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Les anarchistes et la guerre d’Ukraine

vendredi 2 février 2024, par Robert Paris

Encore sur la guerre en Ukraine et la dérive militariste d’une partie du mouvement

Transmis par tridni-valka-francais@lists.riseup.net

tridnivalka@autistici.org

Article de PICCOLI FUOCHI VAGABONDI :

ENCORE SUR LA GUERRE EN UKRAINE ET LA DÉRIVE
MILITARISTE D’UNE PARTIE DU MOUVEMENT [1]

Source en italien :

https://piccolifuochivagabondi.noblogs.org/post/2023/04/17/per-ribadire-le-nostre-idee-ancora-sulla-guerra-ucraina-e-la-deriva-militarista-di-parte-del-movimento/_
[4]

Qui crie : « Vive la guerre ? »

Ceux qui ne font pas la guerre, qui à la guerre n’ont rien à perdre,
qui à la guerre ont tout à gagner.

[Luigi Galleani, Huit articles publiés dans _Cronaca sovversiva_, du 7
novembre 1914 au 2 janvier 1915]

Nous ne faisons pas de distinction entre les guerres acceptables et les
guerres inacceptables. Pour nous, il n’y a qu’une seule sorte de guerre,
la guerre sociale contre le capitalisme et ses défenseurs.

[Réponse au Manifeste des Seize par le groupe des anarchistes
communistes russes de Genève, dans _Put’ k Svobode_, Genève, mai 1917,
pp.10-11]

Le 24 février 2023 a marqué le premier anniversaire de l’« opération
spéciale » du président russe Vladimir Poutine, c’est-à-dire
l’invasion de l’Ukraine, l’invasion la plus brutale d’un pays par un
autre depuis l’invasion de l’Irak par les États-Unis. Un an et plus
après, la guerre fait toujours rage et les milliers de morts ne
semblent pas suffire à étancher la soif de sang.

Une partie du Donbass, zone où le conflit avait déjà commencé en
2014, est sous contrôle russe, et l’armée d’invasion s’est emparée de
certaines villes, bien qu’avec une extrême difficulté. Mais la région
reste le théâtre de batailles et les ruines s’amoncèlent. Plusieurs
villes sont disputées et ont changé plusieurs fois d’administration.
Des quartiers entiers ne sont plus que décombres, les infrastructures
de base, notamment énergétiques, sont hors d’usage. En conséquence,
les habitants des zones les plus touchées par les combats ont été
soit déplacés, soit ont fui, soit souffrent de grandes difficultés,
ne serait-ce que pour se chauffer ou se nourrir.

L’armée russe a également subi de lourdes défaites sur le terrain.
L’armée ukrainienne dispose d’armes fournies par les gouvernements
américain et européens et de forces militaires entraînées et
équipées depuis 2014. Face à ces défaites, le gouvernement russe a
réagi comme à son habitude, par des représailles sous forme de
bombardements avec des missiles hypersoniques sur les principaux centres
de population et la menace de l’utilisation d’armes nucléaires. La
Chine, seul partenaire commercial de la Russie pour l’instant (l’autre
partenaire dans cette guerre, outre le Belarus, est l’Iran, qui fournit
des drones et d’autres armes), a présenté un plan de paix en février1
[5], qu’aucune des deux parties n’a toutefois accepté. Le président
américain Joe Biden, grand allié du gouvernement ukrainien, a
qualifié la proposition de la Chine d’irrecevable2 [6].

Entre-temps, le dirigeant ukrainien, Volodymyr Zelensky, a répété
qu’il souhaitait reconquérir l’ensemble du territoire de l’Ukraine. Non
seulement la partie de la région minière et charbonnière du Donbass
à l’est du pays - les deux « républiques populaires » de Lougansk et
de Donetsk3 [7] autoproclamées indépendantes du gouvernement
pro-occidental, où vivent quelque 3,7 millions de personnes, y compris
une importante communauté russophone, et où des milliers de personnes
détiennent des passeports russes - mais aussi la Crimée, la péninsule
du sud de l’Ukraine qui avait été envahie et annexée par Poutine,
lors d’un soi-disant référendum, après les soulèvements de Maïdan
de 2014 qui ont conduit à l’éviction de Viktor Ianoukovitch.

Rappelons que les deux « républiques populaires », selon les accords
de Minsk signés en 2015 par les sécessionnistes, les gouvernements
ukrainien et russe, étaient censées continuer à faire partie de
l’Ukraine en échange de la reconnaissance de leur statut de régions
autonomes. Mais aucune des parties n’a respecté ces accords et pendant
toutes ces années, de 2014 jusqu’à l’entrée en scène de l’armée
russe, les combats se sont poursuivis. Poutine les a finalement
reconnues comme des nations indépendantes le 22 février 2022, une
décision qui a servi de prétexte à l’intervention armée, deux jours
avant le début de l’invasion militaire proprement dite.

Le scénario qui s’ouvre est donc celui d’un conflit de longue durée,
qui pourrait encore durer toute l’année, aucune des parties en
présence n’étant disposée à faire des concessions et à négocier
les conditions de la paix. Espérons que nous nous trompons et que les
hostilités prendront fin au plus vite, avec le retrait de l’armée
russe. Mais à ce jour, ce n’est pas une éventualité que nous voyons
venir. Au contraire, au fur et à mesure que le temps passe,
l’implication des nations alliées des deux camps dans la guerre devient
de plus en plus évidente, avant tout par la constante fourniture de
nouvelles armes, de technologies de guerre et d’escouades d’instructeurs
triés sur le volet.

Face à ce scénario peu encourageant, nous devons réitérer notre
position. Nous méprisons les hypocrites, les « démocrates »
autoproclamés qui abondent dans les partis italiens, qui se mobilisent
« contre la guerre », avec les slogans « stop aux armes », « 
arrêtez les combats », « stop au conflit », mais qui approuvent et
votent ensuite les résolutions des différents gouvernements visant à
envoyer des armes en Ukraine, avec leur clientèle économique qui se
frotte les mains parce que de nouveaux travailleurs arriveront de ce
pays pour être exploités dans les emplois sous-payés que « les
Italiens ne veulent plus faire ». Nous éprouvons le même mépris pour
ceux qui, face à la lâche agression du gouvernement russe, n’ont pas
honte de se dire antifascistes en organisant des défilés publics
ornés de rubans de Saint-Georges et du Z de Poutine, et où l’on
déchire ses vêtements lorsque meurt un « partisan du Donbass »4 [8],
mais où l’on reste silencieux sur les crimes du bourreau Poutine. Plus
que du dédain, on a donc de la pitié pour ces vieux militants de la
gauche marxiste qui organisent des manifestations larmoyantes,
officiellement pour protester contre la guerre, mais avec une
préférence mal dissimulée pour Poutine contre l’Occident belliciste,
en compagnie de l’agrégat le plus confus possible : du syndicat de
droite FISI et du Front de la dissidence qui « déclare son attachement
à la Patrie (…) rejetant la classification droite-centre-gauche »5
[9], à des mouvements aux noms emblématiques comme _Italia Risorge_,
_Riconquistare l’Italia_, _Ancora Italia_ (parti souverainiste composé
de sénateurs provenant du M5S et de la _Lega_, fondé par le rouge-brun
Diego Fusaro, collaborateur du _Primato nazionale_, organe de
_CasaPound_) jusqu’à des partis discrédités comme le PC du stalinien
Marco Rizzo qui, d’ancien partisan des bombardements de l’OTAN sur
l’ex-Yougoslavie en 19996 [10] a fini par fonder le groupement
électoral _Italia Sovrana e Popolare_, aujourd’hui _Democrazia Sovrana
Popolare_, dans lequel se sont installés des rouges-bruns et des
poutiniens7 [11]. Ces amoureux de la patrie et des fantasmes
conspirationnistes, qui invoquent les dangers de la dictature mais se
solidarisent avec Poutine en tant que « digue contre la dictature
mondialiste et LGBT », nous dégoûtent tout simplement. Enfin, bien
sûr, logiquement plus que dégoûtantes sont les diverses formations
néo-fascistes qui, au cri de « pas d’impérialisme sur le sol
européen », voudraient, en parfaits souverainistes et certainement pas
en anti-impérialistes, simplement que l’impérialisme dominant sur la
planète soit européen, et non russe, américain ou chinois.

Face à la poursuite de la guerre et au théâtre des opposants, la
fraction militariste, déjà perceptible dans certains secteurs
anarchistes d’Europe de l’Est et d’ailleurs, s’est malheureusement
développée. En ce qui concerne les anarchistes ukrainiens, le discours
est très complexe. Il y a en fait une approche différente et
discordante des différents groupes anarchistes d’Ukraine. Certaines de
ces orientations sont, à notre avis, difficiles à comprendre pour la
majorité des anarchistes italiens. D’autres positions sont,
franchement, totalement inacceptables. Par exemple, dans les documents
traduits par le collectif multilingue _Crimethinc_8 [12] et produits par
certains camarades ukrainiens, il est fait état de certains anarchistes
qui ont été entraînés par les néo-nazis du bataillon Azov, d’autres
qui ont fini par abandonner leur militantisme anarchiste pour se
rapprocher des franges nationalistes, ou d’autres encore qui ont
volontairement décidé de s’enrôler dans l’armée régulière
ukrainienne, afin de sécuriser leurs armes, avec l’affichage des
insignes du drapeau bicolore ukrainien sur leur uniforme de camouflage
(et sur les photos qui circulent sans retenue sur les réseaux sociaux).

Encore une fois, ce sont des choses difficiles à digérer et
inconcevables, de notre point de vue d’anarchistes vivant en Italie.
Cependant, nous ne devons pas les considérer comme acquis, dans un pays
en guerre plus ou moins ouverte depuis 2014 et où chaque camp a
exacerbé le discours nationaliste. Un pays où certaines choses
émergent assez clairement : la capacité de l’extrême droite à saisir
la balle au bond lors des manifestations de 2014 qui ont chassé le
président Ianoukovitch, en prenant l’hégémonie des révoltes de rue
et en étant ensuite reconnue comme faisant partie de l’armée
régulière, également par une présence organisationnelle habile,
même si au niveau politique cela ne s’est pas traduit par des
préférences électorales, étant donné que les partis d’extrême
droite ont des pourcentages très faibles aux élections, qui ont
toujours récompensé les partis libéraux pro-européens. D’autre part,
l’incapacité du mouvement anarchiste à mettre en œuvre sa propre
stratégie reconnaissable en Ukraine est évidente, puisqu’il en est
réduit à faire la course avec la droite sur le terrain militariste et
patriotique, craignant sinon de se condamner à l’inexistence et à
l’inefficacité pratique.

