011, par Robert Paris

ASSAD DEGAGE !!!

Le bilan de la répression des manifestations anti-gouvernementales depuis mars atteindrait plus de 1.200 morts.

Malgré les arrestations et assassinats par les forces de l’ordre, Deraa, Lattaquié, Homs ou Damas, de nombreuses villes syriennes sont le théâtre, depuis le mois de mars, de manifestations ouvertement hostiles au régime du président Bachar al-Assad. Le gouvernement a beau manier la carotte et le bâton, le mouvement ne faiblit pas.

La répression n’a fait que radicaliser les buts du mouvement. Même les plus modérés des opposants ne parlent plus de conserver ce régime...

Pendant de trop longues années, cette dictature politique, sociale et policière a trouvé comme justification les guerres contre Israël. Aujourd’hui, il est clair qu’Israël craint en fait la chute du régime qui se présentait pourtant comme son plus farouche ennemi, le seul qui n’avait pas signé la paix avec Israël. Ce conflit a permis au régime de maintenir toutes ces années l’état d’urgence... Mais n’oublions pas que, lorsque la Syrie est intervenue au Liban, ce n’était pas seulement pour l’occuper mais pour vaincre la révolution sociale des pauvres libanais et des Palestiniens et sauver l’extrême droite chrétienne pro-israélienne !!! L’occupation militaire syrienne du Liban avait alors le soutien des impérialismes occidentaux et d’Israël.

Rappelons les événements :

De 1972 à 1975, la classe ouvrière libanaise et les couches populaires se radicalisent : aux balles des militaires répondent des grèves générales ouvrières en novembre 1972, décembre 1973, janvier et août 1974. En même temps cette classe ouvrière fait une certaine jonction avec les Palestiniens : le 1er avril 1973, par exemple, un cortège de 250 000 personnes traverse Beyrouth pour l’enterrement de trois leaders palestiniens tués par un commando israélien. Devant la menace d’une alliance entre Palestiniens et Libanais pauvres la bourgeoisie libanaise active ses milices d’extrême droite, les Phalanges. D’abord contre les grèves ouvrières ou les paysans en lutte contre les féodaux, voire les pêcheurs en révolte. L’armée unie aux bandes fascistes ne vient pourtant pas à bout de la radicalisation de la population pauvre unie aux Palestiniens armés. Bien au contraire. Et pas plus l’OLP d’Arafat qui tentant de calmer le jeu déclarait en juin 1975 : « Tout ce qui se passe au Liban est injustifiable. La révolution palestinienne sait que le véritable champ de bataille se trouve en Palestine ». Finalement même Yasser Arafat doit s’allier à George Habache, chef du FPLP, et accepter que la gauche libanaise et la résistance palestinienne (les forces dites palestino-progressiste) lancent une offensive dans le centre de Beyrouth et dans la montagne. L’insurrection est alors en voie de gagner sur toute la ligne et de défaire une armée libanaise alliée aux phalangistes mais divisée. La Syrie à la rescousse des massacreurs

Mais la révolte du Liban menace d’autres pays voisins où des Palestiniens ont aussi trouvé refuge. En premier lieu la Syrie. Et alors que les dirigeants de la gauche libanaise et des Palestiniens accueillent avec satisfaction l’intervention d’un « pays frère arabe », les tanks syriens qui rentrent au Liban se rangent aux côtés de l’extrême droite chrétienne contre le camp « palestino-progressiste ». Pour tous ceux qui croyaient encore, malgré les exemples de l’Egypte ou de la Jordanie, à la solidarité des gouvernements arabes, la chute est d’autant plus dure que la Syrie était, en paroles, particulièrement radicale. Un des « hauts faits d’armes » de l’armée syrienne contre les Palestiniens est le pendant exact de ce qui s’est passé en Jordanie. L’armée syrienne pilonne méthodiquement pendant deux mois le camp de Tall El-Zaatar où les réfugiés refusant de se rendre sont affamés puis massacrés. Armée syrienne et phalanges fascistes chrétiennes collaborent dans cette élimination méthodique de la gauche et des Palestiniens. L’intervention militaire syrienne au Liban en 1976 a été un cinglant démenti, un de plus, à la prétendue solidarité entre les Etats arabes et la cause palestinienne.

