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Aux sources des philosophies matérialistes

3 octobre 2013, 12:02, par Robert Paris

Certains auteurs considèrent que le matérialisme s’oppose diamétralement à l’idéalisme, et affirment du coup que l’idéalisme ne peut pas faire progresser le matérialisme et inversement. L’affirmation matérialisme devient pour eux une foi définitive sans transformation possible. L’histoire des idées nous montre au contraire un combat permanent changeant sans cesse de forme, d’arguments, de points de vue. Chaque époque renouvelle la forme et le contenu de son combat entre matérialisme et idéalisme, en liaison avec les combats sociaux et politiques de l’époque. Le caractère dialectique de ce combat provient non seulement du fait que les contraires ne suppriment pas définitivement l’un des combattants mais aussi du fait que c’est leur combat qui est la locomotive de l’histoire. Au sein d’un individu, c’est aussi le combat qui est moteur. Cela suppose que chaque individu, même se revendiquant clairement de l’idéalisme ou du matérialisme, prenne conscience que le matérialiste a en lui un idéaliste qui sommeille et inversement… Cette conception n’est pas du relativisme philosophique ni une prétendue ouverture mettant un signe égal entre les différentes philosophies et encore moins un point de vue passif dans le combat philosophique. C’est la reconnaissance de la nécessité du combat entre les contraires pour l’avancée des idées comme pour celle de la société. C’est le point de vue non dialectique de certains matérialistes qui les empêche de comprendre que la philosophie de Hegel ait pu continuer à être déterminante dans la pensée de Marx, même après qu’il ait rompu nettement avec son point de vue idéaliste. Marx est le produit d’une série de contradictions dialectiques, de nombreux combats philosophiques dont les principaux ont été celui de Spinoza, puis de Kant contre Spinoza, de Hegel contre Kant, puis de Feuerbach contre Hegel et enfin de Marx et Engels contre Feuerbach. Dans ces combats, tous n’étaient pas des luttes entre matérialistes et idéalistes et certains contraires ont été plus proches que lointains. Même si, après Marx, nous défendons le matérialisme, nous reconnaissons comme lui que l’idéalisme a souvent été plus dynamique, plus conscient du caractère historique, que le matérialisme. Il est fréquent que des auteurs se disent matérialistes alors qu’ils sont seulement terre à terre, pensant en termes « je ne crois que ce que je vois », ce qui est une forme arriérée du matérialisme car on ne voit pas sans penser… La dialectique suppose au contraire que la pensée et l’être sont profondément imbriqués du moment qu’un cerveau humain les étudie et ce n’est pas en les séparant diamétralement que l’on peut dénouer l’énigme des relations entre être et penser, entre idée et réalité, entre corps et esprit.
Nous marxistes sommes plus éloignés d’une pensée matérialiste non dynamique, qui sépare diamétralement esprit et matière, que de la pensée de Hegel qui les mêle de manière interactive, même s’il donne le rôle premier à l’esprit. Le dualisme, notamment celui de Descartes qui a la côté en France, est bien plus en retard sur l’évolution des idées philosophiques que l’idéalisme de Hegel qui intègre toutes les avancées des sciences. Le simple fait de mettre chacun d’un côté, la science et la philosophie, chacun pratiquant la courbette et l’indifférence profonde l’un vis-à-vis de l’autre, qui est l’attitude dominante de la pensée en France, est en retard de plusieurs combats philosophiques sur la pensée de Hegel et, du coup, sur celle de Marx… C’est la manière dont interagissent équilibre et non-équilibre qui est le plus indispensable à la pensée scientifique sur le monde. Or ce mode de fonctionnement reste inintelligible sans la pensée de Hegel… Cela ne signifie pas que la pensée philosophique doive en rester à Hegel. Elle ne peut d’ailleurs pas puisqu’elle doit évoluer avec les nouvelles connaissances et les nouveaux combats, philosophiques comme sociaux et politiques. Mais la pensée, comme la réalité, a une histoire et elle ne doit pas effacer ses traces et ses cheminements… Marx n’a pas effacé Hegel comme Hegel n’a pas effacé Kant ni Spinoza.
De même, Einstein n’a pas effacé Newton ni Leibniz (et encore moins Poincaré et Lorentz) et la physique quantique n’a pas effacé la physique classique. On les enseigne toujours et ce n’est pas par simple goût des références historiques ni comme enseignement épistémologique. La philosophie selon laquelle « seul le résultat final compte » est une philosophie erronée. Le cheminement est indispensable à connaître, aussi bien pour ce qui concerne la pensée que pour la compréhension de la réalité matérielle. Et le combat continue…

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