Ce qui nous inquiète le plus, c’est que cette dérive militariste
contamine aussi certains anarchistes qui ne sont pas impliqués dans les
territoires en guerre, et qui auraient donc l’occasion de réfléchir
plus calmement et hors du feu de l’émotion. Nous avons, par exemple,
déjà écrit sur notre site à propos de la rédactrice en chef de
_Freedom_, Zosia Brom. Mais cette déviation des idéaux
antimilitaristes traditionnels concerne également l’Italie, où circule
depuis quelque temps un livre, qui a également été présenté dans
des cercles et espaces anarchistes, intitulé « Ici nous sommes en
guerre - Anarchisme, antifascisme et féminisme en Ukraine, Russie et
Biélorussie. Écrits et témoignages », publié en 2022 par _Edizioni
Malamente_9 [13], une émanation du trimestriel libertaire du même nom
né en 2015 dans la région des Marches.

Le livre en question contient un certain nombre de témoignages et
d’analyses de la guerre en cours par des groupes anarchistes - et
d’autres groupes de gauche - dans ces pays. L’éditeur du livre,
_Nerofumo_, en sélectionnant les textes inclus, a toutefois voulu
privilégier ceux qui offrent un certain point de vue, clairement
orienté vers la promotion de la participation armée du côté de
l’État ukrainien, à quelques nuances près. En plus d’ignorer et de
négliger complètement le phénomène des désertions dans les deux
camps, la sélection des contributions incluses dans le livre ne semble
pas avoir pris en compte le choix des groupes anarchistes d’Europe de
l’Est, y compris ukrainiens, qui ont décidé de ne prendre position
pour aucun des belligérants, mais au contraire de soutenir activement
les déserteurs, malgré le fait qu’il existe des discussions et des
communiqués sur le sujet de la part de groupes et de collectifs, et de
fédérations entières telles que la KRAS-AIT de Russie10 [14].

Comme nous l’avons dit, le livre contient plusieurs essais et entretiens
avec des organisations anarchistes et des coordinations de gauche qui
soutiennent l’État ukrainien dans l’effort de guerre, dans certains cas
en rejoignant directement les forces armées ou les unités
territoriales composées de civils soumis au contrôle de l’État, avec
une autonomie militaire et décisionnelle très limitée, voire
inexistante. L’une de ces organisations, _Solidarity Collective_, est
issue d’une scission de l’ancienne _Operation Solidarity_, qui a été
dissoute à la suite de désaccords internes concernant le manque de
clarté sur l’utilisation des fonds donnés par l’étranger.
Aujourd’hui, _Solidarity Collective_ fait des déclarations comme
celle-ci :

« _Dès le début de la guerre, notre tâche principale a été de
fournir aux militants/es anti-autoritaires qui ont rejoint les unités
militaires tout ce dont ils/elles avaient besoin. Grâce aux dons, nous
avons acheté et remis une centaine de gilets pare-balles (4__e__ norme
de protection), des dizaines de casques, des appareils de vision
nocturne, des caméras thermiques, des télémètres, des drones, de la
médecine tactique, des uniformes militaires, des chaussures, des
vêtements et bien plus encore - des équipements spéciaux et
quotidiens. Aujourd’hui, Solidarity Collectives soutient régulièrement
jusqu’à 80 combattants, dont beaucoup sont en première ligne._ »11
[15]

La seule contribution du livre qui se différencie des autres en
proposant un point de vue antimilitariste classique est le « Manifeste
internationaliste contre la guerre et la paix capitaliste en Ukraine »
du collectif _Třídní válka # Class War # Guerre de Classe_ : « _…
nous refusons de prendre parti pour l’un ou l’autre des belligérants
bourgeois, tant « l’agressé » ukrainien « occupé » que « 
l’agresseur » russe « occupant »…_ »12 [16]

Ainsi, si vous voulez lire d’autres prises de positions d’anarchistes
d’Europe de l’Est en faveur de la désertion et donc très différentes
de la ligne du _Solidarity Collective_, vous devez chercher ailleurs. Il
existe, par exemple, une interview du groupe _Assembleia_ de Kharkov,
traduite en plusieurs langues, publiée en italien [et en anglais] dans
_Umanità Nova_13 [17].

Une autre analyse antimilitariste cohérente d’un groupe totalement
ignoré par le livre édité par _Malamente_ est, comme mentionné,
celle de la _Konfederatsiya Revolyutsionnikh Anarkho-Sindikalistov_
(KRAS-AIT)14 [18], qui, soit dit en passant, est la section russe de
l’AIT, l’Association internationale des travailleurs.

Pour l’auteur, même s’il est bien sûr compréhensible qu’il y ait des
gens qui aient voulu d’une manière ou d’une autre participer à la
défense d’un territoire donné dans lequel ils vivaient et bien sûr
sauvegarder la vie des habitants, rejoindre les rangs de l’armée d’un
Etat engagé dans une guerre n’a rien d’anarchiste. Un Etat qui, si ce
n’était déjà clair, n’a aucun caractère révolutionnaire…
c’est-à-dire que l’Ukraine n’est pas la Russie de 1917, ni l’Ukraine de
Makhno, ni l’Espagne de 36… Le seul précédent historique où des
anarchistes se sont alliés à leur gouvernement est précisément celui
de l’Espagne en 1936 lors de la révolution libertaire, notamment en
Catalogne… et on sait exactement comment cela s’est terminé ! La
révolution a échoué parce que la priorité a été donnée à la
traditionnelle guerre d’une armée contre une autre. D’ailleurs, comme
nous l’avons déjà écrit dans d’autres articles, dans le contexte
espagnol, il y avait l’excuse de la préoccupation de la défense de la
révolution en cours contre les fascistes du « généralissime »
Franco. Dans le contexte ukrainien, il n’y a pas de révolution à
défendre, mais un conflit inter-impérialiste auquel le gouvernement
ukrainien prend part non seulement pour lui-même, mais aussi au nom de
ses alliés occidentaux (OTAN, États-Unis, UE), qui ont tout intérêt
à prolonger le conflit contre le bloc représenté par la Russie et ses
alliés et, en perspective, la Chine.

Les Ukrainiens qui se battent pour Poutine et ceux qui se battent pour
Zelensky se massacrent et se font massacrer dans une guerre qui a toutes
les caractéristiques d’un conflit par procuration, même s’ils ne
veulent pas l’admettre. Certes, la force militaire russe reste une
machine de guerre dangereuse, qui voudrait restaurer des sphères
d’influence perdues au détriment des pays voisins, et c’est aussi un
régime insupportable pour ceux qui s’y trouvent. Mais cet aspect,
incontestable, ne peut, à notre avis nous faire abandonner nos
principes et tomber dans les bras du nationalisme ukrainien ou de
l’OTAN. Cela signifierait sinon que nos principes ne valent pas
grand-chose.

Il n’est pas non plus vrai, comme on voudrait souvent le laisser
entendre, que les organisations anarchistes d’Europe de l’Est ont
toutes, sans exception, une position interventionniste dans ce conflit.
Il est vrai que certaines fédérations (par exemple la fédération
anarchiste tchèque) et quelques autres groupes se sont prononcés en
faveur d’un soutien à la soi-disant « résistance ukrainienne ». Mais
il y en a tout autant qui, à l’inverse, ont réitéré à plusieurs
reprises leur internationalisme, leur défaitisme révolutionnaire, la
position selon laquelle ils ne veulent soutenir aucun camp dans la
guerre parce qu’ils sont les ennemis de tous. Nous avons déjà donné
quelques exemples plus haut. Mais c’est le cas, par exemple, du texte
minutieux « Antimilitarisme anarchiste et mythes sur la guerre en
Ukraine »15 [19], publié en tchèque par quelques anarchistes d’Europe
centrale sur le blog de l’Initiative antimilitariste [AMI]16 [20], et
que nous avons à notre tour publié sur notre site dans la version
italienne traduite par le site multilingue _Třídní válka # Class War
# Guerre de C__lasse_, dans lequel sont démolit un par un les trop
nombreux mythes que nous avons lus et entendus et qui ont tenté
d’approuver l’intervention du côté de l’Ukraine et d’attaquer les
positions antimilitaristes.

Il est évident que le sujet est difficile et sensible, et il est
toujours facile, comme nous l’avons répété dans nos écrits
précédents, d’adopter une position claire lorsque l’on se trouve de ce
côté-ci du monde et que la guerre n’est qu’un écho lointain. Il est
assez révélateur qu’en Ukraine, ainsi que dans les pays satellites de
la Russie où siègent les gouvernements fantoches de Poutine, comme le
Kazakhstan et le Belarus, mais aussi en Russie même, tous les membres
des groupes anarchistes, indépendamment de ce qu’ils pensent de la
participation à la guerre, s’accordent à dire que la Russie de Poutine
est bien pire qu’un gouvernement démocratique par ailleurs déplorable.
Il faut dire que là-bas, Poutine et les dictateurs des pays qui lui
sont alliés, ils les connaissent mieux que nous.

Nous avons toujours dit que l’attitude des anarchistes ukrainiens, bien
que nous la considérions comme une erreur stratégique majeure, nous
pouvons la comprendre. Nous ne comprenons toutefois pas la propagande en
faveur de la « résistance ukrainienne » tant vantée, qui, au-delà
de la terminologie romantique faisant référence à la résistance
contre le nazisme, n’est rien d’autre que l’enrôlement dans l’armée de
l’État ukrainien, faite par les anarchistes occidentaux, et parmi eux
par certains représentants italiens.

Quand on entend un anarchiste occidental, ou encore mieux italien, dire
qu’il est commode de juger à partir d’une position comme la nôtre,
parce que nous n’avons pas de missiles et de chars dans notre jardin, on
aimerait un peu d’honnêteté : ceux qui nous critiquent ici en Italie
ne se sont pas armés, et ne sont pas partis sac au dos, se battre en
Ukraine. Si notre position est taxée d’idéologique parce qu’elle se
forme loin des missiles, on peut en dire autant de la position inverse,
par exemple celle de l’éditeur du livre de _Malamente_, qui semble
approuver le massacre des anarchistes pour défendre l’État ukrainien
mais ne va pas directement s’enrôler et se battre sur le front, ce qui
serait au moins cohérent.

La vérité, à notre avis, c’est qu’au contraire, la distance permet
parfois d’être objectif et de regarder les choses sans le poids de
l’urgence et de l’extrême émotivité. Sinon, toute opinion, sur
quelque sujet que ce soit, ne devrait être valable que si elle se
réfère à l’expérience privée de chacun et s’y limiter. Ce faisant,
on finirait par se priver de la capacité d’analyser ce qui se passe
dans le monde et de donner une explication à différents événements
qui, s’ils étaient laissés à eux-mêmes, en tant qu’événements sans
rapport avec le contexte général, ne nous apprendraient pas
grand-chose sur la dynamique d’ensemble. Nous finirions par être
détachés de la totalité des événements et attirés uniquement par
le particulier. Se précipitant ainsi de la tare de l’universalisme à
la partialité d’un relativisme justificatif.

Que Poutine soit un despote meurtrier, qu’il gouverne la Russie par la
terreur, qu’il soit un admirateur de fascistes antisémites comme Ivan
Iline17 [21] ou l’eurasianiste Alexandre Douguine18 [22], qu’il soit un
nostalgique de l’époque des tsars, un adorateur des valeurs de
l’Église orthodoxe, un répresseur des minorités ethniques et des
droits des personnes LGBT, et un financier des mouvements néo-fascistes
et souverainistes à travers l’Europe, nous le savons très bien.