Le régime d’Assad essaie encore aujourd’hui de jouer avec le conflit contre Israël pour détourner le peuple de la révolution politique et sociale. C’est peine perdue...

Le dimanche 15 mai, à l’occasion de la commémoration de la Nakba, un grand nombre de Syriens et de Palestiniens résidant en Syrie ont défilé jusqu’à la frontière israélienne dans la ville de Majdel Shams (Syrie) ; une première. Pour beaucoup d’observateurs, il fallait y voir deux choses. D’une part la volonté des dirigeants syriens de détourner l’attention des manifestants pour mettre en lumière un mouvement anti-israélien ; d’autre part un message de Bachar Al-Assad, signifiant à Israël que son régime pouvait décider de ne plus lui accorder son soutien.

On a observé le même phénomène à la frontière libano-israélienne, dans la ville méridionale de Maroun al-Ras. Les affrontements ont fait quinze morts parmi les Palestiniens, ainsi que nombreux blessés. Pour Hussam, militant Syrien originaire de la ville de Homs, cette situation est tristement ironique : le régime d’Al-Assad a autorisé -et même encouragé- cette manifestation, avant de reprocher aux Israéliens d’avoir tiré sur des manifestants pacifiques...ce qu’il fait à l’intérieur de ses frontières. « On a découvert le charnier de Deraa le même jour », remarque-t-il.

En attribuant à des « gangs armés » les violents affrontements de lundi à Jisr al-Choughour et en agitant la menace islamiste, Damas tente de décrédibiliser l’opposition et de justifier une répression de plus en plus féroce.

Le meurtre des manifestants pacifiques suscite néanmoins un sentiment de colère et un désir de vengeance grandissants. Le régime va sans doute tirer parti de cette colère en orchestrant un conflit communautaire, pouvant notamment opposer les sunnites aux wahhabites. Il s’en servira pour justifier le recours à la force contre le peuple syrien, et prétendra « empêcher une guerre civile » en réprimant les actions non-violentes des opposants au régime. Voilà quinze ans qu’il use de cette stratégie au Liban, et il n’hésitera pas à faire de même en Syrie. Il adoptera la même méthode, en imposant au pays de choisir entre la liberté et la sécurité, sans jamais lui permettre d’obtenir les deux.

En suscitant les conflits ethniques, le régime syrien a une double intention, d’une part déformer l’image de la révolution syrienne et d’autre part accentuer l’introversion (replis sur soi), la phobie sociale, et éloigner toute action, interaction ou dialogue avec les composantes de la société en dehors d’une tutelle de l’appareil de sécurité de l’état. Le despotisme exclut toute possibilité de dialogue ou d’action avec autrui, coupant ainsi les liens et isolant les individus les uns des autres.

Le silence imposé par le régime est en outre utilisé comme prétexte pour créer une atmosphère de crainte et d’appréhension, et écarter toute possibilité d’une action collective. Ainsi en isolant les individus les uns des autres et en les cernant dans le cercle de la terreur et du paranoïa, les gens développent une frayeur non seulement vis-à-vis des appareils de l’état mais aussi vis-à-vis du spectre du tiers avec qui on coexiste et on partage la même destinée. Le pouvoir et ses institutions deviennent ainsi indispensable dans une société dépourvue de liens, inhibé et léthargique, tel est le despotisme authentique. En une telle occurrence la révolution est synonyme de recréer le dialogue libre interindividuel et l’action libre collective.

Mais la rue syrienne en est parfaitement consciente ; c’est pourquoi elle emploie une rhétorique et des slogans anti-sectaires. Et s’il n’existe pour l’instant aucun front d’opposition syrien clairement identifiable, les manifestants utilisent néanmoins les mêmes slogans d’un bout à l’autre du pays. « Les jeunes syriens ont su tirer parti des technologies et des techniques modernes pour s’organiser ; cela nous a permis d’adopter les mêmes slogans, et d’entretenir l’espoir de fédérer les mouvements d’opposition », nous explique Aref Dalila, économiste syrien et ancien doyen de la faculté d’économie de l’université de Damas.

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