Que la stratégie de Poutine ne soit pas dictée par le seul syndrome
d’encerclement de l’OTAN19 [23], mais par sa volonté de subordonner les
pays de l’ancien bloc soviétique et d’étendre son territoire dans des
zones riches en matières premières à extraire et disposant
d’importants débouchés maritimes, nous le savons aussi. Nous savons
que la propagande russe a utilisé les habitants du Donbass pour
justifier l’invasion, accusant l’Ukraine de « génocide » alors
qu’aujourd’hui c’est l’armée russe qui rase les villes et les villages
de cette même région. Comme nous savons qu’avec l’énorme arsenal
d’ogives nucléaires qu’elle possède, le récit de la Russie
présentée comme la victime prédestinée de l’OTAN est difficilement
défendable.

Nous ne sommes pas de ces étranges « anti-impérialistes » à sens
unique - comme certains personnages appartenant à la gauche nostalgique
du temps de _baffone_ [NdT : « grosse moustache », expression
populaire pour désigner Staline], qui ne s’en prennent qu’à l’OTAN -
qui pensent que la Russie de Poutine n’est pas un État impérialiste.
Car on se souvient bien de l’annexion de la Crimée, du bombardement
d’Alep pour défendre le régime d’Assad (avec à la clé quelque 6 000
civils tués) et de l’ingérence en Libye pour soutenir le général
Haftar. Il conviendrait également de revenir sur l’histoire récente de
la présence des forces militaires russes en Afrique, continent où la
Fédération gagne du terrain pour conquérir des sphères d’influence
et des matières premières en échange d’armes, dans une logique
colonialiste concurrentielle mais tout à fait similaire à celle des
pays occidentaux. Comme on le sait désormais, en Afrique centrale,
comme cela s’était déjà produit en Syrie, en Libye, au Mali20 [24] et
dans le Donbass, et maintenant aussi dans la guerre en Ukraine, la
Russie a opéré par l’intermédiaire de la tristement célèbre brigade
de mercenaires Wagner, dont les fondateurs sont le néonazi Dmitri
Valerievitch Outkine et le riche homme d’affaires Evgueni Viktorovitch
Prigojine. Il est tout simplement risible que Poutine lui-même joue la
carte de la « dénazification » de l’Ukraine, puisqu’il la réalise
avec… des néonazis !

Nous ne doutons pas du caractère prétentieux des justifications
russes. Nous n’acceptons pas l’interprétation poutinienne selon
laquelle l’Ukraine et la Russie sont une seule et même chose, une
nation séparée qui doit être à nouveau unie. Non seulement parce que
c’est faux, parce qu’à l’inverse au sein de la Fédération de Russie
et de l’Ukraine elle-même, il existe différentes souches linguistiques
et différentes minorités ethniques, généralement opprimées, mais
aussi parce que c’est totalement indéfendable d’un point de vue
éthique. C’est comme si l’Autriche envahissait le Tyrol du Sud et le
revendiquait pour elle-même sur la base d’un ethnocentrisme
linguistique, ou comme si le Portugal demandait l’annexion du Brésil.
Il s’agit d’un pur nationalisme ethnocentrique utilisé comme une
brèche par les États de toutes les époques pour entreprendre des
actions militaires. Les anarchistes se moquent des frontières des
États, si une communauté veut s’unir pour un intérêt particulier, ne
serait-ce que l’appartenance à une même souche linguistique (bien que
pour nous il ne devrait y avoir aucune frontière, pas même
linguistique), faites-le en dehors de la logique de l’État, en dehors
des frontières de l’institution étatique.

D’autre part, l’Occident n’est pas moins obscène, exprimant une
russophobie exaspérée qui a visé, et continue de viser, les artistes
et la culture russes. En mars 2022, il est même allé jusqu’à annuler
un cours sur Dostoïevski à la Bicocca de Milan parce que…
Dostoïevski est russe ! Comme si tous les Russes, même les morts,
étaient coupables des atrocités commises par la déchéance humaine
qu’est Vladimir Poutine.

La haine de Poutine - sacro-sainte, inévitable, nous ne nous lasserons
jamais de le répéter - ne peut justifier la dérive militariste de
certaines parties du mouvement [anarchiste], surtout dans des pays comme
l’Italie. C’est précisément parce qu’ici nous pouvons raisonner à
tête froide, sans être aveuglés par la haine partisane ou anéantis
par la peur, que nous devrions pouvoir analyser la situation de manière
plus posée, sans nous laisser aller à des positions émotionnelles qui
ne mènent nulle part, si ce n’est à l’affrontement avec la partie du
mouvement qui est restée constamment sur des positions
antimilitaristes. Traiter les positions antimilitaristes comme
abstraites et non concluantes ne nous rapproche pas d’un pouce de la
réponse à la question que nous devrions poser. À savoir : comment se
fait-il qu’une partie importante du mouvement anarchiste international
ne se soit pas rangée du côté de la soi-disant « résistance
ukrainienne », alors qu’elle déteste Poutine de tout son cœur et
qu’elle condamne sa lâche invasion ? C’est une question qui nécessite
une réponse qui va au-delà des accusations simplistes et parfois
injustes avec lesquelles la partie « militariste » du mouvement blâme
les antimilitaristes pour leur supposée « inertie » idéologique.

Une revendication des partisans du soutien armé à l’Ukraine affirme,
en effet, que puisque la gauche et les anarchistes ont soutenu les
combattants du Rojava, malgré le fait que les Kurdes syriens reçoivent
une aide militaire des Américains, alors ils devraient également
soutenir la « résistance du peuple ukrainien »… c’est-à-dire celle
de l’armée ukrainienne. Par cette affirmation, il est noté, et
explicitement reconnu, que la contribution du mouvement anarchiste au
Rojava armé pendant la guerre civile syrienne a été beaucoup plus
importante, même si les brigades YPG et YPJ ont été armées par des
alliés occidentaux. Pourquoi cette différence ? Selon l’auteur, pour
deux raisons principales, qui sont ensuite les raisons qui donnent une
réponse à la question posée précédemment, à savoir pourquoi une
partie importante du mouvement anarchiste ne s’est pas ouvertement
rangée du côté de la « résistance ukrainienne ». Première raison
 : que les Américains cherchent à faire leur beurre en Syrie pour
déstabiliser le gouvernement du despote Bachar el-Assad, soutenu par
son ami Poutine, était clair, mais les milices kurdes étaient
néanmoins perçues comme ayant une grande autonomie politique par
rapport à ceux qui leur fournissaient des armes. Deuxième raison, la
plus importante : le soutien aux brigades internationalistes du Rojava
s’est accru parce que, dans le nord de la Syrie, les combats et les
livraisons d’armes étaient perçus comme nécessaires pour défendre et
développer une idée et un projet de société libertaire, et non un
État et/ou un régime capitaliste. Au Rojava, même aujourd’hui, avec
toutes les difficultés et les contradictions de l’affaire, les gens ne
vivent pas et ne meurent pas pour l’État syrien, ni pour
l’établissement d’un nouvel État kurde. On ne défend pas un État
contre l’attaque d’un autre État. On vit et on meurt pour montrer
qu’une autre façon de concevoir et de mettre en œuvre l’organisation
sociale est possible, au-delà et en dehors de l’État. Ce sont des
différences non négligeables qu’il faut, selon nous, garder à
l’esprit.

Il convient de le répéter : nous ne sommes pas opposés à l’envoi
d’armes aux brigades de partisans qui opèrent sur le terrain de la
manière la plus indépendante possible. Après tout, c’était aussi le
cas pendant la Résistance italienne. Mais envoyer de l’argent, des
armes, des équipements et peut-être même des combattants à des
groupes qui n’opèrent pas de manière indépendante mais qui sont
encadrés dans l’armée d’un pays en guerre, ce n’est pas la même chose
que de soutenir, directement ou indirectement, des groupes partisans
dont les positions idéologiques, les pratiques et les objectifs peuvent
être partagés, précisément parce qu’ils conservent leur propre
niveau visible d’indépendance.

Tout niveler par le bas en disant qu’il faut toujours être du côté
des attaqués n’est pas un argument sérieux. Ceux qui nous accusent
d’avoir des positions antimilitaristes abstraites à l’égard de la
guerre en cours, parce que nous considérons comme une erreur la
propagande et la mobilisation en faveur des segments du mouvement
anarchiste enrôlés par l’État ukrainien, tombent à leur tour dans un
abstractionnisme idéologique embarrassant, lorsque, à l’appui de leurs
thèses, ils épousent le raisonnement selon lequel nous devrions nous
tenir « aux côtés de l’attaqué contre l’agresseur ». Une telle
platitude est une simplification qui vise essentiellement à ne pas
répondre aux critiques et à se cacher sous une couverture
justificationniste.

N’en faisons pas une question d’équidistance. Entre une armée
d’agresseurs et la population affectée, il n’y a évidemment pas
d’équidistance possible, même hypothétique. En ces termes, il est
clair qu’il faut toujours être du côté de l’agressé. Mais nous ne
prétendons pas que face à une agression, il ne doit pas y avoir de
résistance. Nous croyons au plein droit d’une population à
l’autodéfense, à la fois contre les tyrans internes et contre ceux qui
viennent de l’extérieur. Dans ce cas précis, nous voulons le retrait
inconditionnel des troupes d’invasion russes et la fin de la violence.
Nous ne pensons tout simplement pas que la bonne façon de parvenir à
cette défense, ou à cette résistance, soit de participer à une
guerre dans les rangs de l’armée, en apportant de l’eau au moulin de
l’État et du gouvernement. Laissez-moi vous dire que la rhétorique
avec laquelle ils essaient de présenter la défense militaire de
l’État ukrainien comme une résistance du peuple ne nous plaît pas du
tout. Pour les anarchistes, mener une lutte partisane réellement
indépendante, politiquement et militairement, aurait été bien plus
approprié et légitimant. L’autodéfense armée, c’est précisément se
défendre soi-même. Si la défense est assurée par une armée, il ne
s’agit plus d’autodéfense, mais d’une délégation au pouvoir
étatique. C’est même évident à rappeler. Ainsi, lorsque nous
écrivons : « ni avec l’OTAN, ni avec la Russie » ou « ni avec
Zelensky, ni avec Poutine », il ne s’agit pas pour nous (nous ne
parlons pour personne d’autres) de soulever des questions
d’équidistance entre la population agressée et l’armée agresseuse.
Vouloir présenter la question en ces termes est mesquin et malhonnête.

Une chose que nous avons toujours reconnue, c’est la légitimité de se
défendre en cas de danger. Il est clair que c’est la population civile
qui est en danger, menacée par les troupes de Poutine, souvent de
pauvres conscrits eux-mêmes, dans de nombreux cas enrôlés de force et
jetés au front. Que les anarchistes ukrainiens veuillent défendre les
maisons et les installations civiles essentielles à la vie des
communautés, par exemple les cliniques et les installations médicales,
ne nous semble pas obscène. Certes, dans un contexte de guerre réelle,
les rigidités idéologiques formelles font souvent place aux dures
réalités, les choses ne sont jamais faciles à expliquer, les
contradictions sont toujours présentes. Mais c’est justement parce
qu’il y a des groupes qui ont choisi d’agir différemment que nous nous
sentons plus d’affinités avec ceux qui agissent de manière autonome
pour aider les civils et soutenir les déserteurs des deux camps.

Essayons d’éviter le simple supporterisme, qui nous fait nous ranger -
souvent de loin - d’un côté ou de l’autre, et simplifier les
raisonnements à l’extrême au risque d’oublier qui nous sommes et ce
que nous voulons.

Qui se range du côté de l’agresseur ? Qui, sinon les staliniens et les
tendances eurasianistes du néofascisme, qui avancent des théories
géopolitiques pour accompagner la sympathie pour le système de valeurs
poutinien - homophobie, traditionalisme, autoritarisme - considéré
comme proche du leur ? Personne d’autres.

Tous, en effet, sont en paroles « avec le lésé contre l’agresseur ».
Mais cette belle phrase, rhétorique à souhait, ne fait rien bouger.
D’abord parce que les agressés, en l’occurrence les Ukrainiens, sont
une population qui, comme toutes les autres populations du monde,
subissent intérieurement des divisions sociales dues aux différentes
classes qui la composent. En clair, tout le monde ne subit pas la guerre
de la même manière : ceux qui étaient pauvres avant la guerre le sont
encore plus aujourd’hui, et plus le conflit durera, plus ils le seront.
Si un missile tombe sur un immeuble résidentiel habité par des pauvres
ou sur un bâtiment gouvernemental provoquant un massacre de ministres,
ce n’est pas la même chose pour nous. Pour ceux qui défendent
abstraitement « les attaqués », les pauvres et l’État ukrainien
deviennent la même chose. Deuxièmement, si, faute de définir le terme
« attaqué », on finit par ne pas faire les bonnes distinctions,
pensant défendre un « peuple ukrainien » homogène et indistinct,
consciemment ou inconsciemment, on fait le jeu de l’État et donc du
nationalisme qui vise à mettre en avant ce fameux « intérêt
collectif » qu’en tant qu’anarchistes, nous devrions bien savoir qu’il
ne peut pas exister.

L’intérêt de l’Etat ukrainien est de gagner la guerre ; l’intérêt
des pauvres est de parvenir à la paix le plus rapidement possible, ce
qui signifie la fin du danger immédiat. Au-delà des tentatives des
propagandistes de la guerre, les deux intérêts ne sont pas liés l’un
à l’autre, pas du tout. Si nous voulons voir les choses sous le bon
angle : l’État ukrainien, comme nous l’avons déjà répété, veut
poursuivre le conflit non seulement pour récupérer les régions
occupées à l’est, mais aussi pour récupérer la Crimée, que la
Russie a annexée par la force en 2014. Est-ce une bonne raison pour que
les anarchistes, ou les pauvres recrutés de force dans les rues, se
battent, tuent et meurent ? La souveraineté ukrainienne sur les
territoires perdus ? Vraiment ?

Au contraire, les anarchistes devraient, si ce n’est pas aujourd’hui, du
moins demain, se connecter avec les personnes vivant dans ces régions
et développer des voies organisationnelles communes, indépendamment
des frontières, de la langue et - disons-le en passant -
indépendamment de la guerre actuelle. Comment peut-on penser que les
objectifs et les intérêts de l’État ukrainien sont les mêmes que
ceux du prolétariat ukrainien ? Tout comme les Russes ne sont pas
l’État russe, les Ukrainiens ne sont pas l’État ukrainien. En quoi une
guerre pour la conquête de frontières perdues intéresserait-elle les
anarchistes ? On nous dit, une fois de plus, que ce n’est pas la
reconquête des frontières qui pousse les anarchistes à s’engager mais
le désir de vaincre les « agresseurs » par la seule option qui semble
possible, celle de dresser une armée contre une autre. Comme si
c’était si différent. Comme si l’État ukrainien n’était pas
lui-même hier un agresseur de sa classe la plus pauvre. Certes, mais
les agresseurs extérieurs sont pires, ils représentent la quintessence
de l’agression, et c’est pourquoi il faut les vaincre, les anéantir, ne
leur laisser aucune chance. Nous ne pouvons rien faire, la peur de
tomber sous le joug d’un régime infiniment plus brutal flétrit nos
pensées et toutes les possibilités d’action. D’abord nous gagnons la
guerre et ensuite nous faisons la révolution anarchiste… en
sommes-nous sûrs ?

Les apories, les défections, les oublis engendrés par la guerre sont
nombreux. Ainsi, on oublie généralement, à côté des futilités
idéologiques lancées en l’air, qu’en plus des volontaires qui se
pressent pour s’enrôler, des deux côtés, les forces de l’État
enrôlent de force, arrachant en pleine rue au gré de leurs promenades,
des gens qui serviront de chair à canon contre leur gré. On oublie, ou
on fait semblant d’oublier, qu’en ce qui concerne l’armée russe, il n’y
a pas que les mercenaires sanguinaires de Wagner. Poutine a jeté sur le
front, en première ligne, des gens ordinaires et pas seulement des
soldats professionnels, même des jeunes gens recrutés à la dernière
minute, sans entrainement, issus des minorités ethniques les plus
pauvres. Tuer ces malheureux n’a rien d’héroïque, il faut les inviter
à déserter, leur offrir un véritable point d’appui autre que la
détention dans une prison militaire, construire des réseaux de
solidarité pour aider ces personnes à échapper aux griffes de
l’armée. De tels réseaux semblent heureusement exister, mais la
russophobie et le nationalisme dont font preuve les institutions
ukrainiennes, en mettant tous les Russes dans le même sac que leur
gouvernement, empêchent et entravent une issue satisfaisante. Ne pas
combattre cette attitude est une autre erreur stratégique évidente
pour ceux qui veulent élargir le front internationaliste. La priorité
a été donnée à la guerre, à la participation aux côtés de ces
mêmes institutions, reléguant au second plan la solidarité entre les
individus au-delà des divisions et des frontières existantes. Mais la
guerre est un instrument meurtrier pour créer des ennemis, elle ne peut
pas conduire à une société plus juste et plus libre, encore moins
préfigurer l’anarchie. Même lorsque la guerre sera terminée, elle
laissera en héritage une société militarisée, méfiante et
malfaisante. Une société qui se cherchera certainement encore de
nouveaux ennemis, compte tenu de l’esprit dans lequel elle se trouvera.
Que les anarchistes qui trahissent leurs principes en participant à la
guerre aujourd’hui prennent garde, car ils pourraient se retrouver
demain dans ce rôle inconfortable.

Comment le conflit pourrait-il être résolu ? Certains anarchistes ont
justifié leur décision de soutenir les forces militaires ukrainiennes,
par une aide économique et un soutien militaire, jusqu’à se battre
eux-mêmes, en disant que ce n’est que si l’armée ukrainienne gagne la
guerre qu’il y aura une chance de faire revivre les droits civils et
sociaux. Si la Fédération de Russie gagne, au contraire, selon de
nombreux commentateurs, il y aura une chute dans l’obscurantisme et des
conséquences non seulement pour l’Ukraine, mais aussi pour le reste de
l’Europe, voire du monde.

Nous voyons les choses un peu différemment. Nous ne doutons pas que le
régime de Poutine soit pire que celui de Zelensky à bien des égards,
et il est certain qu’une victoire russe signifierait le renforcement à
la fois en Ukraine et en Russie du despotisme de Poutine. Mais pourquoi,
dans tous les cas, rejoindre l’armée ukrainienne, en soutenant et en
renforçant l’un des deux camps ? Nous n’arrivons pas à comprendre
comment les anarchistes qui défendent cette position pensent obtenir
quoi que ce soit en soutenant leur gouvernement.

Faisons des conjectures. Supposons que l’armée ukrainienne remporte la
guerre, couronnant l’aide apportée par les gouvernements occidentaux
via leur technologie militaire. Supposons également que le gouvernement
ukrainien parvienne à reprendre toutes les régions et à rétablir les
frontières qui existaient avant 2014. Pensons-nous vraiment que cela
n’entraînera pas un renforcement du régime de Zelensky, dans une
optique nationaliste et patriotique ? Qui pourrait critiquer, dans ce
cas, l’homme de la victoire, le David contre Goliath ? C’est déjà le
cas aujourd’hui, comme l’écrivent les anarchistes russes du groupe
_Avtonom.org_ : « La pire chose que Poutine ait faite en Ukraine, c’est
de réconcilier les autorités avec le peuple. De l’objet d’une critique
universelle, le président s’est transformé en Charles de Gaulle
ukrainien. »21 [25]

De plus, comme nous l’avons déjà dit, la victoire ukrainienne
s’accompagnerait de mesures économiques anti-prolétariennes imposées
au pays, que les alliés occidentaux décideront et feront approuver par
le gouvernement en échange de leur aide désintéressée :
reconstruction, travaux publics, octroi de prêts et rachat
d’entreprises. Il ne faut pas oublier que le gouvernement ukrainien,
profitant de la guerre, a déjà promulgué une nouvelle législation
antisyndicale et une loi restreignant les « droits des travailleurs
 »22 [26]. Que se passera-t-il une fois la guerre gagnée et l’Ukraine
accrochée au train de l’UE et des États-Unis, lorsque les alliés
d’hier exigeront la promulgation de lois toujours plus libérales, y
compris dans le domaine du travail ? Ce qui se passera, c’est que nous
aurons la classique législation faites de larmes et de sang en échange
de l’aide reçue pendant le conflit et du travail de reconstruction qui
s’ensuivra. Les anarchistes interventionnistes d’aujourd’hui croient-ils
alors que s’ils se rebellaient demain et protestaient contre ces
mesures, le gouvernement les traiterait avec des gants en guise de
reconnaissance pour les services rendus à la nation sous les armes ? Il
est plus probable que le gouvernement ukrainien utilisera le bataillon
Azov contre le nouvel ennemi, non plus extérieur, mais cette fois
intérieur : ces mêmes anarchistes qui, une fois débarrassés de leurs
uniformes de camouflage et ayant accompli leur tâche de défense de
l’État, ne seront plus qu’une nuisance dont il faudra se débarrasser.

Supposons plutôt que la victoire ukrainienne soit « mutilée »23
[27]. Supposons qu’en plus de la pauvreté endémique, des destructions
d’après-guerre, des perturbations du secteur public et des mesures de
sang et de larmes, comme cela est très probable, l’armée ukrainienne
n’ait pas réussi à reconquérir certaines régions, par exemple le
Donbass ou la Crimée. Le fort ressentiment des nationalistes se
matérialiserait alors, comme il l’a déjà fait dans le cas de
l’Italie, sortie victorieuse de la Première Guerre mondiale mais
frustrée par les Alliés dans sa volonté de faire reconnaître sa
souveraineté sur Fiume [NdT : Rijeka] et la Dalmatie. Le sentiment
d’avoir combattu et d’être mort en vain, en perdant la souveraineté de
certains territoires, combiné à la croissance de l’insatisfaction
sociale, provoquera immanquablement des vagues de protestation, qui
renforceront l’extrême droite. Les anarchistes militaristes qui,
jusqu’à la fin de la guerre, auront suivi le gouvernement, acceptant
sans broncher la discipline et la rigueur, sans chercher à construire
une force capable de rivaliser avec les fascistes et de mener les
protestations futures, quel rôle et quelle crédibilité auront-ils
face aux vagues de colère et de mécontentement fomentées par les
fascistes contre l’autorité de Zelensky ?

Non, les anarchistes auraient dû se mettre immédiatement à la tête
d’un mouvement coordonné de brigades populaires qui, lors de l’invasion
de l’Ukraine par Poutine le 24 février 2022, aurait fait de l’autonomie
absolue par rapport à l’armée officielle une condition de la première
demande d’armement du gouvernement. Un mouvement armé qui ne
renoncerait pas, sous prétexte de discipline de guerre, à la critique
de l’Etat et à ses propres prérogatives révolutionnaires. Demander
des armes, exiger des armes, mais pour défendre le développement de sa
propre projectualité, non pour défendre l’Etat, non pour rétablir ses
frontières. Impossible ? Peut-être, mais au moins, des milices
vraiment populaires, vraiment autonomes par rapport à l’État, où
l’élément anarchiste ait été clairement reconnaissable, auraient
facilement gagné la sympathie et le soutien du mouvement anarchiste
international, qui aurait alors envoyé de l’argent, des armes et des
militants qui auraient afflué sur place. Si tout cela n’a pas eu lieu,
ou n’a eu lieu que partiellement et confusément, c’est uniquement en
raison de l’indiscernabilité entre les objectifs de l’État ukrainien
et ceux des anarchistes qui se sont portés à sa défense. En effet,
quelle stratégie à moyen ou long terme les anarchistes
interventionnistes proposent-ils, si ce n’est l’enrôlement actuel dans
les rangs de l’armée pour repousser les envahisseurs ? Pourquoi cette
stratégie intéresserait-elle les anarchistes d’autres régions du
monde ? En cas de victoire ukrainienne, pourquoi serait-ce les
anarchistes qui en profiteraient, et non le gouvernement de Zelensky qui
a mené et dirigé la campagne militaire en premier lieu, sous l’œil
vigilant des alliés, ou non les fascistes dans le cas de ce que nous
avons supposé plus haut ? A ces questions, à ces doutes, nous ne
trouvons aucune réponse convaincante de la part de ceux qui prétendent
qu’un nouvel âge d’or s’ouvrirait avec la victoire ukrainienne.

Une autre justification avancée par ceux qui soutiennent la partie
ukrainienne, une justification qui, à notre avis, est insuffisante,
consiste à présenter la guerre actuelle comme un conflit entre le
fascisme et la démocratie, en substance une réédition de ce qui a
été dit de la Seconde Guerre mondiale. À notre avis, cependant, on ne
peut pas simplement évoquer la théorie d’un nouvel Hitler -
c’est-à-dire Poutine - pour considérer que la guerre menée contre le
nouveau « mal absolu » est une guerre « juste ». Il s’agit là,
comme d’habitude, de simplifications qui ne nous disent rien sur les
véritables intérêts qui sous-tendent le déclenchement d’un conflit,
lesquels concernent aussi des motivations idéologiques (il y en a
toujours) mais sont beaucoup plus matériellement liés à des questions
économiques et géopolitiques. Il suffit de dire que même les
partisans de Poutine présentent la guerre en termes de bien et de mal,
les parties étant clairement inversées, et que les mêmes hauts
responsables russes affirment que le gouvernement de Kiev est un
gouvernement « nazi ».

Il est vrai, cependant, que ce conflit armé ressemble davantage à la
Première Guerre mondiale qu’à la Seconde. Lors de la Première Guerre
mondiale, qui était certes aussi un conflit inter-impérialiste pour le
partage des colonies, la quasi-totalité de la gauche européenne - à
quelques exceptions près, et l’on se souvient ici des socialistes
italiens - a soutenu les raisons des alliés contre les empires
centraux. Les premiers sont décrits comme porteurs de démocratie (il
s’agit de la France et de l’Angleterre, grands pays colonialistes de
l’époque, alliés à la Russie tsariste), tandis que les seconds sont
qualifiés de barbares et de bêtes (l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et
l’Empire ottoman). Le nazisme n’existait pas encore, sinon on les aurait
appelés nazis. La victoire des « démocraties » et la défaite du
méchant de l’époque - la machine militariste représentée par
l’empire allemand - n’ont cependant pas rétabli la paix, mais un
apaisement forcé qui, en fait, a humilié la nation vaincue,
l’Allemagne, avec des dettes de guerre et de graves pertes de
territoire, et a donné lieu à la croissance exponentielle du
ressentiment nationaliste et du mouvement hitlérien qui conduira plus
tard au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, ce qui nous montre
que l’histoire peut réserver de très mauvaises surprises aux nations
vaincues24 [28].

Cela devrait émousser l’optimisme facile de ceux qui espèrent que la
défaite de la Russie dans la guerre d’Ukraine conduira à l’éclatement
d’une révolution dans ce pays, comme celle qui s’est produite en 1905
après la défaite de l’armée tsariste à la suite de la guerre
russo-japonaise. S’il n’y a pas aujourd’hui de signes d’un mouvement
révolutionnaire au sein de la Fédération de Russie, par exemple pour
imposer un cessez-le-feu et un retrait de la guerre, il est difficile
qu’une révolution se produise du jour au lendemain en cas de défaite.
Évidemment, nous espérons nous tromper, nous aimerions bien voir
Poutine la tête en bas [NdT : référence au traitement réservé à
Mussolini après son exécution]. Mais en cas de défaite de la Russie,
un coup d’État des oligarques est plus envisageable qu’une révolution
sociale.

Dans une guerre, il y a toujours un régime qui est pire ou meilleur
qu’un autre, même s’il est juste un peu pire ou un peu meilleur. Et
alors ? Nous aussi, nous disons avec Errico Malatesta :

« Il ne fait pour moi aucun doute que la pire des démocraties est
toujours préférable à la meilleure des dictatures, ne serait-ce que
d’un point de vue éducatif. Certes, la démocratie - le prétendu
gouvernement du peuple - est un mensonge mais le mensonge ligote
toujours un peu le menteur et limite son bon plaisir. Certes, le « 
peuple souverain » est un souverain de théâtre, un esclave avec une
couronne et un sceptre de carton-pâte ; mais se croire libre, même si
on ne l’est pas, vaut toujours mieux que de se savoir esclave et
d’accepter l’esclavage comme quelque chose de juste et d’inévitable.
La démocratie est un mensonge, c’est une oppression ; c’est une
oligarchie en réalité, c’est-à-dire le gouvernement d’un petit nombre
au profit d’une classe privilégiée. Nous pouvons la combattre, nous,
au nom de la liberté et de l’égalité, mais pas ceux qui l’ont
remplacée ou qui veulent la remplacer par quelque chose de pire. »

Aujourd’hui, cependant, il ne s’agit pas de compter les méfaits de
Poutine, à qui nous souhaitons une mort prochaine et douloureuse, ni de
choisir entre deux maux celui qui est le moins grave. Il s’agit de
savoir si les anarchistes qui soutiennent l’effort de guerre de
l’Ukraine agissent conformément aux idéaux anarchistes ou s’ils
commettent au contraire une bévue. Nous ne parlons pas, bien sûr, du
travail louable de ceux qui font de leur mieux pour apporter aide et
secours, mais, comme nous en avons longuement débattu, du choix de ceux
qui ont décidé de rejoindre les forces de défense territoriale et
l’armée ukrainienne et, de surcroît, de soutenir politiquement ce
choix. Et aussi parce que nous devrions nous rappeler que la phrase de
Malatesta, qui n’est presque jamais citée dans son intégralité, est
la suivante :

« Nous ne sommes pas pour la démocratie, entre autres raisons parce
que, tôt ou tard, elle mène à la guerre et à la dictature ; pas plus
que nous ne sommes pas pour la dictature, entre autre parce que la
dictature fait désirer la démocratie, en provoque le retour et tend
ainsi à perpétuer cette oscillation de la société humaine entre une
franche et brutale tyrannie et une prétendue liberté fausse et
mensongère.
Donc : guerre à la dictature et guerre à la démocratie. »25 [29]

Pour en venir à une autre petite chose qui nous met vraiment en
colère, nous avons trouvé terrible de lire la pétition que certains
« interventionnistes » de gauche ont adressée à l’Union européenne,
choisissant d’aborder la demande de reconnaissance du statut de
réfugié politique pour les déserteurs de l’armée russe et non pour
ceux du gouvernement ukrainien. Nous ne pouvons l’accepter. La bataille
doit être menée pour tous, déserteurs russes et ukrainiens. Demander
le statut de réfugié uniquement pour les premiers et le refuser aux
seconds ressemble à une nouvelle propagande partisane. Nier l’existence
des déserteurs ukrainiens eux-mêmes, afin de corroborer le mythe de la
résistance héroïque du peuple, comme l’ont fait certains promoteurs
d’un anarchisme douteux désormais en route vers d’autres rivages -
allant même jusqu’à écrire que les frontières ukrainiennes n’ont
jamais été fermées et que chacun est libre de quitter le pays,
opérant une véritable mystification de la réalité et oubliant la
conscription forcée et la loi martiale - nous fait même rire face à
une telle effronterie. On a tendance à suggérer que tous les
Ukrainiens sont pour la poursuite de la guerre jusqu’au bout, jusqu’à
la défaite de Poutine, et qu’il n’y a pas de déserteurs. Il y a une
tendance à utiliser cette propagande patriotique indécente même dans
les rangs anarchistes26 [30]. Mais même en supposant, de manière
absurde, que la majorité de la population ukrainienne veuille
s’enrôler et poursuivre la guerre, pourquoi les anarchistes ne
soutiendraient-ils pas les déserteurs ukrainiens ? Même les
anarchistes se conforment désormais à la dictature du nombre, au
régime de la majorité ?

Osons maintenant une petite provocation. Pourquoi les anarchistes
militaristes, ceux qui passent leur temps à soutenir et à envoyer de
l’argent pour acheter des armes aux résistants ukrainiens, n’ont-ils
pas fait preuve de la même solidarité acharnée avec les Afghans
attaqués par les États-Unis à l’époque ? Pourquoi n’ont-ils pas
envoyé de l’argent pour les armer eux aussi ? Pourquoi la résistance
de l’armée ukrainienne serait-elle différente de celle des milices
afghanes ? Franchement, nous ne comprenons pas. Il y a un facteur de
différence dans la résistance ukrainienne, par rapport aux cas
mentionnés, que nous n’arrivons pas à saisir. Est-ce peut-être parce
qu’il y avait de méchants talibans et islamistes là-bas ? Pourtant,
nous oublions rapidement les nazis ukrainiens. La faute nous incombe
peut-être de ne pas entrevoir les mirages de la libération que promet
ce que l’on appelle la « résistance ukrainienne ». S’il ne s’agit que
de la résistance des agressés contre les agresseurs, les milices
afghanes étaient elles aussi dans le vrai.

Et alors ? Il doit donc y avoir d’autres motivations que le simple fait
de se tenir aux côtés des attaqués contre les agresseurs ! Si un
groupe d’antifa matraque une bande de néo-nazis après les avoir
débusqués dans leur trou, devons-nous nous ranger du côté de ces
derniers parce qu’ils sont attaqués ? Il est clair que nous avons
besoin d’analyses beaucoup plus solides, qui ne peuvent ignorer les
raisons d’un affrontement, les acteurs de l’affrontement, leurs
pratiques réelles et leurs objectifs ultimes. Comme il y a toujours
quelqu’un qui commence le premier, il n’est pas très intelligent de se
baser uniquement sur cet aspect pour décider quel camp choisir. Il
existe des situations où la raison est du côté de l’attaquant, comme
dans le cas de l’attaque des fascistes. Il y a au contraire des cas où
ce sont les deux camps qui ont tort, ou du moins qui n’ont pas raison.
Et puis il y a des affrontements qui transcendent la raison, parce
qu’ils impliquent des États, et comme il est dans la nature des États
d’entrer en conflit avec d’autres États pour diverses raisons -
domination territoriale, recherche de nouveaux marchés, questions
économiques, gisements de pétrole, achats et ventes d’armes, etc.
Ainsi, quoi qu’en disent nos amis militaristes-anarchistes, ne se
réclamer ni du gouvernement russe, ni du gouvernement ukrainien, ni du
bloc des pays alliés à Moscou, ni de l’OTAN, n’est pas une manière
habile et idéologique de se donner bonne conscience, mais la seule
option possible pour des individus qui se disent révolutionnaires et
anarchistes. Car nous pouvons convenir que Poutine, dans l’état actuel
des choses, représente une menace réelle bien au-delà du simple
contexte territorial dans lequel le conflit fait rage, mais nous sommes
également conscients que le renforcement de l’État ukrainien et de
l’OTAN n’est ni une bonne idée ni une bonne affaire pour l’avenir.

L’invasion russe a relancé la dynamique militariste des nations, la
course aux armements et les investissements dans l’industrie de guerre,
et a donné un nouveau souffle à l’OTAN après des années de
stagnation où les différents pays se demandaient si un appareil de
défense atlantique lié au passé avait encore un sens. Aujourd’hui,
certains pays envisagent même de réintroduire la conscription
militaire obligatoire.

En plus de produire eux-mêmes des armes, les pays parient sur des
importations étrangères massives27 [31]. C’est ce que révèle le
dernier rapport28 [32] sur les transferts d’armes dans le monde de
l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri) :
les États européens ont augmenté leurs importations d’armes majeures
de 47% au cours d’une période de cinq ans, comprise entre 2018 et 2022.
Les États européens qui sont également membres de l’OTAN ont connu
une augmentation encore plus importante, augmentant leurs importations
d’armes de 65% au cours de la même période.

Au cours des trente dernières années, les États-Unis et la Russie ont
été les deux premiers exportateurs d’armes au monde (la France, la
Chine et l’Allemagne viennent ensuite). Mais alors que la part des
États-Unis dans les exportations mondiales d’armes est passée de 33%
à 40% (c’est-à-dire qu’ils représentent 40% des transactions
mondiales d’armes), la part de la Russie a chuté de 22% à 16%. Il
n’est pas étonnant qu’après l’invasion russe, l’Ukraine soit devenue
le troisième plus grand importateur d’armes au monde, après le Qatar
et l’Inde29 [33], ce qui a en fait presque doublé les importations
d’armes vers l’Europe en 2022. L’invasion russe en Ukraine « a
provoqué une forte augmentation de la demande d’armes en Europe, qui
n’a pas encore montré toute sa force et qui est susceptible de conduire
à d’autres augmentations importantes », a déclaré Pieter Wezeman,
co-auteur du rapport du Sipri. L’Ukraine mise à part, la croissance des
importations européennes atteindra encore +35% en 2022, selon les
données du Sipri.

Les pays visent, chacun à leur manière, à réarmer leurs armées. Il
faut dire que la voie du réarmement est tracée depuis avant le début
de la guerre en Ukraine. L’ambition de dépenser au moins 2% du PIB en
ce sens pour les pays de l’OTAN découle par exemple d’un accord de 2006
des ministres de la défense des pays membres de l’Alliance, qui a
ensuite été confirmé et relancé lors du sommet des chefs d’État et
de gouvernement de 2014 au Pays de Galles, un objectif à atteindre
d’ici 2024.

La Fédération de Russie, pour sa part, a augmenté le nombre de
navires de guerre déployés en mer Noire, en mer d’Azov et en
Méditerranée. À cela s’ajoute le fait que la Russie possède quelque
6 000 ogives nucléaires, dont 1 588 sont déjà déployées et
opérationnelles, selon un rapport publié en février 2022 dans _Iriad
Review. Studi sulla pace e sui conflitti_[Études sur la paix et les
conflits]30 [34].

Tôt ou tard, ces arsenaux, ces instruments de mort huilés au fil des
ans, trouveront leur utilité. Certains pays sont déjà allés jusqu’à
remettre des avions de combat à l’Ukraine. Pour l’instant, il s’agit de
la Slovaquie et de la Pologne, qui ont acheté des Mig-29 de fabrication
soviétique à l’Allemagne et les ont ensuite remis au gouvernement
Zelensky. Leur rôle est de plus en plus décisif. Leur participation à
la guerre est de plus en plus marquée. L’entrée en guerre d’autres
pays est de plus en plus probable.

Alors que des personnes insensées et sans cervelle souhaitent une
participation directe de l’OTAN au conflit, posons-nous la question
suivante : où nous mènera la course aux armements des États ? La
troisième guerre mondiale se prépare. Peut-être que la guerre en
Ukraine n’en sera pas le déclencheur, peut-être que ce sera la
prochaine guerre entre la Chine et les États-Unis pour la domination de
Taïwan. En attendant l’inévitable, les arsenaux - y compris les
arsenaux nucléaires - s’accumulent. Les anarchistes « 
interventionnistes » en sont-ils conscients ?

Il est toujours facile de parler d’attaquants et d’agresseurs. Qui est
le coupable ? Nous pensons comme Ascanio Celestini, qui a écrit dans un
de ses articles : « Est-ce l’OTAN qui élargit ses frontières ? Est-ce
Poutine qui a misé sur sa propre force et tiré les ficelles en pariant
sur la faiblesse américaine et les divisions de l’Europe ? Je pense que
la faute en revient à ceux qui font de la politique avec des armes.
 »31 [35]

Les dépenses militaires, au niveau mondial, ont doublé depuis 2000
pour atteindre près de deux mille milliards de dollars par an. Et si
nous regardons notre pays, nous nous rendons compte, comme nous l’avons
déjà mentionné, que le budget du ministère de la défense pour 2022
avoisine les 26 milliards d’euros, soit une augmentation de 1,35
milliard d’euros. Le précédent gouvernement de Mario Draghi et du
ministre de la Défense Lorenzo Guerini a soumis à l’approbation du
Parlement un nombre sans précédent de programmes de réarmement (pas
moins de 18). Le gouvernement actuel de Giorgia Meloni agit dans la
même veine, par exemple en autorisant à nouveau l’envoi d’armes à
l’Ukraine et en veillant à ce qu’il atteigne bientôt 2% du PIB à
investir dans le secteur de la défense au sein de l’OTAN. Cela
représenterait environ 38 milliards d’euros de dépenses par an. En
outre, au cours des quatre dernières années, l’Italie a dépensé 2,4
milliards d’euros pour des missions militaires liées aux plateformes
minières, aux oléoducs et aux gazoducs d’ENI. Comment peut-on penser
que ces politiques de réarmement, mises en œuvre comme celle de
l’Italie par d’autres pays, indépendamment des alliances auxquelles ils
appartiennent, n’ont pas pour effet de relancer les tensions
internationales entre les différents blocs ?

« À perfectionner constamment le matériel de guerre, à tendre
continûment tous les esprits et toutes les volontés vers la meilleure
organisation de la machine militaire, on ne travaille pas à la paix.
Aussi est-il naïf et puéril, après avoir multiplié les causes et les
occasions de conflits, de chercher à établir les responsabilités à
tel ou tel gouvernement. Il n’y a pas de distinction possible entre les
guerres offensives et les guerres défensives. (…)
La vérité, c’est que la cause des guerres, de celle qui ensanglante
actuellement les plaines de l’Europe, comme de toutes celles qui l’ont
précédée, réside uniquement dans l’existence de l’État, qui est la
forme politique du privilège.
L’État est né de la force militaire ; il s’est développé en se
servant de la force militaire ; et c’est encore sur la force militaire
qu’il doit logiquement s’appuyer pour maintenir sa toute-puissance.
(…)
La propagande et l’action anarchistes doivent s’appliquer avec
persévérance à affaiblir et à désagréger les divers États, à
cultiver l’esprit de révolte et à faire naître le mécontentement
dans les peuples et dans les armées.
À tous les soldats de tous les pays qui ont la foi de combattre pour la
justice et la liberté, nous devons expliquer que leur héroïsme et
leur vaillance ne serviront qu’à perpétuer la haine, la tyrannie et la
misère. »32 [36]

Aujourd’hui, nous en sommes revenus à parler, ce qui est extrêmement
inquiétant, de la menace nucléaire, de la bombe atomique… Nous avons
replongé dans la peur d’une catastrophe imminente, d’un anéantissement
total. Le bloc de l’OTAN et le bloc des pays alliés à la Russie et à
la Chine ont mis en place ces dernières années, bien avant l’invasion
russe, une série impressionnante de scenario et de manœuvres
guerrières y compris nucléaires. Et pendant ce temps, les habitants de
plusieurs États européens - dont l’Italie - se rendent dans les
pharmacies pour s’approvisionner en comprimés de lithium afin de se
prémunir contre le cauchemar d’une explosion nucléaire. Et l’Italie,
faut-il le rappeler, est l’un des États européens qui n’a pas de plan
antinucléaire.

Face à tout cela, il est inquiétant de constater que la solution
proposée par certaines formations de gauche en Europe de l’Est, et
même par certains anarchistes favorables à une union sacrée avec le
gouvernement ukrainien, est le renforcement de l’OTAN ou, à défaut, la
mise en place d’une armée européenne forte, ce « système de
sécurité communautaire » que les partis de droite en Europe de
l’Ouest réclament à cor et à cri33 [37]. Cela peut-il être la
solution pour parvenir à un monde pacifique ? Nous pourrions tout aussi
bien admettre la futilité substantielle de l’internationalisme
prolétarien, de l’hypothèse révolutionnaire elle-même et de l’option
anarchiste.

En soulevant ces questions, on nous accuse d’être des pacifistes
abstraits qui n’apportent aucune proposition. Ce n’est pas le cas. Nous
restons fidèles à notre position internationaliste de défaitisme
révolutionnaire : soutien aux déserteurs sous toutes leurs formes et
de toutes les manières, opposition à l’alliance patriotique entre le
gouvernement et le mouvement anarchiste, utilisation du sabotage de
l’industrie de guerre comme forme de lutte contre la guerre, lutte
contre tous les impérialismes.

Pour notre part, nous n’aimons pas les photos d’anarchistes portant des
uniformes de l’armée et des insignes avec des symboles et des drapeaux
nationaux. Nous ne les aimons pas et nous ne les aimerons jamais. Si
nous devons choisir un camp, nous choisissons d’être aux côtés de
ceux qui aident les civils et non l’État, aux côtés des déserteurs
des deux camps, aux côtés de ceux qui combattent la guerre là où ils
vivent, aux côtés des travailleurs des ports de Grèce et de Gênes
qui ont refusé de charger des bateaux remplis d’armes en route vers
l’Ukraine, aux côtés des antimilitaristes de Tarente qui ont lancés
des pierres sur un bateau de la marine34 [38], avec ceux qui, partout
dans le monde, ont manifesté contre le conflit et ont été dénoncés,
arrêtés, jetés en prison pour cela, avec les camarades russes et
biélorusses qui sabotent les lignes de chemin de fer pour le transport
de l’armée et des armes, avec ceux qui brûlent les centres de
recrutement, avec ceux qui, au lieu de tirer sur l’« ennemi », tirent
sur leur propre commandant. En ce qui concerne l’Ukraine, il serait bon
qu’à la fin de cette guerre - qui, espérons-le, se terminera bientôt
 les anarchistes qui ont rejoint les unités de défense territoriale
ne rendent pas leurs armes au nom de la reconstruction nationale, mais
les gardent bien huilées et prêtes à l’emploi. La construction d’un
mouvement anarchiste fort est la seule barrière contre les politiques
libérales du gouvernement Zelensky et les incursions des milices
néo-fascistes. Mais un mouvement fort parviendra-t-il à émerger là
où il a été pulvérisé dans des diatribes sur les différents modes
d’intervention pendant la guerre ? A la postérité d’en juger.

_Piccoli Fuochi Vagabondi - __Mars__ 2023_

1 [39]
https://www.ilfattoquotidiano.it/2023/02/24/i-12-punti-del-piano-di-pace-cinese-ecco-il-testo-integrale-di-pechino-per-mettere-fine-alla-guerra-in-ucraina/7075917/
[en italien]

2 [40]
https://www.milanofinanza.it/news/ucraina-biden-respinge-il-piano-di-pace-cinese-avvantaggia-solo-putin-202302250833097621
[en italien]

3 [41] Pour la Fédération de Russie, le contrôle de Donetsk est très
important, car il donne accès à la mer d’Azov.

4 [42] Quelques nouvelles, pour élargir les connaissances sur la
situation dans le Donbass. Alexeï Mozgovoï, l’ancien commandant du
bataillon Prizrak (fantôme) dans le Donbass et partisan de la
transformation de la région en « Nouvelle Russie » affiliée à la
Fédération de Russie, qui est mort depuis quelques années maintenant
(tué dans une embuscade en 2015, semble-t-il, par les séparatistes
eux-mêmes dans une lutte pour le pouvoir), est célébré en Italie
comme un héros « communiste » par un certain courant néostalinien.
Cela s’explique par le fait que Mozgovoï s’est déclaré « antinazi
 ». Il convient toutefois de faire une distinction, car dans le monde
russe, certains secteurs qui se disent antifascistes ou antinazis le
font simplement pour honorer la victoire militaire de l’URSS stalinienne
lors de la Seconde Guerre mondiale, la « grande guerre patriotique »
célébrée en Russie le 9 mai de chaque année en tant que fête
nationale. L’expression « Grande guerre patriotique » est utilisée en
Russie et dans certains autres États de l’ex-Union soviétique et
rappelle l’expression déjà utilisée pour rappeler la guerre menée
par l’Empire russe tsariste contre Napoléon Bonaparte en 1812. Ainsi,
se dire antinazi ou antifasciste là-bas signifie souvent (pas toujours)
simplement se déclarer patriotes et nationalistes russes et célébrer
la force de la puissance russe. Cela n’a pas la même valeur qu’en
Italie, avec les inévitables rappels de la guerre civile menée par la
résistance partisane et même avant, pendant les années de prise de
pouvoir par Mussolini. Souvent, certains de ces « antifascistes » sont
aussi des nostalgiques du stalinisme, du tsarisme et de l’impérialisme.
Pour en revenir à Mozgovoï, par exemple, une photo célèbre le montre
posant avec le raciste et nationaliste russe Vladimir Jirinovski, un
fasciste qui est également mort et qui - pour mettre les choses à plat
 à une rue à son nom dans la soi-disant République populaire de
Donetsk, dans le Donbass. La phrase de Mozgovoï sur les femmes « 
seules au pub » avait également suscité l’intérêt, montrant que ses
idéaux en termes d’émancipation des femmes n’étaient certainement pas
progressistes. Voici la phrase, extraite d’une interview au journal
_Novaïa Gazeta_, dans laquelle il menaçait notamment d’arrêter toutes
les femmes qui fréquentaient une taverne ou un bar : « _Toutes ces
jeunes femmes, qui devraient mettre au monde les enfants dont nous avons
besoin pour éviter une crise démographique, faire des __pirojkis__ et
du point de croix, au lieu de cela, elles ne font que détruire leur
propre organisme. Après tout, pourquoi les femmes n’avaient-elles pas
le droit de s’asseoir à table dans le passé ? Parce qu’une femme
était avant tout une mère. Mais quelle sorte de mère pourrait-elle
être si elle détruisait son organisme avec de l’alcool, et même
aujourd’hui avec des drogues ?_ » [Zinaida Burskaja, « Sami
sebegosudarstvo », _Novaïa Gazeta_, 17 novembre 2014]. Ce sont les « 
partisans » du Donbass qui étaient censés être les plus proches des
conceptions « gauchistes »… Nous pouvons imaginer ce que sont les
autres, les fascistes eurasiens ou ceux qui luttent pour les intérêts
des oligarques pro-russes.

5 [43] Voir :
https://www.liberiamolitalia.org/2021/10/06/scopi-e-funzionamento-del-fronte-del-dissenso/
[en italien]

6 [44] Marco Rizzo, en 1999, était alors un dirigeant important du
_Partito dei Comunisti Italiani_, une scission de droite de
_Rifondazione Comunista_. Son parti a soutenu le gouvernement D’Alema
lors des bombardements de l’OTAN sur la Serbie, auxquels l’armée de
l’air italienne a également participé directement.

7 [45] Le professeur Paolo Borgognone résume les deux définitions.
Mais c’est le réseau de l’extrême droite « identitaire » ou
explicitement néo-fasciste qui a joué un rôle décisif dans
l’organisation locale d’_Italia Sovrana e Popolare_, au sein de laquelle
une personnalité bien connue se présentait au Sénat, le célèbre
journaliste Fulvio Grimaldi. Fabio De Maio, chef du cercle _Terra dei
Padri_ à Modène, a soutenu avec enthousiasme le projet de Rizzo. Dans
le bar situé au-dessus de _Terra dei Padri_, des banquets sont
organisés pour recueillir des signatures en faveur du parti. En
Frioul-Vénétie Julienne, le coordinateur régional d’_Italia Sovrana e
Popolare_ est Angelo Lippi, militant d’extrême droite depuis trente ans
 : du _Fronte della Gioventù_ à la _Lega delle Leghe_ de Stefano Delle
Chiaie, en passant par une association qui fait l’apologie de la X Mas.
[NdT : Régiment d’infanterie de marine de la République Sociale
Italienne qui a notamment combattu les partisans dans les régions
slaves revendiquées par l’Italie]

8 [46]
https://it.crimethinc.com/2022/02/15/guerra-e-anarchici-prospettive-antiautoritarie-in-ucraina
[en traduction française :
https://fr.crimethinc.com/2022/02/15/anarchistes-et-guerre-perspectives-anti-autoritaires-en-ukraine]

9 [47] https://edizionimalamente.it/catalogo/qui-siamo-in-guerra/ [en
italien]

10 [48] https://aitrus.info/node/5921 [en traduction française :
https://laffranchi.info/non-a-la-guerre/]

11 [49] https://anarchistnews.org/content/ukraine-solidarity-collectives
[en traduction française :
https://paris-luttes.info/solidarity-collectives-pas-de-16455]

12 [50] Manifeste disponible en français ici :
https://www.autistici.org/tridnivalka/manifeste-internationaliste-contre-la-guerre-et-la-paix-capitaliste-en-ukraine/

13 [51]
https://umanitanova.org/guerra-in-ucraina-e-diserzione-intervista-con-il-gruppo-anarchico-assembly-di-kharkiv-iten/
[en traduction française :
https://monde-libertaire.net/index.php?articlen=6711]

14 [52] L’analyse de la KRAS de Russie est disponible en français :
https://iaata.info/KRAS-AIT-sur-la-guerre-en-Ukraine-5200.html

15 [53] Disponible en français ici :
https://www.autistici.org/tridnivalka/wp-content/uploads/antimilitarismus-fr.pdf

16 [54] https://antimilitarismus.noblogs.org [55]

17 [56] Ivan Iline, théoricien fasciste russe, anticommuniste et
antisémite, admirateur d’Hitler, expulsé d’URSS en 1922 et réfugié
en Allemagne et en Suisse. Très apprécié par Poutine, qui a fait
exhumer son corps en Suisse et l’a fait enterrer en Russie, le
président russe s’est publiquement recueilli sur sa tombe en 2009 et
ses œuvres ont été fréquemment réimprimées au cours de sa
présidence.

18 [57] Conseiller de Poutine, « philosophe » avoué, admirateur de
Mussolini et du nazi belge Jean Thiriart (théoricien de la « nation
européenne » de Dublin à Vladivostok), Alexandre Douguine est
l’idéologue du néo-eurasisme, c’est-à-dire d’une conception qui vise
à restaurer l’impérialisme de la « Grande Russie ». Il est en
contact avec divers groupes de l’extrême droite européenne, tandis
qu’en Italie, où il se rend souvent pour des conférences de zone, il
est en très bons termes avec des groupes de rouge-bruns, des secteurs
de la _Lega_ de Salvini et les néofascistes de _Casa__P__ound_. En
Italie, ses livres ont été publiés par des maisons d’édition
néofascistes. Dans sa version classique, l’eurasisme s’est développé
au sein de l’émigration « blanche » dans les années 1920.

19 [58] La Pologne, la Hongrie et la République tchèque ont
volontairement rejoint l’Alliance atlantique en 1999. En 2004, six
autres États précédemment contrôlés par la Russie (ainsi qu’un
septième appartenant à l’ex-Yougoslavie) ont été intégrés à
l’OTAN, dont trois anciennes républiques soviétiques, à savoir les
trois États baltes, la Lettonie, la Lituanie et l’Estonie. Il convient
de noter la décision de la Suède et de la Finlande, après l’invasion
russe de l’Ukraine le 24 février 2022, de demander à adhérer à
l’OTAN. En résumé, l’initiative de Poutine a eu pour effet de
compacter et d’élargir l’Alliance atlantique.

20 [59] Voir
https://antoniomazzeoblog.blogspot.com/2022/04/la-russia-gioca-alla-guerra-anche-in.html
[en italien]

21 [60]
https://unaepidemiadivita.wordpress.com/2022/05/08/dopo-la-sconfitta-di-putin
Disponible en version anglaise :
https://avtonom.org/en/author_columns/war-and-social-struggle

22 [61] Nous discutons de l’adoption de la loi ukrainienne « Sur
l’organisation des relations de travail sous la loi martiale » du
15.03.2022 № 2136-IX, destinée à protéger les intérêts des
employeurs. La loi prévoit : la simplification de la conclusion des
contrats de travail à durée déterminée et des contrats de travail à
l’essai ; le transfert des salariés sans leur consentement vers un
autre emploi ; le licenciement pendant les congés de maladie, les
congés payés et non payés, sans l’accord des syndicats ; la
possibilité de modifier des conditions de travail importantes sans
préavis ; l’augmentation de la durée maximale de la semaine de travail
à 60 heures, ainsi que l’abolition de la limite des heures
supplémentaires et la suppression des jours fériés ; l’abolition de
l’interdiction pour les femmes enceintes de travailler en équipe de
nuit et pour les mères d’enfants en bas âge de travailler en équipe
de nuit et de faire des heures supplémentaires ; l’exemption de
responsabilité de l’employeur en cas de retard de paiement ; la
suspension unilatérale par l’employeur de certaines dispositions de la
convention collective ; la réduction de la durée du congé annuel
payé de base à 24 jours civils ; le droit de l’employeur de refuser le
congé à l’employé si celui-ci est employé dans des infrastructures
critiques ; la suspension du contrat d’emploi. Voir l’article [en
anglais] :
https://commons.com.ua/en/sho-ne-tak-iz-regulyuvannyam-praci-pid-chas-voyennogo-stanu/

23 [62] [NdT] La « victoire mutilée » (en italien : _vittoria
mutilata_) est une expression de Gabriele D’Annunzio, très connue en
Italie et qui désigne l’issue du traité de Versailles, traité qui nia
à l’Italie ce qui lui avait été garanti pour qu’elle entrât en
guerre, contribuant largement à la victoire de l’Entente sur les
Empires centraux à l’automne 1918. [Wikipedia]

24 [63] À la fin de la Première Guerre mondiale, la fin soudaine de la
République de Weimar, après l’écrasement du soulèvement spartakiste
et de l’éphémère république des conseils de Bavière, a donné lieu
à l’ascension de l’Allemagne hitlérienne. Le soulèvement spartakiste
a commencé par une grève générale, qui a ensuite débouché sur des
affrontements armés, organisée par la Ligue spartakiste à Berlin
entre le 5 et le 12 janvier 1919 contre le nouveau gouvernement de la
République de Weimar, dirigé par le parti social-démocrate (SPD) de
Friedrich Ebert. Il s’inscrit dans le cadre de la révolution de
novembre, qui a éclaté après la défaite de l’Allemagne lors de la
Première Guerre mondiale et l’effondrement de l’Empire allemand. Le 8
janvier, Ebert ordonne à 3 000 soldats des _Freikorps_ (organisations
paramilitaires de droite) d’attaquer les spartakistes. Ces anciens
soldats disposent encore d’armes et d’équipements militaires datant de
la Première Guerre mondiale, ce qui leur donne un avantage
considérable. Les combats font entre 156 et 196 morts parmi les
rebelles et 17 parmi les miliciens des _Freikorps_. Dans les jours qui
suivent, les leaders de l’insurrection spartakiste, Karl Liebknecht et
Rosa Luxemburg, sont arrêtés et tués. En mai 1919, à Munich,
l’armée gouvernementale contre-révolutionnaire, envoyée par le
social-démocrate Gustav Noske, membre du SPD et ministre de la Défense
de la République de Weimar, écrase également dans le sang la « 
République des conseils bavarois », qui n’avait duré que quelques
mois entre 1918 et 1919, avec l’aide décisive de groupes paramilitaires
nationalistes. Le 3 mai 1919, 30 000 hommes des _Freikorps_ marchent de
Garmish à Munich dans un bain de sang. Après des combats acharnés,
les _Freikorps_ ont vaincu les forces ennemies : environ 800 hommes et
femmes ont été arrêtés et massacrés. Parmi les groupes
paramilitaires qui ont aidé le gouvernement social-démocrate à
écraser les soulèvements, auxquels participaient des communistes, des
anarchistes et des syndicalistes, figuraient de nombreux futurs nazis.

25 [64] Errico Malatesta, "Démocratie et anarchisme…" in _Pensiero e
Volontà_, 15 mars 1924 [en traduction française :
https://www.antimythes.fr/individus/malatesta_errico/me_pev_15_03_24_2.pdf]

26 [65] L’initiative antimilitariste Olga Taratuta
(https://nowar.solidarite.online/), qui organise des initiatives de
solidarité avec des réfugiés, des transfuges et des pacifistes en
Ukraine, en Russie et au Belarus, rapporte qu’« _au moins 200 000
personnes fuient la Russie pour échapper à la mobilisation militaire
de Poutine, et des dizaines de milliers d’autres évitent la
mobilisation en Ukraine. Pourtant, certaines voix affirment que « le
nombre de déserteurs est si négligeable qu’__il__ est étrange de
commencer à en parler. » Il faut s’opposer à ces tentatives cyniques
de « rendre invisibles » les personnes qui choisissent de ne pas
servir dans l’armée, de déserter ou d’émigrer pour des raisons
politiques. Leur voix doit être entendue et une aide pratique doit
être apportée._ » Source :
https://antimilitarismus.noblogs.org/post/2022/09/12/appeal-days-of-international-solidarity-with-deserters
[en traduction française :
https://antimilitarismus.noblogs.org/post/2022/09/12/appel-journees-de-solidarite-internationale-avec-les-deserteurs/]

27 [66]
https://www.startmag.it/innovazione/la-guerra-in-ucraina-mette-il-turbo-import-armi-in-europa-report-sipri/
[en italien]

28 [67]
https://sipri.org/media/press-release/2023/surge-arms-imports-europe-while-us-dominance-global-arms-trade-increases
[en traduction française :
https://sipri.org/sites/default/files/2023-03/at_press_release_fre.pdf]

29 [68] Ce sont les Etats-Unis qui exportent le plus d’armes vers
l’Ukraine. Il convient toutefois de noter que, bien que le niveau des
exportations d’armes américaines vers l’Ukraine ait fortement
augmenté, selon le Sipri, en 2022, il restait inférieur aux niveaux
des exportations envoyées par Washington à quatre autres pays : le
Koweït, l’Arabie saoudite, le Qatar et le Japon. En effet, les
livraisons américaines à l’Ukraine concernent des équipements
militaires relativement moins avancés, alors que les quatre autres
États ont reçu de nouvelles armes de pointe, telles que des avions de
combat et des systèmes de défense aérienne. Cela reflète clairement
la volonté de Washington et de ses alliés européens de prolonger le
conflit en envoyant principalement des armements de seconde main.

30 [69] Neuf nations dans le monde possèdent à elles seules plus de 15
000 ogives nucléaires dans leurs arsenaux. Il s’agit des États-Unis,
du Royaume-Uni, de la France, de la Chine, de la Russie, de l’Inde, du
Pakistan, d’Israël et de la Corée du Nord. Mais la Russie et les
États-Unis représentent à eux deux 93% du total.

31 [70] https://comune-info.net/chi-e-il-colpevole/ [en italien]

32 [71] Manifeste de l’Internationale Anarchiste contre la guerre
(Février 1915), en version française :
https://www.panarchy.org/variousauthors/contrelaguerre.html]

33 [72] Voir, par exemple, l’attitude du parti politique polonais de
gauche _Razem_ :
https://unaepidemiadivita.wordpress.com/2022/05/14/cara-sinistra-occidentale-non-ti-viene-chiesto-di-amare-la-nato/
[en italien]

34 [73]
https://www.ilfattoquotidiano.it/2022/03/16/guerra-russia-ucraina-la-nave-della-marina-militare-entra-nel-mar-piccolo-di-taranto-i-pacifisti-la-prendono-a-sassate-e-urlano-assassini-video/6528098/

[en italien]
— 

TŘÍDNÍ VÁLKA # CLASS WAR # GUERRE DE CLASSE
[74]

Links :

[1] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/

[2] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-ancora-sulla-guerra-ucraina-e-la-deriva-militarista-di-parte-del-movimento/

[3] https://piccolifuochivagabondi.noblogs.org/

[4] https://piccolifuochivagabondi.noblogs.org/post/2023/04/17/per-ribadire-le-nostre-idee-ancora-sulla-guerra-ucraina-e-la-deriva-militarista-di-parte-del-movimento/

[5] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote1sym

[6] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote2sym

[7] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote3sym

[8] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote4sym

[9] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote5sym

[10] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote6sym

[11] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote7sym

[12] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote8sym

[13] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote9sym

[14] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote10sym

[15] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote11sym

[16] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote12sym

[17] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote13sym

[18] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote14sym

[19] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote15sym

[20] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote16sym

[21] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote17sym

[22] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote18sym

[23] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote19sym

[24] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote20sym

[25] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote21sym

[26] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote22sym

[27] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote23sym

[28] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote24sym

[29] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote25sym

[30] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote26sym

[31] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote27sym

[32] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote28sym

[33] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote29sym

[34] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote30sym

[35] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote31sym

[36] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote32sym

[37] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote33sym

[38] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote34sym

[39] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote1anc

[40] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote2anc

[41] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote3anc

[42] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote4anc

[43] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote5anc

[44] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote6anc

[45] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote7anc

[46] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote8anc

[47] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote9anc

[48] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote10anc

[49] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote11anc

[50] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote12anc

[51] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote13anc

[52] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote14anc

[53] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote15anc

[54] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote16anc

[55] https://antimilitarismus.noblogs.org/

[56] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote17anc

[57] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote18anc

[58] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote19anc

[59] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote20anc

[60] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote21anc

[61] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote22anc

[62] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote23anc

[63] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote24anc

[64] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote25anc

[65] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote26anc

[66] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote27anc

[67] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote28anc

[68] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote29anc

[69] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote30anc

[70] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote31anc

[71] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote32anc

[72] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote33anc

[73] https://www.autistici.org/tridnivalka/piccoli-fuochi-vagabondi-encore-sur-la-guerre-en-ukraine-et-la-derive-militariste-dune-partie-du-mouvement/#sdfootnote34anc

[74] https://www.autistici.org/tridnivalka/

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